Israel Adam Shamir
(recueil d’articles 2001-2002)
Traduction française par les amis de Shamir
Avant-propos
Les articles rassemblés ici ont été écrits en 2001-2002, dans la vieille
ville portuaire de Jaffa sur la côte orientale de la Méditerranée, pendant la
seconde Intifada, ‘Intifada Al-Aqsa’, mais ils ne se bornent pas à interpréter
les événements de Palestine. La guerre en Terre sainte y est présentée comme la
pièce centrale du combat d’idées à l’échelle mondiale, dans le contexte moderne
décisif que définissent l’influence grandissante des Juifs américains, le
déclin de la gauche, la montée de la globalisation libérale, les premiers pas
du mouvement anti-globalisation, et la troisième guerre mondiale des Etats-Unis
contre le Tiers monde. C’est une tentative hardie pour relier plusieurs fils
conducteurs, dans les domaines politique, théologique, militaire et social, et
pour forger des concepts novateurs, fournissant de nouveaux outils d’analyse et
d’action. Tout en visant la libération de la Palestine, l’auteur espère
contribuer aussi à une libération plus
ambitieuse, celle du discours public.
Ces articles tentent de prouver qu’il existe un lien intrinsèque entre les
deux mouvements de libération. Celle de la Palestine pourra se réaliser par la
victoire de l’éblouissante mosaïque qu’est le monde sur la grisaille de la
globalisation rampante, par la victoire de l’esprit sur Mammon, par la
démocratisation du discours global, par l’élimination de la disparité des
richesses, et par l’unité dialectique de la gauche et de la droite. Mais cela
pourrait se produire d’une autre façon : à partir du moment où la
Palestine deviendra libre, le discours sera libéré dans la foulée, la
globalisation sera battue en brèche, et les revenus seront plus équitablement
répartis. Dans ces articles, la Palestine est perçue comme un modèle réduit du
monde. Des forces sont en jeu qui visent l’élimination de la population
autochtone, la destruction de ses églises et mosquées, la dévastation de sa
nature. Mais il y a également des forces, matérielles et spirituelles,
nouvelles et anciennes, qui s’y opposent, et elles font converger les meilleurs
hommes et femmes vers la bataille pour la Palestine.
C’est aussi une histoire d’amour. Je suis (laissons de côté l’hypothétique
‘auteur’ neutre) profondément amoureux de la Terre promise, de ses maigres
cours d’eau, de ses oliviers et de son peuple, les Palestiniens natifs et
adoptifs. Cette terre est toujours capable de relier l’homme et l’esprit par la
vertu de ses tombeaux antiques et de sa nature unique. La chute de la Terre
sainte créerait un point de non-retour pour l’humanité, signifierait
l’asservissement total de l’homme par les forces de domination. Notre victoire
libérera le monde.
Israel Shamir, Jaffa.
La Palestine n’est pas quelque chose de mort, c’est un pays vivant. Les
Palestiniens en sont l’âme. La Palestine est ce que les Palestiniens sont en
train de recréer en temps réel, de la même façon que la France est ce que les
Français créent et recréent chaque jour. C’est une grave confusion que
d’imaginer qu’on peut aimer la France et détester les Français. Quelle sorte de
France pourrait-il exister sans l’âme française ? Seuls des touristes
bornés en provenance de pays riches, harcelés par les mendiants, préfèrent
rester enfermés dans des hôtels chics d’où ils peuvent admirer le pays sans
rencontrer les autochtones. C’est comme si on aimait une belle dame en haïssant
son âme. Aimer un pays et souhaiter la disparition de ses habitants relève
d’une sentimentalité nécrophile.
Le penseur russe Lev Gumilev considère que la réalité d’un pays consiste en
une symbiose de ses habitants et du paysage. La Palestine et les Palestiniens
sont inséparables, les paysans et leurs oliviers, les sources et les dômes des
tombeaux ancestraux au sommet des collines ont besoin les uns des autres, et
c’est pour se compléter qu’ils se sont rassemblés là.
Les Palestiniens ne sont pas un peuple obscur. Ils ont créé L’Etoile de
Ghassul, rédigé la Bible, édifié les temples de Jérusalem et de Grizim, les
palais de Jéricho et de Samarie, les églises du Saint-Sépulcre et de la
Nativité, les mosquées de Haram al Charif, les ports de Césarée et d’Akka, les
châteaux de Monfort et de Belvoir. Ils ont marché avec Jésus, vaincu Napoléon
et combattu bravement à Karameh. Dans leurs veines s’est mêlé le sang des
guerriers Egéens, de Bene Israël, des héros de David, des premiers apôtres du
Christ et des compagnons du Prophète, des cavaliers arabes, des croisés
normands et des chefs turcs. Leur flamme ne s’est pas éteinte : la poésie
de Mahmoud Darwich, la lucidité d’Edward Saïd, l’huile d’olive parfaite, la ferveur
de ceux qui prient et le formidable courage de l’Intifada le prouvent.
Sans les Palestiniens, la Palestine meurt. L’eau de ses rivières est
empoisonnée, les sources se tarissent, les collines et les vallées sont
défigurées, ses champs sont travaillés par des Chinois importés, et ses enfants
sont emprisonnés dans des ghettos. L’idée d’un Etat juif distinct s’est
effondrée. Au long des dix dernières années, la politique aberrante du
gouvernement israélien a provoqué l’afflux de plus d’un million de Roumains, de
Russes et d’Ukrainiens, de travailleurs thaïlandais et africains. Certains
d’entre eux prétendent avoir des origines juives ; des tribus péruviennes, des
Indiens d’Assam et une vague interminable de réfugiés d’Union soviétique sont
apparus. Maintenant l’Agence juive projette d’importer une tribu lambda
d’Afrique du Sud, afin de renforcer le caractère juif de l’état.
Paradoxalement, ceux qui cultivent encore quelques traditions juives sont
isolés dans l’état juif, comme ce fut le cas pour Yeshayahu Leibovich, ou ont
été emprisonnés comme le Marocain juif rabbi Arie Der’i.
Le rêve de rassembler les Juifs s’est brisé contre le réel. Nous devons en
finir avec nos illusions. Laisser les fils et filles de Palestine rentrer chez
eux et reconstruire Suba et Kakun, Jaffa et Akka. Au lieu de consacrer la Ligne
verte, démolissons-la et vivons ensemble, enfants de Palestine, ou des colons
de la première heure, ou de Marocains et de Russes.
Nous devrions vivre dans un seul pays, et pas seulement à cause de l’échec
patent d’Oslo. C’est l’idée même de partition qui est erronée. Nous pouvons
suivre l’exemple de la Nouvelle Zélande, où les immigrants européens vivent
avec les Maoris natifs, et l’exemple de l’Afrique du Sud de Nelson Mandela, et
celui de la Caraïbe, où les fils des colons espagnols, des esclaves africains
et des indigènes amérindiens ont fusionné pour donner lieu à une splendide race
nouvelle. Déchirons nos déclarations de fausse indépendance pour en écrire une
nouvelle, une déclaration de dépendance et d’amour.
‘L’Etat’ (d'esprit)
14 décembre 2001
I
Les coteaux escarpés du Wadi Keziv, dans l'Ouest de la Galilée, sont
couverts des petits chênes trapus de la région et de buissons épineux. Les
lauriers-roses et les cyprès se mirent dans de petites vasques alimentées par
des sources. J'aime ce canyon coupé de tout. Durant les chaudes journées d'été,
on peut s'y cacher dans des grottes profondes et alambiquées et s'étendre dans
des eaux limpides et fraîches, guettant le daim qui viendra s'y abreuver ou
rêvant à quelque nymphe. On peut profiter d’un jour plus frais pour escalader
l’éperon rocheux qui monte des profondeurs de la gorge. Il s’appelle Qurain,
‘la corne’ en arabe, d’où le nom arabe de la vallée, Wadi Qurain. A cheval sur
‘la corne’, le château de Montfort, datant des Croisades, contemple la
Méditerranée, que l'on devine dans le lointain.
Ce lieu garde de multiples mémoires. Les chevaliers teutoniques, ces
sionistes (avant l'heure) du XIIe siècle, avaient acheté ce fort et
l’avaient nommé Starkenberg, le Mont de la Force. Mais ni le nom, ni le
lieu reculé ne leur permirent de résister. Ils furent défaits par Baibars, ce
parangon arabe de bravoure et de compassion, qui leur laissa la liberté. Ils
eurent la vie sauve et purent regagner Saint-Jean d’Acre avec armes, bagages et
honneur.
C’est sur ce chemin de pierre menant à une source que s'étaient rencontrés,
puis séparés, les personnages adorables d'Arabesques, un roman exquis de
l'écrivain palestinien Antoine Shammas, originaire du village voisin de
Fassuta, sans doute le seul non-juif au monde à écrire ses livres et ses poèmes
en hébreu moderne.
Plus à l'ouest, le petit cours d’eau de Keziv rejoint la mer, après avoir
traversé les ruines d'Ahziv, un village chrétien détruit, par des Juifs, en
1948. Dans ce village, il y a maintenant bien longtemps - c'était dans les
années vingt - une jeune fille palestinienne reçut la visite d'une autre
palestinienne de la région, la Vierge Marie. En d'autres termes, c’est un lieu
typique de cette terre étonnante de Palestine.
De nos jours, on peut explorer l'endroit sans crainte d'être dérangé ; il
n'y a personne. Le village ruiné est désert, tout comme la campagne alentour.
La terre de Palestine est souffrante, comme elle ne l'a jamais été depuis les
nuits noires de 1948. Personne ne s'aventure plus par ici, la vallée est livrée
aux sangliers efflanqués. En descendant le canyon, j'ai vu quelques-uns de ces
animaux gracieux, si différents de leurs cousins domestiqués. Ce n'est qu'une
fois sorti du défilé, déjà sur la plaine de Saint-Jean d'Acre, que j'ai
rencontré une présence humaine. Il s'agissait de quelques paysans thaïlandais -
ou chinois, je ne sais - qui travaillaient dans les cultures d'un kibboutz
voisin. Un kibboutznik entre deux âges, assis à l'ombre, les
surveillait. Je me suis approché pour lui demander un verre d'eau fraîche et
une cigarette.
C'était l'incarnation du brave Israélien, baraqué, tanné par le soleil, le
sourire bienveillant, les moustaches broussailleuses et un langage peu châtié.
Voilà cinquante ans, il (ou plutôt, son prédécesseur), aurait été quelque
combattant des troupes d'assaut juives, le Palmach, il aurait sans doute
conquis les terres agricoles du village d'Ahziv, expulsant ses paysans vers le Liban.
Il y a une trentaine d'année, il aurait travaillé les terres volées de ses
propres mains. Aujourd'hui, il supervise les Thaïlandais qui y triment, suant
sang et eau. Bientôt, me dit-il, il se rendrait à New York, pour aller voir son
fils. Ce sont des Russes, habitants de la ville de Maalot, qui viendraient
surveiller le kibboutz durant son absence. Les Juifs intéressés par
l'agriculture ou même par la surveillance des paysans thaïlandais ne courent
pas les rues, m'a-t-il dit. Le kibboutz espère obtenir un permis de construire,
afin de bâtir un lotissement et de vendre les logements. L'emplacement est bien
situé ; Nahariya et Acre sont toutes proches. Les maisons se vendront bien,
malgré la crise, ajouta-t-il.
Lui serrant la main, je pris congé en souhaitant bonne chance, à lui, aux
Thaïlandais ruisselants de sueur, aux champs verdoyants, aux montagnes du
Liban, plus au nord, qui dissimulent les camps de réfugiés peuplés par les
anciens habitants d'Ahziv, à la chaîne des monts de Galilée et à sa ville
entièrement russe de Maalot, où j’avais passé la nuit.
Maalot est une ville toute neuve pour des
habitants tout neufs, amenés en Israël après l’effondrement de l’Union
soviétique, de Kharkov et Minsk, de Riga et Bukhara. Il n’y a pas beaucoup de
jeunes mais plutôt des babushkas, ces vieilles dames russes. J’ai
demandé la mairie, en hébreu, mais c’était comme si je parlais chinois. Maalot
parle russe, lit des journaux russes, regarde la télévision en russe et mange
des saucisses de porc russes en buvant de la bière russe. Qu’est-ce qui a pu
rendre ces Russes moyens sensibles à la lumière de Sion ?
En Russie, comme aux Etats-Unis, il doit y
avoir au moins vingt millions de personnes ayant le droit de devenir citoyens
israéliens. Vous n’avez pas besoin d’être juif. Il suffit que votre fille d’un
premier mariage se soit mariée au petit-fils adoptif d’un juif. Vous pouvez
alors aller en Israël avec votre nouvelle famille. Les républiques de l’ex-URSS
sont dans une situation extrêmement difficile. Les travailleurs n’ont pas
touché leur salaire depuis des mois, de nombreuses familles envoient leurs
parents âgés en Israël, où ils obtiennent quelques milliers de dollars en
arrivant, une petite retraite, et un logement social, s’ils ont de la chance.
La majorité des arrivants n’ont connu en
Russie ni le judaïsme, ni la culture juive, et ne s’y intéressent pas le moins
du monde. Leur carte d’identité israélienne porte la mention ‘origine ethnique
et religion incertaines’. Ils ne sont pas considérés comme de ‘vrais Juifs’ et
leurs défunts sont enterrés au-delà de la ‘barrière’, dans une parcelle
spéciale pour les gens ‘d’origine douteuse’. Après l’épouvantable explosion de
la discothèque Dolfi, le problème est apparu au grand jour : les
fossoyeurs religieux refusaient d’enterrer les dépouilles des jeunes filles
russes dans un cimetière juif, alors que le gouvernement israélien bombardait
les Palestiniens pour ‘venger le sang juif’.
Dans l’atmosphère bénie de la Terre sainte,
nombreux sont les Russes qui cherchent un renouveau spirituel et religieux. Le
judaïsme n’en attire qu’un nombre limité, tandis que les autres se tournent
vers l’Eglise. C’est une démarche risquée : selon la loi israélienne, ils
peuvent être expulsés, en raison de leur foi chrétienne. Ils se rassemblent et
prient à l’abri des regards indiscrets, mais les jours de fête, ils se pressent
au Saint-Sépulcre de Jérusalem et à l’Eglise de la Nativité de Bethléem, à
Saint-Georges de Lydda et Saint-Pierre de Jaffa.
En 1991, alors que l’avenir de la Russie
était extrêmement incertain, Israël a reçu énormément de sang jeune et frais de
ce pays. Les partisans d’Israël dans les médias américains se lancèrent dans
une double campagne. Ils ont averti du risque de pogroms en Russie et ils
répandaient l’idée d’une vie belle et facile pour les immigrants aux USA. Des
numéros entiers de Newsweek et du Time se sont focalisés sur le
groupe néo-nazi Pamyat et l’antisémitisme rampant. A cette époque j’étais
correspondant à Moscou pour Haaretz et j’ai interviewé les leaders du
Pamyat pour ce journal. J’ai pu me rendre compte que cette sinistre
organisation comptait à peu près autant de membres que la Société de la Terre
Plate. Néanmoins, un cinéaste russe et juif, d’ailleurs fort sympathique, est
venu avec sa femme, à notre maison de campagne, pour demander protection en cas
de pogrom. J’ai essayé de les rassurer, mais je ne pouvais pas vaincre seul la
puissante machine médiatique. Dix ans plus tard, j’ai rencontré une dame,
juive, russe et écrivain à Jérusalem, qui m’a dit avoir été l’instigatrice des
rumeurs de pogrom.
"Vous, les Israéliens, devriez ériger un
monument en mon honneur," dit-elle.
"Certainement", dis-je, "Pour
quoi, au juste ?"
"Je vous ai amené un million de
Russes : j’ai annoncé à la radio moscovite l’imminence d’un pogrom."
Je n’ai pas eu le cœur de la détromper ; ses
annonces n’auraient eu aucun effet si les amis américains d’Israël ne les
avaient amplifiées. Quoi qu’il en soit, les Russes à la fois effrayés et
séduits, se sont précipités à l’ambassade américaine, et à ce moment là, Israël
a demandé aux USA d’arrêter l’émission de visas pour les Russes. Les portes des
Etats-Unis s’étant refermées, tous ces gens sur le départ ont été obligés
d’aller en Israël.
Ils ont vécu des temps difficiles, car les élites
leur ont appliqué une méthode israélienne unique, de ce que l’on pourrait
nommer un ‘dé-développement’, déjà expérimenté sur les Juifs orientaux et les
Palestiniens. Les médias israéliens les décrivaient comme une bande de
criminels et de prostituées ; on leur faisait signer des contrats en
hébreu qu’ils ne comprenaient pas ; leurs docteurs et leurs ingénieurs
balayaient les rues ou cueillaient les oranges. Le taux de divorce dans cette
communauté est monté en flèche. Leurs enfants étaient attirés par la drogue. En
1991, Israël a cessé d’embaucher les Palestiniens des Territoires Occupés et
les élites de l’ancienne Union soviétique étaient supposées les remplacer dans
les emplois subalternes et mal payés. Mais en vertu de leur nombre, les Russes
ont pu créer leur propre Etat dans l’Etat, avec leurs propres médias, leurs
commerces et une couverture sociale. Les Russes ont survécu et ont compris les
règles du jeu. Les plus malins sont retournés à Moscou, les aventuriers sont
partis aux USA, et les pacifiques au Canada. Depuis lors, Israël accueille
surtout des personnes âgées, des mères célibataires et les chômeurs sans
espoir.
Les Russes constituent une communauté belle
et travailleuse mais également confuse. Ils ont du mal à comprendre où ils ont
atterri, et ils tentent sans cesse de comparer leur situation avec celle qu’ils
avaient à Bakou ou à Tachkent. La lecture des journaux russes montre leur
désarroi. Un article demande que l’on castre les Palestiniens afin de résoudre
la crise démographique. Un autre accuse de tous les maux les Juifs religieux,
les décrivant comme des ‘parasites suceurs de sang’. Un troisième rend les
Juifs orientaux responsables de leur propre échec social. On leur inculque une
version brève de la foi juive moderne, et son commandement unique : ‘les
Arabes tu haïras’.
Maintenant, le Premier ministre Ariel Sharon
compte importer, de nouveau, un million de ‘Juifs russes’. C’est
possible : si les Juifs américains amis d’Israël exercent une pression
suffisante sur l’Ukraine, dix millions d’Ukrainiens peuvent subitement
retrouver leurs ‘racines juives’.
Il existe des douzaines de villes dortoirs
comme Maalot, apparemment produites par clonage ; pourquoi sinon seraient-elles
si semblables, ou plutôt, identiques ? Maalot est construite sur un site
agréable, à courte distance du Wadi Keziv, mais les habitants n’en ont jamais
entendu parler. Même leurs enfants, après dix ans passés à Maalot, ne
s’aventurent pas dans la campagne environnante. Ils passent leur temps autour
du pub, dans le centre, en rêvant d’un pub bien meilleur, à Haïfa.
Mais ça, c’était hier. Aujourd’hui, j’ai fait
du stop jusqu’à Nahariya, et de là j’ai pris le train pour rentrer chez moi à
Jaffa.
Dans le train, il y avait quelques Africains, sans doute des immigrés
clandestins à en juger par leurs regards fuyants. Des maçons roumains, toute
une équipe, s'envoyaient de la bière et rotaient bruyamment. Ils ont été
importés de leur patrie est-européenne appauvrie pour venir construire les
demeures des immigrants, car, en Israël comme en Californie, les juifs ne
veulent pas travailler dans le bâtiment.
Un avocat juif israélien, revêtu de sa toge noire, fourrageait dans la
paperasse de son attaché-case entrouvert. Un groupe de Marocains parlait de la
fermeture de l'aciérie de Saint-Jean d'Acre et de leurs très maigres chances de
retrouver du boulot. La crise s'aggrave, dit l'un d'entre eux, c'est comme en
1966, sinon pire.
Un soldat israélien, blond et armé, parlait ukrainien, avec force 'h'
fricatifs, à sa copine corpulente. Il célébrait ses propres exploits guerriers
face à une multitude de terroristes arabes, sous le regard éperdu d'admiration
de sa Dulcinée.
Je me revoyais à son âge, jeune parachutiste, fier de mes bottes rouges et
de mon pistolet mitrailleur Uzi. Le train venait justement de passer à
proximité de mon camp d’entraînement de l’époque, niché entre les montagnes de
Marj Sannur. C’était le début du printemps, quand les hautes terres de
Palestine ont cette beauté de tout le pourtour méditerranéen. Parfois je
retrouve leurs traits charmants dans les collines nues autour des Baux de
Provence, ou dans les pentes plantées d’oliviers, qui descendent de Delphes
vers la mer, comme on croit voir sa bien aimée dans une foule inconnue. Une
brume épaisse et blanche comme neige recouvre la vallée de Sannur, au petit
matin, faisant de chaque jour un Noël enneigé. Quand la brume disparaît,
l’herbe verte brille sous les amandiers en fleurs qui s’éveillent. Le vent
froid de février les dépouille de leurs pétales rose pâle qui volettent
alentour comme des flocons de neige et retombent sur le sol caillouteux.
De l’autre côté de la clôture du camp militaire, j’avais vu un paysan qui
bêchait son champ d’oliviers. Il aurait pu être mon père, un homme fort et bronzé,
large d’épaules, et portant un chapeau blanc. Je baissai mon fusil et le
saluai. Il me salua en retour et posa son outil. Nous nous étions assis, chacun
de son côté de la clôture, je sortis mes cigarettes et il en prit une
délicatement de ses mains calleuses. Nous parlions d’huile d’olive et de thym,
les principaux produits régionaux, du tombeau sacré du Cheikh Ali au sommet de
la colline et d’une source d’eau claire dans la vallée. A ma première
permission, je me suis habillé en civil et suis allé à son village. On m’a
offert une tasse de café turc, très fort, où flottait une graine de cardamome.
Des voisins sont venus saluer le visiteur étranger, et nous avons commencé une
de ces interminables conversations orientales, où l’on demande à chacun s’il est
content, de sa vie, des enfants, du travail. Apparemment, ils ne se plaignaient
pas de leur vie de paysans, dure mais pleine de satisfactions. Pour eux, les
Israéliens ne représentaient qu’un nouvel arrivage d’étrangers, venant après
les Jordaniens, les Britanniques, les Turcs, les Croisés et les Romains. Ils ne
nourrissaient aucune haine, mais plutôt une vague curiosité pour l’étranger,
rien de plus normal. L’épouse de mon hôte a servi de l’huile d’olive aux
reflets verts, du thym très parfumé et du pain tout frais sorti du four du
village, le repas palestinien typique.
Nous avons marché jusqu’au puits tout proche. Une eau pure se déversait
dans une vasque en pierre, construite il y a plusieurs siècles, et portant tous
les signes de la sollicitude orientale. Au-delà de la vasque, un petit tunnel
de 100 mètres de long avait été creusé dans la paroi de la falaise, par les
ancêtres de mon hôte. Les sources palestiniennes ont besoin d’un entretien
constant, elles s’envasent facilement si l’on ne veille pas en permanence à
leur propreté. C’était le travail de son fils Elias, de prendre soin de la
source, “mais il est dans une prison israélienne”, m’a-t-il dit d’un air
détaché. Elias avait amené à la maison un journal communiste, quelqu’un l’a
dénoncé aux autorités, qui lui ont proposé le choix suivant, l’exil ou la
prison. Les Palestiniens peuvent être emprisonnés sans jugement, cela s’appelle
‘détention administrative’. Officiellement, cette détention est limitée à six
mois, mais les militaires peuvent la prolonger à volonté. Plutôt que l’exil,
Elias avait préféré la prison dans son pays.
L’envie est un sentiment misérable, mais je l’enviais, cet enfant de
Sannur. J’enviais sa place dans ce paysage serein et la dévotion qu’il lui
vouait. Pourquoi n’étais-je pas né dans cette maison, près de la source
fraîche, à côté des vignobles, sur ces pentes où broutent les chèvres ?
Pourquoi m’étais-je retrouvé enfermé dans le ghetto urbain, ‘réservé aux
Juifs’ ? J’ai le droit de vivre dans un tel village en Grèce ou en Provence,
mais pas en Palestine. Ce n’est pas à cause du manque d’hospitalité des
Palestiniens. Ils ne verraient rien à redire si j’achetais ou louais une maison
dans le village. Mais l’Etat juif ne m’autoriserait pas, ni aucun autre Juif, à
résider dans un village palestinien. Un Juif ne peut vivre que dans une colonie
‘réservée aux Juifs’, modèle de ségrégation, où les Palestiniens ne peuvent
entrer que comme domestiques. Au dehors, un Juif doit être armé. Un touriste
étranger peut se balader librement dans les zones palestiniennes, mais l’état
juif emprisonne un Israélien juif qui s’y trouve, à moins, évidemment, qu’il
n’y participe à quelque intrusion armée.
La boucle de l’Histoire est bouclée. En enfermant les Palestiniens à
l’extérieur, nous nous sommes enfermés à l’intérieur. L’idée même de
l’émancipation juive était de sortir du ghetto et maintenant, nous nous sommes
replacés de force dans le ghetto. Nous ne méritons vraiment pas cela. Nous,
Israéliens, sommes moins juifs que n’importe lequel d’entre vous. Nous avons
été nombreux à demander que figure ‘Israélien’ ou ‘Hébreux’, sur la carte
d’identité que nous devons porter en permanence. Mais la Cour Suprême l’a
interdit. Nous devons avoir ‘Ethnie : juive’ imprimé sur nos papiers.
Notre destin nous a été imposé comme l’a été celui du jeune Frankenstein de
Mel Brooks. Dans ce pastiche de film d’horreur, le docteur Frederick
Frankenstein (Gene Wilder), un professeur américain, descendant du créateur du
monstre, hérite du château de son aïeul, dans cette Transylvanie hantée par les
loups-garous. C’est un Américain moderne et rationnel, mais les autochtones
attendent de lui qu’il perpétue les fâcheuses traditions de l’infâme
Frankenstein. Il tente de lutter contre son destin, il insiste pour qu’on prononce
son nom à l’américaine, ‘Fronk-en-steen’, mais les fidèles serviteurs de la
famille s’entêtent à l’appeler ‘Frank-en-schtain’.
Sans le vouloir, le brillant cinéaste a créé la fable du nouvel Etat juif.
Les fondateurs voulaient recommencer leur vie à zéro, devenir ‘Israéliens’, une
nouvelle tribu parmi celles de Palestine. Ils ont abandonné leur nom juif, le
langage juif, les synagogues et le Talmud. Ils ont appris à travailler la terre
et à manier le fusil. Ils ont été rejoints par nombre de gens qui n’avaient
jamais mis les pieds dans une synagogue. Mais le destin des Juifs leur est
retombé dessus, et les a renvoyés dans le ghetto.
Alors nous avons commencé à nous comporter selon le destin juif. Nous
traitons les non-juifs comme des animaux, assassinons leurs dirigeants, tuons
leurs enfants par centaines, supprimons leur liberté de circulation, leur
liberté de culte et leur droit au travail. Nous confisquons leurs terres,
tirons sur les églises et assiégeons les mosquées. Nous blanchissons l’argent volé
par des escrocs du Pérou ou de France, nous exportons des instruments de
torture vers les dictatures d’Amérique du Sud, nous offrons un refuge aux
parrains de la Mafia de Miami, nous vidons les coffres américains, allemands,
suisses et polonais. Nous avons le plus fort taux d’intérêt, quatre fois celui
des Etats-Unis, et le plus grand écart social parmi les pays développés. En
bref, nous accomplissons tout ce qu’attend de nous un antisémite. Nous avons
même élu, comme Premier ministre, un tueur de Goys professionnel.
Le train roulait maintenant dans l'agglomération de Nathania, et je pensais
aux centaines de milliers, peut-être même aux millions d'Américains, de
sionistes juifs et chrétiens, faisant du lobbying, priant, collectant des
fonds... Non, non... pas pour l'Etat juif, construit sur les ruines de la
Palestine. Ce serait déjà horrible ; mais la réalité est pire. Je pensais
aux millions de Palestiniens, en train de croupir dans les camps de réfugiés et
dans les geôles, dépossédés, expulsés - non par le monstre de l'occupation
odieuse et du rapt des terres, non ; par quelque chose de pire : par
un fantôme.
L'Etat juif est un Etat virtuel qui perd rapidement le lien ténu qui le
relie à la réalité. Cet Etat-fantôme tue les gens tout en collectant des fonds
en Amérique ; il poursuit une sorte d'existence scélérate, comme
l'illustre l'expression juridique "propriété du défunt". Ses champs
sont entretenus par des travailleurs-hôtes importés, gardés par des Russes et
des Ethiopiens, importés eux aussi, et font l'objet de conférences en amphi par
des professeurs israéliens, enseignant (à temps plein et à vie) dans les
universités américaines et de braves généraux, toujours à l’affût d’un brusque
revirement des fabriquants d’armes américains. Le chômage augmente de jour en
jour, les services publics sont en grève quasi-permanente ; le tourisme
s'est effondré, les hôtels sont fermés et d'autres branches de l'économie
nationale sont au bord de la faillite. Les Israéliens achètent des appartements
en Floride et à Prague, tandis que les logements, en Israël, ne trouvent pas
preneur. L'acharnement de Sharon à punir les Palestiniens, ressemble à celui de
quelqu'un qui martyrise sa propre main gauche : les Palestiniens et les
Israéliens sont mêlés et intégrés les uns aux autres, leur séparation tue
l'économie des uns et des autres.
Vu de loin, des Etats-Unis, Israël semble un géant : puissance
nucléaire, grand ami des Américains, l'Etat juif est un motif de fierté, pour
certains Juifs américains. Un visiteur peut quitter nos côtes avec le
sentiment, fort, que nous avons une identité marquée et que nous sommes
prospères. Mais nous, qui y résidons en permanence, sommes les seuls à savoir
qu'Israël n'est qu'un décor de carton-pâte. Israël est en train de s'écrouler,
ses forces vives émigrent, en désespoir de cause, tandis que les généraux
parachèvent la destruction du pays. C'est un sort cruel qui s'abat sur les
Palestiniens : Israël, l'Etat-fantôme qui les assassine, est un corps sans
âme, titubant comme un zombie, qui hante les couloirs du Congrès américain et
les déserts du Proche-Orient.
Et c'est pour ce spectre que de gros bonnets juifs américains pressurent
leurs employés et leurs concitoyens comme des citrons, afin d'en extraire
jusqu'au dernier centime, exigeant des coupes dans les pensions allouées aux
personnes âgées et dans les allocations familiales, des restrictions aux
budgets de la santé et de l'éducation, l'assèchement de l'aide internationale à
l'Afrique et à l'Amérique du Sud, la mise sur pied de coalitions improbables
avec des racistes aussi notoires que Pat Robertson et Jerry Falwell, la
vitrification de l'Irak, bénissant le bombardement de réfugiés afghans, faisant
tout afin de maintenir les Afro-américains dans leurs ghettos, minant la
société qui les a accueillis, se créant des ennemis, à eux-mêmes et, plus
largement, à l'Amérique. Ces agissements sont on ne peut plus avilissants.
Certes. Mais, de plus, ils sont vains.
L'expérience sioniste est pratiquement terminée. Israël peut encore être
maintenu en survie artificielle, cas d'acharnement thérapeutique évoquant celui
qu'on exerce parfois sur un 'légume humain' en état de mort cérébrale. Il peut,
certes, encore tuer des tas de gens, voire même déclencher une guerre mondiale.
Mais, pour lui, désormais, tout retour à la vie est impossible.
L'Etat juif d'Israël est un état d'esprit ; il n'est que la projection
de la mentalité juive américaine. Les préoccupations et les problèmes qui
l'agitent sont les problèmes des Juifs américains. Pour nous, ‘Juifs’
israéliens, il n'est nul besoin de ségrégation, de guerre, de soumission des
habitants d'origine. Nous ne mangeons pas de bagels, nous ne parlons pas
yiddish, nous ne lisons ni Saul Bellow ni Sholom Aleichem et, pour nous, les
synagogues "valent le détour". Nous préférons la cuisine arabe et la
musique grecque. Dans mon quartier, il y a sept boucheries vendant de la viande
de porc contre une boucherie kasher. Quarante pour cent des couples, à Tel
Aviv, se forment hors cadre juif : les jeunes Israéliens préfèrent aller
se marier à Chypre, ne serait-ce que pour éviter d'avoir affaire à un rabbin.
Tel Aviv est la capitale homosexuelle du Proche-Orient, en dépit du fait qu'en
vertu de la loi juive, les homosexuels devraient être occis. Parfois j’aimerais
que nos grands amis, les juifs américains, nous abandonnent, dégoûtés, en nous
jetant un dernier regard méprisant. Il s’agit d’une lamentable erreur
d’identité. Nous ne sommes pas ceux qu’ils croient. Nous avons besoin de leur
protection contre les Gentils à peu près autant que les poissons ont besoin de
bottes imperméables.
J’arrive chez moi à Jaffa la maritime, une ville délabrée où tombent en
ruines les hôtels particuliers roses construits par la noblesse arabe et les
négociants. Mes voisins sont sortis : l’imam est allé à sa petite mosquée, la
famille marocaine d’à côté s’affaire dans le garage pour réparer de vieilles
voitures, le guide arménien a emmené ses visiteurs à Jérusalem, un autre
voisin, un peintre russe, vient m’emprunter un peu de sucre. Nous vivons
ensemble, l’une des rares communautés sans ségrégation, sur cette langue de
terre entre la route et la mer, vestige de la Jaffa de jadis.
Ce lieu de misère plairait à l’Esme de Salinger. Les bulldozers de l’état
juif ont démoli une maison sur deux, ce qui donne à la ville cet aspect
dentelé. Ils ont aussi déversé les gravats sur le littoral, en prévision de
gros projets immobiliers. Ils avaient l’intention de construire une autre
Maalot ici, mais les tensions dues à l’Intifada ont fait capoter leurs plans
pour ‘judaïser’ Jaffa. Elle est restée à moitié en ruine et mal entretenue, car
les habitants n’ont pas l’autorisation de restaurer leur maison.
Cependant, c’est un endroit agréable, rappelant le Quatuor d’Alexandrie
de Durrell. Les grosses Cadillac des revendeurs de drogues croisent dans les
rues dépavées. Des enfants en gandoura jouent au coin de la rue. Les cloches de
l’église catholique de Saint-Antoine, s’unissent à celles de l’église orthodoxe
de Saint-Georges et à l’appel du muezzin de la mosquée Ajami toute proche. Des
pêcheurs apportent leurs prises aux restaurants du front de mer pour les
dîneurs venus de Tel Aviv. Des Palestiniennes papotent devant leur maison en
croquant des graines salées. Les effluves des falafels viennent des étals du
marché. Dix chats de gouttières observent d’en haut un rat énorme.
L’ambassadeur français retourne à sa résidence. Une équipe de cinéastes tourne
une scène de Beyrouth.
Jaffa fut appelée jadis la fiancée de l’Orient, et elle faisait concurrence
à ses voisines Beyrouth et Alexandrie. Entourée d’orangeraies parfumées, cette
cité de cent mille habitants, s’enorgueillissait du premier cinéma du Levant,
et abritait le siège de compagnies européennes. Les Américains et les Allemands
ont construit leurs maisons aux toits rouges à sa périphérie et, en 1909, les
juifs sionistes d’Europe de l’Est fondèrent Tel Aviv un peu plus au nord.
Un jour funeste de novembre 1947, l’ONU, sous forte pression du
gouvernement des Etats-Unis, a décidé de diviser le pays que nous partagions.
Cela n’était pas nécessaire, cela n’était même pas demandé. Les Juifs religieux
étaient contre, les Juifs éclairés d’Allemagne comme Buber et Magnus, étaient
contre. Les Palestiniens étaient contre. Nous pouvions vivre ensemble, comme
des frères, et enfin construire une nouvelle nation, unissant la ferveur des
Juifs et l’amour pour la terre des Palestiniens. Mais les organisations juives
américaines apportèrent leur soutien à Ben Gourion et Golda Meir, les défenseurs
de la partition. Comme il fallait s’y attendre, cela n’a rien donné de bon.
Les trois cinquièmes (55,6%) de la Palestine passèrent sous le contrôle des
Juifs, et deux cinquièmes étaient supposés rester palestiniens. Même dans le
nouvel Etat juif, les Palestiniens étaient majoritaires. Jaffa devait rester
palestinienne. C’était terrible pour les Palestiniens, mais les nouveaux
immigrants israéliens trouvaient que ce n’était pas assez terrible. Ils ont
assiégé et bombardé Jaffa, jusqu’à ce que sa population se réduise à cinq mille
personnes, alors qu’avant la guerre elle comptait cent mille habitants. Les
autres ont fui vers Gaza et le Liban, dans les camps de réfugiés où ils
habitent encore aujourd’hui.
Dans les palaces et hôtels particuliers de Jaffa, on a logé des réfugiés
arabes de villages rasés et des Bulgares, des gens sympathiques importés des
Balkans, pour combler le vide. Une petite partie de la ville s’est
‘aristocratisée’, et est devenue Jaffa l’Ancienne, un musée propre et exclusif,
où les peintres kitsch et les antiquaires aimaient à s’installer. Notre Jaffa
conserve et représente la mémoire d’une Palestine complète, le Paradis perdu.
Elle a attiré quelques artistes qui se sont installés dans ces palaces
délabrés, et ont vécu aux côtés des Palestiniens d’origine, en partageant leurs
espoirs et leurs peines.
Avant l’Intifada, un réfugié d’un camp de Gaza pouvait venir visiter sa
maison perdue. C’était une situation horrible pour l’habitant actuel et pour le
véritable propriétaire, car le propriétaire n’est pas autorisé à revenir
s’installer chez lui. Ma voisine, une Bulgare très gentille, a généreusement
tenté de rendre sa maison à la famille palestinienne expropriée, mais le
gouvernement ne l’a pas permis. Il est difficile de rembourser un prêt, dit-on.
Vous prenez l’argent de quelqu’un d’autre, mais c’est votre propre fric que
vous rendez. Vous empruntez pour un temps mais vous rendez pour toujours. C’est
encore plus dur de rendre ce qu’on a volé. Pourtant, tôt ou tard, il faudra le
faire. Il y avait une bonne occasion de résoudre le problème en 1967, lorsque
la Palestine fut à nouveau réunie.
Beaucoup de braves gens voient la Guerre des six jours comme la ‘mère de
tous les problèmes’. Sans elle, les Juifs et les Palestiniens auraient été capables
de vivre séparément, disent-ils. Mais des Etats séparés ne ramèneront pas les
réfugiés de Gaza dans leur maison de Jaffa, et je pense que ce serait
merveilleux que ce retour puisse se réaliser. De plus, je suis persuadé que
c’est mieux pour nous de vivre ensemble. Nous sommes assez complémentaires
comme populations, et entre individus, nous nous entendons très bien. C’est
pourquoi je n’ai rien contre la conquête de 1967, en soi (ce qui est différent
du régime d’occupation militaire). Nous pouvions faire revenir les réfugiés,
régler les anciennes querelles et vivre ensemble dans l’égalité, enfants de
Palestine et nouveaux venus. Nous ne serions pas un Etat juif exclusif, mais
nous serions un peuple heureux et satisfait.
Il y a eu, une fois, l’illusion d’un choix, un Etat juif ou un Etat
démocratique. Nous n’avons choisi ni l’un ni l’autre, car nous avons méprisé la
démocratie et asservi les autochtones ; quant à notre judaïté, c’est, au
mieux, une idée virtuelle. Si les Juifs américains cessaient de soudoyer
massivement Israël, nous pourrions tout simplement oublier la diaspora et nous
fondre dans le Proche-Orient hospitalier, comme une autre de ses tribus. S'ils
s'entêtent à nous 'financer' de la sorte, nous pourrions bien être tentés de
leur montrer de quel bois les Juifs se chauffent.
Nous sommes les rois des camelots de l'illusion : pour peu qu'il y ait
des clients, nous fournissons. En 1946, sous l'égide des Nations Unies, un
groupe de personnes sages et dévouées venant de tous les pays du monde, arriva
en Palestine. Ces gens avaient été envoyés en mission préparatoire à la
partition du pays. Entre autres lieux, ils visitèrent le kibboutz le plus au
sud, Revivim, dans le désert aride du Néguev, et ils évoluèrent parmi de
magnifiques bordures de roses, d'anémones et de violettes, avant de parvenir au
bureau de la direction. Dans leur rapport d'inspection, les membres de la
délégation exprimèrent leur émerveillement et firent tomber la sentence :
"les Juifs font fleurir le désert, il faut leur donner le Néguev."
A peine eurent-ils le dos tourné que des jeunes kibboutzniks sortirent de
leur cachette et entreprirent d'extirper les fleurs du sable où elles avaient
été fichées ; ils les avaient achetées le matin même au marché de Jaffa et les
avaient plantées là comme décor pour la - courte - durée de la visite de la
délégation. Cette simple petite mise en scène a abouti au transfert du Néguev,
avec ses deux cent mille habitants palestiniens, à l'Etat juif. Une majorité
des habitants palestiniens furent expulsés au-delà de la frontière fraîchement
tracée, et allèrent peupler les camps de réfugiés en Jordanie ou à Gaza.
C'était cruel et arbitraire ; encore aujourd'hui, cinquante ans plus tard, la
partie du Néguev située au sud de Bersheva a une population moindre qu'en 1948.
Afin de peupler les régions débarrassées de leurs habitants (palestiniens),
le Mossad trompa et terrorisa les communautés juives du Maghreb, pour les
persuader de quitter leur terre natale et de s’installer en Israël. Les Juifs
d’Afrique du Nord sont de braves gens, mais vulnérables. Ils s’inquiétaient
pour leur avenir car les Français commençaient à se retirer d’Afrique du Nord.
Seules les fortes personnalités firent le bon choix, et restèrent avec leur
peuple, les Marocains, les Algériens, les Tunisiens ou les Libyens. Ils n’ont
pas eu à le regretter ; ils sont maintenant ministres ou conseillers du roi.
D’autres, séduits par le charme puissant de la civilisation française,
rejetèrent le fantôme de l’Etat juif, et s’installèrent en France. Ils ont
donné au monde Jacques Derrida et Albert Memmi.
Ceux qui sont venus en Israël fournissent 75% de sa population carcérale.
Leur revenu n’est qu’une fraction de celui des Juifs d’origine européenne.
Leurs chercheurs et écrivains ont peu de chance d’exercer dans les universités
israéliennes. L’opinion qu’ils ont d’eux-mêmes est exécrable. Ce n’est pas une
honte d’être marocain, disent les Israéliens. Et ils ajoutent rapidement que ce
n’est pas un grand honneur non plus.
Les Nord-africains furent amenés en nombre, on leur pulvérisa du DDT afin
de tuer leurs poux et on les plaça dans des camps de réfugiés qui devinrent
bientôt les villes de Netivot, Dimona, Yerucham. Ils y sont toujours, dans des
cités où dominent le chômage et l'indigence, survivant grâce à des allocations
et vouant aux gémonies les Juifs ashkénazes qui tiennent salon dans les cafés
de Tel Aviv. Certains de ces Juifs orientaux en vinrent à la conclusion que
l’Holocauste avait été un châtiment mérité par les tant honnis ‘AshkeNazis’,
comme ils l’écrivent. Israël est probablement le seul endroit sur terre où l’on
peut entendre : "c'est dommage qu'ils ne t'aient pas brûlé à
Auschwitz". Même le grand rabbin séfarade Joseph Obadiah a récemment expliqué
l’Holocauste par les péchés des Juifs européens.
Pendant un certain temps, mon ami russe a vu les murs de sa maison de
Jérusalem ornés du graffiti quelque peu troublant, “les AshkeNazis à
Auschwitz”. Il s’est plaint à la police
mais n’a reçu aucune réponse. Les postes les plus bas, dans les forces de
police, sont occupés essentiellement par des Juifs orientaux, et ils n’ont pas
le temps de s’occuper des plaintes russes. Ils étaient, à une époque, dans la
situation des Russes, mais depuis, ils ont été dé-développés encore plus
profondément.
Chaque fois qu’un Juif oriental réussit à gravir l’échelle sociale, le
système organise sa chute. Des politiciens orientaux populaires, qui pourraient
menacer la domination des élites ashkénazes, se retrouvent en prison. Arie Der’i,
ministre marocain brillant, qui amena son parti de zéro à 17 sièges au
Parlement (qui en compte 120), est toujours en prison après qu’une surveillance
policière de dix ans ait apporté quelques preuves contestables contre lui. Son
prédécesseur Aharon Abu Hatzera, fils d’un Juif marocain sanctifié rabbin et
ministre, fut envoyé en prison pour des irrégularités financières qui sont
monnaie courante dans notre pays du Proche-Orient. Le puissant éditeur irakien
Ofer Nimrodi a passé plus d’un an en prison avant son jugement, mais il a été
rapidement libéré ensuite, car les charges contre lui se sont révélées nulles.
Yitzhak Mordecai, ministre kurde de la défense et qui visait le poste de
Premier ministre, a été poursuivi pour abus sexuel. Le professeur marocain et
ministre Shlomo Ben Ami a servi de bouc émissaire pour la visite infamante de
Sharon au Mont du Temple.
Tandis que les Juifs orientaux souffrent, le kibboutz ne va pas très bien
non plus. Ari Shavit du Haaretz a fait paraître un beau reportage sur Negba,
le fameux kibboutz prospérant dans le Neguev. Cela fait longtemps que ce
kibboutz n’a pas célébré la naissance d’un enfant. Les kibboutzim Negba
et Ruhama sont devenus des ‘maisons de retraite’ et leurs jeunes sont partis
depuis longtemps s’installer à Los Angeles.
Ainsi, l’arnaque de Revivim, la conquête du Néguev, l'expulsion des
Palestiniens, la destruction de la communauté juive maghrébine ; tout cela
a réussi, pris isolément. Mais tout cela a échoué, globalement. Les dirigeants
sionistes rêvaient de faire de la Palestine un Etat aussi juif que l'Angleterre
est anglaise. C'est raté. La Palestine est aussi peu juive que la Jamaïque
n'est anglaise.
Nous, enfants de juifs, n’avons que l’embarras du choix. Un Italien est un
Italien. L’italien est sa langue, sa culture, sa foi, sa tradition, son art et
son paysage. On ne peut le séparer de Dante ni de Giotto, des villages de
Toscane ni de la Madone, de la pastasciuta ni de Venise. Mais être un
Juif est une question de choix. Un juif italien peut devenir un Italien. Un
juif américain peut se contenter d’être un Américain. Les descendants des Juifs
qui pratiquent notre vieille religion sont peu nombreux. Encore moins nombreux
sont ceux qui parlent hébreu ou d’autres langues juives. La majorité a abandonné
les modes de vie et métiers juifs traditionnels.
Le choix personnel est entre les mains de chacun. Un Américain riche et
puissant, d’origine juive, peut ressentir, à propos de sa judaïté, la même
chose que pour n’importe quel autre violon d’Ingres. Peut-être qu’il
collectionne les timbres ou qu’il joue au golf. Il ne voudrait pas pour autant
construire un Etat philatéliste sur les ruines de Monaco (cette principauté
émet des timbres magnifiques). Il n’aurait pas non plus l’idée de doter son
club de golf du dernier modèle de F-16. Si les juifs américains pouvaient nous
oublier pendant une dizaine d’années, nous pourrions comprendre et résoudre nos
problèmes, arriver à un nouvel équilibre naturel en Palestine. S’ils ont trop
d’argent et s’ils désirent s’en servir pour gagner de l’influence, qu’ils le
dépensent en améliorant le sort des Afro-américains, leurs voisins.
En fait, c’est ce qu’ils faisaient avant l’avènement du sionisme. Tom
Segev, écrivain et historien israélien, rapporte l’histoire de Julius Rosenwald,
homme d’affaire de Chicago, propriétaire de Sears, Roebuck and Co, qui
finançait des projets scolaires pour les Afro-américains, dans les années 1920,
à hauteur de deux millions de dollars par an. (Un émissaire sioniste s’est
plaint : “il est difficile pour nous d’accepter l’idée que l’un des nôtres
donne son argent à des nègres arriérés”.) Cette tradition pourrait revenir à
l’honneur, car la charité commence chez soi ; et chez eux, c’est
l’Amérique.
Aujourd'hui, on est en train de dévaster la terre de Palestine, sous nos
yeux. Ses beaux villages ancestraux sont bombardés jusqu'à ce qu'il n'en reste
plus pierre sur pierre ; ses églises sont vidées de leurs ouailles ;
ses oliviers sont arrachés. Cette terre n'avait plus connu une telle ruine
depuis l'invasion assyrienne, il y a 2700 ans. Rien ne saurait nous consoler du
spectacle de cette immense désolation, et ceux qui en sont responsables - les
tueurs israéliens comme leurs sponsors juifs américains - seront damnés à
jamais.
Toutefois, il restera, en marge des futurs livres d'Histoire, une étrange
ironie : "c'est en vain que les dirigeants juifs ont commis tous ces
crimes ; ils n'en ont retiré aucun bénéfice."
Même si on devait crucifier le dernier Palestinien survivant sur le mont du
Golgotha, cela ne ramènerait pas l'état juif d'Israël à la vie.
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18 juin 2001
Au moment, pratiquement, où le cessez-le-feu
concocté par la CIA entrait en application, j'ai reçu un appel téléphonique
angoissé du village d'Aboud. Ce village est situé sur le versant occidental des
collines de Samarie. Il avait été investi par l'armée israélienne ; deux hommes
avaient été abattus. J'y suis allé, ce matin. J'y suis allé pour voir ce
village et aussi pour me faire une idée du cessez-le-feu, sur le terrain.
Le village d'Aboud est cerné par de nouvelles
colonies juives, de tous côtés. Une route juive, toute neuve, mène jusqu'aux
environs du village. En arrivant à l'embranchement, environ quatre kilomètres
avant le village, nous avons constaté que la route est condamnée par des
monceaux de terre de dimensions cyclopéennes. Nous avons tenté notre chance en
roulant jusqu'à un autre embranchement, aboutissant au village de l'autre côté,
avec le même résultat. Nous avons fini par trouver une piste de terre battue et
étroite, que les paysans avaient tracée le matin même, et nous l'avons
empruntée.
Aboud est un très beau village palestinien,
il évoque puissamment la Toscane. Ses maisons aux pierres adoucies par le temps
semblent pousser sur les pentes de ses collines. Des vignes ornent les grilles, des figuiers plantureux
font de l'ombre aux ruelles. La prospérité de ce village bien implanté dans son
environnement saute aux yeux. Il suffit de voir combien les maisons sont vastes
et la propreté des ruelles irréprochable. Des hommes âgés étaient assis sur des
bancs de pierre, sur une petite place entourée de murs, à l'ombre d'une
tonnelle, évoquant les sages d'Ithaque réunis par le jeune Télémaque.
L’atmosphère qui s'en dégageait, faisait penser aux "portails de la
ville" de la Bible, ou à un diwan. Des enfants apportaient du café
et des fruits frais à ces vieux messieurs. Les Palestiniens, ici, ne sont pas
des réfugiés de Gaza et de Deheishé. Ici, comme dans une sorte de pli temporel,
on peut voir la Terre sainte telle qu'elle devrait - telle qu'elle pourrait -
être.
Le village d’Aboud est vieux de trois mille
ans, et, selon la tradition locale, il a reçu la foi du Christ du Christ
lui-même. Une église est là pour le prouver. C'est l'une des plus anciennes
églises au monde. Elle a été bâtie au temps de l'empereur Constantin, au IVe siècle.
Peut-être est-elle encore plus ancienne, c'est en tout cas ce que pensent
certains archéologues. Cette frêle construction fait l'objet de restaurations
et de soins attentifs. Les chapiteaux byzantins de ses colonnes sont sculptés
de croix et de palmes. Récemment, une dalle portant des inscriptions en langue
araméenne ancienne a été découverte dans le mur sud de cette église.
Aboud n’a pas qu’une église : il y a une
église catholique romaine, une église grecque orthodoxe, et une église
construite par des Américains. Il y a aussi à Aboud une mosquée toute neuve,
indiquant, s’il en était besoin, qu'en Terre sainte, Chrétiens et Musulmans vivent
ensemble en parfaite harmonie. Le 17 décembre, tous les villageois, Chrétiens
et Musulmans, vont en procession vénérer la sainte patronne du village : Sainte
Barbe. C'était une jeune fille du village, qui était tombée amoureuse d'un
jeune chrétien et avait été baptisée. Cela se passait en des temps horriblement
difficiles, sous l'empereur Dioclétien, et elle mourut en martyre des
persécutions antichrétiennes. Les ruines de la très vieille église byzantine de
Sainte Barbe se trouvent à environ deux kilomètres du village, sur une colline.
Au pied de la colline, on peut voir le tombeau de la sainte. C'est à cet
endroit que les paysans de la région viennent allumer des cierges et prier pour
que leurs vœux soient exaucés.
C'est l’endroit rêvé pour comprendre la
démence du récit juif dominant, qui parle d'une ‘terre sans peuple’ habitée de
loin en loin par des nomades venus ici, au VIIe siècle, au moment des conquêtes arabes.
Des
archéologues ont prouvé que ce village n'a jamais été détruit ni abandonné par
ses habitants depuis des temps immémoriaux, et il suffit d'avoir des yeux pour
le comprendre. Les collines sont couvertes d’oliviers pluricentenaires,
véritables preuves des racines ancestrales du village d'Aboud. Ils lui donnent
leur huile, denrée essentielle dans les habitudes alimentaires de sa
population, et source de revenus non négligeable.
Juste à l'entrée d'un hameau, deux énormes
bulldozers Carterpillar, de fabrication américaine, étaient en train de dévorer
les oliviers, lentement mais sûrement. Monstrueux, les deux engins étaient
caparaçonnés de plaques de blindage, de tous côtés. Ils semblaient
inexpugnables, comme deux forteresses animées. Ils dominaient le paysage comme
les monstres mécaniques de l'Empire du Mal livrant l'assaut contre Ewocks, dans
le film de science-fiction La guerre des étoiles (Star Wars).
Les paysans, juchés sur les monceaux de terre
bloquant l'entrée du village, observaient les mastodontes en train de détruire
leurs gagne-pain. Ils ne pouvaient pas s'approcher dans leur direction, car ils
n'étaient pas autorisés à quitter leur village, devenu leur prison. Sur la
colline, à l'entrée du village, il y avait une tente, et quelques soldats
israéliens autour d'une mitrailleuse. Ils étaient là pour empêcher les
habitants de sortir. La nuit précédente, la veille du shabbat, ils avaient
ouvert le feu sur les villageois qui s'étaient aventurés à l'extérieur,
blessant deux hommes. Les autres avaient pu rentrer au pas de course au village
et s'y mettre à l'abri. Puis l'armée avait pénétré dans le village, à bord de
ses Jeeps, sillonnant les ruelles, reçue par quelques volées de cailloux lancés
par les gamins. Les colons juifs et les soldats avaient arrosé de balles les
fenêtres et les toitures, puis s'en étaient allés, avec le sentiment d'avoir
accompli leur B.A. du shabat.
On m'autorisa à franchir la frontière
invisible, puisque aussi bien il ne s'agissait d'une frontière infranchissable
que pour les seuls Palestiniens. Il y avait là un officier israélien, assis
dans sa Jeep, une grosse Hummer américaine, venu contrôler le désastre.
"Pourquoi faites-vous ça ?" lui ai-je demandé, "vous n'avez
pas entendu parler du cessez-le-feu ?" "Va dire ça à
Arik !" (Sharon), me répondit l'officier ; "nous ne faisons
qu'exécuter les ordres." Mais ni lui, ni les autres soldats, ni les
conducteurs des deux bulldozers n'étaient abattus, consternés par ces ordres.
Ces oliviers hors d'âge étaient insignifiants pour eux, tout comme l'église
bimillénaire, le village et les gens qui l'habitent. Tout cela ne leur disait
rien. Tout cela devait simplement subir leur destruction.
La Palestine n'a jamais été le désert que les
premiers sionistes ont prétendu y trouver à leur arrivée. Mais elle le deviendra
à coup sûr, si nous n'arrêtons pas l’œuvre sinistre des bulldozers.
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Octobre 2002
Cueillir les olives, si douces, sensuelles et apaisantes, c’est comme
égrener les perles d’un chapelet. En Orient, les hommes portent souvent, autour
du poignet, un chapelet aux grains de bois, ou de pierre dure. Cela leur
rappelle leurs prières. Cela leur sert aussi – et surtout – à calmer leurs
nerfs, mis à rude épreuve. Mais les olives représentent bien plus que cela, car
elles sont vivantes… Les olives sont tendres, mais pas fragiles pour deux sous
– en cela, elles ressemblent aux jeunes paysannes palestiniennes. Les cueillir
vous produit une de ces sensations… comment dire ?… De confort ! Oui,
de confort, de sérénité… On dirait que rien ne peut aller de travers. Toutes
seules, comme des grandes, sans peur et sans reproche, les olives se détachent
des branches. En douceur, elles se faufilent entre les paumes de vos mains et
se laissent tomber… Après quoi, elles se blottissent lestement dans la sécurité
des grands draps, étendus par terre pour les recevoir.
La récolte bat son plein. Chaque olivier, solidement enraciné dans sa
parcelle en terrasse, est entouré de cueilleurs aux petits soins. Des familles
entières sont dehors, sous les oliviers, et même au-dessus, perchées sur des
échelles, formant un vaste tableau digne du pinceau de Bruegel l’Ancien. Nous
sommes cinq ou six, à cueillir les olives en compagnie de la famille de Hafez.
Au moment où je vous parle, nous sommes sous les frondaisons fournies d’un
vieil arbre au tronc énorme, tourmenté et tout crevassé. Nous égrenons ce
rosaire vivant : c’est le rosaire de notre dame la douce terre de
Palestine. Des cheveux couleur champ de blé mûr du Minnesota, des yeux bleu
ciel – inattendu, pour un étranger, mais rien d’inhabituel pour les personnes
familières des traits des habitants de ce pays – des lèvres rieuses… Rowan,
sept ans, la fille du vigoureux et sagace Hafez, est montée à la cime de
l’arbre. Les olives qu’elle cueille tombent, en une pluie verte et parfumée,
sur nos mains, sur nos épaules et sur nos têtes. Avant de passer à l’olivier
suivant, nous soulevons les bords des draps. Un riche flot d’olives emplit le
sac. Un petit âne gris broute, tout près, reprenant des forces pour la suite.
C’est à lui qu’échoira la rude tâche de porter les sacs au village, plus haut,
dans la vallée – et visiblement, il le sait.
Ces olives, nous sommes en train de les ramasser à Yassouf, un village
miraculeusement inconnu, sur les hautes terres de la Samarie. Ses maisons
vastes et hautes de plafond, construite en pierre claire et douce, témoignent
d’une prospérité ancestrale, fruit du travail acharné de ses habitants,
génération après génération. Des escaliers spacieux conduisent aux terrasses,
où les villageois passent les chaudes soirées estivales, adoucies par la brise
venue de la Méditerranée, à la fois lointaine et proche. Beaucoup de
grenadiers. Dans une description de la Palestine, écrite par un contemporain de
Guillaume le Conquérant voici près d’un millénaire, le village de Yassouf est
mentionné. L’abondance des grenadiers y est déjà notée. La localité, peut-on y
lire, est connue pour avoir donné le jour à un lettré qui se fit un nom, plus
tard, dans la lointaine Damas : le Cheïk Al-Yassoufi.
Si ce n’est pas le paradis, cela y ressemble. Nous sommes arrivés à Yassouf
hier. Ce village est construit sur une arrête entre deux vallées. Au-dessus du
village, un sanctuaire ancestral (bema) occupe le sommet d’une colline,
sans doute un de ces hauts lieux où les ancêtres de Hafez et de Rowan avaient
été les témoins de communions miraculeuses entre énergies telluriques et
célestes. Les villageois s’y rendent souvent, pour y rechercher un soutien
spirituel, comme le faisaient avant eux leurs ancêtres, les habitants de la
petite principauté d’Israël. Nous sommes, ici, en Terre sainte et, pour ses
habitants, le miracle quotidien de la foi est indissociable des tâches
journalières. Les rois de la Bible avaient essayé de les brimer et de cantonner
la foi au Temple, centralisé et facile-à-taxer-et-à-contrôler… Mais les gens du
peuple préféraient aller prier dans leurs sanctuaires locaux. Les paysans
conservèrent une combinaison un tiers / deux tiers entre foi locale et foi
universelle, très semblable au lien qui peut exister par exemple, au Japon,
entre shintoïsme et bouddhisme. Ils sont religieux, mais absolument pas
fanatiques. Ils ne portent pas le vêtement islamique. Les femmes ne couvrent
pas d’un voile leurs beaux visages. Ces deux aspects de la religion - local et
universel – ont survécu aux millénaires et ont fini par fusionner. Le temple
est devenu la splendide mosquée ommeyyade d’Al-Aqsa, tandis que dans le haut
lieu de Yassouf, les villageois prient leur Dieu.
Ces arbres sont anciens et vénérables. Ils ont certainement reçu plus d’une
confidence et d’un vœu durant leur longue existence. Un puits peu profond,
miraculeux, qui ne tarit jamais, même au plus fort de la canicule de juillet,
et ne déborde pas durant l’hiver, pourtant pluvieux ; une tombe sacrée,
qui a probablement changé plusieurs fois de nom depuis des temps immémoriaux,
est appelée, de nos jours, Cheikh Abou Zarad. Là se trouvent des ruines
remontant aux premiers temps de Yassouf, et donc à bien plus de quatre
millénaires avant nous. Depuis sa fondation, le village n’a jamais été
abandonné. Aux jours de gloire de la Bible, il appartenait à Joseph, la plus
puissante des tribus d’Israël. Lorsque Jérusalem se retrouva sous l’empire des
Juifs, ces terres et ces gens conservèrent leur propre identité israélite et
finirent par adopter le christianisme. Le temple à coupole, au sommet de la
colline, invite toujours à la prière. En février, le sommet de la colline est
entièrement blanc, tant il y a d’amandiers en fleurs. En ce moment, vert et
frais, il offre au visiteur une vue superbe sur le moutonnement des collines de
Samarie.
Quant à nous, nous sommes arrivés un peu trop tard pour bénéficier de cette
vue enchanteresse ; en effet, en automne, en Orient, le soleil se couche très
tôt. En compensation, dans la semi-obscurité crépusculaire, nous nous sommes
rendus près de la source du village, qui en est le cœur palpitant. D’une faille
dans le rocher, paisiblement, l’eau sourdait, puis elle disparaissait dans un
tunnel et s’en allait donner vie aux jardins. Nous nous sommes assis sous les
figuiers, qui déployaient leurs larges feuilles trilobées, de la même façon que
les danseurs Noh, au Japon, tiennent dressés leurs éventails, qu’ils agitent
d’un mouvement incessant et gracieux. Entre les feuilles, dans la lumière
blafarde de la lune, évoluaient des papillons géants, tout noirs : il
s’agissait de chauves-souris, pensionnaires des grottes voisines, qui ne
sortent qu’une fois la nuit tombée. Elles vont alors s’abreuver à la source et
se régaler d’un festin de figues éclatées par le soleil.
Habituellement, autour de la fontaine du village, les conversations vont
bon train... Elles s’écoulent, enjouées, comme les eaux abondantes. Il n’est
pas d’endroit plus indiqué pour aller s’asseoir et bavarder avec les
villageois… de la récolte… du bon vieux temps… des enfants… et du dernier
article d’Edward Saïd, repris dans la feuille de chou locale. Les paysans du
coin ne sont pas des rustauds : certains ont parcouru le vaste monde, de
Bassorah à San Francisco… D’autres ont fait des études dans une petite annexe
universitaire, non loin d’ici. Leur éducation politique a été complétée dans
les prisons israéliennes – stage pratiquement inévitable pour les jeunes gens
de chez nous… Appris dans ces conditions particulières, ou à travers des années
de labeur sur les chantiers de construction israéliens, leur hébreu sonne bien.
Il est même riche en expressions recherchées. Et ils sont ravis de pouvoir le
pratiquer avec un Israélien amical.
Mais nos hôtes étaient sombres, et les soucis ne parvenaient pas à quitter
leurs regards tristes. Même durant le dîner, tandis que nous nous régalions de
riz aux noix et de yoghourt, ils étaient plutôt ailleurs, pensifs. Nous
connaissions la raison : une nouvelle créature monstrueuse avait fait son
nid sur le sommet pelé de la colline et elle étendait ses pseudopodes en une
toile d’araignée menaçante, au-dessus du village. L’armée avait confisqué les
terres de Yassouf pour des ‘raisons militaires», et avait livré les lieux aux
colons. Ils avaient bâti un préfabriqué monstrueux en béton gris, ficelé, comme
un rôti, de fil de fer barbelé, entouré de miradors…Et ils s’étaient même
arrogé le nom de la source voisine : Le Pommier. La colonie n’avait
nullement l’intention de se contenter des terres volées, voici dix ans, aux
habitants de Yassouf : elle commençait à gagner toute la contrée, envoyant
ses métastases jusque sur les collines voisines, éradiquant sur son passage
oliveraies et vignobles.
Les paysans n’osaient plus se rendre dans leurs propres champs, car les
colons sont des brutes, armées jusqu’aux dents et à la gâchette facile. Ils
tirent sur les villageois. Souvent, ils les kidnappent et les torturent, ils
incendient leurs champs. Il leur suffit de tenir les paysans en respect pendant
cinq ans, après quoi, en vertu de lois ottomanes qu’ils ont fini par dégoter
dans de vieux grimoires, la terre en friche tombera dans l’escarcelle de
l’Etat. De l’Etat juif. L’Etat donnera ces terres aux colons juifs. Et en même
temps, cela leur permet d’affamer les villageois.
Le village était coupé du monde, par des tranchées et des monticules de
terre de six pieds de hauteur. Même les petites routes non goudronnées, à peine
carrossables, fût-ce en 4x4, avaient été coupées par l’armée. Le village était
devenu une île. L’ambassadeur de Grande-Bretagne à Tel Aviv a déclaré,
récemment, qu’Israël est en train de faire de la Palestine un camp de détention
géant. Il avait tort ; ce n’est pas un camp géant que les Israéliens ont créé.
Ce qu’ils ont créé, c’est un Nouvel Archipel du Goulag de Palestine. L’auteur
de L’Archipel du Goulag, Alexandre Soljénitsine, prix Nobel de
littérature, a affirmé que le Goulag russe authentique avait été planifié et
était géré par des juifs ; cette affirmation a été remise en question et
finalement rejetée par les organisations juives. En revanche, aucun doute à
avoir en ce qui concerne l’identité du concepteur du Goulag de Palestine.
Les voitures ne peuvent ni entrer dans l’île de Yassouf, ni en sortir, et
les visiteurs doivent se garer assez loin, puis terminer à pied. La ville la
plus proche, Naplouse – Neapolis, dans l’Antiquité – n’est qu’à vingt
kilomètres, mais c’est une distance qui représente quatre heures de voiture et
de nombreux checkpoints humiliants. Il nous a fallu un temps infini pour
arriver à Yassouf, obligés comme nous l’étions de franchir d’innombrables
checkpoints et autres barrages routiers. Bloqués par un barrage de terre
totalement inamovible, nous avons dû abandonner notre voiture deux kilomètres
avant le village.
Sur notre chemin : la dévastation, partout. Des oliviers, de chaque
côté de la route, avaient été brûlés ou arrachés ; on aurait dit que cette
essence vénérable incarnait l’ennemi le plus honni des Juifs. Et ennemi honni,
l’olivier l’était bel et bien, en un sens : l’olivier est le principal
pourvoyeur et le principal intercesseur, pour les Palestiniens. Leur plat de
résistance se compose de galettes de pain-serviette cuit dans un four en terre,
le tannour, arrosées d’huile d’olive, parsemées de thym moulu, le za’atar, et
agrémentées d’une grappe de raisins. Leurs rois et leurs prêtres, jadis,
étaient oints d’huile d’olive. Les sacrements de l’Eglise – inestimable
contribution palestinienne à l’Humanité – ne sont que consécration de
l’olivier. Au cours du baptême, les Palestiniens sont oints d’huile d’olive
avant leur immersion totale dans les fonts baptismaux, et leur peau conserve le
souvenir de la souple douceur de l’huile d’olive. L’huile est utilisée dans les
rites de mariage, et pour l’extrême onction, en confirmation du lien
indissoluble entre les Palestiniens et leur terre. Le célèbre inventeur des
manuscrits de Qumran, John Allegro, a ruiné sa réputation en commettant un
opuscule sacrilège identifiant Jésus Christ à des champignons hallucinogènes.
Si je me décide un jour à marcher sur ses brisées (si je le décide un jour) je
comparerai l’huile d’olive vierge et Notre Dame La Vierge Marie, suprême
médiatrice de la Palestine.
Tant qu’il y a des oliviers, les paysans de Palestine sont invincibles.
C’est bien pourquoi leurs adversaires ont fait retomber leur hargne sur ces
arbres. Ils les ont coupés partout où ils ont pu le faire. Ces dernières
années, huit mille oliviers magnifiques, entre vieux mastodontes et jeunes
scions vigoureux et prometteurs, ont été arrachés. Les colons ont interdit aux
paysans de cueillir leurs olives, leur dressant des embuscades aux détours des
chemins conduisant aux oliveraies et les dévalisant. Quant à nous, Amis
Etrangers et Israéliens de la Palestine, nous sommes venus, comme les Sept
Samouraïs du vieux péplum à la japonaise de Kurosawa, afin d’aider les paysans
à cueillir leurs olives et de les protéger des exactions des colons prédateurs.
De toutes les bonnes choses – innombrables - que l’on peut faire sur notre
bonne vieille Terre, aider les Palestiniens est la plus utile et la plus
agréable que je connaisse. L’ambiance kibboutz arrive très loin derrière. Les
jeunes kibboutzniks sont généralement emmerdants comme la pluie et taciturnes,
et les vieux kibboutzniks sont… comment dire… vieux ! Dans un kibboutz,
vous êtes entouré d’autres étrangers, parfois même pas. Les Palestiniens sont
tellement amicaux, ouverts, désireux de bavarder avec vous… Les militants
internationaux venus ici baignent littéralement dans l’amitié…Ils vivent dans
des villages enchanteurs, ils voient le ciel bleu, lumineux, chaleureux,
au-dessus du paysage incomparable des collines palestiniennes et – surtout -
ils sont entourés de l’hospitalité légendaire des paysans. Et si occasionnellement
les colons ou les soldats israéliens leur tirent dessus, cela est peu cher payé
pour toute la satisfaction et le plaisir qu’ils trouvent à aider les paysans
palestiniens. C’est en quelque sorte une animation supplémentaire, offerte par
Tsahal, par-dessus le marché. Après tout, c’est bien pour ça qu’on a besoin de
samouraïs ici, non ?
Les gens qui aident les Palestiniens sont bien différents des volontaires
venus travailler dans les kibboutzim. Ils sont beaucoup plus
hétérogènes. Les âges, déjà… Cela va de l’étudiant d’Uppsala âgé de dix-neuf
printemps à la mère de famille de Brighton, du Révérend venu de Géorgie au prof
de Boston, du paysan français au député italien. Ils sont unis par leurs
sentiments de compassion, leur sens inné de la justice, et - oui, il faut le
dire - par leur courage. Ils travaillent dans l’ombre portée des chars
israéliens, ils protègent oliviers et êtres humains de leur propre corps. La
récolte, dans les montagnes de Samarie, est une joie, mais ce n’est pas pour
les mauviettes. Nous allions découvrir sans plus tarder le revers de la
médaille.
Nous étions en train de cueillir les olives, de remplir les sacs de cet or
vert, lorsque, soudain, une Jeep descendit la route caillouteuse et raboteuse
et s’arrêta près de nous, dans un crissement de freins, en soulevant un nuage
de poussière ; derrière, suivait un véhicule plus imposant. C’était un
transport de troupes, plein de soldats de Tsahal. Un homme, seul, sauta de la
Jeep, pointant son fusil automatique M-16 en direction de la fillette perchée
sur notre arbre.
"Foutez le camp, sales arabes !" aboya-t-il en brooklinais.
Il prit un énorme caillou et le balança sur le groupe de travailleurs le plus
proche. Un paysan, qui n’avait pas pu esquiver la pierre, fut touché à la main,
et il se mit à la masser de son autre main.
"Si vous avancez d’un pas, je tire !"
cria-t-il lorsque Laurie tenta de lui parler. Il était baraqué, débraillé,
féroce et, visiblement, il faisait tout son possible pour atteindre un haut
degré d’hystérie.
"Ne vous amusez pas à toucher aux olives !" hurla-t-il aux
paysans.
Dans un coude que faisait la route, trois hommes firent leur apparition, au
pas de course. Vision d’extraterrestres. Ils avaient des petites boîtes noires
attachées à leur front rasé par des lanières étroites de cuir noir ; des
lanières noires saucissonnaient leurs bras, aussi. Les juifs portent des
phylactères, car c’est ainsi que cet accoutrement s’appelle, pour leur prière
du matin. Mais, sur ces jeunes gaillards, ces phylactères faisaient penser
irrésistiblement aux amulettes de quelque tribu guerrière. Ils portaient des
pantalons et des tee-shirts de couleur foncée, tandis que leurs châles blancs
rayés de noir flottaient derrière leur dos. Leurs flingues étaient pointés sur
nous. Ils semblaient possédés par quelque démon étrange, ces jeunes hommes en
tenue rituelle juive et aux idées courtes extraites du Livre de Josué.
Je ne fus aucunement étonné de voir l’un d’entre eux extirper une longue lame
flexible. La scène me rappela un film sorti récemment dans les salles : La
machine à explorer le temps (The Time Machine), dans lequel les
féroces Morlocks font soudain irruption et prennent d’assaut Eloi, une
civilisation bucolique.
Les
yeux scintillant de haine, ils bousculèrent les femmes et insultèrent les
hommes. En paysans timides, les Palestiniens firent le dos rond. Samouraï
désarmé que j’étais, je tentai, pour ma part, de raisonner les assaillants.
"Laissez donc ces paysans récolter leurs olives", plaidai-je, "ce sont leurs arbres ; c’est leur gagne-pain. Soyez gentils avec eux !"
"Dégage, espèce d’arabophile !" siffla l’un d’eux. "Tu
aides l’ennemi. C’est NOTRE terre. C’est la terre des Juifs. Les goyim
n’ont rien à faire ici !"
Dans des circonstances moins tendues, j’aurais éclaté de rire : ces
jeunes hommes un peu zinzin venus de New York voulant chasser les descendants
légitimes du peuple d’Israël de leur terre ancestrale. Laissons tomber
l’incroyable crétinerie d’une prétention fallacieuse à un pays d’où une absence
de cinq millénaires rend toute revendication totalement sans objet. Qu’importe,
si leurs ancêtres ‘juifs’ venaient probablement des steppes d’Asie centrale et
n’avaient jamais vu la Palestine de toute leur vie. Peu importe que même les
Juifs de l’Antiquité n’aient jamais habité et soient très exceptionnellement
venus sur la terre d’Israël, entre Bethel, Carmel et Jezreel. Bientôt les
ouvriers roumains invités de Bucarest pourront chasser la population de
Florence, en se prévalant de leur descendance directe de la Rome antique. Mais
les flingues de ces gars-là n’incitaient pas particulièrement à la rigolade.
"Pourquoi brûlez-vous les oliviers ? Les oliviers sont vos
ennemis aussi ?"
«Ouaip ! Un peu, mon neveu : les oliviers de nos ennemis sont nos
ennemis ! Et vous êtes nos ennemis, aussi !" hurla-t-il d’une
voix suraiguë, concluant avec le mot qui tue :
"Antisémites !"
Avec les Américains, ce mot fait merveille. Dès lors qu’un Américain se
fait traiter ‘d’antisémite’, il faut vous attendre à le voir tomber et rester
prostré au sol, jurant amour et fidélité éternels au peuple juif. Je le sais,
parce que je reçois quotidiennement des lettres de gens qui se sont fait
traiter ‘d’antisémites’ du seul fait qu’ils soutiennent les Palestiniens ;
généralement, ils ne peuvent pas s’en remettre. Je leur apporte les premiers
soins psychologiques : après avoir été puni, personnellement, au motif
d’activités anti-soviétiques, et condamné pour mes opinions anti-américaines,
étant, de plus, un amateur anti-normatif d’anti-quité, je peux faire face à la
diffamation anti-sémitique. De nos jours, si vous n’êtes pas qualifié
d’antisémite, cela veut dire que vous êtes certainement dans le faux, pris en
sandwich quelque part entre Sharon et Georges Soros.
Comme ‘arabophile’ ou ‘négrophile’, ‘antisémite’ est une catégorisation qui
salit celui qui l’énonce, par association. Les colons y ont recours à tout bout
de champ, à l’instar de Foxman l’espion en chef, Kahane le raciste, Mort
Zuckermann le propriétaire de USA Today, richard Perle le marchand de
guerre, Tom Friedman l’avocat véreux, Shylock le requin usurier et Elie Wiesel
le pleurnicheur holocaustien ‘par ici la monnaie’. Elle a été lancée contre
T.S. Elliot et Dostoïevski, Genet et Hamsun, saint Jean et Yeats, Marx et Woody
Allen : excellente compagnie ! Toutefois, les Américains qui étaient
dans notre groupe hésitèrent un instant. Les braves Israéliens qui étaient avec
nous, quant à eux, commencèrent à se lancer dans une longue justification de
leur position. Seule Jennifer, une jeune et brave Anglaise, de Manchester, se
montra à la hauteur et apporta encore une fois la preuve de la supériorité des
Britanniques en lançant un "Allez vous faire foutre !" sans
appel.
Le canon du fusil M-16 décrivit un arc de cercle et finit pointé sur elle.
Les soldats observaient la scène avec un intérêt évident. Je décidai de
m’adresser à eux :
"Arrêtez-les ! Ils pointent leurs armes sur nous !"
"Y vous z’ont pas encore dégommés, apparemment !", répondit
le sergent.
Les soldats n’allaient visiblement pas intervenir aussi longtemps que les
Morlocks feraient leur crise. Mais il était très clair que dès l’instant où
nous aurions esquissé un geste contre eux, la terrible puissance armée de
l’Etat juif s’abattrait sur nos têtes. Les Morlocks le savaient pertinemment,
eux aussi : ils fracassèrent un des appareils photo de Dave, envoyèrent
valdinguer Angie, déversèrent un tombereau d’insultes sur les filles, et nous
lancèrent force caillasse.
"Mais vous allez les laisser faire, comme ça, sans
intervenir ?", en appelai-je à la conscience des soldats…
"Désolé, mon pote. Y’a que les flics qui puissent faire quelque chose
avec ces mecs-là…" répondit l’officier. "Mais on peut t’arrêter TOI,
mon petit bonhomme, si t’insistes !"
Ainsi, les Palestiniens, c’est l’armée qui s’en occupe. Pour les colons, il
faut voir ça avec la police ! Cette ruse grossière est l’une des plus
brillantes inventions du génie juif. Probablement ont-ils emprunté ça aux
colonies européennes en Chine, où coexistaient différents services de police et
des systèmes légaux différents pour les Européens et les Chinois. C’est en tout
cas ce qui permet aux Morlocks de faire absolument tout ce qui leur passe par
la tête. Les Palestiniens, visiblement, étaient bouleversés : ils
n’étaient pas des combattants déguisés en civils, eux, mais des paysans, venus
cueillir leurs olives avec femme et enfants. S’ils étaient venus ici, ce
n’était pas pour mourir. Pas encore, en tout cas. Les colons tuent les
villageois pour la beauté du geste et en guise de distraction, qu’ils aient été
– ou non – provoqués. Au cours de la seule semaine dernière, ils ont assassiné
plusieurs hommes qui avaient osé venir cueillir les olives de leurs oliviers.
Si les villageois esquissaient seulement le geste de se défendre, s’ils osaient
seulement lever la main sur un Juif, ils seraient tous massacrés, jusqu’au
dernier, et leur village serait rayé de la carte.
Mais il fallait cueillir les olives, et le face-à-face continua.
"Tous les problèmes, ce sont ces connards de colons qui les
causent", clama Uri, un Israélien progressiste, qui tenait tête aux nervis
colons, à ma droite. "Sans eux, on vivrait en paix. On viendrait visiter
Yassouf, avec notre passeport, en touristes. Le problème, c’est eux : les
colons !"
De fait, il n’était pas difficile – cela coulait quasiment de source – de
haïr des jeunes hommes à l’esprit mal tourné, qui détruisent des récoltes et
affament des villages. La colonie à laquelle nous avions affaire est connue
pour être un repaire de Kahanistes, que le regretté professeur Leibovitch
appelait judéo-nazis. Ils avaient exulté à la nouvelle de l’assassinat du
Premier ministre Rabin ; ils adoraient Baruch Goldstein, un criminel de
masse venu de Brooklyn ; ils publiaient le livre interdit du Rabbin Alba
qui proclame ouvertement qu’exterminer les Gentils est un devoir religieux,
pour les vrais Juifs. Ils étaient tellement abominables que les haïr allait de
soi, et donc tomber d’accord avec Uri, aussi.
Mais tandis que je scrutais le visage fermé des soldats, un souvenir
d’enfance émergea dans ma mémoire. Les pickpockets ne dévalisent pas les
étrangers eux-mêmes : ils envoient un petit gamin en estafette pour vous
délester de votre portefeuille. Si vous repoussez le gamin, ils vous tombent
sur le paletot comme une tonne de briques sous prétexte de le sauver, parce que
vous seriez en train de le rudoyer. A quoi bon haïr le petit voleur, alors
qu’il n’agit qu’à l’instigation des malfrats adultes ?
Les jeunes gens fêlés auxquels nous avions affaire nous avaient été envoyés
par les gros mafiosi, eux aussi. C’est pourquoi les soldats les laissent
agresser les paysans sans sourciller. C’est la division du travail : les
malfrats affament les paysans, l’armée protège les malfrats, et le gouvernement
assume le tout. Pendant que les canons et les mitraillettes de l’armée
israélienne tiennent les Palestiniens en respect, l’armée américaine tient à sa
merci l’Irak, le seul pays de la région susceptible d’assurer un équilibre des
pouvoirs, et les diplomates américains, pendant ce temps, continuent à produire
leur veto automatique au Conseil de Sécurité. Derrière les colons extrémistes,
on peut voir distinctement la main des gros mafiosi, qui se moquent des olives,
des paysans palestiniens et des soldats israéliens comme de leur première
chemise. A une extrémité de la chaîne de commandement, un colon cinglé de
Brooklyn avec son M-16 ; à l’autre extrémité, Bronfman et Zuckerman,
Sulzberger et Wolfowitz, Foxman et Friedman.
Et, quelque part, pris au milieu de tout ça : nous, les Israéliens et
les juifs américains, qui remplissons notre devoir électoral et payons dûment
nos impôts - et contribuons, de ce fait, au système. Car, sans notre soutien
actif, Wolfowitz devrait aller conquérir Bagdad tout seul et Bronfman devrait
brûler les oliviers des Palestiniens tout seul aussi.
N’empêche, comme on dit, chaque homme et chaque animal a ses parasites, et
nous devions nous occuper des nôtres. Les paysans de Yassouf et leurs soutiens
internationaux – nous – tinrent bon et ne lâchèrent pas. La police arriva et
tint conciliabule avec les colons. Ce fut rondement mené ; en rien de temps, un
grand dépendeur d’andouilles hirsute, officier de liaison, descendit nous
parler :
"Vous pouvez ramasser vos olives, mais allez travailler au fond de la
vallée, là-bas ; les colons ne vous verront plus. C’est votre vue qui les
dérange."
C’était une victoire partielle – un compromis – mais peu importait. Au
moins nous allions pouvoir récolter des olives ; nous n’en demandions pas plus.
Nous descendîmes dans la vallée dont les deux flancs sont renforcés par de
nombreuses terrasses, et la cueillette reprit. En bas, les olives étaient plus
petites, moins abondantes ; depuis trois ans, on avait empêché les paysans de
travailler leurs vergers. Or, les oliviers requièrent beaucoup d’entretien.
Normalement, les paysans labourent entre les arbres chaque année, en utilisant
une charrue démodée, tirée par un âne ; en effet, les terrasses ne
permettent absolument pas l’utilisation du tracteur. Sans cette opération, les
pluies hivernales ne pénètrent pas dans le sol et elles n’atteignent pas les
racines des oliviers. Les terrasses exigent elles aussi beaucoup d’entretien.
Mais cela n’était plus possible, dans la situation que l’on connaît, car les
paysans, prudents, évitaient de monter là-haut leurs houes et leurs bêches, qui
sont, comme chacun le sait désormais, des armes dangereuses aux yeux de leurs
tourmenteurs armés jusqu’aux dents.
A nouveau, les petites cascades d’olives – noires ou vertes – s’échappaient
de nos mains avant d’aller rejoindre les draps étendus sous les arbres. Olives
noires et olives vertes poussent sur un même arbre, car Dieu les a créées comme
ça ; il y en a des vertes, et il y en a des noires – nous a expliqué Husseïn,
qui conclut : mais elles donnent la même huile. C’était là un signe
adressé par Dieu à nous, les hommes : nous sommes faits différemment, et
c’est une bonne chose ; cela rend le monde plus beau et varié – si nous savons
tous garder à l’esprit notre commune humanité.
Nous étendîmes notre déjeuner sous un olivier géant. Umm Tarik, la seule femme, vêtue de sa robe palestinienne multicolore, apporta une grosse galette de pain, toute chaude ; elle sortait du four. Cette galette fut généreusement arrosée d’huile d’olive, tout comme les boules de fromage de chèvre qui allaient avec. Hassan fit circuler un zir – une amphore palestinienne en terre cuite – rempli d’eau fraîche à la source du Pommier. Le zir était très froid et ses parois étaient humides ; à regarder de plus près, elles étaient couvertes de minuscules gouttes de rosée. C’est une propriété de la glaise utilisée pour tourner ces amphores : elle est poreuse, et l’eau transpire abondamment, l’évaporation des minuscules gouttelettes, à l’extérieur du récipient, produisant le froid qui rafraîchit la boisson. Après plusieurs années d’utilisation, les pores du zir se colmatent et il perd sa propriété réfrigérante. Mais il n’est pas hors d’usage pour autant : on l’utilisera pour entreposer du vin, ou de l’huile.
"Ramat Gan me manque (c’est une banlieue de Tel Aviv)", dit
Hassan. "Avant l’Intifada, j’y travaillais ; j’étais peintre en
bâtiment. C’était un bon travail, et mon patron – un Yéménite – était un homme
honnête ; il me traitait comme il l’aurait fait avec un membre de sa
famille. Parfois, je passais la nuit, là-bas, et j’allais me balader sur le
front de mer de Tel Aviv, l’après-midi. ça
va faire deux ans que je n’ai pas quitté le village."
Tous avaient de bons souvenirs de l’époque où ils travaillaient dans les
grandes villes de l’Ouest de la Palestine et où ils rapportaient un peu
d’argent à la maison. C’était un arrangement mutuellement intéressant pour les
nouveaux venus et les paysans – un arrangement profondément inégal, mais
supportable. Partout dans le monde, villageois et paysans travaillent un moment
à la ville quand leur terre n’a ni besoin d’être moissonnée ni d’être plantée.
Pour les gens de la région, Tel Aviv et Ramat Gan, ces villes ‘juives’,
n’étaient pas plus étrangères que Naplouse ou Jérusalem, ces villes ‘arabes’,
le pays ne faisant qu’un. La Palestine est un petit pays, et Yassouf est juste
au centre, à quarante kilomètres de la mer, et à quarante kilomètres de la
frontière jordanienne. Les villes industrielles de la côte ont été construites
bien avant que l’état d’Israël n’ait vu le jour ; elles l’ont été grâce au
travail des paysans de Yassouf, et ces villes étaient légitimement à eux. Pas
exclusivement à eux, mais à eux aussi. L’accord tacite et l’harmonie entre
villageois et citadins furent cassés dès lors que les Juifs eurent entrepris
leur grignotage.
"Vous voyez la colonie ?", nous demanda Hussein. "Mon
père cultivait un champ de blé, sur ce flanc de colline. Au début, ils ont pris
la terre. Après, ils nous ont bouclés dans le village. Aujourd’hui, nous
n’avons presque plus de terre, et pas de travail".
"L’histoire de la Terre sainte répète l’histoire de la promesse
divine", dit le Révérend. "Le Christ disait : tout le monde est
élu. Les Juifs rétorquèrent : désolés, seuls nous, les Juifs, sommes le
peuple élu. Aujourd’hui, que demandent les Palestiniens ? Ils
disent : laissez-nous vivre, ensemble, sur ces terres. Et les Juifs de
rétorquer : désolés, cette terre est pour nous, pour nous seuls."
"Il devrait y avoir un Etat palestinien indépendant", intervint
Uri, "avec son drapeau, et une vraie frontière. Barak a trompé tout le
monde, en offrant en réalité de diviser votre territoire en plusieurs cantons.
Il faut revenir aux frontières de 1967, et tout ira bien."
Savez-vous que le Talmud réglemente le partage ? demandai-je, prenant
à mon tour la parole. Deux hommes avaient trouvé un châle, et chacun affirmait
que ce châle lui appartenait. Ils allèrent devant un juge, et le juge
demanda : "Comment dois-je partager ce châle ?" Le premier
homme dit au juge : "Divise le en deux parties égales,
moitié-moitié". Le deuxième dit : "Non, ce châle est tout entier
à moi". Le juge dit alors, "Il n’y a pas de désaccord entre vous sur une
moitié du châle, vous êtes tous deux d’accord pour que cette moitié appartienne
au deuxième homme. Je vais diviser la moitié du châle restante en parts égales.
Ainsi, le premier de vous deux, celui qui demande justice, recevra un quart du
châle, tandis que le second de vous deux, l’égoïste, en aura les trois
quarts". Telle est l’approche juive en matière de partage. Il faudrait
peut-être que les Palestiniens adoptent ces procédés, eux aussi.
Kamal ajouta quelques brindilles au petit feu allumé pour préparer le café.
C’était un ancien, respecté des villageois, un homme important dans la vie
politique locale et aussi au-delà. En 1967, il avait alors vingt ans, il dut se
séparer de sa fille nouvellement née avec le sentiment qu’il ne la reverrait
jamais, car il avait été condamné par les Juifs à quarante ans de prison, en
raison de son appartenance à la Résistance. Lorsqu’il émergea de l’ombre
éternelle des geôles de Ramleh, sa fille avait vingt et un ans.
"Nous aussi, nous avons une histoire de partage", dit Kamal.
"C’est l’histoire d’une femme qui avait trouvé un enfant abandonné et
l’avait élevé. Puis une autre femme, la mère naturelle de cet enfant, vint le
lui réclamer. Les deux femmes vinrent trouver le Cheikh Abu Zarad, afin qu’il
les départage, et le Cheikh dit : je vais couper en deux l’enfant, et j’en
donnerai une moitié à chacune de vous deux. Une des femmes dit : d’accord,
partageons l’enfant en deux. Mais l’autre femme s’écria, éplorée, jamais de la
vie, jamais je ne laisserai dépecer mon enfant ! Et le Cheikh remit
l’enfant à la deuxième femme, car elle était la vraie mère ».
J’avais les joues en feu. De honte. Kamal ne m’apprenait rien de nouveau,
mais, en voulant faire le subtil, j’avais oublié le sens profond du jugement de
Salomon, et lui, Kamal, descendant authentique des héros bibliques, me le
rappelait. Les Palestiniens, comme la mère légitime, n’ont pas pu choisir le
partage. L’Histoire a montré qu’ils avaient raison : la Palestine ne
saurait être divisée. Les paysans ont besoin des villes industrieuses pour y
travailler à la morte saison et y vendre leur huile ; ils ont besoin des
côtes de la Méditerranée, où les vagues de la mer viennent se fracasser, à
quelques kilomètres seulement de chez eux ; ils ont besoin de la totalité
du pays, de la même manière que tout un chacun a besoin de ses deux mains et de
ses deux yeux.
Les colons n’étaient pas des monstres, mais des hommes complètement égarés.
Comme moi, ils ont trop lu le Talmud de Babylone, et ils n’ont pas assez lu la
Bible de Palestine. Ils ont ressenti en eux l’attraction incroyablement
puissante de la terre, qui a fini par les attirer sur les collines de la
Samarie. Ils aspiraient à l’union avec la terre enchanteresse de Palestine, et
ils l’ont aimée d’un amour pervers, comme des nécrophiles. Ils étaient prêts à
tuer la terre, simplement pour la posséder. Ils ne comprenaient rien aux us et
coutumes locaux, et ils continuaient à vivre en collectant des fonds en
Amérique. Plus que de la haine, c’est de la pitié que je ressentais pour les
colons. Ils avaient eu une occasion – unique – de faire la paix avec leurs
voisins et avec la terre, et ils l’avaient ratée. En vandalisant la terre, ils
préparent de leurs propres mains leur exil prochain. La mère légitime obtiendra
l’enfant et, par conséquent, la victoire des Palestiniens est inéluctable, car
le jugement de Salomon est la parabole du jugement de Dieu.
Le lecteur va sans doute demander, mais où sont donc passés les bons
juifs ? Pour la symétrie, pour l’objectivité, pour notre confort, vite, je
vous en prie, montrez-moi des bons juifs ! Il n’y a pas que des colons,
chez les Juifs ; il y a aussi les militants de Peace Now et
d’autres mouvements amis des Palestiniens.
Oui. Il y a une différence entre les colons brutaux et leurs partisans,
d’un côté, et les Israéliens libéraux, électeurs habituels du parti
Travailliste, de l’autre. Les chauvinistes juifs veulent une Palestine sans
Palestiniens. Ils sont prêts à faire venir des Chinois pour travailler dans les
champs et des Russes pour surveiller ces Chinois. Ce sont des gens absolument
repoussants.
Les Israéliens libéraux peuvent encore envisager une sorte de futur en
commun, dans lequel les Palestiniens pourraient quitter leurs bantoustans
hyper-surveillés et aller travailler à Tel Aviv, à condition qu’ils possèdent
un permis de travail, pour y travailler, harcelés par la police israélienne,
sans sécurité sociale, payés au-dessous du SMIC, exploités par leurs
employeurs. L’idée d’une égalité fraternelle - non pas une fraternité céleste,
mais un comportement correct de tous les jours vis-à-vis des enfants légitimes
de la terre - leur est aussi étrangère qu’aux colons. Ils sont prêts à leur
donner un drapeau et un hymne national, mais à condition de pouvoir confisquer
leurs terres et leur gagne-pain.
Ces deux types d’Israéliens sont unis par leur commun rejet de la
Palestine. Ils célèbrent le "nouvel habit de ciment et de macadam offert à
la vieille terre d’Israël". Les libéraux rêvaient de créer une tranche
d’Amérique high-tech, et ils n’avaient nul besoin des collines de Samarie. Les
chauvins voulaient effacer jusqu’à la mémoire de la Palestine, et recréer le
royaume de haine et de vengeance.
Et peu, très peu d’entre nous avons compris que nous avions une occasion
unique d’apprendre quelque chose d’essentiel des Palestiniens. Avec notre
arrogance d’Europe de l’Est, nous sommes venus les éduquer et les changer, mais
c’est nous qui aurions dû apprendre d’eux et nous changer nous-mêmes. Les
aider, cela ne suffit pas ; il faut que nous, nous les conquérants, nous
nous hissions à la hauteur de la civilisation suprême de ceux que nous avons
conquis. Cela a été fait avant nous : les Vikings victorieux s’étaient
adaptés aux us et coutumes en vigueur en Angleterre, en France, en Russie et en
Sicile ; les Grecs triomphants d’Alexandre le Grand s’étaient faits
Egyptiens en Egypte et Syriens en Syrie ; l’Empereur mandchou s’était
sinisé. Cela doit être aussi le cas, pour ce qui nous concerne car, si nous ne
nous ‘palestinisons’ pas, nous sommes condamnés à recréer un ghetto, pour
nous ; et un autre ghetto, pour eux.
Prenez une fourmi ; elle vous construira une fourmilière. Prenez un
Juif ; il vous créera un ghetto. Prenez un Palestinien… Mon ami Musa avait
invité, dans le Vermont où il vivait, son père âgé, habitant d’un village de
Samarie. Et que fit-il, son père ? Il se mit à maçonner des terrasses et à
planter des oliviers. Dans le Vermont !
Les Palestiniens ne peuvent s’imaginer sans la terre et le mode de vie
unique qui y est attaché. Il y a plusieurs millénaires, après la fin de la
Grande Sécheresse mycénienne, leurs ancêtres formèrent une symbiose avec les
oliviers, les vignes, les ânes, les petites sources dans les collines, leurs
mausolées sur les crêtes. Ce complexe unique entre paysage, population et
esprit divin fut le grand apport des Palestiniens, et ils se le sont transmis à
travers les siècles, le préservant jusqu’à ce jour. Si on porte atteinte à cet
équilibre, l’humanité rompra ses amarres et elle ira se fracasser contre les
récifs de l’histoire. Vraiment, qu’ils aient accepté notre aide – tellement
modeste - fut pour nous un privilège insigne.
Dans l’après-midi, nous sommes revenus au village, dans la maison de
Hussein, si spacieuse qu’elle ne déparerait pas à Cannes ou à Sonoma. Sur sa
grande terrasse, nous nous sommes assis dans des fauteuils en rotin fabriqués
par les habitants du village voisin, Beidan. Les chats de Hussein, amicaux mais
très dignes, sont venus s’installer sur nos genoux, tandis que ses filles,
timides, apportaient du thé à la menthe. Des gens entraient, pour bavarder un
moment avec les étrangers de passage, comme cela se passe, généralement, dans
les villages isolés. Sur les tables et sur la balustrade, des petites lampes à
kérosène avaient été posées ; les suzerains israéliens refusent de connecter le
village au réseau électrique. Mais même ça, c’était bel et bon, car nous
pouvions contempler la lune d’octobre, flottant lentement dans les cieux qui
s’assombrissaient, brillant au-dessus des collines en terrasses, sur les toits,
sur le blindage lourdaud d’un tank Merkava, à flanc de colline, ses canons
pointés vers le village, et sur les vieux oliviers aux troncs noueux de
Yassouf.
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Ode à Farès ou le retour du Chevalier
Mai
2001
Nul
n'est autorisé à entrer ou sortir de la bande de Gaza. Celle-ci est entourée de
fils de fer barbelé, ses portes sont verrouillées et même si vous avez tous les
papiers nécessaires, vous ne pourrez pas pénétrer dans la plus grande prison de
haute sécurité du monde, qui abrite tout de même plus d'un million de
Palestiniens. L'armée israélienne qui, en d'autres temps fut réputée pour sa
force de combat, en est réduite au rôle de garde-chiourme. La formulation de la
tactique des forces de défense israéliennes nous ramène aux années 30 :
" Il n'est pas nécessaire de tuer un million de personnes. Tuez les
meilleurs et les autres mourront de peur ". Ce sont les Britanniques,
épaulés par leurs alliés juifs lors du soulèvement palestinien de 1936, qui ont
employé cette tactique pour la première fois. Depuis lors, des milliers de fils
et de filles parmi les plus brillants de cette terre, l'élite palestinienne en
devenir, ont été exterminés. Une fois encore, l'armée israélienne est utilisée
pour mettre en œuvre le même plan directeur : ‘calmer l'agitation des
indigènes’ en neutralisant systématiquement les rebelles en puissance.
Sa tâche n'est pas difficile : c’est l'armée la plus grande et la plus
puissante du Proche-Orient, celle d'un pays qui détient la puissance nucléaire,
et elle dispose de tous les armements possibles alors que les Palestiniens
captifs n'ont que des pierres et des armes légères. Récemment, les Israéliens
ont intercepté une cargaison d'armes à destination de Gaza. Cette armée se
targue d'une grande victoire mais n'en exprime pas moins sa ‘préoccupation’. Il
y a de quoi. Depuis 1973, l'armée israélienne a rarement été confrontée à
l'idée de faire feu en retour. Les soldats juifs se sont habitués à un travail
facile, comme, par exemple, descendre des gosses sans défense.
Gaza est une réalité dans un monde de science-fiction qui nous rappelle Le
Prisonnier ou quelque autre feuilleton de série B. Ses clôtures de barbelés
abritent un secret : l'irrédentisme d'un peuple. D'accord, cela ressemble à une
mise en scène de série B mais les acteurs, hommes et femmes, méritent des
Oscars.
Ce message secret nous vient de Palestine en la personne de Farès Ouda, un
adolescent de treize ans. C'est lui le petit David palestinien qui s'est
confronté au Goliath juif dans la banlieue de Gaza et qui a été immortalisé par
le photographe d'Associated Press, Laurent Rebours. Farès le téméraire, a jeté
des pierres contre le monstre blindé avec la grâce de saint Georges, le saint
vénéré en Palestine. Il a affronté l'ennemi avec la nonchalance d'un petit
villageois chassant un chien enragé. Cette photo a été prise le 29 octobre et,
quelques jours plus tard, le 8 novembre, l'enfant a été abattu de sang froid
par un tireur israélien isolé.
Cet enfant laisse derrière lui l'image d'un héros, un poster à afficher à
côté de celui du Che Guevara, un nom à évoquer en même temps que celui de
Gavroche, le brave petit rebelle des barricades de Paris du roman de Victor
Hugo, Les Misérables, symbole de l'irrédentisme de l'âme humaine. Il
vient d’un autre âge, d’une époque où l’héroïsme n’était pas un gros mot, où
les hommes partaient pour la guerre prêts à combattre et à mourir pour une
noble cause. En termes symboliques, on peut assimiler son prénom au mot
‘Chevalier’ et son nom de famille à la notion de ‘Retour’. L'image de cet
enfant nous renvoie indubitablement à celle du ‘retour des preux chevaliers du
temps jadis’. Cette notion est totalement étrangère à l'hédonisme commercial au
rabais dont on nous rebat les oreilles, l'idéologie dominante de notre époque,
abondamment alimentée par la culture populaire américaine. L'héritage de Farès
marque l'échec du plan directeur israélien. Né sous l'occupation israélienne,
ce jeune rebelle est mort en défiant les soldats de la FDI.
Nous, les amis de la Palestine, n'avons pas compris immédiatement ce
message d'espoir, habitués que nous étions à l'idée de la souffrance et du
martyre palestiniens. Dans nos écrits, nous reproduisons inconsciemment la
démarche geignarde qui consiste à présenter ‘les nôtres’ comme de malheureuses
victimes dignes de compassion et de pitié. Or, il nous faut absolument nous
garder de tout sentiment de pitié à l'égard des Palestiniens. Admiration,
amour, solidarité, culte des héros, voire envie, tout sauf la pitié. Si vous prenez
les Palestiniens en pitié, pourquoi ne pas vous lamenter sur le sort des 300
guerriers du roi Léonidas qui sont tombés en défendant les Thermopyles, ou sur
les soldats russes qui ont fait rempart de leur corps contre l'avancée des
chars de Guderian, voire sur Gary Cooper dans Le train sifflera trois fois.
Les héros ne devraient pas susciter la pitié. Ils sont au contraire des
exemples qui devraient nous insuffler du courage.
Dans un premier temps, nous n'avons pas correctement positionné l'image de
Farès. L'histoire de cette souffrance nous remettait en mémoire l'image du
petit Mohammed Durra, mourant recroquevillé devant nos yeux, compagnon de
misère de la petite Vietnamienne nue courant de toutes ses forces pour échapper
à l'enfer des bombardements au napalm.
L'image du retour du Chevalier Farès Ode appelle une représentation
différente : cet enfant est l'icône d'un héros. Il faudrait l'afficher à côté
de l'image des Marines de Iwo Jima, ou dans une église à côté de son
compatriote, saint Georges. Après tout, le saint martyr a été enterré en terre
de Palestine, non loin de Farès, dans la crypte de l'antique église byzantine
de Lydda.
Il semble que les adversaires des Palestiniens aient mieux appréhendé cette
réalité que leurs partisans. La presse américaine dominée par les Juifs n’a
épargné aucun effort pour effacer le souvenir de Farès, et éviter que ne se
répandent des vocations héroïques. MSNBC.com a organisé un concours
stupide pour trouver ‘l'image de l'année’, donnant le choix entre la photo de
Mohammed Durra le martyr et des photos de chiens. ( D'ailleurs, vous avez
toujours le choix, mais c’est toujours entre deux mauvaises options). Le Consul
d'Israël à Los Angeles a fait de la publicité pour la photo des chiens et de
nombreux partisans d'Israël ont voté pour tandis que les partisans de la
Palestine votaient pour la photo de Mohammed. Mais la photo qui comptait
vraiment, l'icône du petit Farès, n'a pas été présentée à ce concours.
Comme cela ne suffisait pas, le Washington Post a dépêché Lee
Hockstader, son correspondant en Palestine, pour démythifier la mémoire de
l'enfant abattu. Ce torchon à la solde de l'AIPAC peut faire confiance à
Hockstader. Les articles de ce type devraient être étudiés dans les écoles de
journalisme, à la rubrique ‘désinformation’. Quand les chars et les
hélicoptères de l'armée israélienne ont bombardé Bethléem, dépourvue de la
moindre défense, Hockstader a écrit : "dans le village biblique de
Bethléem (il n'allait tout de même pas parler de la Nativité, n'est-ce pas ?),
les soldats israéliens et les Palestiniens se sont affrontés en utilisant
chars, missiles, hélicoptères, mitrailleuses et pierres." J'ai dans l'idée
que si Hockstader racontait la deuxième guerre mondiale, il parlerait des
Etats-Unis et du Japon se tapant dessus à coup de bombes atomiques.
Hockstader n'a pas manqué de justifier les raids israéliens contre les
populations civiles en écrivant que "les porte-parole de l'armée
israélienne affirment que ces raids sont limités et essentiellement défensifs.
Néanmoins, le gouvernement israélien voit les choses plus largement, faisant
remarquer que ces raids permettent aux commandants militaires locaux de
"s'attaquer à un ennemi difficile à cerner". Dès lors que ce
correspondant adopte ‘une vision plus large’ des actions d'Israël, les
Palestiniens, dans ses articles, deviennent des ‘terroristes fous furieux’.
"Les Palestiniens ont menacé de faire payer le prix de ce qu'ils
considèrent comme une guerre d'agression. Le mouvement de la résistance islamique,
plus connu sous le nom de Hamas, a appelé à de nouveaux attentats suicides et
au tir de mortiers contre Israël".
Parmi d'autres sympathisants qui étudient les écrits de Hockstader,
François Smith a diffusé le message suivant sur l'Internet : "je considère
comme une insulte que ce type me croie assez stupide pour lui donner raison.
Méfiez-vous de Lee Hockstader. A mon avis, il a une idée derrière la
tête".
Pas de doute là dessus : Hockstader entend affirmer la suprématie des Juifs
et salir la mémoire des Palestiniens. L'idée de démythifier l'histoire de
Farrris lui convient parfaitement. Hockstader s'est rendu à Gaza et en est
revenu en racontant que le petit Farès désobéissait à son papa et sa maman, et
faisait l'école buissonnière. Cet adolescent était une "tête brûlée qui ne
rêvait que de se faire abattre. Un tireur d'élite juif compréhensif lui a tout
simplement permis d'accomplir sa volonté". Hockstader ne nous épargne rien
: l'enfant a été abattu alors qu'il se préparait à jeter une pierre et donc à
se faire abattre. Sa gloire posthume tient à "toutes les histoires qui ont
circulé à propos de sa mort. De toute façon, sa mère a touché un chèque de 10
000 dollars du président irakien, Saddam Hussein".
Hockstader jouait sur du velours. S'il était allé jusqu'à sous-entendre que
les colons, parents du nourrisson tué à Hébron, souhaitaient la mort de leur
enfant, et s'il avait osé qualifier la réaction israélienne de ‘raffut’, s’il
s’était même contenté de mentionner le chèque conséquent que le boucher de Sabra
et Chatila leur a fait parvenir en mains propres, Hockstader ne serait pas
sorti vivant d'Israël et Katherine Graham, propriétaire du Washington Post,
n'aurait pas fini de s'en mordre les doigts.
Les Juifs sont parvenus à intimider leurs ennemis et ceci pas seulement par
la magie du discours. A l'époque de Lord Moyne, ministre d'État britannique
pour le Proche-Orient, des officiers et de simples soldats britanniques comme
des centaines de dirigeants palestiniens ont été assassinés par des Juifs soucieux
d'affirmer leur suprématie sur la Terre sainte dans les années 40. Cela jusqu'à
ce que les Britanniques en proie à la terreur mettent toute voile dehors pour
quitter la baie de Haïfa, le 15 mai 1948. Aujourd'hui encore, à San Francisco,
deux militants pour la paix, le prêtre catholique Labib Kobti et un rabbin du
nom de Michael Lerner, continuent à recevoir des menaces de mort de la part de
groupes terroristes juifs et ils les prennent très au sérieux.
Les Palestiniens sont des agriculteurs et des citadins plutôt pacifiques.
Ils ont l'art de prendre soin des oliviers et des vignobles et savent fabriquer
le ‘zir’, cette jarre qui garde l'eau fraîche même lorsque souffle le ‘khamsin’
le plus brûlant. Chaque coin de Palestine est orné de constructions en pierres
qui témoignent du savoir-faire des maçons de ce pays. Les Palestiniens écrivent
des poèmes et vénèrent les tombeaux de leurs saints. Aussi, c'est avec stupeur
et incrédulité qu'ils se penchent vers le miroir d'une presse dominée par les
Juifs, qui les dépeint sous les traits de terroristes avides de sang. Pourtant,
ces simples paysans sont encore capables de nous donner une leçon d'héroïsme,
chaque fois qu'un ennemi cherche à s'emparer de leur terre. D'ailleurs, les
Palestiniens ont apporté la preuve de leur courage il y a des siècles et des
siècles, à l'époque légendaire des ‘Juges’, lorsque leurs ancêtres ont combattu
les ‘peuples venus de la mer’.
Dans les années 30, un Juif russe, fervent nationaliste et fondateur du
parti politique de Sharon, Vladimir Zeev Jabotinsky, a écrit un roman
historique (dans sa langue maternelle, le russe), intitulé Samson dans
lequel il glosait sur la narration biblique du fauteur d'attentat suicide qui,
en tuant trois mille hommes et femmes (Juges, 18:27), avait péri avec ses
ennemis. Il y a quelques années, ce roman a été publié en Israël, traduit en
hébreu moderne, et un critique littéraire du journal Davar a mis en
lumière des propos aussi aberrants qu'intéressants.
Selon Jabotinsky, les Britanniques n'étaient autres que les Philistins de
l'époque moderne tandis que les Israélites sont devenus les Juifs que l'on
connaît aujourd'hui. Aux yeux du lecteur israélien contemporain, cependant, ce
roman glorifie le combat des Palestiniens contre l'emprise des Israéliens. Héritiers
d'une haute civilisation et détenteurs d'une technologie militaire supérieure,
les Philistins, ces envahisseurs venus de la mer, habitants hédonistes de la
plaine littorale, et intrus belliqueux dans les Hautes Terres rappellent à
l'observateur ce que sont les Juifs israéliens de nos jours. Tandis que les
gens de Samson, les ‘gens de la tribu d'Israël’ natifs des Hautes Terres, font
penser aux paysans des collines de Palestine, nos contemporains. Ils sont,
comme eux, convaincus de la profondeur de leurs racines et de la victoire
inéluctable de leur attachement à la terre face à la puissance militaire de
l'envahisseur.
Tout ceci est logique puisque les Palestiniens sont les authentiques
descendants de l'Israël biblique, du peuple indigène qui a embrassé la foi du
Christ ou celle de Mahomet, et qui est demeuré à jamais sur la Terre sainte.
Cela, les Israéliens en sont parfaitement conscients. Dans les laboratoires de
génie génétique de Tel-Aviv, les chercheurs en quête ‘d'ADN juif’ publient
fièrement le moindre résultat qui prouverait l'existence d'un lien sanguin ténu
entre les Juifs et les Palestiniens d'autrefois. Ils savent très bien que nos
prétentions à nous autres Juifs au fier nom d'Israël sont, pour le moins,
sujettes à caution. A l'instar de Richard III, nous nous sommes emparés du
titre et de la couronne mais tout comme lui, nous nous sentirons menacés aussi
longtemps que survivront les héritiers légitimes. Voilà pour les motifs
psychologiques de la cruauté inexplicable avec laquelle nous traitons les
Palestiniens indigènes.
Les Israéliens voudraient être des Palestiniens de souche. Nous avons
adopté les pratiques culinaires de ce peuple et servons leurs falafels et leur
hommous comme s'il s'agissait de nos propres plats traditionnels. Nous avons
repris le nom du cactus local, sabra, qui pousse à l'emplacement de ses
villages, pour en faire le nom de nos enfants, filles et garçons, nés sur cette
terre. L'hébreu moderne que nous parlons a vu le jour en intégrant des
centaines de mots palestiniens. Il faudrait simplement que nous leur demandions
pardon, que nous les prenions dans nos bras tels des frères que nous croyions
perdus depuis longtemps, et que nous les laissions nous enseigner ce qu'ils
savent. C'est là le seul rayon d'espoir qui parviendrait à percer l'obscurité
qui nous environne actuellement.
Ainsi que les études archéologiques israéliennes l'ont révélé, il y a trois
mille ans, les tribus des hautes terres (les Banu Israël de la Bible) ont fini
par trouver un modus vivendi avec les ‘peuples de la mer’ installés sur la côte
et, ensemble, ces enfants de Samson et Dalila ont engendré les rédacteurs de la
Bible, les apôtres du Christ et les Palestiniens contemporains. Le savoir-faire
technique évolué des Philistins et l'amour des gens des plateaux pour notre
terre parcheminée se sont conjugués pour donner naissance au miracle spirituel
de la Palestine antique. Il n'est pas impossible - il est même hautement
souhaitable - que l'Histoire se répète. C'est alors que l'image glorieuse du jeune
Farès, luttant contre le char, se confondra avec les images du roi David et de
saint Georges dans les esprits et les manuels scolaires de nos enfants de
Palestine.
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La
bataille de Palestine
9 mars 2002
La route principale des Hautes-terres de
Palestine, entre Naplouse et Jérusalem, passe par un défilé étroit, entre les
collines de Samarie : le Wadi Haramiyyéh. Par endroits, ses murets retenant des
terrasses plantées d'oliviers s'interrompent et laissent place à un village,
comme le petit hameau charmant, aux maisons serrées, de Aïn Siniyyé, ou Sinjil,
splendide bourgade dont le nom immortalise Raymond de Saint-Gilles, Comte de
Toulouse, bailli et croisé.
Nous sommes au cœur de la Palestine ; chaque
pierre conserve la mémoire d'anciennes batailles et escarmouches. J'aime cet
endroit ; à Sinjil, on m'a pris pour le fils, né à l'étranger, de gens de la
région qui étaient partis vivre en Amérique, dans les années quarante. A Aïn
Siniyyé, un vieux paysan m'a parlé de son ami Moshe Sharet, Juif palestinien et
ministre d'Etat israélien, qui a grandi dans ce village, des années avant la
ségrégation sioniste. J'ai bu de l'eau à la petite source d'Aïn al-Haramiyyéh,
protégée par un khan ottoman en ruines, et par une autre ruine, la tour du roi
Baudouin, surveillant l'entrée méridionale du défilé. Le relief du lieu le rend
idéal pour une embuscade de bandits de grands chemins. Son nom est on ne peut
mieux choisi : Wadi Haramiyyéh signifie, en effet, ‘Vallée des brigands’.
Le 3 mars, un Rob Roy palestinien, armé d'une
vieille carabine datant de la seconde guerre mondiale, a réussi à abattre toute
une compagnie de Juifs armés jusqu'aux dents. L'un après l'autre, il a abattu
les soldats et leurs officiers. Puis il a disparu, sain et sauf.
D'un coup magistral, il a effacé le mythe
surfait de la vaillance militaire israélienne. Jamais plus les partisans
d'Israël ne pourront se gausser de la couardise des Arabes, jamais plus ils ne
raconteront leurs histoires de chaussures abandonnées dans le Sinaï durant la
Guerre des six jours. Cet homme, renouvelant l'exploit de Karameh a rendu aux
Palestiniens leur honneur.
Il
a, du même coup, offert une saine alternative à l'attraction morbide des
attentats suicides ; ce n'était pas trop tôt. Depuis longtemps je voulais
dissuader mes frères palestiniens et mes sœurs palestiniennes de commettre
cette folie, mais je détestais l'idée de courir le risque d'être pris pour un
instrument du sionisme. Je comprends les motivations des shahids (les martyrs),
je salue leur courage, mais je regrette profondément leurs actes. Il s'agit
d'actes contre-productifs, inutiles, aveugles. Je suis sûr[1] que certaines cellules
terroristes sont complètement manipulées par les services secrets israéliens :
trop souvent, les bombes explosent là où il ne faut pas, quand il ne faut pas,
contre des objectifs totalement erronés. Leurs actes sont récupérés à fond par
la propagande israélienne. Leur mort est une perte terrible pour l'humanité.
Ils sacrifient leur vie comme le fils d'Abraham s'était offert au couteau. Mais
Dieu lui avait substitué, à l'instant fatidique, un bélier.
Le tireur d'élite a ouvert une route
différente vers la gloire, une route qui ne passe pas par la ‘Vallée de la
Mort’. L'histoire de la Bataille de Haramiyyéh devrait être chantée par les
bardes, et enseignée par les résistants qui combattent partout dans le monde. A
un contre dix, le ‘Commando Solitaire’ a atteint le symbole le plus haïssable
de la loi juive en Palestine, un barrage militaire. Ces barrages où des soldats
israéliens désœuvrés, gavés et sadiques humilient quotidiennement, frappent et
souvent assassinent la population locale.
La veille, justement, les soldats avaient
commis l'un de leurs actes de cruauté les plus révoltants et lâches. Une femme
palestinienne, sur le point d'accoucher, s'était présentée devant le barrage,
soutenue par son mari. Les soldats l'avaient laissé passer, puis ils avaient
tiré. Son mari a été tué. La Palestinienne, blessée, a accouché à l'hôpital.
Les soldats n'ont nullement été sanctionnés, mais l'armée a "exprimé ses
regrets" aux survivants...
Le souci principal de l'armée israélienne est
de maintenir la population en état de vulnérabilité totale et dans l'incapacité
de se défendre. Les soldats sont accoutumés à abattre des civils innocents.
Leurs victimes préférées sont les enfants ; leur arme de prédilection, un fusil
de précision à longue portée et à haute vélocité. Leur conception de
l'amusement a été observée par un expert de "la face sombre des Forces
Israéliennes de Défense", le chef du bureau du New York Times au
Proche-Orient, Chris Hedges : "ils déversent un torrent d'injures sur les
enfants d'un camp de réfugiés, puis ils leur tirent dessus et les estropient à
vie lorsqu'ils s'approchent du piège mortel"[2].
Il n'en reste pas moins que les tirs contre
la femme enceinte étaient un acte aussi fatal que l'assassinat de la femme du
Lévite, dans la Bible. Le Seigneur Dieu de Palestine a entrevu le calvaire de
Ses enfants. Les agissements odieux des soldats sionistes devaient être punis.
La malédiction prononcée par le Seigneur contre les enfants égarés d'Israël
(Deutéronome 28) leur est retombée sur la tête. Quelles que soient les
conclusions de la commission militaire d'enquête, c'est là l'explication la
plus vraisemblable de cet événement. Celui qui a donné la victoire au jeune
berger David contre Goliath, a accordé la victoire au combattant isolé de Wadi
Haramiyyéh.
L'attaque surprise contre le checkpoint a
asséné un coup mortel au complexe de supériorité psychotique des Israéliens.
Les lâches et les sadiques, en effet, sont incapables d'encaisser une défaite ;
ils y répondent par la rage de tuer. C'est pourquoi l'armée israélienne a
entrepris sans tarder de livrer un assaut en règle contre des villes et des
villages palestiniens. Au moment où j'écris, les soldats israéliens tirent
contre les ambulances qui tentent d'emmener les blessés. Les avions de chasse
américains, pilotés par des Israéliens, bombardent l'école pour enfants
aveugles de Gaza. Des commandos de choc de la division Golani, secondés par des
chars, investissent le camp de réfugiés de Tulkarem. Ils se préparent à
réitérer le massacre de Sabra et Chatila, dernier en date des hauts faits du
général Sharon. Leur manuel ? Les mémoires du commandant de la Waffen-SS qui
avait écrasé le ghetto de Varsovie. Ils sont tout excités par les pertes
extrêmement faibles de la Wermacht, en 1943, et ils espèrent en répéter la
performance en écrasant les Palestiniens[3].
Sharon a surpassé Hitler : le dictateur
allemand avait évité soigneusement de donner l'ordre de tuer les Juifs. Le
führer juif a appelé sans ambages à tuer les Goys, au journal de vingt heures,
à la télévision israélienne. Alors que de nombreux Allemands, horrifiés par les
nazis, ont, au péril de leur vie, déserté pour aller servir dans les armées
alliées contre le Troisième Reich, les Juifs hésitent encore à rompre le lien
de fausse loyauté envers leur Troisième Malkuth. Les Israéliens de conscience
refusent de participer directement au nettoyage ethnique. C'est très bien. Mais
cela ne saurait suffire. Nous devons suivre l'exemple d'Ernst Thaelmann et de
Joe Slovo, franchir les lignes et rejoindre les combattants palestiniens sur
les barricades de Gaza et de Tulkarem. Dans le quotidien anglais The
Guardian[4],
Jonathan Freedland qualifie les protestataires israéliens de "héros".
Je garde ce titre, en ce qui me concerne, pour le tireur d'élite de la Vallée
des Brigands.
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22 Novembre 2002
Une ogive, c’est un hommage à la lune : elle est formée de deux
croissants face à face. La pleine lune, quant à elle, sert de modèle à la voûte
parfaitement semi-circulaire, prisée des Romains. Les arches outrepassées des
musulmans sont parfois ornées de pointes : c’est qu’elles sont formées de
sept croissants de lune accolés… Un étudiant en architecture avisé pourrait
rédiger un mémoire sur l’Histoire de l’Arcature, en prenant tous ses exemples
dans cette ville palestinienne ancestrale : Naplouse.
Dans
la Casbah, un passage voûté débouche sur un autre passage voûté, créant des
enfilades, et disparaissant dans les ombres épaisses. Près de la mosquée
Salihiyyéh, les passages souterrains forment une rose des vents, qu’on dirait
calquée sur quelque antique portulan. Mon regard s’enfonce dans la pupille
noire d’une ouverture, il trébuche sur des arcatures semblables aux lames du
diaphragme d’un vieil appareil photo. Naplouse ? Une véritable
taupinière ! Des générations de petits nains industrieux ont dû creuser
tout ce labyrinthe de galeries sous les maisons de pierre indestructibles de la
vieille ville, reliant les bazars, les mosquées et les églises.
Husseïn, imbattable dans l’art de retrouver son chemin, me conduit à
travers les tunnels. Suscitant partout ailleurs la claustrophobie, à Naplouse,
ils vous rassurent et vous entourent d’une protection quasi maternelle. Ils
nous dissimulent à des yeux malveillants qui épient, aux viseurs des snipers
nichés sur le Mont du Blasphème. Nous devons traverser une place, une place à
l’italienne, bien proportionnée, avec, au milieu, un joli terrain de jeu pour
les enfants. Nous rasons les murs de bâtiments trapus, de style colonial. Les
passages étroits et confinés ne nous font pas peur. Ce sont les espaces ouverts
que nous craignons.
Des balles hurlent au-dessus de nous et viennent frapper un mur caché à nos
yeux. Une mitrailleuse répond et, très vite, un orchestre nocturne de volées de
projectiles et d’éclairs secoue l’air montagnard. La ville est assiégée depuis
six mois, depuis avril, et les Juifs tirent, sporadiquement, sur ses habitants.
Les façades donnant sur la place à l’italienne sont rehaussées des portraits
vivement colorés des tués : un garçonnet de cinq ans, une jeune fille, à
côté d’un combattant costaud et moustachu. Le dôme doré de la coupole du
Rocher, symbole palestinien de la parfaite harmonie, brille derrière leur tête,
couronnant de gloire les martyrs. A Naplouse, vous n’êtes jamais seul ; les
yeux des snipers et les yeux des martyrs vous suivent, partout.
L’impression, bizarre, d’être une proie, s’empare de moi. Je me souviens de
la première fois où on m’a tiré dessus – c’était parmi les collines pelées,
grises et jaunes, qui dominent l’autoroute Suez-Le Caire. L’artillerie
égyptienne a ouvert le feu contre nous, compagnie de jeunes parachutistes qui
venions d’atterrir dans le désert. Les projectiles, en tombant, soulevaient des
nuages de sable et de poussière, la terre tremblait sous les impacts, tout
proches, tout à fait à la manière dont elle tremblait sous les impacts lors des
exercices de l’hiver précédent, lorsque l’artillerie censée nous couvrir avait
mal calculé sa hausse et nous avait presque ensevelis sous ses salves.
"Qu’est-ce que vous foutez, imbéciles d’artilleurs – pensais-je – regardez
un peu ; nous sommes là ; vous nous tirez dessus ! Allez-y, continuez
comme ça et vous finirez par nous avoir !" Mais soudain, je réalisai
que là, ce n’était pas une erreur. Ce n’était pas les manœuvres d’hiver ;
c’était la guerre, la vraie. Et l’artillerie nous visait, pour nous tuer.
Nous nous faufilons dans un immeuble moderne, et montons au deuxième étage
en empruntant un vaste escalier ; là, nous entrons dans le Café Internet. C’est
plein de monde : des jeunes, garçons et filles, défiant les tirs des
snipers, sont venus dans ce lieu de refuge et d’évasion. Certains d’entre eux
sont des combattants ; ils profitent d’une relative accalmie. Ayant posé
leurs fusils AK au-dessus de l’écran de leur ordinateur, ils dialoguent
‘online’ avec leurs correspondants de Californie, de Bahreïn, de Stockholm ou
de Damas…
Je tape un message depuis Naplouse et l’envoie à un forum israélien. Je
reçois rapidement une réponse d’un certain David Silver, de Tel Aviv :
"Je n’ai pas pitié d’eux. Je ne suis pas triste pour ce qui leur arrive.
Si cela dépendait de moi, je les enverrais TOUS au Diable. Avec leurs gamins,
leurs filles, leurs jeunes filles à marier, leurs femmes, leurs grands-mères,
leur croyance simplette à leurs propres mensonges, leur ruse bestiale, leur
patience et leur désespoir, leur rire, leurs larmes, leur nourriture, leur
fierté et leur héroïsme, leur revanche, leur force de travail… DEHORS !
Leurs pères, leurs époux et leurs grands-pères sont des assassins sanguinaires,
des admirateurs de meurtriers, des scélérats, des voleurs, des lâches et des
menteurs pathologiques. Après l’expulsion, ils pourront rechercher notre
amitié, mais je ne m'y fierais pas". Voilà réglé le sort de la
"pitié et de la douce obstination contre la violence, inhérentes aux
Juifs", dont parlait Jean-Paul Sartre en 1945.
Un percolateur italien ultramoderne brille de tous ses voyants verts et
rouges, laissant échapper sa vapeur dans un sifflement impressionnant. La
guerre, dans une ville moderne, a de ces aspects incongrus : les
ordinateurs sont connectés au réseau mondial, les télécopieurs crachent leurs
rouleaux impeccablement imprimés de nouvelles fraîches, la boulangerie ouvre
ses portes à chaque accalmie dans les bombardements, un cousin arrive du
Kentucky et de jeunes combattants potassent leurs cours en vue de leur examen
du lendemain, à l’université de la ville.
Il est bien difficile de comprendre que, juste de l’autre côté de la
vallée, des garçons du même âge, venus de petites villes côtières, sont
positionnés sur les collines, afin de réduire Naplouse. C’est pourtant la
réalité. Un gros boum secoue le bâtiment ; les écrans des ordinateurs
s’éteignent après un ultime flash lumineux. C’était une mine artisanale, dit un
jeune combattant. Non, c’était un obus de mortier de 81 mm, corrige son ami.
Ils se précipitent vers l’extérieur, par l’escalier imposant, et nous les
suivons dehors, sous le ciel étoilé. C’est souvent à ces heures là que les
Israéliens envoient leurs forces de reconnaissance. Ils entrent dans les
maisons, raflent les hommes et les emmènent dans leurs cellules de torture.
Pour obtenir des informations, disent-ils, mais il y a un autre objectif :
un homme torturé, comme une fille violée, c’est un être brisé et soumis. Plus
de cent mille Palestiniens et un nombre incalculable de Libanais ont été
torturés par les Israéliens, qui détiennent probablement en la matière un
triste record du monde. Les combattants descendent dans les rues afin d’arrêter
l’avancée des tortionnaires, ou au moins pour leur en faire payer le prix.
Le rapport des forces est incroyablement disproportionné : la
troisième (peut-être même est-ce la seconde) armée au monde, soutenue par
l’unique superpuissance mondiale, contre ces jeunes hommes et ces jeunes
femmes. Si les Israéliens le voulaient, ils pourraient pénétrer dans la vieille
ville au moment de leur choix ; de nuit comme de jour. Lors du sanglant
avril 2002, plus de cent hommes et femmes furent massacrés, à Naplouse. Une
famille au complet, de huit personnes, a trouvé la mort lorsque les chars et
les bulldozers blindés israéliens ont écrabouillé leur maison à la limite de la
ville ; ils étaient à l’intérieur. Une autre maison a été bombardée par un
F-16, et les ouvriers de la municipalité ont eu toutes les peines du monde à
extraire des gravats les cadavres de deux vieilles dames.
Mais la ville est vivante. Dès que les bombardements et les tirs
s’arrêtent, les citoyens sortent de chez eux et s’aventurent dans l’insécurité
des marchés, ignorant le couvre-feu. Des marchands déplient leurs étals de
fruits et légumes, l’odeur des épices emplit à nouveau l’atmosphère, de
vieilles femmes venues des villages voisins se faufilent et viennent vendre
leur huile et leurs olives concassées – ne sommes-nous pas au cœur du pays des
oliviers ? Les mosquées sont bondées, bien qu’elles n’offrent aucunement
un abri sûr : les Israéliens ne voient aucun inconvénient à tirer sur les
mosquées et les églises. En avril, une petite chapelle catholique a été réduite
à l’état de ruines ; l’église orthodoxe de Saint-Demetrios a par miracle
échappé à l’explosion d’un missile qui a dévasté la rue juste en face. La
Mosquée Verte, la plus ancienne de la ville, a été défoncée par un char, mais
elle a été réparée, depuis.
La rapidité avec laquelle les bâtiments sont reconstruits est étonnante. A
peine les chars ont-ils abandonné les gravats, les équipes de la municipalité
arrivent : elles retirent les cadavres, extraient les blessés et
commencent à consolider les murs. Mais les Israéliens détruisent plus vite que
les habitants de Naplouse ne peuvent reconstruire. Les chenilles des chars ont
pulvérisé le sol carrelé des bazars, démolissant le réseau d’eau potable
flambant neuf. Les traces des dévastations récentes se fondent parmi les ruines
laissées par le tremblement de terre de 1927, et aussi par une autre
catastrophe, beaucoup plus ancienne. Au deuxième siècle avant Jésus-Christ, les
Juifs avaient rasé l’ancêtre de Naplouse, l’antique Sichem (ses murs
cyclopéens, vieux de quatre millénaires, sont encore visibles en bordure du
camp de réfugiés de Balata, juste à la sortie de la ville).
Mais la cité ne mourut pas. Le règne juif en Palestine fut sanglant, cruel,
mais plutôt bref. Le pays fut conquis par l’envahisseur juif durant la seconde
moitié du deuxième siècle avant Jésus-Christ, les villes furent ruinées et la
population en fut chassée, réduite en esclavage ou réduite à l’état de ‘juifs
indigènes de seconde catégorie’, comme cela fut le cas, aussi, en Galilée. Des
impôts exorbitants, le génocide et l’apartheid étaient des calamités rampantes,
déjà à l’époque. Soixante ans plus tard, l’empereur Pompée le Grand débarqua
sur les côtes de Palestine, et il libéra les Palestiniens du joug juif.
Après que l’armée romaine eût soumis les Juifs rebelles, les soldats
romains à la retraite épousèrent de belles femmes de la région et
reconstruisirent la ville, qu’ils nommèrent Neapolis, ou Naplouse. Elle est
encore aujourd’hui digne de son nom de baptême romain, Neapolis ou Naples, par
la continuité de ses styles architecturaux et le tempérament ardent de ses
habitants. Ses maisons poussent à la manière d’arbres, arborant les douces
traces de ses nombreuses périodes historiques. Les fondations romaines,
graduellement, laissent la place aux soubassements byzantins, se transforment
là en structure abbasside, plus loin se transmuent en villa citadine d’un
Croisé et finissent dans les dernières restaurations faites en mai, après le
dernier bombardement israélien ; c’est une composition parfaite, dans le temps
et dans l’espace.
Telle est la maison de Husseïn. La voûte de la cave a probablement été
construite par un maçon de l’époque de Titus Flavius, tandis que le toit vient
d’être terminé. Debout, sur la terrasse, nous voyons en face de nous la
silhouette imposante et sombre du Mont Garizim (du Blasphème), avec sa base
militaire israélienne. Le halo jaune
des projecteurs couronne son enceinte de barbelés, les moteurs des chars
rugissent comme des dragons attendant le signal pour dévaler et dévorer la
ville. En bas, dans la rue, un petit groupe de combattants, chacun brandit sa
kalachnikov. De l’autre côté de la vallée, le Mont de la Bénédiction s’élève
jusqu’à l’église de la Sainte Vierge et le site du temple samaritain. Soudain,
les éclairs de départs de tirs éteignent les étoiles, et nous rentrons à l’abri
tandis qu’une mitrailleuse lourde commence à balayer la ville.
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04 mars
2001
Il est
difficile de rendre visite à Joseph en ce moment. Des barrages routiers
surveillés par des soldats israéliens nerveux entourent sa ville de Naplouse ;
des tranchées ou des talus bloquent les accès les plus étroits. Habituellement,
le matin, les habitants des villages alentour affluent pour travailler ou faire
leurs courses mais maintenant, ces simples actes de la vie quotidienne les
mettent en danger de mort, car les soldats tirent sans avertissement. On peut
néanmoins se glisser dans la vieille capitale de la Samarie à pied.
La ville
est là, telle un sachet de myrrhe, entre les deux mamelons du mont Ebal et du
mont Gerizim. Naplouse, c'est l'ancienne Neapolis, fondée par Titus à l'apogée
de l'empire romain. Les traditions romaines n'ont pas disparu de cette ville
d’eau célèbre pour ses bains turcs luxueux. Son savon à l'huile d'olive est
réputé lui aussi, de même que sa soupe épicée, le kubbeh, et l'esprit hardi de
ses habitants. Ils ont mené une guérilla virulente contre Napoléon, se sont
révoltés contre les envahisseurs égyptiens et ont maintenu les colons juifs à
distance respectueuse.
Pendant le
dernier soulèvement, Naplouse a mérité le nom de Djebel-an-Nar, le mont du Feu.
Les Israéliens osent rarement pénétrer dans les rues étroites de la vieille
ville. Aujourd'hui, cette cité antique et intraitable abrite Marwan Barghouti,
que l'on considère parfois comme le meneur du soulèvement.
Je m'y
suis rendu pour visiter l'un des plus charmants tombeaux de la Terre sainte, le
tombeau de Joseph, le héros de la Bible et du Coran, originaire du lieu, qui
fit fortune en Egypte avant d’être ramené par Banu Israël qui l'a fait enterrer
dans la patrie de ses ancêtres. Les habitants du pays le vénèrent comme les
nombreux autres tombeaux et sanctuaires qui ornent collines et carrefours de
Palestine. Les tombeaux ont une profonde signification spirituelle pour les
Palestiniens ; ils sont plus anciens que toutes les religions, ont survécu à
toutes les réformes religieuses et sont encore capables de mettre l’homme en
relation avec Dieu.
Il ne faut
pas prendre leurs noms au sérieux, parce qu'ils changent avec le temps. Il y a
une douzaine de tombeaux du cheikh Ali et même Josué ben Nun en a plusieurs.
D'autres tombeaux ont plusieurs noms, comme la caverne du mont des Oliviers que
les chrétiens appellent Pélagie, les musulmans Rabia elk-Adawiya et les juifs
Hulda. Bien que certains musulmans orthodoxes, le clergé chrétien et les
lettrés juifs soient hostiles à la vénération des tombeaux, les gens simples
continuent à venir ici demander qu’on exauce leurs prières, les hommes pour la
gloire et la moisson, les femmes pour les enfants et l'amour. Le tombeau de
Joseph est comme les autres. Cet édifice simple, surmonté d'un dôme qui a été
redoré récemment, se trouve à côté de l'antique tertre de Sechem. Tous les
jours, on peut y voir des paysannes palestiniennes en robes noires richement
brodées qui viennent rendre hommage au tombeau de ce chaste amant dont les
longs cils ont réduit la forteresse du cœur de Zuleika.
Il y a
quelques mois, on ne parlait plus que du tombeau de Joseph aux informations.
Les habitants de Naplouse se sont battus contre des soldats israéliens bien
armés pour les restes de leur ancêtre Joseph, comme les Achéens avaient
combattu les Troyens pour le cadavre de Patrocle. Vingt Palestiniens sont morts
ici, les Israéliens ont perdu un mercenaire et il y a eu quelques blessés. Les
images de cette bataille au fusil ont été diffusées dans le monde entier et
l'on a pu voir les tirs acharnés, les ambulances se ruant vers les hôpitaux et
les morgues, les longues rafales de mitraillettes entailler la pierre et la
chair. La réalité virtuelle des écrans de télévision, soutenue par la voix des
spécialistes, nous présentait cette preuve ultime de la haine des Arabes pour
les lieux saints juifs.
On a
longtemps parlé de la destruction du Tombeau aux informations. Il se trouva
même un théologien musulman de Russie, furieux, pour adresser une lettre
ouverte aux Palestiniens condamnant ce sacrilège. Les grands journaux du monde
ont tous publié des éditoriaux très durs sur le sujet. Un Martien de passage
sur la Terre aurait pensé que le principal désir des Palestiniens était de
profaner les lieux saints juifs. Et au cas où vous auriez échappé à la centième
répétition de l'affaire, le New York Times est revenu dessus la semaine
dernière.
Pour moi,
c'était une fois de trop. Ce journal juif américain de grande audience éveille
toujours le soupçon en moi. Je me rappelle qu'il racontait, en 1990, qu'on
allait massacrer les juifs à Moscou, ce qui n'arriva pas, mais provoqua le
départ d'un million de Juifs russes en Israël. Je me souviens qu'ils ont
raconté le "massacre" de Timisoara, en Roumanie, qui était une
invention pure. Mais la nouvelle provoqua l'exécution sommaire du président
Ceaucescu et de sa femme. Je me rappelle que ce journal s'élevait contre la
noble assistance militaire de Cuba à la Namibie, qui brisa les reins à
l'apartheid en Afrique du Sud. Connaissant les Palestiniens, j'avais du mal à
croire, alors qu'ils vénéraient ce tombeau depuis des générations et des
générations, qu'ils l'avaient tout à coup détruit.
Ce que je
trouvai sur le site de la dernière demeure de Joseph n'était qu'une nouvelle
version de la vieille plaisanterie juive : "C'est vrai que Cohen a gagné
un million à la loterie ? Oui, c'est vrai, mais c'était seulement dix francs,
au poker, et il a perdu, pas gagné." Au lieu des ruines annoncées, le
tombeau brillait dans toute sa splendeur d'origine. Aucune trace de la guerre
n'était visible. La municipalité de Naplouse a engagé les meilleurs maçons,
fait venir des experts italiens et restauré le tombeau à l'identique. Ils ont
enlevé les barbelés, les mitraillettes, les véhicules blindés, la minable
cantine des soldats et les points de garde. La base militaire qu’avaient
construite les Israéliens a cédé la place au saint tombeau ressuscité. Ce fut
une joie pour moi de retrouver Joseph alors que, un mois avant le soulèvement,
j'avais été décontenancé en le revoyant.
Je me
trouvais à Naplouse avec deux touristes, un chrétien et un juif. Nous avions
visité la synagogue samaritaine, bu au puits de Jacob dans l'église, jeté un coup
d’œil à la Mosquée verte avant de nous rendre au superbe tombeau de Joseph. Un
vieux policier palestinien, qui avait fait ses classes dans l'armée anglaise,
nous permit de nous approcher du tombeau mais en nous prévenant qu'on ne nous
laisserait pas entrer. Il avait raison : de jeunes Russes casqués, portant
treillis et fusils, en jaillirent et nous dirent que pour entrer au tombeau, il
fallait aller au quartier général, hors de la ville, subir la fouille de
sécurité et un interrogatoire avant de revenir dans le bus blindé. Nous avons
abandonné le tombeau pour des lieux plus accueillants.
Depuis des
générations, les gens de Naplouse chérissent le tombeau de Joseph et le
fréquentent, mais les Israéliens s'en sont emparés en 1975. Les infâmes accords
d'Oslo lui ont conservé le statut d'enclave israélienne au cœur d'une ville
palestinienne. C'est devenu une école religieuse juive de la secte
cabalistique, dirigée par le rabbin Isaac Ginzburg, dont le nom doit vous dire
quelque chose : dans un entretien avec la Semaine juive, il a déclaré
qu'un juif avait le droit d'arracher le foie de n'importe quel non-juif si cela
devait lui sauver la vie, puisque la vie d'un juif est infiniment plus
précieuse que celle d'un non-juif ; le journaliste lui a demandé d'atténuer ses
propos mais il a catégoriquement refusé. Beaucoup de journaux israéliens ont
reproduit cet entretien car Ginzburg est très connu.
Un an plus
tôt, les disciples de Ginzburg avaient attaqué un village palestinien proche de
Naplouse et un membre de la secte avait assassiné une fillette de treize ans.
Il a été arrêté et jugé ; Ginzburg a été cité comme témoin de la défense et il
a proclamé, sous serment, qu'un juif ne pouvait pas être poursuivi pour le
meurtre d'un non-juif car le commandement "Tu ne tueras point" ne
s'applique qu'aux juifs. Tuer un non-juif est, au pire, un délit, dit-il, car
"il est impossible de comparer le sang des juifs et le sang des
non-juifs".
Dans son Histoire
de la culture juive (disponible sur le site du département pour l'éducation
sioniste des Juifs) Zvi Howard Adelman[5]
de Jérusalem cite Ginzburg et certains de ses collègues. Un autre cabaliste, le
rabbin Israël Ariel, a écrit en 1982, au moment du massacre de Sabra et
Chatila, que "Beyrouth fait partie de la Terre d'Israël ; nos chefs
auraient dû envahir le Liban et Beyrouth sans hésitation et les tuer tous
jusqu'au dernier, pour que le souvenir même en disparaisse".
Bien sûr,
dans toutes les religions il y a des extrémistes et des fanatiques. Il est
certain que la majorité des juifs, y compris les juifs pratiquants, ne sont pas
d'accord et trouvent même répugnants ces sentiments de cannibales. Mais aucune
répulsion n'a empêché l'armée israélienne de monter la garde devant l'école de
Ginzburg, le gouvernement israélien de la subventionner ou encore de forcer les
Palestiniens à accepter cette enclave de haine au milieu de Naplouse ou de
lancer une mini-guerre pour promouvoir le zèle de Ginzburg. La répugnance n'a
pas empêché les juifs américains de soutenir inconditionnellement la politique
israélienne. La répugnance ne m'a pas empêché de payer mes impôts au régime
israélien, en sachant parfaitement qu'une partie servirait à financer la secte
de Ginzburg. La répugnance n'a pas empêché le New York Times et ses
filiales de la presse américaine de propager le mensonge criminel "les
Arabes ont mis à sac un lieu saint juif."
Ginzburg a
bien sûr le droit de croire ce qu'il veut, même si c'est odieux. Nous vivons
une époque où la tolérance s'applique à tous sauf à la prédication chrétienne
dans les écoles. On a le droit d'entrer dans une secte sataniste ou
cabalistique. Mais est-il normal que ces sectateurs soient armés d'hélicoptères
de combat Apache payés par le contribuable américain ? Ginzburg et sa
secte exercent une influence qui dépasse largement le cadre de leurs quelques
affiliés. Ils sont dangereux pour tous les non-juifs, et aussi pour les juifs
‘rebelles’ comme le défunt Premier ministre Rabin. Au cours de ce qui s’avérera
peut-être une répétition générale d'un affrontement à venir pour les lieux
saints de Jérusalem, vingt jeunes Palestiniens sont morts pour que soit
restauré le droit de vénérer le tombeau de Joseph.
Désormais,
comme avant 1975, les habitants et les touristes, musulmans, samaritains,
juifs, chrétiens et libres penseurs peuvent se rendre librement au tombeau,
s'ils échappent aux tireurs d’élite israéliens. Ils peuvent déposer des fleurs
sur la pierre tombale d'un des grands héros bibliques. Joseph a été rendu à
ceux qui l'ont toujours vénéré et vous pouvez désormais lui rendre visite mais,
je vous en prie, ne venez pas en char d'assaut.
C'est la
base militaire que combattaient les Palestiniens et non le lieu saint. Les
lieux saints de Jérusalem, de Bethléem et d'Hébron seraient en sûreté entre les
mains des Palestiniens, comme ils l'ont été depuis des temps immémoriaux. S'il
n'y avait pas eu la vénération locale, tous ces lieux saints auraient disparu.
Ne l'oublions pas lorsque la question de Jérusalem sera à l'ordre du
jour ; c'est-à-dire bientôt, très bientôt.
Cette
histoire récente des événements qui se sont déroulés au tombeau de Joseph
apporte une preuve supplémentaire que les grands médias américains ne sont
absolument pas fiables en tant que source d’information.
La grande
nation, la formidable superpuissance s'instruit et navigue sur l'océan de la politique
mondiale avec le télescope de Mickey Mouse en fait de jumelles électroniques.
Si les magnats juifs de la presse vous mentent sur la Palestine, il n'y a
aucune raison qu'ils soient honnêtes dans d'autres domaines. On aimerait que la
souffrance des Palestiniens permette aux Européens et aux Américains de voir
les écueils qui environnent leur propre navire.
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13 août 2001
Alors que les F-16 ont repris leurs bombardements des villes de Palestine
et que des jeunes gens ont recommencé à sacrifier leur vie et celle des autres,
Martin Indyk proclame, dans un article du New York Times, que "la
violence empire"[6]Comme un chœur de la Grèce antique, la BBC
et CNN font écho à Indyk dans leurs reportages sur la "violence en
Palestine". Bush, du haut de son Olympe, renouvelle son plaidoyer en
faveur de "l'arrêt du cycle de violence". Cette ‘violence’ sans
visage et sans raison devrait probablement s'écrire avec une majuscule à l'instar
de la ‘Colère’ des premiers vers de l'Iliade.
Epopée éternelle, l'Iliade débute par un chant appelant à célébrer
la Colère d'Achille. Dans la bouche d'Homère, la Colère (ou la Fureur, la
Guerre, l'Amour, ou l'Espérance) est la personnification d'un état. De nos
jours, nous y verrions plutôt un Achille furieux ou un mari violent et non la
Colère ou la Violence en soi. Sauf si le maltraitant est l’Etat d'Israël. Dans
ce cas, nous en revenons à la notion homérique de Violence, en tant qu'être
indépendant, et non comme une action imputable à l'Homme. Certains discutent
sérieusement des moyens de ‘traiter’ la violence pour qu'advienne la Paix.
Dans la réalité de tous les jours, la Violence n'est pas comme le climat.
Elle est provoquée par quelqu'un et nous sommes généralement en mesure de
déterminer le facteur qui la produit. A titre d'exemple, lorsque le plan
‘Mitchell’ a été invoqué et que le contingent quotidien de morts a commencé à
diminuer, les tenants de la suprématie juive ont rejoué la visite provocatrice
de Sharon sur le Haram al-Charif en posant la première pierre du troisième
temple.
Juste après la provocation que constituait cette action, Israël a embrayé
sur une série d'assassinats à Naplouse, Ramallah et ailleurs, en s'efforçant
d'obtenir une réaction du même ordre de la part des Palestiniens. Les assassins
à la solde de Sharon n'ont pas cessé de sévir jusqu'à ce qu'un candidat à
l'attentat-suicide ait l'obligeance de réagir.
Ce n'est pas une coïncidence. Les élite juives en Israël et en Amérique
font en sorte que dure le soulèvement palestinien. Elles ne veulent pas la paix
mais un conflit de basse intensité. L'état de guerre avec les Palestiniens
permet aux dirigeants israéliens de maintenir soudées les communautés
hétérogènes qu'ils représentent et de les empêcher de se sauter mutuellement à
la gorge. Plus encore, la guerre permet aux dirigeants des collectivités juives
du monde entier de poursuivre leur tâche ardue qui consiste à revitaliser la
‘juiverie mondiale’, concept plus que dépassé puisqu'il remonte au Moyen Age.
C'est la raison pour laquelle s'élever contre la ‘Violence’ ou en faveur de la
‘Paix’ n'a aucun sens. Aussi longtemps que l’état convaincu de la supériorité
juive existera, il veillera à maintenir la violence et à éviter la paix.
Les récents assassinats avaient également pour objet de dissimuler, sous un
amoncellement de cadavres, la provocation que constituait la pose de la
première pierre. La signification de cette obscure cérémonie a été encore plus
embrouillée par les grands médias, où toute mention de cet événement s'est
mystérieusement évaporée. Ainsi, par exemple, le 3 août 2001, l'agence Reuter
rapporte que "la police israélienne a pris d'assaut le Mont du Temple,
révéré par les musulmans sous le nom de al Haram al-Charif, après que des
Palestiniens aient jeté des pierres contre des Juifs en prière au-dessous,
devant le mur occidental".
Pourquoi, tout d'un coup, les Palestiniens ont-ils commencé à caillasser
des Juifs ? L'histoire de la pose de la première pierre a été passée sous
silence et, pour l'Américain ou l'Européen moyen, seule subsiste l'impression
que, par pur dépit, des ‘sauvages’ musulmans ont pris à partie des juifs
pacifiques en train de prier. Sur ce plan-là, l'unanimité des médias
anglophones a de quoi horrifier. La BBC qui, en d'autres temps, était plus
objective que les réseaux de médias américains, a rejoint le peloton. Elle
aussi a rapporté que "des soldats israéliens pénétraient dans les mosquées
en réaction contre les lanceurs de pierres musulmans", rejetant à la fin
de l’article la pose de la première pierre du troisième temple. Il semble,
aujourd'hui, que la diffusion du documentaire de la BBC sur Sharon fut un acte
de courage singulier qui n'est pas près de se reproduire.
Quant aux réseaux de médias américains, la couverture des événements qu'ils
assurent n'a pas varié d'un iota. Ils répandent le point de vue israélien sans
la moindre hésitation. C'est pourquoi nous allons reprendre en détail les
événements relatifs à l'étrange histoire, quasiment oubliée, de la pose de la
première pierre. Rien à voir avec les provocations dues à l'Israélien moyen.
Cette histoire nous remet en mémoire les incantations de magie noire de la Pulsa
di Nura, formule cabalistique employée par le Premier ministre Isaac Rabin.
En 1995, la presse israélienne avait couvert un rassemblement de cabalistes
importants qui invoquaient les esprits du Mal et les imploraient de mettre un
terme à la vie du Premier ministre. Peu de temps après, Rabin fut assassiné par
un fanatique juif religieux. L'un des organisateurs de la cérémonie de la Pulsa
di Nura a été jugé par un tribunal israélien et condamné à la prison pour
incitation au meurtre. Point n'est besoin de croire en la magie noire pour
saisir la logique du juge.
Pour comprendre l'idée de la pose de cette première pierre, imaginez que
vous vous réveilliez dans votre maison de banlieue, au matin d'un beau
dimanche, que vous preniez votre café puis que vous vous rendiez à l'église de
votre paroisse. Devant l'église, un groupe d'hommes, bien protégés par des
soldats en armes et par la police, s'affairent à installer un immense panneau
affichant : "En ce lieu, une synagogue sera érigée en 2001". A
l’arrière plan, les moteurs d'un bulldozer rugissent et vous entendez, venant
d’un haut-parleur, la voix d'un rabbin qui bénit la nouvelle synagogue. Dans un
cas pareil, il est probable que vous vous sentiriez aussi hystérique qu'Arthur
Accroc, héros du Guide du Routard galactique. Remplacez votre église
paroissiale par Saint-Pierre ou le Saint-Sépulcre et vous comprendrez les
sentiments des habitants de Jérusalem.
Si les loyalistes du Mont du Temple (c'est ainsi que s'appellent les
célébrants de cette cérémonie magique) sont très peu nombreux et n'ont guère de
place dans la vie publique, on ne peut pas en dire autant de l'instance qui
leur a donné le feu vert. Ignorant les mises en garde de la police, la Cour
Suprême, organe juridique juif le plus éminent, les a autorisés à perpétrer cet
acte à une date propice, le neuvième jour du mois de ‘Ab’ selon le calendrier
lunaire, avec toute la mystique que cela sous-entend. L’état juif a mobilisé
toute sa puissance, dont des milliers de policiers et de militaires, pour
permettre que cette cérémonie ait lieu. C'est ce qui nous autorise à comparer les
agités du groupuscule loyaliste à la pointe fine et tranchante de l'instrument
du dentiste, qui l'enfonce profondément dans la dent pour vérifier si elle est
bien dévitalisée.
Les résultats de ce douloureux examen ne laissent planer aucun doute. Apparemment,
le nerf était toujours vivant et la mobilisation rapide des Palestiniens a
contraint les Juifs à modifier l'itinéraire de la procession loyaliste. La
cérémonie a bien eu lieu mais en dehors de la vieille ville et un peu plus tôt
que prévu. Elle n'a duré que quelques minutes, puis la pierre a été remise à sa
place habituelle, dans l'ombre protectrice du consulat des Etats-Unis. Le
passage en force de cet instrument a provoqué une douleur aiguë ainsi que la
réaction, parfaitement prévisible, des habitants de Jérusalem, suivi de
l'assaut haineux de la police contre les fidèles présents à l'intérieur de la
mosquée. Quelle est la cause de tous ces troubles ? Pour quelle raison les
enfants palestiniens n'ont-ils pas hésité à affronter la police des frontières,
célèbre pour sa brutalité ? Pourquoi cette ‘première pierre’ était-elle aussi
importante ?
Nombreux sont les Juifs et leurs alliés chrétiens pro-sionistes qui
estiment que le joyau que constitue le Haram al-Charif, les superbes mosquées
de Jérusalem datant du VIIe siècle, devrait être détruit et que, sur
ses ruines, il faudrait ériger un temple juif. Serait-ce une obligation et
pourquoi ? Les explications avancées diffèrent. Certaines sont d'ordre
historique, d'autres eschatologique. Ce n'est pas une question de justice
historique, ni dans un but de prière puisque le judaïsme traditionnel interdit
toute relation avec "le temple construit au nom de Yahvé". Certains
Juifs mystiques jugent que cette action permettra à leurs coreligionnaires de
dominer le monde de manière absolue et irréversible. Cette croyance n'est pas
l'apanage de quelques farfelus ou cinglés, ni même celui des seuls sionistes,
mais plutôt une conviction assez largement répandue.
De façon générale, la presse occidentale présente le conflit comme s'il
s'agissait d'un affrontement entre Musulmans et Juifs. Mais, pour les Juifs
dont nous avons parlé, c'est un conflit opposant les Juifs aux Gentils. Dans
leur esprit, le Mont du Temple est un anneau magique, qu'ils devraient passer à
leur doigt le moment venu. Comme dans Le Seigneur des anneaux de
Tolkien, l'anneau devrait faire advenir le Messie. Pour les mystiques juifs, le
Messie n'est pas celui des Chrétiens. Dans leur Livre, il n'est pas le doux
Jésus porteur d'un message à l'intention de l'humanité tout entière. Leur
Messie à eux réduira les nations de la Terre en esclavage pour toujours, et
fera du Peuple élu le maître de l'univers. Leur Messie, le Seigneur qui
asservira les peuples de la Terre, est l'Antéchrist des prophéties.
Tandis que, sur notre compteur cosmique, les chiffres des millénaires passent de 2 à 3, des visions apocalyptiques hantent des gens par ailleurs sains d'esprit. Ce n'est pas la première fois qu'une poignée de Juifs rêve de dominer le monde dans le royaume éternel de l'Antéchrist. Le problème, c'est qu'aujourd'hui, ils disposent d'armes nucléaires, d'avions et de navires de combat à la pointe du progrès, d'une richesse immense, du soutien inconditionnel des Etats-Unis, de dizaines de millions d'esclaves chrétiens pro-sionistes qui leur sont tout dévoués, et d'un large réseau de médias internationaux, bien dressé et docile.
Ceci dépasse la simple mystique. Il y a dix ans, Nahum Barnea, journaliste
israélien bien connu, écrivait dans Yediot Aharonot :
"L’influence juive sur la politique extérieure des Etats-Unis a
augmenté considérablement au cours des années 70 et des années 80. En raison de
cette influence, Israël est devenu le principal bénéficiaire de l’aide
étrangère américaine. Mais cette influence a aussi généré un mythe. Ce mythe
nous amène aux Protocoles des sages de Sion, un livre qui prétend que
les Juifs règnent sur le monde. La situation est au comble de l’ironie. Pendant
des décennies, les Juifs ont réfuté ce mythe des Protocoles, en le
faisant passer pour une manifestation machiavélique de l’antisémitisme.
Maintenant, les Juifs tournent ce même mythe à leur avantage. Certains vont
jusqu’à y croire". Feu Israël Shahak, intellectuel israélien, a formulé la
remarque suivante : "Le Likoud, parti au pouvoir (pour ne rien dire de
l'extrême droite), croit véritablement à ce mythe (de la domination du monde
par les Juifs et de l'asservissement des Gentils)". Toutefois, ces
observations doivent être atténuées.
Les Juifs ont une tradition dans la polémique qui consiste à exagérer les
allégations de leurs opposants, afin de les contredire plus aisément. Personne
ne pense que les Juifs règnent sur le monde ; c’est un travail trop harassant.
La question est de savoir si les Juifs se dirigent vers cette domination
globale. Est-ce qu’ils voudraient dominer le monde ? Et bien,
certains voudraient, tandis que d’autres leur emboîtent le pas en silence.
Haaretz, principal quotidien israélien, écrit que Sharon, comme Barak avant lui, va
consulter en secret les sorciers de la Cabale pour leur demander conseil. Tout
ceci est dans l'air du temps : les écoles, les programmes et les magasins ont
tissé leur toile sur l'ensemble de l’Etat juif. Aux termes du discours qu'ils
tiennent, la Terre sainte s'est transformée en poubelle. Ce n'est pas un
hasard. On attribue la Cabale à Simeon B. Yohai, mystique du premier siècle,
dont la maxime la plus connue dit ceci : "Ecrasez la tête des meilleurs
parmi les serpents, tuez les meilleurs parmi les goys."
Face à ce modèle archaïque de domination, de génocide et d'asservissement,
il nous faut rappeler en quoi consistait la religion archaïque. Nombre
d'Israéliens ont le sentiment de voir resurgir l'antique esprit de haine et de
domination. Dans son supplément du week-end, le quotidien Haaretz publie
une nouvelle qui raconte brièvement l'histoire d'un président des Etats-Unis
qui, pour avoir essayé de désobéir aux ordres des cabalistes, aurait été déposé
par ses subordonnés. "Les Juifs ont vocation à régir le monde"
prêchait le rabbin Leichtman, cabaliste notoire, dans un long article publié
dans Vesti, journal russe israélien. En Israël, dans les forums de
discussion sur Internet, on peut trouver des propos plus ‘durs’, comme par
exemple la citation d'un vieux poème de feu Uri Zvi Greenberg, poète hébreu
appelant à l'extermination des Gentils. D'ailleurs, Greenberg ne s'est pas
limité aux Palestiniens, à l'instar de Menahem Begin, ni même aux Arabes, à
l'instar du rabbin Ovadia Joseph, autorité spirituelle suprême d'Israël.
L'extermination d'Edom, nom de code traditionnel des Gentils, européens comme
américains, semble être une option envisageable dans l'esprit fiévreux des
adeptes de la Cabale.
Ce sentiment se répand au sein de la diaspora juive. A Atlanta, en plein
cœur des Etats-Unis, un débat a récemment été organisé par le Centre de la
communauté juive, en présence du consul d'Israël, d'un homme d'affaires juif,
d'un grand rabbin d'Atlanta ainsi que d'un chroniqueur du New York Times.
A ce sujet, un observateur a écrit : "J'ai été particulièrement frappé par
les remarques du rabbin. Tout en se proclamant anti-sioniste, il a déclaré (en
témoigne la cassette d'enregistrement) que, selon son interprétation, le motif
ultime de la création d'Israël est de maîtriser le pouvoir et la richesse du
monde. A terme, les Juifs renverseront les gouvernements des autres pays et
seront affectés aux postes qui leur permettront de dominer le monde." Pour
ce rabbin, "ceci devrait se vérifier dans les années à venir".
A l'autre bout du monde, en Russie, Eliezer Dacevich-Voronel (qui se
présente lui-même comme professeur d'université juive), disciple juif du
mouvement ultra nationaliste de Jabotinski auquel appartient Sharon, a composé
un poème qui dit à peu près ceci : "Nous, les Elus, sommes unis par la haine
que nous éprouvons à l'égard des tribus d'esclaves qui se sont soulevées, ont
renversé nos ancêtres et rejeté notre Dieu. Une fois qu'elles ont su où était
leur place dans le monde, elles ont compris que le goret doit demeurer dans sa
porcherie. Vous vous êtes révoltés et nous avez contraints à vous servir mais,
désormais, votre fin est proche. Nous sommes vos maîtres et vous êtes nos
esclaves. C'est là le dessein de Dieu. Bientôt, notre soleil se lèvera de
nouveau et les esclaves n'oseront pas lever les yeux vers lui. C'est alors que
le Seigneur de mon Peuple apparaîtra dans les cieux tandis que nous, les douze
douzaines de milliers (qui ne font d'ailleurs que 144 000) d'Elus, siégerons
dans le grand amphithéâtre et observerons les misérables cohortes d'âmes ramper
vers leur paradis. Par la volonté de Dieu, nous appellerons cela
Auschwitz".
Ces gens-là n'hésitent pas à parler de la reconstitution génétique du Roi
de l'Antéchrist. ll semble que l'instigateur de ce projet soit Avi Ben Abraham,
dissident renommé qui vient de revenir en Israël. Cet homme hors du commun
venait de passer quelques années en Californie où il travaillait à un projet de
surgélation des morts, digne du feuilleton Star Trek, pour le compte de
Juifs extrêmement fortunés. Plein aux as, il s'est fait construire un palace à
Césarée, sur les rives de la Méditerranée, à quelques 50 km au nord de
Tel-Aviv, et a pris contact avec le Dr. Severino Antinori, spécialiste italien
de la génétique. Dans un entretien accordé à Haaretz, Ben Abraham, qui a
acquis son titre de docteur en médecine à l'âge de 18 ans, ce qui ne s'était
jamais vu, a fait allusion à son projet. Ces jours derniers, ledit projet a
fait l'objet d'une brève dans le quotidien New York Daily News, journal
appartenant à Mortimer Zuckerman, milliardaire partisan de la suprématie juive
qui dirige la Conférence des organisations judéo-américaines.
Animés par un esprit de vengeance et de haine, certains sont prêts à
s'emparer de l'anneau magique qui confère le pouvoir, le Mont du Temple, afin
d'imposer et de perpétuer le règne de l'Antéchrist. Mais cela ne saurait se
faire en exerçant la force et la brutalité ainsi que le dit le texte Issur
Homah, datant du Moyen Age. Prématuré, le coup pourrait faire long feu. Le
rabbin Loubavitch, à la tête d'une communauté juive de Brooklyn, avait été
considéré par ses disciples comme un Messie en puissance. C'est pourquoi il ne
s'est jamais rendu en Terre sainte. Il ne se sentait pas prêt pour l'épreuve de
force. Pendant ce temps, les enfants de Palestine, frères de Farès Ouda et
neveux du Christ, tiennent ces religieux fanatiques à distance. Actuellement,
Sharon et sa cohorte de croyants fous se font la main en s'emparant de la
Maison d'Orient, propriété de la famille Husseini à Jérusalem. Si on laisse
passer cet événement sans intervenir, il constituera un pas de plus vers
l'Anneau de puissance.
Eugène Zamiatin, écrivain russe porté sur l'introspection, a composé une
nouvelle qui trouverait parfaitement sa place dans les Évangiles. C'est l'histoire
d'un homme qui, ayant décidé de construire un temple, n'avait pas un sou
vaillant. Il attaqua un commerçant sur la grand route, le tortura à mort, lui
extorqua beaucoup d'argent et érigea le temple. Il invita l'évêque, de nombreux
prêtres ainsi que des gens du commun mais, rapidement, tous quittèrent le
temple car l'endroit puait le meurtre. Nul ne saurait ériger un temple sur le
sang des innocents. Quoique plus âgé, un contemporain de Zamiatin, le ‘sioniste
spirituel’ Ahad Ha-Am, philosophe juif d'Odessa, a exprimé tout cela en termes
simples mais de toute beauté : "Si c'est cela le Messie, je ne
souhaite pas qu'il advienne".
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février 2002
Magnifique comme toujours, le printemps arrivait en Palestine. C'est une
période très agréable : la flamme des fleurs d’amandiers en bouton éclaire
les vallées, l'herbe est exceptionnellement verte (elle sera bientôt brûlée par
le soleil), le ciel est bleu, doux, sans son éclat aveuglant de l'été, et les
moutons dodus paissent dans les collines. Le Créateur du printemps est
apparemment indifférent aux activités des humains ou Il connaît toute
chose.
Au seizième mois de l'Intifada , la facilité avec laquelle les Israéliens
pénètrent dans les territoires autonomes dément la fiction légale d'un
quasi-Etat palestinien. Les amis de la Palestine craignaient que l'Autorité
autonome palestinienne devienne un bantoustan arabe dans le Grand Israël. Nous
pouvons nous rassurer: l'Autorité autonome n'est pas près d’être un bantoustan.
C'est une réserve de gros gibier. Il est probable que Sharon et son ministre du
tourisme, le colon Beni Elon, considèrent que celle-ci attirera des touristes
aventureux en Israël, qu'ils la préféreront à celles d'Afrique du Sud ou du
Kenya.
Edward Herman[7] de Znet annonce une future
« solution finale » pour les Palestiniens à l’image de la «solution
finale » que les Allemands firent subir aux Juifs. La Force de Défense
Israélienne a eu la même idée. Nos généraux ont tiré les leçons de la
répression allemande du soulèvement du Ghetto de Varsovie, rapporte Haaretz[8] . Ils sont fascinés par les pertes
extrêmement faibles souffertes par la Wermacht à Varsovie en 1943 et ils
espèrent en avoir aussi peu, s’ ils doivent écraser ce qui reste de l'Autorité
autonome.
D'un autre côté, il y a de plus en plus de signes de désobéissance civile et des officiers israéliens refusent de mettre en oeuvre la « solution finale ». Je suis allé à la manifestation au musée de Tel Aviv et il y avait là de magnifiques jeunes gens et jeunes filles, debout près de vieux combattants de la paix. C'était un vrai camp de la paix, sans guillemets. Ils applaudirent un message d'Arafat et soutirent les officiers réfractaires. La Paix maintenant, un mouvement lié aux travaillistes, ne s'était pas joint à cette manifestation : ses membres sont mal à l’aise quand il s’agit de refuser d'obéir aux ordres de l'armée. Il n'est jamais facile de résister aux ordres, bien que l'IDF soit plutôt tolérante vis-à-vis des marques de désaccord. Les rebelles, au pire, se verront privés de postes de commandement, ils ne passeront pas en cour martiale. Leur refus de servir dans les territoires palestiniens a cependant été un coup porté à la machine de guerre israélienne, bien que des centaines d'autres soldats et officiers aient exprimé leur désir de remplir les places vacantes aux points de contrôle et dans les postes de tireurs à l'affût. Les rebelles ont fait un premier pas important en décidant de rester à l'écart du mal.
L'hebdomadaire de Tel Aviv Ha-Ir a publié de brèves explications
(moins de cent mots chacune) par des soldats de la raison pour laquelle ils
décidaient de refuser d'obéir aux ordres. C'est une triste lecture, remplie de
récits de mauvais traitements aux points de contrôle, de torture et de
manœuvres pour affamer les Palestiniens. Le meurtre d'enfants, qui peut être
considéré comme une caractéristique de l'Etat hébreu, occupe une place
prépondérante dans cette liste d’horreurs. Les antisémites d'autrefois
affirmaient que les juifs tuaient des enfants chrétiens. Ce mythe sanglant et
révoltant a été réduit à néant en Israël. Nous n’avons pas de préjugés, nous
tuons des enfants musulmans aussi facilement que des enfants chrétiens. Même
Ami Ayalon, le dur, maigre, chauve et misérable ex-chef du redoutable Service
de sécurité de l'Etat, s'étonnait à haute voix du si faible nombre d'officiers
israéliens qui refusaient de tuer des enfants.
Je suis un peu moins satisfait que je devrais l’être, parce que les
Israéliens ont une capacité merveilleuse pour utiliser la protestation dans
leur propre intérêt. Par exemple, après le massacre de Sabra et de Shatila il y
eut une manifestation géante, à laquelle participèrent quelques centaines de
milliers d'Israéliens. Mais son seul résultat fut que les Israéliens se sentent
à l’aise. Pendant les dix-sept années qui suivirent, le centre de torture
al-Hiyam dans le Sud du Liban resta en opération et l'occupation du Sud de ce
pays ne s'est terminée qu’il y a peu. Sharon, le boucher de Sabra et de
Shatila, fut élu Premier ministre. Il est à craindre que l'acte courageux des
officiers soit utilisé pour que les partisans d'Israël soient à l’aise avec
leur conscience, plutôt que pour changer les choses. Henry Lowe, un ami
israélien de Palestine a écrit : “En Amérique, les partisans d’extrême
droite de l'Israël colonialiste utilisent déjà la déclaration des réservistes
pour dire: ‘Voyez, il n’y a qu'en Israël que cela peut arriver. C'est une
indication claire qu'Israël est une démocratie, tandis que les Arabes sont…’”
De plus, leur insistance sur le caractère sacré de la Ligne verte est à tout le
moins naïve.
Comment vont se passer les choses maintenant, pour Israël et la Palestine?
Qu'arrivera-t-il ensuite ?
Sharon peut essayer de continuer avec la Solution finale, la création d'une
Palestine sans Palestiniens. Jusqu'à maintenant, il avait espéré que les
Palestiniens fuiraient leurs insupportables conditions de vie. Les gens
relativement aisés et ayant des relations émigrent, prenant eux-mêmes de la
distance jusqu'à ce que des jours meilleurs arrivent. Mais les Juifs partent
beaucoup plus vite. Les jeunes Israéliens vont à l'étranger pour étudier et ne
reviennent pas. Un musicien de talent, Adi Schmidt, un ami de mon fils, a
annoncé son intention de partir pour de bon et a donné son concert d'adieu à
Tel Aviv. Le shekel est en chute libre et les investissements tendent vers
zéro. C'est pourquoi le gouvernement doit prendre des mesures hardies.
Il aimerait provoquer une guerre civile parmi les Palestiniens.
L’augmentation des pressions en relation avec telle ou telle action des
milices, les rencontres avec des ministres choisis de l'Autorité autonome, les
demandes d'arrestation et de livraison d’activistes : autant de moyens
stratégiques pour déclencher celle-ci. Mais, contre toute attente, les
Palestiniens ne se précipitent pas dans l'autodestruction.
A défaut d'une guerre civile palestinienne, Sharon a d'autres moyens pour
provoquer les Palestiniens et les voisins d'Israël, et pour nettoyer le pays de
ses habitants goys. Il peut faire dans la provocation. Il peut forcer l'entrée
de la mosquée Al Aqsa, le magnifique complexe construit par les Califes
omeyades au septième siècle, le cœur à nu de la Palestine. En 1996, Bibi
Netanyahu fit creuser un tunnel près de la mosquée et fut à l’origine de
quatre-vingt-seize morts. La violation de l’enceinte de la mosquée par Sharon,
il y a seize mois, relança l'Intifada . Récemment Sharon reçut du Shabak
l'utile recommandation d'ouvrir la mosquée au culte juif.
Dans les circonstances normales, les non-musulmans sont autorisés à visiter
al-Aqsa. Ses grandes cours ombragées, la suprême harmonie de Gubbet as-Sahra,
le dôme du Rocher et les spacieuses nefs du bâtiment principal en font un lieu
parfait pour flâner agréablement, se reposer et se livrer à la contemplation.
Des millions de touristes et des dizaines de millions de croyants avaient
l'habitude d'y venir. Mais depuis bien longtemps, le gouvernement israélien a
interdit aux musulmans de venir à l'endroit où le Prophète (la paix soit sur
lui) pria avec les autres prophètes. Un musulman de Jérusalem doit être âgé de
plus de quarante ans pour franchir les postes de contrôle de la police qu’il
rencontrera sur son chemin vers le lieu de sa prière. Un musulman de Gaza ou de
Ramallah ne peut pas, lui, venir prier ici. Les dirigeants de la mosquée ne
désirent pas voir des étrangers venir chez eux, tant que leurs propres enfants
ne sont pas autorisés à y entrer.
Des parties du domaine de la mosquée ont déjà été confisquées par les
juifs. Le vaste square devant le Mur occidental était l'emplacement d'un
pittoresque quartier Mughrabi. Il appartenait également à la mosquée, mais
après la conquête israélienne de Jérusalem en 1967, il fut rasé. La hâte des
conquérants pour éliminer la présence palestinienne fut telle que certains de
ses habitants furent enterrés sous les ruines. Le Mur occidental est également
une partie du terrain de la mosquée. Selon une tradition vieille comme le
temps, confirmée par les autorités britanniques, le Mur appartient à la
mosquée, bien que les Juifs soient en droit d'y prier. Après 1967, il fut
confisqué en même temps que le Mur sud.
La droite juive nationaliste rêve d'ériger le Temple juif sur les ruines de
la mosquée. Ses membres croient que la montagne a des qualités magiques et
qu’une fois en des mains juive, elle donnerait la suprématie aux Juifs sur le
monde chrétien et musulman (3). Le Temple juif ferait aussi de l'ombre au
Saint-Sépulcre. Pour eux, la prise de possession de la mosquée n'est pas
seulement un moyen de provoquer plus de violence, mais une fin en soi.
Cette opinion est partagée par les “Chrétiens sionistes” un groupe
religieux américain qui renie le Nouveau Testament, qui rejette l'Eucharistie
et la Vierge, et qui croit que le peuple juif a été choisi par Dieu pour
l'éternité. Les Chrétiens sionistes considèrent qu’il est de leur devoir de
servir les Juifs en hâtant la grande guerre. Comme la venue d'une telle secte,
à la fin des temps, était prophétisée par les Pères de l'Eglise, leurs
opposants les appellent ‘‘ l'Eglise de l'Antéchrist’’. Le Président des
Etats-Unis Georges W. Bush et certains de ses conseillers sont extrêmement
proches de cette Eglise de ‘‘ceux qui attendent l'Armageddon’’. Ils
favoriseront les juifs et menaceront les voisins d'Israël, l’Iran et l’Irak de
destruction nucléaire, lorsqu' Israël prendra possession des mosquées.
Si la prise de possession se passe pacifiquement, Sharon inscrira son nom à
la suite du Roi Hérode, le précédent constructeur du Temple juif. Si cela cause
de grandes perturbations, Sharon pourra tuer et expulser les Palestiniens. Si
cela cause une grande guerre, les éclaireurs d'Armaggedon seront bien contents
Il y a un plan de rechange pour les moins naïfs. Certains sionistes
discrets et tortueux ont envisagé l'élection de Sharon comme une simple étape
dans la réalisation de la stratégie d'Oslo. Les Palestiniens avaient rejeté la
proposition de Barak d'un ‘‘Etat palestinien indépendant’’ c'est-à-dire d’une
chaîne de bantoustans sans droit au retour des réfugiés, sans Jérusalem, sans
frontières propres et sans espoir. Mais ils ont beaucoup souffert depuis lors
et perdu beaucoup de leurs meilleurs hommes et femmes.
Un conte juif populaire parle d'un homme qui se sentait misérable dans sa
maison petite et encombrée. Son rabbin lui conseilla d'y faire rentrer sa
chèvre. L'homme vint en pleurs une semaine plus tard, maintenant il lui était
vraiment impossible de se retourner dans sa maison. Le rabbin lui permit de
faire sortir la chèvre et il devint un citoyen heureux et content.
Sharon est la chèvre de cette fable. Quand il sera renvoyé, les médias
juifs des Etats-Unis feront l'éloge de notre grand humanisme. Les Européens
nous bénirons pour notre générosité. Les gentils garçons qui refusaient de
servir dans les territoires deviendront des héros. La place du sanglant Sharon
sera prise par le non moins sanglant ministre de la Défense Fuad Ben Eliezer,
par Avrum Burg ou par un général du Parti travailliste. L'armée se retirera de
Naplouse et de Ramallah. Les Palestiniens seront heureux d’accepter les accord
d'Oslo dans l'interprétation de Barak, moins la déclaration de fin de conflit.
Ils retourneront dans leurs enclaves pour connaître de nouveau la lente
strangulation de l’époque de Barak. Ils devront oublier leurs revendications au
sujet de leurs terres et de leurs maisons confisquées, au sujet de la mosquée
al-Aqsa et au sujet de Jérusalem.
La droite israélienne et ses alliés dans l’AIPAC présenteront cela comme
une trahison américaine, de niveau égal aux ordres du Général Eisenhower en
1956. L'indépendance de l'administration des Etats-Unis vis-à-vis du lobby juif
sera confirmée. Les pénibles événements de l'Intifada et son issue seront
présentés comme une victoire du Bien sur le Mal. Ils ne sera jamais mentionné
que le bon sioniste et le mauvais sioniste s'assirent d’abord autour de la même
table et planifièrent tout cela ensemble. Ce qui, pour un observateur objectif,
donnerait une signification toute différente à l’événement. Une fois de plus, pour
la énième fois, le “mauvais flic” aura remis sa victime palestinienne, une fois
“attendrie”, entre les “tendres pattes” du “ bon flic”.
Oui, les soldats et les officiers qui refusent de participer à l'oppression
sont de très braves types et ils font une bonne action. Mais je crains que cela
ne soit employé pour donner bonne conscience aux partisans d'Israël et pour
légitimer la structure même de l'apartheid. Leurs paroles courageuses sont
utilisées pour soutenir la “séparation unilatérale”, un nom de code pour l’acte
d’enfermer les Palestiniens dans une grande zone bien gardée.
On ne peut pas changer de l'intérieur le paradigme de l'Etat juif, le
paradigme de l'oppression et de l'apartheid. Le personnage du livre de Raspe, Le
baron de Münchhausen (popularisé par le film de Terry Gilliam) se dégage
avec son cheval d'une profonde tourbière en tirant sur sa tresse. Si vous
croyez cette histoire à dormir debout, vous pouvez croire que les bons peuvent
changer la société juive d'Israël de l'intérieur, sans unir leurs forces avec
celles des Palestiniens.
Une bien meilleure solution fut proposée par la congrégation juive
orthodoxe de Neturei Karta, les fils de la communauté juive pré-sioniste de la
Terre sainte. Ils furent maltraités presque autant que les autres fils natifs
de Palestine, principalement pour leur refus constant de participer aux
atrocités sionistes. Ces sages aux grands chapeaux noirs, comme mon oncle de
Tibériade, un rabbin pacifique et pieux, me rappellent qu'autrefois les Juifs
vivaient en bon voisinage avec les Palestiniens. Dans une déclaration pleine de
passion, ils affirment que le cœur du problème est l'existence même de l'Etat
“juif”. Le seul espoir réaliste pour une paix durable est alors que les Nations
Unies aident au démantèlement de l'Etat d'Israël et rendent la terre aux
Gentils.
Autrefois, Staline en plaisantant demanda combien le pape pouvait aligner de divisions. Mais c’est un pape qui vit l'Union Soviétique démantelée. Les juifs de Neturei Karta n'ont pas de bataillons, mais je pense qu'ils verront l'Etat d'Israël démantelé et une nouvelle Palestine, un pays pour tous ses fils et filles, prendre sa place.
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L’invasion
3 avril 2002
Cette semaine, nous avons touché le fond du désespoir et de l’humiliation.
Nos protestations et pétitions, nos courriers électroniques et nos
manifestations se sont avérés aussi efficaces que les sortilèges et les
malédictions contre les chars. Tant les gens politiquement corrects que les
gens louches, les spirituels que les mal embouchés, bref les amis de l’égalité
en Palestine ont été mis hors combat. Le président des Etats-Unis a applaudi le
‘droit d’Israël à se défendre’, la BBC et CNN ont trouvé la formule ‘en réponse
à’, et les troupes de Sharon ont envahi les villes palestiniennes. Elles ont
effectivement mis fin à l’autonomie palestinienne, et mené à bien des rafles,
des arrestations massives, et des exécutions de sang-froid. A Bethléem, une
manifestation pacifique de protestataires européens a été repoussée à la
mitraillette par les envahisseurs. Les habitants parlent de douzaines de
Palestiniens exécutés, à bout portant. Israël et les Etats-Unis, depuis
longtemps dirigés par une même équipe, bloquent les Nations Unies et les
organisations internationales, tandis qu’ils préparent la phase 2 de leur
opération, l’invasion de Gaza.
C’est un moment difficile, mais pas aussi noir que nos ennemis voudraient
nous le faire croire. Les médias occidentaux vendus ont fait état de ‘combats
entre Palestiniens et Israéliens’. Mais, en fait, les soldats israéliens n’ont
trouvé que peu de résistance. Pourquoi est-ce que les combattants palestiniens
au courage légendaire n’ont pas livré bataille aux envahisseurs juifs ?
Il y a une réponse évidente, et c’est le journaliste et militant pacifiste Uri
Avnery qui l’a donnée. La disparité des forces est trop grande pour que les
Palestiniens pauvrement équipés affrontent la troisième armée du monde, qui
s’appuie sur son gros géant docile, les Etats-Unis. Mais il y a une autre
raison qu’Uri Avnery n’a pas mentionnée : pour les Palestiniens,
l’Autorité Nationale Palestinienne (ANP) n’est pas devenue le symbole national
pour lequel la population serait prête à mourir. La vie sous l’ANP reste ce
qu’elle était auparavant, la vie sous le régime juif.
Ce n’est pas le moment de débattre des erreurs de l’ANP, qui ont déjà été
bien analysées par Robert Fisk et bien d’autres. Je me bornerai à citer Muna
Hamzeh, du camp de réfugiés de Deheishé, qui a écrit :
"Depuis qu’Arafat et son Autorité ont
pris le contrôle de la Zone A à Bethléem en décembre 1995, voilà à quoi ils ont
dépensé les 'fonds' : il a fait construire un nouveau commissariat de
police comportant une nouvelle prison, un nouveau quartier général pour ses
services de renseignement, de nouveaux locaux présidentiels pour Arafat et ses
invités VIP et un nouvel héliport installé à Jabal Anton, une petite hauteur
qui domine Deheishé et la seule étendue naturelle dans le prolongement du camp,
où Arafat aurait dû construire un espace de récréation pour les enfants du camp
de réfugiés. Voilà ce qu’Arafat a construit à Bethléem"[9].
Muna Hamzeh exagère : Bethléem a été rénovée, ses rues ont été pavées,
la place de la Nativité a été restaurée, de nouveaux hôtels ont ouvert et la
qualité de vie s’est améliorée pendant les années où l’ANP a exercé le contrôle
administratif. Cependant, elle exprimait bien le sentiment viscéral de beaucoup
de gens parmi ses concitoyens, du professeur Edward Saïd aux réfugiés de
Deheishé, profondément insatisfaits par l’ANP. Qu’ils aient essayé de
satisfaire aux désirs du véritable gouvernement, celui d’Israël, ou à ceux de
la population étranglée, ils ne sont pas populaires. L’ANP a été installée par
les Israéliens pour contrôler la population palestinienne, et non pour lui
faciliter l’existence. Je doute qu’elle ait la capacité d’en faire beaucoup
plus que ce qui s’est fait jusqu’à présent.
Dans l’holocauste palestinien qui est en cours, l’ANP a été forcée de jouer
le rôle moralement ambigu, ou plutôt impossible, du Judenrat, l’autorité
juive établie par les Allemands dans les ghettos et les camps de l’Europe
occupée. Les Allemands avaient aussi peu envie que les Israéliens d’administrer
et de contrôler les étrangers qu’ils écrasaient. Ils préféraient leur laisser
une autonomie limitée dans le domaine de leurs affaires intérieures. Quelques
nazis éclairés étaient prêts à organiser un Etat juif à l’intérieur du cadre du
Troisième Reich, quelque chose de semblable aux grandes lignes de ce que Sharon
envisage au titre d’un Etat palestinien. Ils l’ont réalisé autour de Lublin,
dans une région de Pologne qui comporte une importante population juive. Le
projet eut plusieurs noms : Lublinland, Judenland, Réserve juive, et Aire
autonome juive.
Après la guerre, il y eut un certain nombre de livres et de pièces de
théâtre autour des activités de cette Autorité juive. Les Juifs étaient
mécontents de leur propre Judenrat, ils le considéraient comme ‘corrompu’,
‘docile aux exigences de l’ennemi’, et avaient tous ces griefs qui nous sont
tellement familiers maintenant. Mais le Judenrat n’aurait pas pu aller au-delà
de ce qu’il faisait, tout comme l’ANP ne le peut pas. Les Palestiniens n’ont
pas reçu une part du gâteau ; ils ont été et restent écrasés par l’état juif
pratiquant l’apartheid, avec ou sans l’ANP.
L’invasion de Sharon a enterré à jamais l’idée tordue d’un gouvernement
autonome palestinien (appelée ‘indépendance’) sur une mince tranche de la
Palestine. C’était, dans le fond, l’idée nazie de Lublinland transférée à
Ramallah par la pseudo-gauche juive. Mais l’idée de démocratie dans toute la
Palestine, la liquidation de l’apartheid, est à nouveau en première ligne. Ne
regardons pas en arrière en éprouvant de la nostalgie pour les jours de l’ANP ;
regardons vers l’avant, pleins d’espérance, vers la Palestine qui demain sera
libre et démocratique, du Jourdain jusqu’à la mer.
Muna Hamzel a intitulé son essai L’holocauste revu et corrigé.
L’image de l’holocauste a été invoquée par José Saramago, le Prix Nobel de
Littérature portugais qui a comparé Ramallah assiégée au ghetto de Varsovie. Le
même Saramago, qui était encensé jusqu’à hier par la presse juive pour son
traitement non orthodoxe de Jésus, est devenu l’objet d’une attaque massive.
Parmi ses assaillants, il y avait les personnalités phares de la pseudo-gauche
juive israélienne, Ari Shavit et Tom Segev.
Tom Segev a enrôlé sa plume dans la défense de l’état juif :
"Saramago a déclaré que les actions d’Israël dans les Territoires sont comparables aux crimes perpétrés à Auschwitz et à Buchenwald. Cela ressemble à quelque chose qu’il aurait lu sur la porte d’un WC public plutôt qu’à ce qu’il a écrit dans ses livres. Ce qu’il a dit a fait du tort à la cause qu’il voulait défendre, si bien qu’il fait figure d’imbécile à l’issue de l’épisode".
En fait je suis fatigué de l’entendre, ce mantra judicieux : ‘cela
fait du tort à la cause’, qu’assènent les sermonneurs juifs ‘de gauche’ aux
Palestiniens, de Tom Friedman à Tom Segev. Je ne crois pas qu’ils souhaitent
que cette cause triomphe. Et maintenant, la différence pratique entre gauche
juive ‘molle’ et ‘dure’ se situe au niveau du maquillage. Les lignes qui
suivent ont été écrites par le ‘gauchiste’ Ari Shavit, mais auraient pu être
écrites par ‘ l’extrémiste de droite’ Barbara Amiel, épouse de Conrad
Black et amie de Sharon comme de Pinochet :
"Les propos de José Saramago, lundi dernier à Ramallah, n’étaient pas une critique claire de l’occupation. C’étaient des incitations sinistres contre les Juifs, et pas seulement des absurdités et des affirmations dépourvues de bases historiques réelles. C’était une façon de nous égorger. Car si Ramallah c’est Auschwitz - c’est là le parallèle qu’établissait Saramago - alors Israël est le Troisième Reich, et mérite de disparaître. Peut-être que tous ses citoyens ne devraient pas être assassinés, mais ses institutions souveraines devraient être démantelées. Et si Ramallah c’est Auschwitz, alors Tel-Aviv c’est Dresde, et ce ne serait pas un crime de guerre de la ravager par le feu".
Le professeur Alan Stoleroff lui a justement répondu :
"Une fois de plus nous assistons à
une tentative de la part d’un Israélien de gauche pour accepter froidement la
réalité des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre qui sont commis de
jour en jour par l’occupation israélienne. Si, comme les propos de Saramago,
mes termes juifs à moi avaient débouché sur la comparaison avec l’encerclement
et le blocus du ghetto de Varsovie, auriez-vous réagi de la même manière ?
Est-ce que nous n’avons pas lu dans la presse israélienne qu’un général
israélien avait recommandé l’étude des tactiques nazies à Varsovie afin de
mettre l’Intifada à genoux ? Est-ce que les soldats israéliens n’ont pas
tatoué des numéros de série sur les prisonniers palestiniens ? Est-ce que
40% des Juifs israéliens n’ont pas répondu positivement lors d’un sondage pour
savoir s’ils étaient favorables au transfert des Arabes ? Et le tapis de
bombes sur Dresde a été très exactement un crime de guerre".
Si Shavit insiste, je suis prêt à l’admettre : Israël, cet Etat juif
qui pratique l’apartheid, mérite de disparaître. Ses institutions souveraines
doivent absolument être démantelées. Et ses défenseurs à l’étranger se rangent
parmi les participants aux crimes de guerre, et deviennent des combattants, à
leurs risques et périls. Ils ne peuvent prétendre à la neutralité. Le gouffre
n’est pas d’ordre ethnique ou religieux, comme l’a prouvé Jerry Levin
d’Alabama.
Jerry Levin, le chef du Bureau de CNN à Beyrouth qui avait été pris en otage par le Hezbollah en 1984-85, travaille ces jours-ci avec les Equipes de Chrétiens pour la Paix (CPT) à la protection des enfants palestiniens, des femmes et des hommes sans défense, face à la rage et à la violence des colons. Il rappelle le cas « d’Adam Shapiro, qui est juif, membre du Mouvement pour la Solidarité Internationale, et travaille à Ramallah». Il faudrait ajouter la merveilleuse Jennifer Loewenstein, dont les reportages sur Gaza sont maintenant repris par les médias palestiniens, et d’autres amis de l’égalité qui vivent ailleurs. Ces gens d’opinions différentes sont en train de faire face, avec leurs amis, au bloc de ‘droite-gauche’ des partisans de la suprématie juive.
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24 octobre 2001
A l'entrée de Bethléem, nous avons été accueillis par la carcasse d'une
Audi, flambant neuve mais pliée comme un paquet de cigarettes vide, balancé
dans un cendrier par un fumeur nerveux. D'autres voitures étaient aplaties,
réduites en minces feuilletés de verre et d'acier. Les équipages servant les
chars israéliens adorent écraser les bagnoles et les poubelles, comme n'importe
quel punk délinquant. Des petits gamins, accroupis dans un coin, étaient
absorbés dans leur jeu avec des douilles vides, profitant au maximum d’un répit
inopiné dans les combats. Bethléem était tranquille, pour la première fois
depuis le samedi 20 octobre, jour où les chars Merkava envahirent la Ville du
Christ, réalisant le projet chéri de Sharon : réoccuper la Palestine.
Le calme régnait, lorsqu'une autre force fit son apparition : les Chrétiens
de Jérusalem, venus soutenir leurs voisins assiégés. Ce fut un spectacle
merveilleux, évoquant le temps des Croisades, de voir le Convoi de la
solidarité emmené par des évêques et des prélats de toutes obédiences,
catholiques, orthodoxes et musulmans, portant croix et bannières et brisant
l'encerclement du bouclage israélien pour emprunter ensuite les ruelles
outrageusement défoncées qui conduisent à l'Eglise de la Nativité. Par
opposition à la Croisade de Bush en Afghanistan, cette Croisade-ci a été
accueillie avec joie tant par les Chrétiens que par les Musulmans, aucune
discorde n'opposant ces deux communautés étroitement mêlées. Nous sommes passés
devant la carcasse brûlée de l’hôtel Paradise (qui a été atteint de plein
fouet), devant des pylônes électriques pliés en deux, la partie supérieure
pendouillant dans le vide, devant les photos de jeunes garçons et filles tués
par les snipers israéliens, apposées sur les murs, tandis que les habitants
sortaient de leurs abris pour venir rejoindre le cortège.
Les chars israéliens quittèrent les rues principales et regagnèrent leur
antre en se traînant lourdement, comme des dragons dérangés dans l'observation
de leur proie. En chemin, j'ai rencontré de nombreux amis de longue date, des
boutiquiers du coin et des guides. Ils étaient plutôt résignés : "vu
l'état des choses, avec cette guerre qui continue, disaient-ils, il n'y a pas
de touristes, pas de revenus, pas d'espoir. Jérusalem et Bethléem : soit elles
résistent ensemble, soit elles tombent
ensemble" ; Bethléem est en fait une banlieue de Jérusalem. Je suis
venu si souvent accompagner mes touristes et mes pèlerins dans cette ville
bourgeoise, avec ses villas spacieuses, ses gigantesques magasins de souvenirs,
ses familles gréco-palestiniennes, ses religieuses impeccables, ses meutes de
touristes et ses nombreux expatriés, pour rendre hommage à l'Eglise de la
Nativité, grandiose édifice de l'ère justinienne et bâtiment le plus ancien de
toute la Palestine.
L'esplanade devant l'église, la Place de la Nativité, était pleine
d'habitants de la ville qui saisissaient la chance qui leur était offerte de
profiter un peu du soleil après plusieurs journées passées derrière les volets
clos. Dimanche dernier, devant l’entrée de l'église, un sniper israélien a tué
un garçon du quartier, âgé de seize ans, Johnny Thaljieh, et son doux visage
nous observe, depuis un poster imprimé à la hâte. Cette place a été rebâtie par
l'Autorité palestinienne dans un style italianisant, il y a tout juste deux
ans, avant les festivités du millénaire. Au temps de l'administration
israélienne directe, c'était un parking sordide réservé aux Jeeps de la Police
des frontières et aux autobus de tourisme.
Dans l'église, parmi les prêtres et les laïcs, j'ai remarqué un Américain,
grand, élancé, avec une moue fière, de longs cheveux bouclés et un couvre-chef
exotique. C'était le rabbin Jeremy Milgrom, du mouvement Rabbins pour les
Droits de l'Homme. "Je croyais être le seul juif, ici", me dit-il.
"Je suis certain que des milliers d'Israéliens viendraient s'ils
connaissaient la situation". C'est vrai. La télévision israélienne, docile
comme un média de Staline, a minimisé l'invasion et diffusé des vues bénignes
de chars amicaux surveillant des rues tranquilles. N'empêche que, la nuit
précédente, Jérusalem accueillait un gros meeting de Juifs réclamant
l'expulsion des non-juifs de la Terre sainte. La télévision israélienne a
indiqué, le vendredi soir, juste avant l'incursion, que les deux tiers des
Israéliens juifs étaient favorables à cette solution finale. Toutefois, chacun
d'entre nous a la liberté de choisir, et le rabbin Milgrom a choisi un judaïsme
vivable. J'étais très heureux de le voir ; Dieu sait que cette Sodome a besoin
de quelques justes.
Dans l'église, il y avait des trous sur la pierre, laissés par les impacts
de balles : les équipages des chars israéliens s'entraînent à
l'utilisation des mitrailleuses lourdes qui hérissent leurs tourelles en tirant
sur le berceau du Christ. Cela me rappela un ouvrage de William Dalrymple, que
la critique du Financial Times a qualifié de "splendide, efficace
et impressionnant" : Depuis la Montagne Sacrée[10] ; il y indique que, "au cours d'une
flambée d'attaques contre les propriétés de l'Eglise, en Israël, une église de
Jérusalem, une chapelle baptiste et une librairie chrétienne avaient été entièrement
brûlées. Il y avait eu des tentatives pour incendier les églises anglicanes de
Jérusalem Ouest et de Ramleh, ainsi que deux églises à Saint-Jean d'Acre. Le
cimetière protestant du Mont Sion avait été profané, pas moins de huit
fois".
Il aurait pu ajouter l'histoire de Daniel Koren, ce soldat israélien qui a
pulvérisé sous ses balles les icônes du Christ et de la Vierge Marie dans
l'église Saint-Antoine de Jaffa. Dalrymple mentionne les agissements du maire
juif de Jérusalem, Ehud Olmert, qui a ordonné la destruction des fondations de
monastères chrétiens et d'églises, récemment découvertes à Jérusalem, au cours
de fouilles archéologiques, afin d'occulter jusqu'à la mémoire d'une présence
chrétienne en Terre sainte. C'est le même Ehud Olmert qui a détruit (dans sa
ville) encore trois maisons palestiniennes, ce matin, tandis que nous
parcourions les rues de Bethléem.
Dans la Grotte de la Nativité, quelques cierges étaient allumés et une
famille palestinienne priait en silence devant l'Etoile, comme le faisaient ses
ancêtres, depuis le cruel prédécesseur de Sharon, le roi Hérode le Grand.
Quelle coïncidence ! Cette incursion a commencé précisément quand les
bombardiers de l'US Air Force écrabouillaient les villes afghanes. Apparemment,
le gouvernement de Sharon utilise l'expédition américaine en Afghanistan comme
une diversion lui permettant de reconquérir la Palestine. Dans un désastre, un
voleur ne voit qu'une opportunité de voler. Tandis que nos yeux sont fixés sur
les déserts, au-delà du fleuve Oxus, tandis que les Américains sont rendus fous
d'angoisse par un peu de poudre blanche dans une enveloppe, tandis que les
organisations humanitaires maugréent devant les masses d'Afghans affamés,
tandis que la flotte anglo-américaine fait obstacle à une aide possible venue
d'Irak ou de Syrie, les Israéliens mettent la main sur ce qui reste de la
Palestine en éradiquant de Sa terre natale la mémoire du Christ.
Une lecture différente peut être faite. Un certaine participation
israélienne aux événements du 11 septembre semble prouvée au delà de tout doute
raisonnable. Les partisans d’Israël aux Etats-Unis ont usé de toute leur
influence pour que la guerre soit menée en Afghanistan et ailleurs. A-t-on
anéanti les Tours et bombardé les villes dans le but d’offrir à Sharon
l’opportunité unique d’appliquer la solution finale ?
Les supporters de Sharon, dans les médias américains, lui ont apporté leur
soutien en faisant monter d'un cran leur vague de ratonnades anti-Arabes et
leur chant de guerre raciste. "Les traits fuyants, retors, pas nets -
bref, sémitiques - d'un Ben Laden caricaturé surgissent au détour de chaque
bulletin d'information : appel à peine dissimulé au racisme du téléspectateur
américain. Le Dr Joseph Goebbels n'aurait pas fait mieux", a rapporté sur
la situation américaine l'historien britannique David Irving. Il doit savoir de
quoi il parle, puisqu’il est le biographe de Goebbels.
Le président Bush a demandé qu'Israël se retire immédiatement. Il l'a fait sotto
voce, tout en disant par ailleurs "qu'il n'y aurait pas de
discussion avec les Afghans". Nous verrons bien qui l'emportera, si les
remontrances du Président atteignent Israël, si cet aboiement sera suivi ou non
d'un coup de dent.
Dans le roman humoristique de P. G. Woodhouse, Une Demoiselle en Péril,
on peut lire cette répartie, qui irait comme un gant au Président Bush :
"Votre raisonnement semble ne présenter aucune faille. Mais à quoi cela
nous avance-t-il ? Nous applaudissons l'homme de logique. Mais qu'en
est-il de l'homme d'action ? Qu'est-ce qu'on va bien pouvoir faire de vos
belles cogitations ?"
Après notre visite à la grande église, notre procession se rendit à Beit
Jala, une cité jumelle de Bethléem. Les deux hôpitaux de Beit Jala ont été
bombardés. Dans cette localité, dix personnes ont été tuées par les Israéliens
qui tirent sur tout ce qui bouge, mais aussi au hasard, sans même viser. Les
familles éprouvées étaient réunies dans la cour de l'église, portant des portraits
de leurs proches disparus et recevant les condoléances. Particulièrement
touchante, la beauté absolue de Rania Elias, une jeune fille de vingt ans, tuée
par une roquette israélienne dans son propre lit. Sur son portrait, elle
portait une robe de mariée immaculée ; ce fut son linceul.
Beit Jala est sombre, mais debout. Dans ses rues, des jeunes hommes munis
de mitraillettes AK. "C'est le Tanzim, la milice populaire", expliqua
en français un prêtre copte à ses frères maronites. Les gars du Tanzim qui
avançaient au pas de charge me rappelaient, avec leur béret sur la tête, les
jeunes barbudos de Fidel Castro, un peu comme si la révolution
palestinienne était en train de connaître une deuxième jeunesse. Tandis que
notre convoi sortait de la ville, les chars y entraient, et le crépitement des
armes légères, se répondant en écho au-dessus des villes jumelles, se fit
entendre.
Un chauffeur de taxi juif, colosse au teint basané, me prit en charge
devant le checkpoint. L'énorme volant de sa Mercedes tournait comme un joujou
dans ses énormes paluches. Il ressemblait comme deux gouttes d'eau à un
guérillero imposant du Tanzim, que j'avais vu quinze minutes et cinq cents
mètres avant, dans le camp de réfugiés de Aida. "J'ai vécu toute ma vie
avec des Arabes", déclare le chauffeur de taxi. "Ma femme me dit que
je suis un Arabe de cœur. Nous devrions vivre ensemble. Les choses étant ce
qu'elles sont actuellement, avec cette guerre qui continue, il n'y a pas de
touristes, pas d'argent, pas d'espoir. Jérusalem et Bethléem ? Soit elles sont debout ensemble, soit elles
s'écroulent ensemble".
Eh oui, n'en déplaise au lavage de cerveau officiel, il y a une
compréhension, des deux côtés de la grande ‘séparation’. La Terre sainte est
indivisible. Elle doit être entretenue conjointement par nous tous, dans
l'égalité. Il y a assez d'espace pour prier, pour jouer, pour cultiver les
oliviers, pour écrire des programmes informatiques et pour piloter des
touristes. Les chars doivent partir et, avec eux, la frontière artificiellement
tracée entre Israël et la Palestine.
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Les héros de la dernière chance
Lundi 6 mai 2002, 10h32
Cette année, l’Orient a fêté Pâques début mai, longtemps après l’Occident.
Mais l’ambiance était bien peu à la fête, l’Eglise de la Nativité, à Bethléem,
étant assiégée depuis un mois. Des prêtres et des laïcs affamés sont enfermés
dans la grotte où la Vierge mit le Christ au monde ; des corps de
policiers abattus par des tireurs d’élite israéliens s’entassent au pied de la
mosaïque à l’Arbre de Jessé rutilant. De temps en temps, les attaquants
envoyaient des torches enflammées sur
la charpente en bois de la toiture de la basilique et s’amusaient du spectacle
des défenseurs assiégés qui couraient pour éteindre les débuts d’incendies. Mais
Pâques a produit son miracle, et ce miracle s’appelle ISM.
Qu’est-ce donc que cet ISM ? Pour la réponse, déplacez-vous à quelques
centaines de mètres de l’église, sur la vaste terrasse qui domine le
moutonnement en pente douce des collines, en direction de la Mer Morte, là-bas,
au-delà du ‘S’ de la route ; il y a un petit sanctuaire byzantin, jouxtant une
citerne. Le vent d’Est, venu du désert, y a amassé une couche de poussière de
sable sur le sol de mosaïques, et des chardons de légende ont poussé parmi
leurs croix rouges. Ce sanctuaire a un je-ne-sais quoi d’aquatique, comme
nombre de tombeaux, en Terre sainte. On l’appelle Bi’r Daoud (le Puits de
David), en mémoire d’un exploit légendaire.
Il y a bien longtemps, une armée conquérante venue des cités de la plaine
avait déclaré la guerre à la ‘Terreur’ et assiégé ce petit village escarpé,
dans le but de capturer un homme de la région, un chef terroriste palestinien
nommé Daoud, lequel attaquait les colonies des conquérants. Mais les compagnons
de ce Daoud, une petite bande hétéroclite, défièrent les ordres des
envahisseurs. Ils contournèrent les barrages en travers des routes, ignorèrent
les mesures de sécurité, se faufilèrent dans les villages et, chose tout à fait
inouïe, ils apportèrent de l’eau, puisée dans un village voisin, Bethléem, à
Daoud, que nous appelons aujourd’hui le roi David.
Des millénaires se sont écoulés, et cet exploit a été renouvelé par une
nouvelle version des compagnons du roi David, le Mouvement International de
Solidarité (ISM, International Solidarity Movement). La terre de Palestine est
devenue la scène d’une confrontation et de l’engagement international le plus
dramatique depuis des décennies, si ce n’est des siècles. De jeunes hommes et
jeunes femmes, des Européens et des Américains, nés trop tard pour rejoindre
les Brigades Internationales venues au secours des Républicains espagnols, en
1936, ont rejoint l’ISM et sont venus vers les vertes collines de Bethléem et
d’Hébron. Ils sont venus en des temps on ne peut plus troublés : des
dirigeants israéliens ont en effet planifié l’expulsion et l’extermination des
Palestiniens afin de créer un pays aussi juif que l’Allemagne était aryenne. Du
fait de leur simple présence, les volontaires de l’ISM ont fait échouer ce plan
et ils ont sauvé les paysans locaux de la destruction et de l’expulsion. Ils
vivent dangereusement, jouant au chat et à la souris avec les mechaslim
(exterminateurs) israéliens, esquivant les balles des snipers, restant auprès
des paysans dans des villages sans défense. Si, pour vous, le roi David, c’est
trop vieillot, voyez en eux des Héros de la Dernière Chance, rendus célèbres
par Schwarzenegger.
Bien que certains d’entre ces volontaires aient des parents juifs, ils
rejettent les conceptions séparatistes du ‘réservé aux Juifs’, que perpétuent
les Peaceniks sionistes du ‘camp de la paix’. Ils sont pour l’égalité, pour
"l’Internationale des Hommes de Bonne Volonté", comme dirait Isaac
Babel. Ils sont venus du pays de Folke Bernadotte, du pays d’Abraham Lincoln,
et aussi du pays de T. E. Lawrence. Certains de ces volontaires de l’ISM ont
pris part aux protestations non-violentes de Seattle, de Gothenburg et de
Gênes, en affrontant le dragon à deux têtes : celui de la Globalisation et
du Sionisme. D’autres sont venus en Terre sainte en avril 2002, en pleine
offensive israélienne de Pâques, tandis que les nervis volontaires de Sharon
démolissaient les maisons, arrachaient les oliviers, déportaient des milliers
de Palestiniens vers des camps de concentration, massacraient des centaines
d’hommes, de femmes et d’enfants dans le camp de réfugiés de Jénine et dans la
ville de Naplouse. Lorsque le raz-de-marée israélien a fait irruption dans
Bethléem, plus de deux cents habitants de la ville se sont réfugiés dans la
basilique.
En
réalité, la tradition du droit d’asile est plus ancienne que le
christianisme ; elle est connue de l’humanité depuis l’aube de la
civilisation. Les églises ont de tout temps offert des lieux d’asile, et le
Bossu de Notre Dame, de Victor Hugo, vient immédiatement à l’esprit. En
Amérique Latine, les gens persécutés, que ce soient des immigrants illégaux ou
des dirigeants syndicalistes, ont été sauvés dans des églises où ils s’étaient
cachés. De même, pendant la seconde guerre mondiale, des milliers de juifs
trouvèrent refuge dans des églises et des monastères. C’est pourquoi les
malheureux captifs de Bethléem pensaient qu’ils seraient en sécurité, à l’abri
derrière les murs imposants de la plus ancienne église de toute la chrétienté.
L’Eglise de la Nativité, à Bethléem, a été édifiée en l’an 325. Elle est la
seule survivante des trois plus importants édifices chrétiens de la Terre
sainte. Son histoire tourmentée a été, en fin de compte, plutôt
chanceuse : les envahisseurs perses refusèrent les ordres de la détruire
(de leurs commissaires juifs), en l’an 614. En 1009, les Sarrasins désobéirent
à des ordres similaires de Hakim, le calife d’Egypte, qui était complètement
fou. Tandis qu’en ces deux occurrences, l’église sœur, le Saint-Sépulcre de
Jérusalem, était incendiée et démolie. En 1099, Tancrède, futur prince de
Galilée, eut connaissance, à Latrun, à une quarantaine de kilomètres de là, en
territoire hostile, de rapports faisant état de plans de l’ennemi visant à
détruire l’Eglise de la Nativité. Il chevaucha, de nuit, à la tête de ses
chevaliers, et ils réussirent à la sauver.
Les rois croisés de Jérusalem choisirent d’être couronnés dans l’Eglise de
la Nativité, et des rois d’Angleterre et de France envoyèrent à son clergé des
présents somptueux. En 1145, des mosaïques d’une beauté extraordinaire ornaient
les murs : elles représentaient l’Arbre de Jessé, l’Arbre de Vie, et
l’incrédule saint Thomas touchant du doigt les plaies du Christ ressuscité. En
1932, les Britanniques découvrirent une magnifique mosaïque du IVe
siècle, sur le sol et, en 2000, Yasser Arafat fit entièrement réaménager la
Place de la Nativité, devant la basilique. Cette église a été révérée par des
millions de croyants à travers les siècles ; c’est pourquoi ces pauvres
gens pensaient qu’ils seraient en sécurité, à l’abri de son enceinte.
Mais les Juifs n’ont strictement rien à faire de l’inviolabilité des
églises. Bien sûr, entre eux, les avis divergent. Les sionistes adeptes du
rabbin Kook, principale obédience religieuse en Israël, professent que toutes
les églises doivent être détruites au plus vite, avant même les mosquées !
Pour eux, l’éradication du christianisme est une tâche encore plus urgente que
l’élimination des Palestiniens. Leurs opposants traditionalistes pensent qu’il
n’y a pas urgence, et que cela devrait être fait par le Messie Vengeur des
Juifs, lorsqu’il arrivera. Quant aux Juifs laïques, ils s’en moquent royalement.
C’est la raison pour laquelle l’armée juive n’a éprouvé aucune espèce de
difficulté (morale) à encercler l’église et à entreprendre le siège le plus
cruel de sa longue histoire.
Quarante moines et prêtres sont restés à leur poste, dans l’église, avec deux
cents réfugiés. Durant un mois, les Israéliens n’ont pas accepté que l’on
amenât de l’eau ou des vivres aux assiégés. Comme lors des sièges médiévaux,
des gens sont morts de faim, en tentant de survivre grâce à de l’eau de pluie
dans laquelle on faisait bouillir quelques feuilles de citronnier et quelques
herbes folles. A l’intérieur de l’église vénérable, la puanteur des cadavres et
des blessures infectées rendait l’atmosphère irrespirable.
Des caméras dernier cri assistaient les tireurs d’élite israéliens,
suspendus dans les airs, installés sur des nacelles treuillées par des grues et
tirant sur tout ce qui bougeait. Ils ont tué des moines et des prêtres, et
aussi des réfugiés. Avant même le siège, ils ont tué un enfant de chœur,
Johnny, et au moment où je vous écris, en ce 4 mai, ils ont assassiné un autre
homme d’église, dans l’exercice de son sacerdoce. Ils ont fait cela impunément,
puisque aussi bien ils savent qu’ils ont les médias occidentaux à leurs bottes.
L’écrivain danois de contes de fées, Hans Christian Andersen, a évoqué dans
l’un de ses contes le miroir magique de la Reine des Neiges, lequel déforme la
réalité, transformant les belles choses en choses horribles, et vice versa.
Dans le miroir magique de CNN, cette église ancestrale est devenue “un endroit
où certains chrétiens pensent que Jésus serait né”. Les réfugiés y ont été
présentés comme des ‘terroristes’. Les moines et les prêtres devinrent leurs
‘otages’ ; voilà le travail du miroir magique de la Reine des Neiges. Les cris
des assiégés ne risquaient pas de franchir les portes capitonnées des médias
occidentaux dont les Israéliens tirent toutes les ficelles.
C’est en ces heures on ne peut plus sombres que le Mouvement International
de Solidarité est apparu. Alors que la Terre sainte s’était préparée pour le
Vendredi Saint (la majorité des chrétiens palestiniens appartiennent à l’église
grecque orthodoxe de Jérusalem), deux dizaines de volontaires se séparèrent en
deux groupes : l’un mit en scène une diversion dans la meilleure tradition
des Canons de Navarone d’Alistair McLean. Tandis que les soldats
israéliens étaient stupéfaits par leur courage frisant la folie et perdaient
leur temps à essayer de les capturer, le deuxième groupe se précipitait et
réussissait à franchir le portail de l’église. Ils apportèrent un peu de
nourriture et d’eau pour les réfugiés affamés et assiégés, de quoi tenir
jusqu’au dimanche de Pâques. Sans doute les livres d’histoire appelleront-ils
leur percée le ‘Sauvetage de Pâques’.
Lorsque le sionisme aura été éradiqué, les noms de ces hommes et femmes
courageux seront gravés sur les murs de l’église. Dans la sacristie, à côté de
l’épée de Godefroy de Bouillon, le défenseur du Saint-Sépulcre (le chef de la
première croisade avait en effet refusé la couronne, mais accepté ce titre), on
mettra les casquettes de base-ball et les tennis des défenseurs de la Nativité.
Ceux qui sont entrés dans l’église, pour y partager la faim et le danger
imposés par le siège israélien :
Alistair Hillman (Royaume Uni), Allan Lindgaard (Danemark), Erik Algers
(Suède), Jacqueline Soohen (Canada), Kristen Schurr (Etats-Unis), Larry Hales
(Etats-Unis), Mary Kelly (Irlande), Nauman Zaidi (Etats-Unis), Stefan Coster
(Suède) et Robert O’Neill (Etats-Unis).
Ceux qui, sacrifiant leur liberté, ont créé la diversion et ont été
emprisonnés :
Jeff Kingham (Etats-Unis), Jo Harrison (Royaume-Uni), Johannes Wahlstrom
(Suède), James Hanna (Etats-Unis), Kate Thomas (Royaume-Uni), Marcia Tubbs
(Royaume-Uni), John Caruso, Nathan Musselman, Nathan Mauger, Trevor
Baumgartner, Thomas Kootsoukos (Etats-Unis), Ida Fasten (Suède) et Huwaida
Arraf (Etats-Unis).
Le groupe ayant fait diversion a été arrêté pour le crime affreux d’avoir
apporté de la nourriture aux réfugiés affamés, dans l’église, à Pâques. Pour
commencer, les hommes ont été séparés des femmes et mis en prison dans la
colonie juive illégale d’Etzion. Les femmes ont été envoyées à Jérusalem, et
convoquées au tribunal, où on les a condamnées à être expulsées. Sur le chemin
de leur transfert vers la prison, les Anglaises ont réussi à sauter de la
camionnette et à échapper à leurs gardiens ! L’une d’entre elles a été
capturée par un civil israélien, qui n’a pas hésité à la menacer d’un couteau.
Deux autres sont toujours en cavale, ainsi qu’une jeune suédoise, Ida. Elles
ont montré ce qu’est la vraie désobéissance civile, comment une action
humanitaire non-violente peut faire la différence, même dans les circonstances
inhumaines de l’occupation israélienne. Aujourd’hui, les hommes sont toujours
emprisonnés dans Hébron occupée, ils sont aux mains des colons fanatiques.
Bien qu’ils n’aient commis aucune contravention sur le territoire d’Israël,
ils ont été condamnés à l’expulsion du territoire israélien, avec interdiction
d’y pénétrer durant une période de dix ans. Espérons que l’apartheid israélien
ne durera pas aussi longtemps. Leur condamnation a prouvé que, pour les
Israéliens, les territoires palestiniens ne sont qu’une fiction légale, que
l’on peut respecter ou ignorer à sa guise. Alors, qu’est-ce qui nous empêche
d’en user de même, et d’exiger l’égalité pour tous, Juifs comme Gentils, dans
l’ensemble de la Palestine ?
En
tant que journaliste, je regrette que ce drame intense du siège, de la percée,
de la diversion, du soulagement, du sauvetage, des arrestations, de la fuite et
de la confrontation de Pâques, à l’ombre de la vénérable église, n’ait pas
atteint l’audience maximale en Europe et en Amérique, que tout cela n’ait pas
été diffusé par toutes les chaînes de télévision et repris par tous les
journaux. On n’aurait pourtant pas pu faire mieux en terme de scoop médiatique.
Mais ce regret ne diminue en rien ma joie, car l’un des jeunes qui ont brisé le
siège était mon propre fils.
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La petite organisation radicale Taayush organisait un convoi pour livrer de
la nourriture et de l'eau aux paysans assiégés de Yatta. J'y suis allé avec
quelque deux cents Israéliens, Juifs et Palestiniens et j’y ai trouvé un
tableau sinistre et inquiétant. Mais d'abord, quelques mots au sujet de
l'endroit.
Yatta est un équivalent palestinien de la Calabre : de rudes collines
dénudées, des pentes rocheuses, de rares petites sources, une herbe maigre, une
terre pour les bergers et leurs troupeaux. C'est proprement la Judée biblique,
le pays du Roi David. Il vécut ici comme un hors la loi avant de devenir roi et
les noms de lieux Carmel, Yatta, Maon sont mentionnés dans la Bible. Les
paysans d'ici n’ont pas beaucoup changé depuis ces temps immémoriaux. Ils
vivent toujours de la même façon et font paître les mêmes troupeaux. Ils ne
construisent pas de maisons, mais vivent dans des grottes, de grandes grottes
spacieuses et aérées, avec assez de place pour leurs moutons. Ces grottes nous
rappellent la grotte de Bethléem tout près, où Jésus est né. Ils recueillent
l'eau de pluie et creusent des citernes pour la stocker. Ce sont des gens
beaux, plutôt grands, avec des dents merveilleusement blanches et des sourires
amicaux. Ils conservent une sorte de dialecte local et même certaines
traditions bibliques qui ont disparu ailleurs.
Les juifs préfèrent croire à une légende sioniste affirmant que nos
ancêtres furent expulsés de ces lieux et que le pays fut repeuplé par des
Arabes nomades. Les légendes sont très plaisantes, mais l'archéologie prouve le
contraire. Les paysans du sud de la Judée ne quittèrent jamais cet endroit, ils
n'étudièrent jamais le Talmud, ils ne parlèrent jamais yiddish ou ladino, ils
furent et restèrent des bergers. Certains Roumains romantiques disent qu'ils
sont les vrais descendants des Romains, tandis que les Italiens sont des
nouveaux venus. C'est une chance pour les Italiens que les Roumains ne soient
pas aussi forts et insistants que les Juifs.
Les paysans du sud de Yatta n'avaient pas une telle chance. L'Etat d'Israël
confisqua leurs terres, dynamita leurs grottes, amena des bulldozers et ruina
leurs sources. Des juifs de Brooklyn et de Russie envahirent le sommet des
collines et construisirent là une colonie en pierre avec des toits rouges. Ils
amenèrent aussi des centaines de Thaï et de Chinois pour travailler pour eux.
Ils forèrent les collines pour avoir de l'eau et les minuscules sources locales
se tarirent.
Maintenant les habitants des grottes vivent sur les pentes dénudées. Chaque
fois qu'ils montent des tentes, l'armée juive détruit les tentes. Nous sommes
arrivés et nous avons rencontré ces paysans. Ils nous ont montré leurs ruines.
Ce n'est pas une chose facile de détruire des grottes et des sources, mais avec
la technique moderne, on peut le faire. Avec assez de dynamite, vous pouvez
faire remonter le peuple des cavernes au delà de l’Age de pierre.
Ce que nous avons vu explique l'attrait des Américains pour Israël.
L’Israël/Palestine est le modèle du monde que les Américains veulent
réaliser. Il y a des paysans et leurs troupeaux mourant de soif et au sommet
des collines il y a des villas avec une
piscine pour le Peuple Elu. Il y a une énorme armée et il y a de
nombreux travailleurs sans aucun droit. Afin de transformer le monde entier en
une Palestine généralisée, ils commencent dès maintenant la Troisième Guerre
mondiale contre le Tiers-Monde.
Pendant que nous parlions avec les paysans, une jeep de l'armée arriva.
“Nous venons pour vous protéger” dit l'officier. “Nous n'avons pas besoin de
protection” répondirent les activistes. “Vous l'aurez de toute façon. Nous ne
permettons pas aux Juifs et aux Arabes d'être ensemble sans notre
présence” : il insistait comme une duègne démodée dans une commedia del
arte.
Finalement nous sommes repartis.
“C'est une terre merveilleuse, - dit une jeune fille, - et nous
pourrions très bien vivre ici ensemble à une condition : il nous faut des
droits égaux. Les juifs et les non-juifs devraient avoir la même protection de
la loi, le même droit de vote, et plus important : le même droit de boire
de l'eau. Cela semble très radical. Mais si les événements en Palestine sont si
riches de signification, c’est parce qu'il y a un lien magique entre la Terre
sainte et le monde. Si nous faisons ici le monde de l'égalité, l'égalité
adviendra partout”.
Mais entre-temps, le monde court dans la direction opposée. Bientôt,
l'Amérique bombardera l'Irak et l'Afghanistan, des millions de réfugiés
afflueront en Europe. Le mode de vie de l'Europe sera détruit. Les gens riches
resteront dans leurs petites colonies avec des périmètres défendus, tandis que
l'armée dynamitera les puits. C'est probablement un des buts du Nouvel Ordre
mondial américain, mais cela ressemble trop à la vieille idée de revanche.
Sur le chemin du retour, la radio de la voiture nous offrait un discours du
Président Bush. Il comparait les musulmans aux nazis. Il y a juste quelques
années son père comparait les communistes aux nazis. Apparemment, les
Américains ne peuvent tolérer que deux idéologies sur la Terre. L’une, c’est le
néo-libéralisme, la loi du vae victis, et l’autre c’est le sionisme.
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Partie 2
La Galilée en fleurs
25 février 2001
[Le statut réel
des chrétiens et des musulmans en Palestine]
Quand des navires portugais chassés par un typhon abordèrent la côte
japonaise, en 1543, les marins stupéfaits n'en crurent pas leurs yeux : l'île
des Tropiques, en cette chaude journée de printemps, était couverte de neige.
Ils avaient sous les yeux l'une des sept merveilles du monde, bien réelle
celle-là, les cerisiers en fleur du Japon. Dès que le ciel bienveillant accorde
son présent annuel à la Terre, les Japonais oublient femmes et enfants,
devoirs, patrons et factures ; assis sous les arbres, ils boivent du saké en
écrivant des poèmes courts et acérés comme des épées.
C'est pourquoi, ces jours-ci, me détournant des ennuis que l'homme se crée,
je contemple, assis sous le blanc nuage d'un arbre, les amandiers couverts de
fleurs blanches et roses sur les collines de Galilée. Ces fleurs délicates sont
l'équivalent des cerisiers du Japon et l'occasion de sacrifier à la coutume de
contempler les fleurs. Un parfum de miel flotte dans l'air, le ciel est d'un
bleu transparent. Les marguerites jaunes dansent sur l'herbe verte qui reluit
au pied de ces merveilleux amandiers, parsemée de cyclamens violets et
d'anémones rouges. L’énorme masse enneigée du Djebel al-Cheikh (Mont Hermon)
sert de glorieuse toile de fond à l'ensemble. La Palestine est sœur du Japon.
Ces deux pays de collines abritent des montagnards têtus, attachés à leurs us
et coutumes.
Malgré toutes ces ressemblances dans le paysage, il y a des différences. La
colline où nous sommes assis, toute blanche comme l'écume de la mer à Jaffa,
est un village en ruines. Si nous étions au Japon, il serait vibrant de vie. Le
village de Birim est mort depuis cinquante ans. Même mort, il reste beau, comme
Ophélie flottant au fil du courant dans le tableau de Millais, le peintre
pré-raphaélite.
Ce n'est pas la guerre qui l'a détruit. Ses habitants chrétiens ont été
chassés de leurs maisons bien après la guerre de 1948. On leur a dit de partir
pour une semaine ou deux, pour des raisons de ‘sécurité’. Ils n'avaient pas le
choix et partirent. Leur village fut dynamité, leur église entourée de barbelé.
Ils en appelèrent aux tribunaux israéliens, au gouvernement, on nomma des
commissions et on signa des pétitions mais rien n'y fit. Depuis cinquante ans,
ils vivent dans les villages alentour et continuent de se rendre à l'église
tous les dimanches ; les Juifs se sont emparés de leurs terres mais ils
enterrent toujours leurs morts dans le cimetière de l'église, sous la croix.
Jusqu'à l'arrivée de l'armée israélienne, ce village en ruine autour de son
église abandonnée était un village de paysans chrétiens qui avaient vécu en
paix pendant des siècles sous la loi musulmane, à côté de leurs voisins
musulmans de Nebi Yoacha et de l'ancienne communauté juive séfarade de Safed.
Ce petit ‘Guernica’ de Galilée, à lui, seul, ruine le mythe d'une civilisation
‘judéo-chrétienne’ opposée à un ‘monstrueux’ islam. Ce mythe sert de fondement
au mouvement chrétien sioniste qui compte parmi ses fervents partisans un ami
de Mark Rich nouvellement installé à New York, W. J. Clinton, et un ami de
Sharon, G.W. Bush.
Les problèmes du Proche-Orient sont suffisamment terribles sans qu'on ait
besoin de calomnier les musulmans. Pour prouver la cruauté et l'intolérance de
l'islam, les pontes du New York Times citent des passages du Coran sur
le djihad et rappellent les anciennes traditions de guerres religieuses et de
persécutions. Barbara Amiel[11], une riche juive de Londres les répète à
l'envie. Discrètement, elle écrit des articles sur ‘l'exclusivisme de l'islam’
et ‘la modération’ juive. Pour déchaîner la haine, le groupe de pression
israélien utilise toutes les ficelles. Avant la naissance d'Israël, les cheiks
arabes étaient présentés comme des romantiques, dans les rôles interprétés par
Rudolf Valentino. Désormais, les producteurs de Hollywood pro-israéliens
tournent des films de propagande pleins de terroristes musulmans mal rasés. Ce
nouveau préjugé est répercuté par le congrès chrétien sioniste, qui réclame
"protection pour les chrétiens de Palestine persécutés par les
musulmans." (?!) Aucun d'entre eux, c'est certain, ne connaît les ruines
de Birim.
Un nouveau message arrive sur mon ordinateur, de Gaza cette fois-ci. Une
jeune Américaine de San Francisco, Alisonh Weir, brave les balles israéliennes
pour réconforter les enfants palestiniens effrayés et écrit : "Ce qui est
terrible, c'est quand vous connaissez la vérité ; c'est trop cruel, trop
diamétralement opposé à ce que nous pensions et à ce que tout le monde croit
encore aujourd'hui. Ce mensonge est trop éhonté, la répression trop
systématique et la vie des Palestiniens trop horrible pour qu'on puisse en
parler de manière raisonnable."
Oui, elle a raison : on nous assène un mensonge énorme, une calomnie
anti-musulmane sanglante et il est temps d'y mettre un terme. Je ne crois pas
que les troubles au Proche-Orient aient un quelconque rapport avec la religion.
Mais si les partisans d'Israël veulent réveiller le spectre de l'intolérance
religieuse pour exciter les chrétiens contre les musulmans, corrigeons leurs
propos.
Si les chrétiens sionistes s'intéressent au Christ et pas seulement à Sion,
qu'ils sachent ce que les juifs et les musulmans éprouvent pour le Christ. Rami
Rozen a résumé la tradition juive dans un long article du journal israélien Haaretz
: "Les Juifs éprouvent aujourd'hui pour Jésus exactement ce qu'ils
éprouvaient au IVe siècle ou au Moyen Age. Ce n’est pas de la peur,
c’est de la haine et du mépris... Pendant des siècles, les Juifs ont dissimulé
aux Chrétiens leur haine de Jésus, et cette tradition est toujours
vivante."
"Il [Jésus] est révoltant et répugnant", dit un grand penseur
religieux juif moderne. Rozen écrit que "la totalité de la population
israélienne a adopté cette répulsion éprouvée par les Juifs religieux."
La veille de Noël, d'après un journal local de Jérusalem, Kol Ha-Ir[12], la coutume des Juifs hassidiques est de
ne pas lire les livres sacrés parce que cela pourrait sauver Jésus du châtiment
éternel (le Talmud enseigne que Jésus bout en enfer)[13]. Cette coutume était en train de
disparaître quand les ‘loubavitchi’, groupes hassidiques nationalistes
fanatiques, l'ont ressuscitée.
Je me souviens encore d'avoir vu des vieillards juifs cracher en passant
devant une église et maudire les morts en longeant un cimetière chrétien.
L'année dernière, à Jérusalem, un Juif a décidé de renouer avec cette
tradition. Il a craché sur la Sainte Croix que l'on portait en procession dans
toute la ville. La police l'a sauvé de graves ennuis mais le tribunal lui a
infligé une amende de cinquante
dollars, bien qu'il ait prétendu, pour sa défense, avoir accompli un devoir
religieux.
L'année dernière, le plus grand journal à scandales israélien, Yedioth
Aharonoth, a réédité le Toledoth Eshu, un évangile apocryphe juif,
qui est une compilation médiévale. C'est la troisième fois qu'on le réédite ces
temps-ci, dont une fois dans la presse. Alors que l'Evangile est le livre de
l'amour, Toledoth est le livre de la haine du Christ. Le héros du livre
est Judas, qui fait Jésus prisonnier en détruisant sa pureté ; d'après Toledoth,
Jésus a été conçu dans le péché, ses miracles sont de la sorcellerie et sa
résurrection un tour de prestidigitation.
Joseph Dan, professeur de mysticisme juif à l'université hébraïque de Jérusalem, a écrit à propos de la mort de Jésus :
"Les apologistes juifs modernes, dont
l’Eglise a adopté le point de vue après beaucoup d'hésitations, préfèrent faire
peser la responsabilité sur les Romains. Mais les Juifs du Moyen Age ne
l'entendaient pas ainsi : ils essayaient de prouver qu'il fallait tuer Jésus,
et ils se vantaient de l'avoir fait. Les Juifs haïssaient et méprisaient le
Christ et les Chrétiens. De nos jours, ajoute-t-il d’ailleurs, il est hors de
doute que ce sont les ennemis juifs de Jésus qui ont provoqué son
exécution."
De nos jours encore, les juifs d'Israël parlent de Jésus sous le sobriquet
de ‘Yeshu’ (au lieu de Yeshua) qui signifie "que son nom périsse". Il
y a une discussion en cours pour savoir si on a fait une injure de son nom ou
si on lui a donné une injure comme nom. Par un jeu de mots semblable, on
appelle le Nouveau Testament ‘Avon Gilaion’, c’est-à-dire ‘le livre du péché’.
Tels sont les chaleureux sentiments des amis des chrétiens sionistes pour le
Christ.
Et les musulmans, alors ? Les musulmans vénèrent le Christ. Ils l'appellent
"le verbe de Dieu", le "logos", le Messie, le prophète et
il est considéré comme un "messager de Dieu" au même titre
qu'Abraham, Moïse et Mahomet. De nombreux chapitres du Coran parlent de
l'histoire du Christ, de sa naissance virginale et de sa persécution par les
Juifs. On admire sa sainte mère, et l'Immaculée Conception est une des
croyances de l'islam. Le nom du Christ glorifie l'édifice doré d'Haram
al-Charif. D'après le dogme musulman, c'est là que le fondateur de l'islam a
rencontré Jésus et qu'ils ont prié ensemble. La tradition musulmane dit, au nom
du prophète, "Nous ne vous interdisons pas de croire au Christ, nous vous
l'ordonnons."
Les musulmans identifient leur prophète avec le Paraclet, l'Intercesseur
(Jn 14, 16) dont la venue a été annoncée par Jésus. Ils vénèrent les lieux de
la vie de Jésus : le lieu de l'Ascension, le Tombeau de Lazare, le Saint-Sépulcre
sont situés près d'une mosquée et tous les chrétiens peuvent y accéder
librement. Les Musulmans ne considèrent pas Jésus comme Dieu mais comme le
Messie, l'oint, l'habitant du Paradis. Cette conviction religieuse, familière
aux Nestoriens et à d'autres Eglises archaïques mais rejetée par l'ensemble des
chrétiens, ouvrait la porte aux juifs qui ne pouvaient renoncer au monothéisme
strict.
C'est pourquoi beaucoup de Palestiniens, chrétiens ou juifs, se
convertirent à l'islam au VIIe siècle et devinrent des Palestiniens
musulmans. Ils sont restés dans leurs villages, ils ne sont pas partis en
Pologne ou en Angleterre, ils n'ont pas appris le yiddish, ils n'ont pas étudié
le Talmud mais ils ont continué à élever leurs troupeaux et à planter des
amandiers, ils sont restés fidèles à leur pays et à la grande idée de la
fraternité des hommes.
Au sud d'Hébron, parmi les ruines de Susiah, on peut voir comment, en
l'espace de deux cents ans, une synagogue s'est lentement transformée en
mosquée, au fur et à mesure que la population troglodyte alentour abandonnait
la foi exclusive des sorciers babyloniens pour l'Islam. Ces bergers sont
toujours là, dans les mêmes grottes. L'année dernière, l'armée israélienne a
essayé à deux reprises de les expulser pour faire de la place à de nouveaux
colons juifs de New York.
Pourquoi, alors que les amandiers sont en fleurs, suis-je en train de
parler du thème délicat de l'attitude respective des juifs et des musulmans
envers le Christ ? Parce qu'il faut arrêter les moulins à haine qu'actionnent
les partisans d'Israël. Parce que la langue de bois du ‘judéo-christianisme’
sert à justifier les barbelés qui entourent l'église de Birim et les chars
d'assaut qui entourent Bethléem. Parce que c’est un devoir pour nous de lever
les obstacles qui encombrent le chemin des aveugles.
La majorité des chrétiens sionistes sont des âmes simplistes en errance,
des gens pleins de bonnes intentions mais très ignorants. Ils pensent qu'ils
"soutiennent les juifs" mais ils ne font qu'encourager les juifs à
haïr le Christ. Ce n'est pas un hasard si le héros du livre sioniste Exodus,
de Léon Uris, a dans sa chambre une affiche proclamant "Nous avons
crucifié le Christ". Ce n'est pas un hasard si un soldat israélien, sur le
barrage qui bloque Bethléem, me disait hier : "Nous affamons ces bêtes
sauvages", en parlant des chrétiens natifs de la cité de la Nativité.
Ce n'est pas un hasard si on a brûlé l'Evangile sur un bûcher en Israël, tandis que la littérature contre l'Evangile se répand partout, que les nouveaux juifs émigrés qui se convertissent au christianisme sont déportés et persécutés, que tout prédicateur du christianisme en Israël peut être mis en prison, selon les nouvelles lois anti-chrétiennes, ou que les archéologues israéliens effacent les lieux saints chrétiens et les autres souvenirs en Terre sainte. Je rappellerai aux dirigeants des chrétiens sionistes, qui sont certainement au courant mais n'en continuent pas moins de mener leur troupeau innocent sur les pas de l’Antéchrist, que Jésus a dit, "mais quiconque pousse au péché l’un de ces petits enfants qui croient en moi, il vaudrait mieux pour lui qu'on lui accroche une pierre à meuler au cou et qu'on le noie au fond de la mer." (Mt 18, 6).
Je dis à mes frères juifs : nous ne sommes pas tenus de suivre les opinions
des Juifs du Moyen Age. Tout juif peut décider pour lui-même s'il veut prier
pour la destruction des non-juifs ou partager la bénédiction de la Terre sainte
avec les habitants de Birim et de Bethléem. Parmi les juifs, il y a toujours eu
des héritiers spirituels des prophètes qui voulaient apporter la paix et la
bénédiction à tous les enfants d'Adam. Aussi vrai que cette fleur d'amandier,
en vous s'accomplira la prophétie : "Toutes les nations de la Terre vous béniront."
(Deut. 7)
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24 avril 2001
Tout va très vite de nos jours. Hier encore, c'est tout juste si nous
osions qualifier "d'apartheid" la politique israélienne de
discrimination officielle à l'égard des Palestiniens. Aujourd'hui, tandis que
les chars et les missiles de Sharon pilonnent des villes et des villages sans
défense, le terme suffit à peine à exprimer la réalité ; ou alors, il est
devenu une insulte injustifiée pour les tenants de la suprématie blanche en Afrique
du Sud. Après tout, ces Blancs n'ont pas employé d’hélicoptères de combat ni de
chars contre les indigènes, pas plus qu'ils n'ont assiégé Soweto. Ils n'ont pas
refusé de reconnaître l'humanité de leurs cafres. Mais les tenants de la
suprématie juive, eux, n'ont pas hésité à sauter le pas. D’un coup de baguette
magique, ils nous ramènent à l'époque de Josué et de Saül.
Alors que la quête du mot juste se poursuit, le vaillant Robert Fisk[14] propose de qualifier les événements de
Palestine de "guerre civile". Si c'est cela une guerre civile, alors
on peut dire que l'abattage d'un agneau est une corrida. La disparité entre les
forces en présence est tout simplement trop grande. Non, sachez-le, vous qui vivez
ailleurs, il ne s'agit pas d'une guerre civile mais d'un génocide rampant.
A ce moment précis, dans notre saga, le bon juif est censé sortir son
mouchoir et s'exclamer : "Comment se peut-il que nous, éternelles
victimes de persécutions, commettions de tels crimes ! " Et bien, cessez
de retenir votre souffle : je ne transcrirai rien de tel. Cela s’est déjà
produit et il est possible que cela se reproduise.
Les juifs ne sont pas plus assoiffés de sang que le reste de l'humanité.
Mais l'idée folle d'être le ‘peuple élu’, la notion de supériorité d'une race
ou d'une religion sont des moteurs de génocide. Si vous croyez que Dieu a
choisi votre peuple pour gouverner le monde, si vous pensez que les autres ne
sont que des sous-hommes, vous serez puni par ce Dieu dont vous aurez invoqué
le nom en vain. Vous serez métamorphosé non pas en charmante petite grenouille
mais en assassin fou.
Quand, dans les années trente, les Japonais ont été atteints de cette
maladie, ils ont violé Nankin et dévoré le foie de leurs prisonniers. Imbus de
leur complexe de supériorité aryenne, les Allemands ont accumulé les cadavres à
Babi Yar. Ayant lu attentivement Josué et Le Livre des Juges, les
pères pèlerins, fondateurs des Etats-Unis, ont voulu ceindre leur front de la
couronne des ‘élus’ et ce faisant, ils ont pratiquement réussi à exterminer les
peuples indigènes d'Amérique.
Les juifs ne font pas exception, leur sentiment de ‘peuple élu’ provoque un
génocide de temps à autre. A la sortie de Jérusalem dite ‘Porte de Jaffa’ (Bab
al-Halil), existait autrefois une petite agglomération du nom de Mamilla, qui a
été détruite récemment par des promoteurs immobiliers. A sa place, on trouve
aujourd'hui un monstrueux ‘village’ accueillant les gens très riches, à côté du
luxueux hôtel Hilton. Un peu plus loin, se trouvent le vieux cimetière de
Mamilla où repose la noblesse arabe, et le réservoir d'eau de Mamilla que Ponce
Pilate avait fait aménager. Au cours des travaux de terrassement, les ouvriers
ont découvert une caverne funéraire abritant des centaines de crânes et d'os.
Cette grotte était ornée d'une croix et d'une inscription : "Dieu seul
sait leurs noms". La Revue d'archéologie biblique éditée par le
juif américain Herschel Shanks a publié un long rapport de l'archéologue
israélien Ronny Reich[15] sur cette découverte.
Les cadavres ont été déposés là pour y dormir du sommeil du juste en 614
après Jésus-Christ, année la plus effroyable de l'histoire de la Palestine
jusqu’au XXe siècle. Dans son ouvrage intitulé Historical
Geography of Palestine, le chercheur écossais Adam Smith a écrit que de nos
jours, l'effroyable dévastation de 614 est encore visible sur le terrain. Les
blessures n'ont jamais pu se refermer.
En 614, la Palestine faisait partie de l'empire byzantin, qui avait succédé
à l'empire romain. C'était une terre prospère, à prédominance chrétienne, où
l'agriculture était bien développée, les eaux canalisées et les terrasses
soigneusement aménagées. Les pèlerins affluaient en masse vers les lieux saints.
Les édifices construits par Constantin, le Saint-Sépulcre et l'Ascension au
Mont des Oliviers figuraient parmi les merveilles du monde réalisées par
l'homme. Les solitudes de Judée étaient adoucies par quatre-vingts monastères
où l'on collectionnait des manuscrits précieux et où l'on priait. Les Pères de
l’Eglise, saint Jérôme de Bethléem, Eusèbe et Origène de Césarée étaient encore
présents dans les mémoires. Jean Moschos, l’un des meilleurs écrivains
palestiniens, l’égal des Prophètes Mineurs, venait de terminer son Pré spirituel.
Il y avait aussi une petite communauté juive prospère, principalement à
Tiberias, sur les rives de la mer de Galilée. Ses docteurs venaient d'achever
leur version du Talmud qui codifiait leur foi, le judaïsme rabbinique. Mais
pour les instructions, ils s'en remettaient à la communauté juive dominante de
Babylone, alors sous domination perse.
En 614, les juifs de Palestine s'allièrent à leurs coreligionnaires
babyloniens pour prêter main forte aux Perses dans leur conquête de la Terre
sainte. 26 000 Juifs participèrent à l’offensive. Après la victoire perse, les
Juifs ont perpétré un holocauste massif des Gentils de Palestine. Ils ont
incendié les églises et les monastères, tué les moines et les prêtres, et brûlé
les livres. La charmante basilique des Poissons et des Pains de Tabgha,
l'église de l'Ascension sur le Mont des Oliviers, l'église Saint-Etienne en
face de la porte de Damas et Sainte-Sion sur la colline du même nom ne sont que
quelques-uns des édifices religieux qu'ils détruisirent. De fait, très peu
d'églises ont réchappé au désastre. La Laure de Saint-Sabas, site
extraordinaire niché dans la vallée très profonde du Wadi al-Nar, n'a dû son
salut qu'à sa situation reculée et aux rochers escarpés qui l'entourent. L'église
de la Nativité a survécu par miracle : lorsque les juifs donnèrent l’ordre de
la détruire, les Perses refusèrent. Ils avaient cru voir, dans la mosaïque
représentant les rois mages au-dessus du linteau, le portrait de rois perses.
Mais le pire de ces crimes n'est pas la dévastation. Lorsque Jérusalem se
rendit aux Perses, des milliers d'habitants chrétiens furent faits prisonniers
et menés à l'abattoir, tout près du réservoir de Mamilla. L'archéologue
israélien Ronny Reich écrit :
"Ils ont probablement été vendus au plus offrant. Selon certaines
sources, les captifs chrétiens du réservoir de Mamilla furent achetés par des
juifs et mis à mort sur-le-champ".
Dans son Histoire des Juifs, le professeur d’Oxford Henry Hart
Milman décrit l’opération en termes plus rudes :
Elle était enfin venue, l’heure tant attendue du triomphe et de la vengeance. Les Juifs n’ont pas laissé passer leur chance, et ils ont lavé, dans le sang des Chrétiens, la profanation de la ville sainte. On dit que les Perses vendirent les misérables captifs pour de l’argent. La soif de vengeance des Juifs fut plus forte que leur avarice. Non seulement ils n’eurent aucun scrupule à sacrifier leurs trésors en échange de ces dévots réduits en esclavage, mais ils les tuèrent tous, malgré leur prix exorbitant. La rumeur de l’époque disait que 90 000 personnes avaient péri de la sorte.
Témoin oculaire, Strategius de
Saint-Sabas, nous donne un compte rendu plus précis :
" Sur ce, les vils Juifs... se
réjouirent, car ils détestaient les Chrétiens et avaient conçu un plan
diabolique. Comme, autrefois, ils avaient acheté le Seigneur à des Juifs pour
de l’argent, ils achetèrent les Chrétiens prisonniers des Perses. Combien
d’âmes furent assassinées dans le réservoir de Mamilla ! Combien périrent de
faim et de soif ! Combien de prêtres et de moines furent passés au fil de
l’épée ! Combien de jeunes filles, se refusant aux derniers outrages,
furent livrées à la mort par l’ennemi ! Combien de parents ont péri sur
les corps de leurs enfants ! Combien de ces gens furent torturés jusqu’à
ce qu’ils renient leur foi ! Qui peut compter la multitude des cadavres de
ceux qui furent massacrés à Jérusalem !"
Strategius estimait à 66 000 le nombre des victimes de l’holocauste.
En d’autres termes, les juifs payèrent une grasse rançon aux soldats perses
pour s'emparer des Chrétiens et les massacrèrent avec délectation au réservoir
de Mamilla qui "débordait de sang". Dans la seule ville de Jérusalem,
les juifs massacrèrent entre 60 000 et 90 000 chrétiens palestiniens, ce qui
correspondrait, à l’heure actuelle, à 1,5 million de morts. En effet, la Terre
comptait alors, selon l’Encyclopaedia Britanica autour de 300 millions
d'habitants, soit vingt fois moins qu'aujourd'hui. Quelques jours plus tard,
ayant compris l'ampleur du massacre, les soldats perses empêchèrent les juifs
de poursuivre leurs exactions.
Il faut rendre justice à l'archéologue israélien Ronny Reich de n'avoir pas
cherché à accuser les Perses du massacre, comme on le fait couramment
aujourd'hui. Il admet que "l'empire perse n'avait pas de fondement
religieux et était effectivement enclin à la tolérance religieuse". Il est
évident que ce brave homme aurait quelques difficultés à publier des articles
dans le New York Times. La correspondante de ce journal en Israël,
n'hésiterait pas, elle, à décrire ce massacre comme "un acte de
représailles des Juifs ayant souffert sous la férule des Chrétiens".
L'holocauste des Palestiniens chrétiens de 614 a fait aussi couler beaucoup
d’encre, et vous le verrez assez bien décrit dans les livres anciens. Quant aux
guides modernes et aux livres d'histoire, la censure est passée par-là. Dans
son exposé brillant sur la "Justification juive"[16], Elliot Horowitz a décrit comment presque
tous les historiens juifs occultent les faits et ré-écrivent l’histoire. La
dissimulation perdure de nos jours. De récentes publications israéliennes
accusent les Perses, comme elles rendent les Maronites libanais responsables
des massacres de Sabra et Chatila. Horowitz écrit :
Raul Hilberg, dans La destruction des
Juifs européens, affirmait que "les attaques préventives, la
résistance armée et la vengeance sont pratiquement inexistantes au cours des
2000 ans d’histoire du ghetto juif." Avi Yona, un chef de file des
historiens israéliens, Leon Polyakov, auteur de L’histoire de l’antisémitisme
[publié aux frais de Mark Rich, le voleur – I.SH.] et de nombreux autres
qui ont glosé sur l’holocauste de 614, n’ont rien dit, ou l’ont carrément nié.
Benzion Dinur, un ancien directeur du musée de l’holocauste Yad va-Shem, a
euphémisé, dans un langage qui lui aurait semblé injurieux s’il avait fait
référence aux juifs, que "des chrétiens récalcitrants avaient été tenus en
échec."
Horowitz montre qu’en général, et de façon notoire, les écrits juifs,
historiques et idéologiques, tentent de tout justifier et sont peu dignes de
foi. Bien entendu, tous les Juifs ne sont pas ainsi ; Horowitz,
Finkelstein et d’autres individus extraordinaires le prouvent, mais ils
seraient les premiers à confirmer ce qui est écrit ici. Le sentiment d’être
éternellement vertueux et victime, renforcé par une version faussée de
l’Histoire, est une source de maladie mentale, une obsession commune à de
nombreux juifs modernes. Cette obsession intoxique les juifs, et leur donne une
force particulière pour répandre leur version des faits. D’une certaine
manière, cette grave distorsion de la réalité transforme les juifs en gagnants
hystériques de la lutte idéologique. Toutefois, même si elle représente une
stratégie victorieuse, c’est une maladie mentale, un danger pour l’âme des
juifs et pour la vie des autres.
Là encore, les juifs ne font pas exception. Les Allemands ont été
intoxiqués par l’injustice du Traité de Versailles, et Adolf Hitler a été
l’expression de ce phénomène. Eric Margolis du Toronto Sun[17] a évoqué, dans ses articles, les
Arméniens rendus furieux par l'histoire de leur propre holocauste. C'est ainsi
qu'ils ont massacré leurs pacifiques voisins d'Azerbaïdjan par milliers dans
les années 1990, et provoqué l'exil de huit cent mille habitants non-arméniens
de la région. Margolis conclut en disant, "il est temps de reconnaître
toutes les horreurs du monde". J’ajouterai qu’il est temps de reconnaître
les dangers du discours partial et incendiaire, en un mot, fanatique. Ce
discours, qui s’est répandu dans tous les milieux, nous fait vivre dans un
monde malade, psychotique. Notre seul système de communication, les médias,
transmet la maladie et nous conduit à la perdition. Il faut encourager
l’émergence d’un discours alternatif équilibré, afin de revenir au bon sens.
Les juifs sont devenus si importants dans le monde moderne, que leur discours
bancal doit être déconstruit, et la couronne du martyre soigneusement enlevée.
Les événements tragiques de 614 doivent être rapportés dans le respect de
la vérité historique, car cela aidera les Juifs à soigner leur illusion
paranoïaque. Sans cette connaissance réelle des événements, il est impossible
de comprendre, par exemple, les dispositions du traité conclu en 638 entre les
habitants de Jérusalem et le calife Omar ibn Khattab. Dans le Sulh al-Quds,
nom sous lequel on connaît ce traité de capitulation, le patriarche Sofronius
exige, et le puissant dirigeant arabe accepte, de soustraire la population de
Jérusalem à la férocité des juifs.
Le génocide de 614 après Jésus Christ a
été le plus effroyable, mais il n’a pas été le seul génocide perpétré par les
Juifs, à cette époque chaotique. Bien que l’histoire biblique de la conquête de
Canaan par Josué ne soit qu’un conte, elle a influencé les âmes juives d’alors.
Au VIIe siècle, les Juifs étaient puissants et les génocides
nombreux. En 610, les Juifs d’Antioche massacrèrent les chrétiens. L’historien
juif Graetz a écrit : "[les Juifs] tombèrent sur leurs voisins
chrétiens et se vengèrent des souffrances qu’ils avaient subies. Ils tuèrent
tous ceux qu’ils purent attraper, et jetèrent les cadavres dans les flammes,
comme avaient fait les Chrétiens un siècle auparavant à l’endroit des Juifs. Le
patriarche Anastasius, objet d’une haine particulière, fut maltraité de façon
scandaleuse, et traîné dans les rues de la ville avant d’être mis à mort."
Pour Graetz, comme pour les porte-parole de l’IDF, les Juifs tuent toujours
en ‘représailles’. Ce dogme n’a pas été inventé par CNN ni par Sharon. Il est
profondément enraciné dans la psyché juive, en tant que justification ultime.
Cet historien (comme d’autres historiens juifs) n’a pas pris soin de mentionner
que, "les Juifs d’Antioche ont éventré le grand patriarche Anastasius,
l’ont forcé à manger ses tripes, et lui ont jeté ses parties génitales au
visage", selon Elliot Horowitz.
Après la conquête arabe, une majorité de Palestiniens juifs ont accepté le
message de l'envoyé d'Allah, tout comme la majorité des Palestiniens chrétiens
quoique pour des motifs différents. Pour les chrétiens du crû, l'islam était
une sorte de christianisme nestorien sans les icônes, sans l'intervention de
Constantinople et sans les Grecs (aujourd'hui encore, la soumission de l'Eglise
palestinienne à l'Eglise grecque continue de poser problème aux Chrétiens du
pays).
Aux yeux des juifs de la région, l'islam n'était qu'un retour à la foi
d'Abraham et de Moïse. Il faut bien reconnaître que, de toute façon, ils
étaient incapables d'appréhender les complexités de la nouvelle foi
babylonienne. La majorité d'entre eux sont devenus musulmans et se sont mêlés à
la population de Palestine.
Pourquoi les juifs d'aujourd'hui se sentiraient-ils coupables des méfaits
de leurs ancêtres ? Aucun fils n'est responsable des péchés de son père.
Israël aurait pu transformer le charnier de Mamilla, sa chapelle byzantine et
ses mosaïques, en un petit mémorial, rappelant à ses citoyens une page
effroyable de l'histoire de leur terre, mais aussi les dangers du sentiment de
supériorité qui conduit au génocide. Mais les autorités israéliennes ont
préféré démolir le tombeau et le transformer en parc de stationnement. Et nul
ne s'est insurgé contre ce geste.
Les dépositaires de la conscience juive, Amos Oz et d'autres, ont bien élevé
des objections contre la destruction de vestiges de l'Antiquité, mais à aucun
moment contre celle du tombeau de Mamilla. En revanche, ils ont fait circuler
une pétition contre les gardiens du site religieux du Haram al-Charif, qui
avaient creusé une tranchée de quelques centimètres afin de poser une nouvelle
canalisation. Peu leur importait que, dans une page de chroniques et de
commentaires du quotidien Haaretz, le principal archéologue israélien de
la région eût nié que les travaux à la mosquée interféraient avec la science.
Ils se sont obstinés à les décrire comme "un acte barbare commis par les
musulmans pour détruire le patrimoine juif de Jérusalem". A mon grand
étonnement et à mon grand regret j'ai constaté que le nom de Ronnie Reich figurait
parmi les signataires. On aurait plutôt attendu de lui qu'il dise qui avait
détruit les vestiges du patrimoine juif du réservoir de Mamilla.
Lorsqu'elle est censurée, l'Histoire présente une fausse image de la
réalité. Admettre le passé est une étape indispensable sur la voie de
l'équilibre mental. Parce qu'ils ont admis les crimes de leurs pères et ont
regardé en face leurs défaillances morales, les Allemands et les Japonais sont
devenus des peuples plus humbles, moins orgueilleux, proches du reste de l'humanité.
Mais nous autres, juifs, ne sommes jusqu'à présent jamais parvenus à exorciser
l'esprit arrogant d'un peuple qui se prétend ‘élu’, et c'est pourquoi nous
sommes dans une situation parfaitement insoluble.
Tout cela pour dire que l'idée de notre supériorité se perpétue et continue
de nous conduire au génocide. En 1982, Amos Oz avait rencontré un Israélien qui
lui fit part de son rêve de devenir une sorte de Hitler juif pour les
Palestiniens[18]. Des rumeurs persistantes identifient cet
Hitler potentiel avec Ariel Sharon. Que ce soit vrai ou faux, peu à peu le rêve
est en train de devenir réalité.
En première page du quotidien Haaretz est parue une publicité[19], qui n'était autre qu'une fatwa
signée par un groupe de rabbins. Ces rabbins proclamaient l'identification
théologique d'Ismaël (c'est-à-dire les Arabes) aux ‘Amalécites’, tribu qui,
d'après la Bible, a donné du fil à retordre aux enfants d'Israël. Dans cette
histoire, le dieu d'Israël ordonna à son peuple d'exterminer totalement cette
tribu sans épargner son bétail. Mais le roi Saül avait bâclé le travail. Bien
sûr, il avait exterminé tout le monde mais il avait oublié de tuer les jeunes
filles nubiles qui n'avaient pas encore contracté mariage. Cette ‘erreur’ lui
coûta sa couronne. De nos jours, l'obligation d'exterminer les Amalécites est
toujours inscrite dans la doctrine juive quoique personne, pendant des siècles,
n'ait identifié une nation existante à la tribu maudite.
Il est pourtant une exception qui prouve à quel point cette sentence est
dangereuse. A la fin de la deuxième guerre mondiale, un certain nombre de
Juifs, dont le futur Premier ministre Begin, ont voulu voir dans les Allemands
l'incarnation des Amalécites. De fait, Abba Kovner, Juif pieux, fervent
socialiste et combattant contre les Nazis, avait, en 1945, ourdi un complot
visant à empoisonner le réseau d'adduction d'eau des villes allemandes et à
tuer "six millions d'Allemands". Kovner se procura du poison auprès
du futur président d'Israël, Efraim Katzir. Celui-ci croyait, paraît-il, que
l’intention était d'empoisonner 'quelques' milliers de prisonniers de guerre
allemands. Fort heureusement le complot fut éventé et des officiers
britanniques arrêtèrent Kovner dans un port européen. Cette histoire a été
publiée l'an dernier en Israël, dans une biographie de Kovner rédigée par Dina
Porat, directrice du centre de recherche sur l'antisémitisme à l'université de
Tel-Aviv[20].
Pour dire les choses simplement, la fatwa des rabbins nous affirme
que notre devoir religieux est de tuer tous les Arabes, y compris les femmes,
les enfants et le bétail, et de n'épargner personne, pas même les chats.
Pourtant, le quotidien libéral Haaretz, dont le rédacteur en chef et le
propriétaire sont suffisamment instruits pour comprendre la fatwa, n'ont
pas hésité à publier cet appel. Récemment, certains militants pro-palestiniens
m'ont critiqué pour avoir collaboré avec l'hebdomadaire russe Zavtra
[hebdomadaire du parti communiste russe] et pour avoir cité l'hebdomadaire
américain Spotlight. Je me demande pourquoi ils ne m'ont pas blâmé
d'avoir écrit dans Haaretz. Pour autant que je sache, ni Zavtra
ni Spotlight n'ont jamais appelé au génocide.
Il serait injuste de jeter l'opprobre exclusivement sur Haaretz. Le Washington
Post, autre journal juif à fort tirage, a publié un appel tout aussi
virulent au génocide, signé Charles Krauthammer[21]. Ne pouvant tabler sur la connaissance de
la Bible de ses lecteurs, ce disciple du roi Saül renvoie au massacre des
troupes irakiennes en déroute, perpétré par le général Colin Powell à la fin de
la guerre du Golfe. Krauthammer cite les propres termes de Powell parlant de
l'armée irakienne. "D'abord, nous allons leur couper la route, et ensuite
nous allons flinguer tout ça". Pour Krauthammer, qui choisit avec soin ses
citations, une multitude d'Arabes assassinés ne méritent pas que l'on humanise
l'expression en parlant ‘d'eux’. Il se contente de dire "ça". Aux
derniers stades de la guerre du Golfe, des Irakiens désarmés battant en
retraite ont été assassinés en masse et de sang-froid par l'aviation
américaine, leurs cadavres ont été enterrés au bulldozer dans le sable du
désert, dans d'immenses charniers qui ne portent pas de noms. Selon les
estimations, les victimes de cette hécatombe se chiffreraient entre cent mille
et un demi-million. Dieu seul sait leurs noms...
Krauthammer souhaite que ce ‘haut fait’ se reproduise en Palestine.
D'ailleurs, l'armée israélienne a déjà divisé ‘tout ça’ en soixante-dix lots.
Maintenant ‘tout ça’ est prêt pour le grand massacre. "Flinguez-moi tout
ça", revendique Krauthammer, dans le feu de la passion. Il craint
peut-être que les Perses ne veuillent à nouveau arrêter le bain de sang avant
que le réservoir de Mamilla ne déborde. Ses inquiétudes sont notre espérance.
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Avril est le mois le plus cruel
30 mars 2001
[Cet article est une commémoration du jour anniversaire de Deir Yassine, le
9 avril.]
Par les beaux jours de printemps, lorsque le ciel de la Terre sainte est
d'un bleu tendre et l'herbe d'un vert ardent, les autocars à air conditionné
charrient les touristes de la Ville de la Plaine à la Ville des Montagnes. A
peu près à mi-chemin, juste après l'auberge ottomane restaurée de Bab al-Wad
(la Porte de la vallée), le car passe le long des squelettes de véhicules
blindés. En cet endroit, les guides débitent leur morceau de bravoure habituel :
"Ces véhicules commémorent la percée héroïque des Juifs qui mit fin au
siège de Jérusalem dû à l'agression de neuf Etats arabes." Le nombre
d'Etats arabes varie en fonction de l'humeur du guide et de l'attention que lui
prête son auditoire.
La bataille pour la route de Jérusalem est un des grands moments de la
guerre civile de 1948 en Palestine et elle s'est achevée par l'invasion des
quartiers occidentaux prospères de Jérusalem, avec leurs hôtels particuliers en
pierre blanche appartenant aux nobles arabes et aux marchands allemands, grecs
et arméniens, par les Juifs sionistes de la Plaine. Au cours de ces batailles,
les sionistes se sont aussi imposés dans les quartiers juifs non-sionistes et
neutres. Les sionistes ont expulsé les non-juifs dans un vaste mouvement de
purification ethnique et ont enfermé les Juifs autochtones dans le ghetto. Pour
parvenir à leurs fins, ils ont rasé complètement les villages palestiniens qui
se trouvaient sur la route de Jérusalem.
Les déchets rouillés ne sont pas l'arrière-plan idéal pour le récit
israélien traditionnel et ne conviendraient pas du tout pour un film réaliste.
C'est un décor dépourvu du cachet d'authenticité que recherchent les metteurs
en scène. L'histoire du siège et de l'agression est une pièce de théâtre et non
un scénario de cinéma. C'est du déjà-vu pour les touristes que l'on endoctrine
tout au long de leur excursion sans escale du Mur des lamentations au Musée de
l'holocauste.
La guerre pour cette route s'est achevée en fait en 1948, plusieurs
semaines avant la déclaration d'indépendance d'Israël, le 15 mai, avant que des
unités déguenillées d'Arabes de la région entrent en Palestine pour sauver ce
qui restait de la population locale. Comme l'a dit T.S. Elliot, le mois d'avril
est le mois le plus cruel. Et c'est vrai du mois d'avril de cette année-là, où
les Palestiniens prirent le chemin d'un exil qui dure depuis plus de cinquante
ans. L'apothéose s’est déroulée à l'entrée de Jérusalem, près des jardins
Sakharov : de là, on va à un cimetière, à un asile de fous et à Deir
Yassine.
La mort a de multiples noms : pour les Tchèques, c'est Lidice, pour les
Français, Oradour, pour les Vietnamiens My Lai et pour tous les Palestiniens,
c'est Deir Yassine. Durant la nuit du 9 avril 1947, les groupes terroristes
juifs Etsel et Lehi attaquèrent ce village tranquille et massacrèrent tout le
monde, hommes, femmes et enfants. Je n'ai pas envie de réciter la sinistre
litanie des oreilles coupées, des entrailles arrachées, des femmes violées, des
hommes-torches, des cadavres jetés dans les carrières de pierre ou de la parade
triomphale des assassins. En soi, tous les massacres se ressemblent, de Babi
Yar au gang des tronçonneuses ou à Deir Yassine. Et pourtant, le massacre de
Deir Yassine est particulier pour trois raisons.
La première, c'est qu'on a sur lui un dossier complet ainsi que des
témoignages ; d'autres combattants juifs de la Hagana et de Palmach, des
éclaireurs juifs, des délégués de la Croix Rouge et la police britannique de
Jérusalem ont tous donné un exposé complet des événements. Bien qu'il s'agisse
d'un des nombreux massacres de Palestiniens par les Juifs pendant la guerre de
1948, on lui a prêté une attention exceptionnelle, sans doute parce que cela
s'est passé aux portes de Jérusalem, siège du Mandat britannique de Palestine.
Ensuite, au delà du sort tragique du village de Deir Yassine, de graves
conséquences s’en sont suivies : l'horreur du massacre a incité les
Palestiniens des villages voisins à fuir, ce qui a donné aux Juifs le contrôle plein
et entier des accès occidentaux à Jérusalem ; la fuite était ce qu'il y avait
de plus prudent et de plus raisonnable pour la population civile. Au moment où
j'écris ces lignes, la télévision montre des paysans macédoniens fuyant une
zone de guerre. Le 22 juin 1941[22], la famille de ma mère s'est enfuie de
Minsk en flammes et a survécu, contrairement à celle de mon père qui, restée
sur place, a péri ; après la guerre, mes parents ont pu rentrer à Minsk, comme
tous les autres réfugiés de guerre. Mais les Palestiniens, eux, n'ont toujours
pas l'autorisation de rentrer.
Enfin, troisième point, la carrière des assassins : les chefs des bandes
terroristes d'Etsel et de Lehi étaient Menahem Begin et Itzhac Shamir, qui sont
finalement devenus premiers ministres d'Israël. Aucun des deux n'a exprimé de
remords et Begin a vécu jusqu'à la fin de ses jours dans une maison d'où il
avait une vue panoramique sur Deir Yassine. Il n'y a pas eu de tribunal de
Nuremberg pour eux, pas de vengeance, pas de pénitence, juste un tapis de roses
qui menait jusqu'au prix Nobel de la paix. Begin était fier de l'opération et
dans la lettre qu'il a adressée aux assassins, il les félicite d'avoir rempli
leur devoir national : "Vous êtes les créateurs de l'histoire
d'Israël." Itzhac Shamir était heureux aussi car cela lui a permis
d'accomplir son rêve : expulser les non-juifs de l'Etat juif.
Le commandant en chef de l'opération, Judas Lapidot, a lui aussi, fait une
brillante carrière : son supérieur hiérarchique, Begin, lui a confié la
campagne pour le droit des juifs russes à émigrer en Israël, campagne dans
laquelle il invoquait la compassion et le rapprochement des familles. A Londres
et à New York, il a organisé des manifestations dont le mot d'ordre était
"Let my people go"[23]. Si vous vous êtes intéressé au droit des
juifs russes à émigrer en Israël, vous avez peut-être entendu parler de lui. A
cette époque-là, le sang de Deir Yassine était oublié. Pour endoctriner les
émigrés russes, il a même publié une traduction russe du livre de Lapierre et
Collins, Si je t'oublie Jérusalem, qui édulcore complètement l'affaire
de Deir Yassine.
Il y a une dernière signification historique de cet événement. Il a mis en
lumière toute la tactique sioniste. Lorsque le massacre fut révélé, les
dirigeants juifs en firent porter la responsabilité aux Arabes. Ben Gourion,
qui était alors Premier ministre d'Israël, annonça que des bandes arabes
déchaînées en étaient les auteurs. Lorsque cette version se révéla fausse, les
dirigeants juifs firent fonctionner, pour la première fois, le système de
limitation des dommages : ils envoyèrent un message d'excuse à l'émir Abdallah.
Ben Gourion avec tout le gouvernement prit publiquement ses distances avec le
massacre atroce, déclarant qu'il portait atteinte à la réputation de tous les
Juifs honnêtes et que c'était l’œuvre de terroristes minoritaires. Ses méthodes
de relations publiques sont demeurées un sujet de fierté pour les Gentils
pro-sionistes ‘de gauche’ à l'étranger.
"Quelle histoire horrible et abominable", me dit un juif
humaniste que je conduisais sur les ruines de Deir Yassine, avant d'ajouter :
"Mais Ben Gourion a condamné les terroristes et ils ont été punis comme
ils le méritaient."
"Oui, répondis-je, ils furent justement punis et promus aux plus
hautes fonctions politiques."
Trois jours exactement après le massacre, les bandes furent incorporées
dans l'armée israélienne alors en formation où les commandants occupèrent des
postes d'autorité et une amnistie générale couvrit leurs crimes. Le même
schéma, c’est-à-dire la dénégation, suivie d’excuses puis d’un geste final de
clémence et de promotions, fut appliqué après la première atrocité vérifiable
commise par le Premier ministre actuel, Sharon. Cela se passait au village
palestinien de Qibya, où l'unité commandée par Sharon fit sauter les maisons à la
dynamite avec leurs habitants, massacrant environ soixante hommes, femmes et
enfants. Quand l'affaire fut révélée, le Premier ministre Ben Gourion commença
par accuser des bandes arabes sauvages ; comme ça ne prenait pas, il accusa les
Juifs arabes : comme ils avaient la mentalité arabe, dit-il, ils avaient commis
cette agression illégale de vengeance et assassiné les paysans. Pour Sharon, le
tapis de roses se déroula sans interruption jusqu'à ce qu'il devienne Premier
ministre. On a l'impression que, parfois, pour devenir Premier ministre
d'Israël, un petit massacre à l'actif du postulant rend bien service.
On retrouve à nouveau cette tactique après le massacre de Kafr Kasem, où
les troupes israéliennes ont regroupé les paysans avant de les mitrailler. Quand
il devint impossible de nier l'affaire et qu'un député communiste révéla les
ignobles détails, les coupables furent traduits devant la cour martiale et
condamnés à de longues peines de prison ; ils sortirent au bout de quelques
mois et leur commandant fut nommé directeur des ‘Emprunts d'Israël’. S'il vous
est arrivé d'en acheter, vous l'avez peut-être rencontré ; je ne doute pas
qu'il ait su laver le sang sur ses mains avant de serrer la vôtre.
De nos jours, cinquante ans plus tard, les dirigeants juifs ont décidé de
poursuivre la révision de l'histoire de Deir Yassine. La ZOA[24], l'organisation sioniste américaine, a
publié, aux frais du contribuable américain, une brochure intitulée Deir
Yassine : histoire d'un mensonge. Les révisionnistes de l’association
utilisent toutes les méthodes de leurs adversaires, les ‘négateurs de
l’holocauste’ : ils rejettent les témoignages des rescapés, de la Croix Rouge,
de la police britannique, des associations et des observateurs juifs
individuels, qui étaient présents sur les lieux du massacre. Ils négligent même
les excuses de Ben Gourion parce qu'après tout, les commandants de ces bandes
sont devenus, à leur tour, Premier ministre de l'Etat juif. Pour l’organisation
sioniste américaine, seul le témoignage des assassins a de la valeur. A
condition que les assassins soient juifs, bien entendu.
Et pourtant, il y a encore des hommes justes, et c'est sans doute grâce à
eux que le Tout-Puissant ne balaie pas l'humanité de la surface de la Terre.
Une association, nommée ‘Se souvenir de Deir Yassine’, lutte contre la volonté
d'oublier cet événement : elle organise des rencontres, publie des livres et
prépare la construction d'un monument sur le site du massacre, pour que les
victimes innocentes aient au moins ce dernier hommage, que leur nom et leur
souvenir survivent pour l'éternité (Isaïe, 56, 5). Il faudra bien s'en
contenter jusqu'à ce que les enfants de Deir Yassine et des villages voisins
reviennent des camps de réfugiés sur la terre de leurs ancêtres.
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Encore un plan de paix
Mardi 12
mars 2002
Il fait
déjà chaud, dans les douces collines qui longent la plaine. Le pourpre sombre
des lupins, dont la floraison soudaine nous rappelle que nous sommes en mars,
borde la piste de terre battue entre le camp de réfugiés et une carrière
voisine. L'endroit grouille de soldats, venus assister les agents de sécurité
dans leur tâche de sélection. Les hommes sont séparés des femmes ; on leur lie
les poings avec des menottes en plastique produites à la chaîne, on leur passe
des sacs plastiques standards sur la tête. On les emmène à la carrière, on les
frappe. Certains sont abattus, d'autres torturés. Leurs maisons ont été
détruites par de gigantesques bulldozers Caterpillar. Aux environs de huit
heures, vingt hommes avaient été exécutés. C'était : matinée de nettoyage
ethnique ordinaire en Palestine...
Sur une
autre planète, à cinquante kilomètres de là, les Israéliens se débattent dans
d'inextricables embouteillages. Une nouvelle journée de shopping et de loisirs
commence. Dans les buildings Qiriya, qui abritent les services du gouvernement,
des hommes politiques et des hauts fonctionnaires discutent du plan de paix
saoudien. Le prince Abdallah a proposé la reconnaissance d'Israël par l'ensemble
des pays arabes, en échange de son retrait complet des territoires occupés en
1967. En Israël, les réactions reflètent la nature véritable des différences
entre les tendances de l'opinion publique israélienne.
Sharon la
brute et ses partisans de droite rejettent la proposition catégoriquement. Ils
se moquent de la reconnaissance arabe comme de leur première chemise. Le
libéral Peres du parti Travailliste y répond, en disant, en gros : "Mais
oui, bien sûr ; nous acceptons le plan saoudien, qui nous fait bien plaisir.
L'idée du Prince, de reconnaître et d'admettre Israël est une très bonne idée,
c'est merveilleux. Nous ne rendrons certainement pas les territoires ni ne nous
en retirerons... Mais ça ne fait rien ; quel bon plan ! "
Dans ce quid
pro quo, la ‘gauche’ juive en tient pour le 'quid'. Le 'quo'
attendra. Cela fait d'ailleurs cinquante ans qu'il attend, alors... La droite
israélienne, en revanche, n'est pas très intéressée par le jeu du ‘processus de
paix’.
L'objet de
ce jeu est de calmer les nerfs tendus de nos contemporains, à qui il est donné
d'être les témoins d'une chose déplaisante : un holocauste palestinien. C'est
dur, de vivre sans espoir... C'est bien pourquoi des esprits féconds inventent
de nouvelles propositions, de nouveaux cadres et de nouvelles tables de
négociation. Et pendant les débats, l'holocauste continue : on détruit la
Palestine, on assassine les Palestiniens, on les torture. Et nous n'en sommes
qu'aux prémisses de la nouvelle Nakbah.
Dans le
numéro du Haaretz d’aujourd’hui[25],
Amnon Barzilai rend compte du dernier sondage d'opinion réalisé par l'Institut
Jaffe pour les Etudes Stratégiques. Selon ce sondage, 46 % des Juifs en Israël
sont en faveur de la déportation de masse (transfert) des Palestiniens. Si la
question est posée sous une forme ‘politiquement plus correcte’, les opinions
en faveur de cette ‘Solution Finale’ grimpent à 60 %.
Les nazis
n'ont jamais proclamé ouvertement leur intention de massacrer les Juifs et les
Tziganes. Ils ont parlé de ‘déportation’ et de ‘transfert’, ainsi que de leur
‘Solution Finale’. Même en 1938, ces idées ne bénéficiaient pas, dans
l'Allemagne nazie, de la même faveur qu'elles ont aujourd'hui dans l’état juif.
Mais,
l’Etat juif, qu'est-ce donc ? Serait-ce Israël, cette lichette de terre, au
Proche-Orient ? Si tel était le cas, serait-il capable, comme il le fait, de
plier à sa volonté Européens et Américains ? Un historien juif, Solomon Lurie,
auteur d'une somme incontournable sur l'antisémitisme dans l'antiquité, a parlé
d'un ‘Etat-nation juif non-territorial’. Actuellement, ce puissant Etat-nation
non-territorial, qui s'étend de New York à Moscou, a repris la doctrine nazie
pour politique et adopté le génocide comme pratique. Une bonne illustration
nous en est donnée par le professeur de droit d'Harvard, Alan Dershowitz, qui
est juif et qui écrit dans le Jérusalem Post[26]
(dont le propriétaire est Sir Conrad Black) : "le premier attentat
terroriste (palestinien) devrait se traduire par la destruction du village qui
a pu servir de base pour l'opération terroriste. Ses habitants auraient
vingt-quatre heures pour partir, l'armée viendrait et passerait au bulldozer
toutes les maisons". C'est ce que les troupes nazies faisaient couramment,
en Europe occupée.
Etant
donné que Dershowitz et d'autres, du même genre, ont formé des générations
d'étudiants américains, tandis que Black (du Jérusalem Post) et ses
camarades d'armes se faisaient les propagandistes zélés de ce programme, il
n'est nullement étonnant que les Etats-Unis soutiennent à fond la machine de
guerre judéo-nazie. Les rumeurs d'une attaque imminente des Etats-Unis contre
l'Irak et l'Arabie Saoudite n'avaient pas d'autre finalité que de pétrifier les
pays arabes voisins dans un état d'expectative horrifiée.
Apparemment,
cela a marché. Le prince saoudien Abdallah comprend sans doute aussi bien que
quiconque, au Proche-Orient, que toute ‘proposition de paix’ sera récupérée par
les sionistes pour, en rendant les conversations interminables, poursuivre
leurs plans homicides. Mais sans doute le Prince a-t-il senti que son premier
devoir s'adressait à son peuple, aux Saoudiens, sous la menace de l'épée de
Damoclès de l'US Air Force. Ce plan n'a pas la moindre chance d'aboutir, il
connaîtra le sort des autres, que ce soit celui de Zinni, celui de Tenet ou
celui de Mitchell. Entre les années 1970 et 1972, toute une collection de plans
de paix a été proposée par Jarring et autres hommes d'Etat. Israël a mis à
profit le temps gagné en parlotes pour renforcer sa ligne Bar-Lev, sur le canal
de Suez, tantôt en usant de manœuvres dilatoires, tantôt en rejetant purement
et simplement les propositions versées au débat. La même chose s'est répétée,
encore et encore... Après Madrid... Après Oslo...
Les plans
des judéo-nazis sont sur la table. Les médias qu'ils contrôlent étouffent les
reportages et les commentaires sur l'holocauste palestinien. Les forces armées
US les assurent de leur totale protection. Rien n'empêchera leur poignard de
s'abattre. Certainement pas les rituelles propositions de paix, en tout état de
cause.
Au lieu de
dépenser sa salive inutilement, Sa Majesté Royale le Prince Abdallah et autres
dirigeants feraient mieux de convertir en Euros et en or, sans plus attendre,
leurs dépôts bancaires, toujours en dollars à ce jour. L'activité bancaire usurière,
et donc intrinsèquement anti-islamique, devrait être mise hors-la-loi, comme
toute autre méthode d'extorsion de fonds. Nous pouvons faire la même chose, et
y ajouter un boycott total des journaux et des professeurs d'université qui se
font les thuriféraires du génocide en Palestine.
L'humanité a encore une chance de sauver les Palestiniens et de se sauver
elle-même. Dershowitz, Black & Co. doivent être traités comme de simples
auxiliaires des crimes de guerre de Sharon - ce qu'ils sont - et l’Etat juif
doit être dénazifié, aussi complètement que l'Allemagne l'a été après 1945.
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6 janvier 2001
[Mon premier article en anglais ; dès qu’il apparut sur le web il fut
répercuté sur des centaines de sites et donna lieu à un nombre de traductions
record. Bien des lecteurs y virent un exercice rhétorique, mais pour moi il
s’agissait d’assumer une réalité douloureuse : le discours juif
traditionnel reposait sur un mensonge.]
Perdu dans la foule des fêtards hauts en couleurs de la rue Allenby, au
milieu des restaurants pleins à craquer des nuits animées de Tel-Aviv, j'ai eu
une vision ; celle d'un ange en battle-dress, traçant en lettres immenses, à la
craie, trois mots sur un mur : "Mene, Tekel Ufarsin". Mon
dictionnaire Angélique-Anglais me propose une traduction : "On vous a
testés et vous avez échoué".
Les jours que nous vivons sont les plus sombres que le peuple d'Israël ait
jamais vécus. Ces jours sont bien sombres, car les lamentations et les
protestations - les nôtres, et celles de nos pères - se sont révélées aussi
valables qu'un billet de trois dollars !
Le jeune Russe juif que j'étais en 1968 écrivait sur les murs de sa ville
natale, en Russie, "Pas touche à la Tchécoslovaquie ! "
J’entends encore la voix profonde et belle du poète russe juif, Alexander
Galitch : "Citoyens, notre mère-patrie est en danger, nos chars sont sur
un sol étranger !" Certains juifs russes manifestèrent sur la Place Rouge
contre l'invasion, ils furent tabassés par la police. Nous avons protesté
contre l'intervention des chars russes à Budapest, à Prague et à Kaboul en tant
que citoyens russes plaçant l'honneur très au-dessus d'une loyauté mal
comprise, et l'humanité très au-dessus des liens du sang ! En même temps, des
jeunes Américains juifs manifestaient contre l'intervention de leur pays au
Vietnam, tandis que des juifs, filles et garçons réunis, luttaient contre le
racisme, en Europe. Les années ont passé et, maintenant, ce sont nos chars juifs
qui sont sur une terre étrangère.
Notre armée juive assassine des civils, démolit des maisons, affame des
multitudes et met des villages palestiniens en état de siège. Nos crimes
égalent les crimes russes commis en Tchétchénie et en Afghanistan, ainsi que
les crimes américains au Vietnam. Bien entendu, les intellectuels israéliens
doivent manifester massivement sur ce qui équivaut chez nous à Pennsylvania
Avenue ou à Trafalgar Square, les juifs américains protestent certainement
contre les tueurs de Palestiniens armés par l’Amérique, et les Juifs russes
défendent, sans nul doute, les droits humains en Terre sainte, où les Gentils
sont réduits en esclavage ? Que nenni ! Nos beaux-penseurs sont
effectivement actifs, mais c’est pour exalter le courage de nos soldats juifs,
vénérer la main sûre de nos tireurs embusqués juifs et glorifier l'immense
humanité du Peuple juif, qui pourrait pulvériser tous les Gentils que compte la
Palestine, mais qui s'en tient gentiment à quelques dizaines de blessés et de
mutilés par jour.
A l’époque du ‘Pale’, la ‘Zone de peuplement juif’, mon grand-père se
plaignait des entraves à la liberté de circulation des Juifs dans la Russie
impériale. Plus récemment, notre génération a vu Anatoly Sharansky devenir un
symbole de la lutte pour les droits humains. Pourtant, dans notre propre pays,
les Gentils sont enfermés dans des réserves et des camps de concentration dont
le Pale de mon grand-père ne serait qu’un pâle reflet.
Un Palestinien ne peut se rendre dans le village voisin sans Ausweis
version juive, il est fiché ad vitam aeternam dans nos listes de
contrôle. Il peut seulement rêver de la mer, qui baigne les côtes de sa terre
ancestrale ; nous ne laissons pas les Palestiniens souiller la pureté juive de
nos plages.
Des
années durant, les juifs ont protesté contre les discriminations en matière
d'emploi et d'éducation. Pourtant, dans notre propre Etat, nous avons créé un
système de discrimination nationale absolue. Dans notre compagnie nationale
d'électricité, sur 13 000 employés, il y a six non-juifs, soit 0,05%. Les
non-juifs constituent quarante pour cent de la population de la région
s'étendant entre la mer et le Jourdain, mais seulement un sur quatre d'entre
eux a le droit de voter. Il n'y a aucun non-juif à la Cour Suprême, aucun dans
l'armée de l'air, ni dans les services secrets. Il n'y a même pas un seul
non-juif à la rédaction du principal journal libéral israélien, Haaretz.
II
Toutes les protestations des juifs, dans la diaspora, doivent être examinées à la lumière des événements présents. Nous n'avons pas vraiment combattu pour les droits de l'homme, nous avons combattu pour les droits des juifs. Nous étions pour la liberté de circulation et le droit de choisir - mais seulement pour les juifs. Nous avons parlé de suffrage universel, mais nous voulions dire le droit de vote pour les juifs. Nous n'avons rien contre l'occupation ni contre l'invasion, à partir du moment où c'est nous qui envahissons et qui occupons.
La vue d'un enfant levant les bras face à une brute et sa mitraillette ne
nous heurte que s'il s'agit d'un enfant juif. L'enfant des non-juifs peut être
descendu en toute quiétude. Apparemment, quand le poète juif Bialik a écrit
"le Diable lui-même n'a pas inventé de châtiment adéquat pour l'assassinat
d'un enfant", il voulait dire, en réalité, "pour l'assassinat d'un
enfant juif". S’il était horrifié par les scènes de pogrom, c'est parce
que cette violence était dirigée contre des juifs. Autrement, il n'y a rien à
redire à un pogrom en tant que tel. Il y a quelques semaines, les Juifs de
Nazareth-Illith ont commis un pogrom contre les Gentils de Nazareth, mais aucun
pogromtchik n'a été jugé. La police israélienne leur a même donné un
coup de main, en achevant quelques-unes de leurs victimes. Sans parler des pogroms
de Ramallah et de Beit Jala, perpétrés à l’aide d’hélicoptères de combat et de
chars.
La Russie tsariste, ‘la terre des pogroms’, était honnie par nos
grands-parents, qui finirent par l’anéantir. Pourtant, l’ensemble des pogroms
anti-juifs, perpétrés en Russie au XIXe siècle, a fait moins de
victimes que ce que nous assassinons en quelques semaines. Le pogrom le plus
effroyable, celui de Kishinev, a fait 45 morts et 600 blessés. Au cours des
trois derniers mois, quatre cents Palestiniens ont été tués et plusieurs
milliers ont été blessés. Après un pogrom, tout ce que la Russie tsariste
comptait d'écrivains et d'intellectuels condamnait les bourreaux. Dans l’Etat
juif, une manifestation a eu grand-peine à réunir quelques dizaines de
protestataires à Tel-Aviv, tandis que l'Union des écrivains juifs manifestait
son soutien au pogrom visant les non-juifs.
En 1991, la majorité des juifs russes se déterminèrent contre le communisme
et en faveur de la propriété privée. Ce qu'ils avaient à l'esprit, en réalité,
c'était la propriété privée juive, puisque aussi bien nous confisquons la
propriété privée des non-juifs avec la plus grande aisance.
Faites
donc le tour des beaux quartiers de Jérusalem - Talbieh, le Vieux Katamon, les
colonies grecque et allemande – vous pourrez admirer de magnifiques hôtels
particuliers. Ceux-ci appartenaient à des Gentils - Allemands, Arméniens,
Grecs, Anglais, Russes, Palestiniens – des chrétiens et des musulmans. Toutes
ces demeures historiques ont été confisquées et données à des Juifs. Au cours
des dernières semaines, des propriétés de plusieurs hectares appartenant à des
Gentils ont été confisquées, et de nombreuses maisons, appartenant à des
Gentils, saisies ou démolies.
Juste avant son arrestation, Gusinsky, le richissime magnat juif de la
presse russe, est venu en Israël exprimer son fervent soutien à l’Etat juif. Il
a profité de l'occasion pour demander à l’Occident de l'aider dans sa lutte
contre le gouvernement russe, qui lui avait confisqué sa chaîne de télévision.
Son soutien à Israël montre bien que M. Gusinsky n’a rien contre les
confiscations ; il est simplement contre la confiscation de la propriété
des juifs. Il est contre l'arrestation des Juifs ; les non-juifs peuvent
bien pourrir en taule éternellement, comme cela se passe dans l’Etat juif.
En moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, nous avons réussi à
bousiller les conquêtes durement arrachées par les juifs dans leur lutte pour
la démocratie, les droits de l'homme et l'égalité. Qu'est-ce que nous
détestions tant, chez les nazis allemands ? Leur racisme ? Notre racisme n'est
ni moins répandu ni moins virulent, potentiellement. Le journal en langue
russe, Discours Direct, publié à Jérusalem, a demandé à des centaines de
Juifs russes leur sentiment à l’égard des Palestiniens. Les réponses les plus
significatives furent : "je voudrais tuer tous les Arabes", "il
faut expulser les Arabes", "un Arabe, c'est et ça reste un Arabe, il
faut les éliminer". Je ne suis pas sûr qu’un sondage dans les rues de
Berlin en 1938 aurait donné un résultat plus terrible. L’idée nazie de la solution
finale n’est apparue qu’en 1941.
Apparemment, nous les juifs avons lutté contre le racisme tant qu'il
s'agissait du racisme des autres. Nous étions contre les escadrons de la mort
et le Sonderkommando, mais seulement parce qu'ils agissaient contre
nous. Nos propres tueurs, notre propre Sonderkommando juif, font l'objet
de notre admiration attendrie. L’Etat juif est le seul endroit au monde, à
avoir ses commandos de la mort officiels, qui suivent une politique
d'assassinats planifiés, et pratiquent des tortures moyenâgeuses. Mais ne vous
en faites pas, chers lecteurs juifs, nous torturons et assassinons, certes, mais
seulement des non-juifs.
Nous étions contre les ghettos quand nous y étions relégués. Maintenant, le
plan de paix israélien le plus libéral prône la création de quelques ghettos
pour Gentils, entourés de barbelés, cernés par des chars juifs, avec, à l'entrée,
des usines appartenant à des Juifs, dans lesquelles ‘Arbeit Macht Gentils
Frei’[27]. Nous accorderons à ces ghettos leur
indépendance, non sans leur avoir retiré, au préalable, toute source de revenus
et de subsistance.
Les
Israéliens sont soumis au lavage de cerveau depuis le jardin d'enfants ;
on leur inculque qu'ils appartiennent au ‘peuple élu’, qu’ils sont Über
Alles. On leur assène que les Gentils ne sont pas des humains à part
entière, et que par conséquent on peut les tuer ou les exproprier à volonté.
Finalement, Israël a réussi à appliquer une résolution de l'ONU : celle qui a
identifié le sionisme à une forme de racisme.
Ce
qui est désarmant, c'est de voir que même l'éducation internationaliste
dispensée en Union Soviétique n'a rien pu contre le poison de la propagande
sioniste relative à la supériorité juive. Ce que je regrette le plus, c’est
l'effondrement moral de ma propre communauté russe en Terre sainte.
L’ange a écrit ses mots de feu, les prophètes ont conjuré le peuple de se
repentir, et nous avons encore le choix. Nous pouvons choisir la voie de Ninive,
nous repentir, restituer les propriétés volées, accorder l'égalité totale aux
Gentils, en finir avec la discrimination et le meurtre, et espérer que Dieu
nous pardonnera. S’il ne peut pas nous pardonner, à nous en tant que tels,
peut-être le fera-t-il pour nos chiens et nos chats ? Nous pouvons aussi
persister dans notre dévoiement, comme le peuple de Sodome, et attendre que les
nuées ardentes et le soufre bouillonnant nous tombent sur la tête depuis les
cieux courroucés de Palestine.
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Le viol de Dulcinée
27 janvier 2001
[Ce texte a été écrit en réponse à un long article[28] de Elie Wiesel, Juif américain, militant
de l’Holocauste et prix Nobel de la paix]
Les paroles émouvantes d'Elie Wiesel dressent un beau portrait du peuple
juif qui se languit de Jérusalem, l'aime, prie pour elle depuis des siècles et
chérit son nom de génération en génération.
Cette image puissante me rappelait, à moi, écrivain israélien de Jaffa, quelque
chose de familier mais que je ne réussissais pas à retrouver. Finalement, ça
m'est revenu pendant que je feuilletais mon Don Quichotte écorné par
mille lectures. L'article évocateur de Wiesel évoque très exactement l'immortel
amour du Chevalier de la Triste Figure pour sa belle Dulcinée du Toboso.
Don Quichotte parcourait l'Espagne en chantant son nom ; il accomplit des
exploits formidables, vainquit des géants, qui n'étaient en fait que des
moulins à vent, rendit justice aux opprimés, tout cela au nom de sa bien-aimée.
Lorsqu'il décida que ses travaux l'en avaient rendu digne, il chargea son
écuyer, Sancho Panza, d'un message d'adoration pour sa Dame.
Et voici que je me trouve dans la situation quelque peu embarrassante de
Sancho Panza. Je dois informer mon maître, Don Wiesel Quichotte, que sa
Dulcinée va bien, qu'elle a un bon mari, une brassée d'enfants et qu'elle se
consacre entièrement à la lessive et aux tâches ménagères. Pendant qu'il
combattait les brigands et restaurait le pouvoir des gouverneurs, quelqu'un
d'autre s'était chargé de sa bien-aimée, l'avait nourrie, aimée, rendue mère,
et même grand-mère. Inutile de vous précipiter au Toboso, cher chevalier, vous
en auriez le cœur brisé.
Elie, la Jérusalem que vous décrivez avec tant d'émotion n'est pas
abandonnée à la désolation et elle ne l'a jamais été. Elle prospère, heureuse,
depuis des siècles, aux mains d'un autre peuple, les Palestiniens de Jérusalem,
qui en ont pris le plus grand soin. Ils en ont fait une ville magnifique,
couronnée du Dôme d'or d'Al-Charif, ce joyau resplendissant ; ils y ont
construit leurs maisons aux arches pointues et aux vastes terrasses ; ils
l'ont plantée de cyprès et de palmiers.
Ils veulent bien que des chevaliers errants lui rendent visite en allant de
New York à Saragosse. Mais soyez raisonnable, mon vieux ; ayez un peu de
décence, n'inventez pas d'histoires. Don Quichotte, lui, n'a pas sauté dans sa
Jeep pour aller violer son ancienne flamme au Toboso. D'accord, vous l'aimiez,
vous en rêviez, mais cela ne vous donne pas le droit de tuer ses enfants, de
défoncer sa roseraie et d'étaler vos pieds bottés sur la table. On comprend, à
vous lire, que vous prenez vos rêves pour des réalités. Comment pouvez-vous
demander sans cesse pourquoi les Palestiniens revendiquent Jérusalem ? Eh bien,
c'est qu'elle leur appartient, qu'ils y vivent et que c'est leur ville natale.
Oui, oui, vous avez rêvé d'elle dans votre Transylvanie lointaine, comme l'ont
fait beaucoup de gens dans le monde. Elle est merveilleuse et mérite certainement
que l'on rêve d'elle.
Nombreux sont ceux qui ont adoré cette ville au fil des siècles. Des
artisans suédois ont quitté leurs villages et s'y sont installés pour
construire la charmante colonie américaine en compagnie d'une famille
chrétienne de Chicago, les Vester. Cette histoire est contée dans les livres de
Selma Lagerlof, elle aussi prix Nobel. Sur les pentes du Mont des Oliviers, les
Russes ont construit la délicate église Marie-Madeleine. Les Ethiopiens ont
érigé le monastère de la Résurrection au milieu des ruines laissées par les
Croisés.
Les Britanniques sont morts pour elle non sans laisser des souvenirs
architecturaux, les cathédrales de Saint-Georges et de Saint-André. Les
Allemands ont construit la délicieuse colonie allemande et soigné les malades
de la ville à l'hôpital Schneller. Mon pieux arrière-grand-père, qui venait
d'un village juif de Lithuanie, s'installa à l'abri de ses murs épais en 1870
et scella alors son sort à celui des habitants de la ville. Il y a trouvé le
repos éternel, en attendant la Résurrection, sur les pentes du Mont des
Oliviers. Aucun d'eux n'a jamais eu l'idée de violer leur Dulcinée. Ils se sont
contentés de léguer des bouquets architecturaux comme témoignage de leur
adoration.
Les amoureux de Jérusalem sont légion. Il est malhonnête de la part d’Elie
Wiesel de réduire la lutte pour cette ville à un combat acharné entre les
musulmans et les juifs. Le conflit est entre ceux qui convoitent la propriété
et ceux qui ont les titres de propriété. Sa solution devrait se baser sur le
dixième commandement qu'observaient nos ancêtres. Ils savaient que la
vénération n'emporte pas droit de propriété. Des millions de protestants
s’inclinent au jardin de Gethsémani, qui appartient aux catholiques, sans que
cela leur donne la propriété des lieux. Des millions de catholiques visitent le
tombeau de la Vierge qui ne continue pas moins d'appartenir à l'Eglise
orthodoxe. Depuis des générations, les musulmans viennent s'agenouiller sur le
lieu de naissance de Jésus à Bethléem mais l'église qui s'y trouve reste
chrétienne.
Le sionisme a fait subir aux bons juifs d'Europe centrale ce que l'eau
faisait aux Gremlins des films de Spielberg. Il les a contraints à mener
une purification ethnique des non-juifs à Jérusalem-Est, à convertir l'hôpital
Schneller et son église en base militaire et à construire un Holiday Inn au
sommet du sanctuaire révéré du Cheikh Bader. L'Etat d'Israël interdit aux
chrétiens de Bethléem de venir prier au Saint-Sépulcre et aux musulmans de
moins de quarante ans de prier le vendredi à la mosquée Al-Aqsa. C’est cela le
viol de la Ville sainte que vous prétendez aimer.
Pour justifier ce viol, vous invoquez les noms du roi Salomon et de
Jérémie, vous citez le Coran et la Bible. Je vous rappellerai cette histoire
juive, que vous avez peut-être entendue
dans votre enfance. Une légende juive prétendait qu'Abraham avait une
fille ; un juif orthodoxe un peu simple demanda à un rabbin pourquoi Abraham
n'avait pas marié sa fille à son fils Isaac. Le rabbin répondit qu'Abraham ne
voulait pas que son fils bien réel épouse sa fille imaginaire.
Les légendes sont la matière dont les rêves sont faits. Certains sont
charmants, d'autres horribles, mais aucun ne vaut titre de propriété sur une
terre ou ne peut servir de plate-forme politique. Elie, vous n'accepteriez
certainement pas de perdre votre maison de New York à cause de quelques versets
du Livre de Mormon. Ça n'a plus grand sens de jouer à ce jeu, mais je
vais néanmoins vous donner la réplique une fois de plus pour amuser la galerie.
N'importe quel archéologue vous dira que le roi Salomon et son temple
appartiennent au même univers imaginaire que la fille d'Abraham. De plus, et
prenez-le comme vous voudrez, il n'y a pas une seule occurrence du mot
‘Jérusalem’ dans le livre saint juif, la Thora.
Voulez-vous continuer ce jeu ? Alors j'irai plus loin. Les Juifs ne sont
même pas mentionnés dans la Bible juive. Prenez cet épais volume sur son
étagère et vérifiez. Aucun des grands hommes légendaires que vous citez, du roi
David aux prophètes, n’est appelé ‘juif’. Cet ethnonyme apparaît une seule fois
dans la Bible, et c'est dans l'histoire perse du Livre d'Esther, très
tardif. L'identification des juifs avec les tribus d'Israël et les héros de la
Bible n’a pas plus de consistance que la fondation de Rome par Enée. Si les
Turcs, qui se disent ‘descendants de Troie’, voulaient conquérir Rome, faire
sauter les chefs-d'œuvre baroques de Borromini et expulser les habitants pour
reprendre le legs d'Enée, on aurait là une copie conforme du délire sioniste.
La tradition chez nos ancêtres, le modeste peuple yid d'Europe de
l'Est, dont la langue était le yiddish, était d’arborer les blasons
impressionnants des héros bibliques. Mais leur prétendue filiation avec ces
légendes était à peu près aussi fondée que les prétentions de Tess d'Uberville,
fille de ferme ambitieuse, l’héroïne de Thomas Hardy[29]. Cependant, même Tess, personnage de
roman, n'est pas allée jusqu'à conspirer pour évincer les seigneurs du lieu et
s'installer dans leur manoir.
Un jour, alors que je me rendais à la grande église du Saint-Sépulcre, avec
des pèlerins chrétiens, je fus arrêté par un Juif hassidique. Il me demanda si
mes compagnons étaient juifs, et, sur ma réponse négative, s'exclama, stupéfait
: "Qu'est-ce que ces gentils, ces espèces de goys, cherchent dans la Ville
sainte ?" Il n'avait jamais entendu parler de la Passion de Jésus-Christ,
qui pour lui n'était qu'un juron. Fort bien, mais je m'étonne qu'un professeur
juif de l'université de Boston soit aussi ignorant qu'un Juif hassidique simple
d'esprit. Jérusalem est sainte pour des milliards de croyants : catholiques,
orthodoxes et protestants, sunnites et chiites, des milliers de juifs
hassidiques ou sépharades. Et malgré cela, Jérusalem, comme n'importe quelle
autre ville du monde, appartient à ses habitants.
Si le pouvoir sioniste devait durer encore vingt ans, il ferait de cette
ville ancienne une banale ville de banlieue et détruirait son charme pour
toujours. Il faut rendre Jérusalem à ses habitants. Il faut rendre à leurs
légitimes propriétaires les biens saisis à Talbie ou à Lifta, à Katamon ou à
Malcha. Professeur Wiesel, respectez la propriété des Gentils comme vous
voudriez qu'ils respectent la vôtre. Depuis cent cinquante ans, les lieux
saints de Jérusalem sont soumis au statut international dit Statu quo,
qu'il faut absolument respecter. La dernière fois qu'on a essayé de les violer,
l'affaire s'est terminée par le siège de Sébastopol et la charge de la brigade
légère à Balaclava[30]. La prochaine fois, cela pourrait bien
s'achever en guerre nucléaire.
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[Ce texte a été écrit en janvier 2001 en réponse à un article d’un
activiste pacifiste israélien, Uri Avneri. C’est devenu un texte de référence
pour le mouvement anti-apartheid qui ne se confond pas avec la demande traditionnelle
de la fin à l'occupation. Une des raisons de la création de ce mouvement est la
faillite de l'approche traditionnelle du problème judéo-palestinien.]
Quelques semaines avant l’éruption de la deuxième Intifada palestinienne,
je flânais sans but vers le square de la Cinémathèque, un quartier de la classe
moyenne de Tel Aviv. Dans la brise fraîche de la fin de l'après-midi quelques
douzaines de retraités avec leurs familles prenaient l’air. Les vieilles dames
tricotaient tandis que les gamins dessinaient des drapeaux sur de grandes
feuilles de papier. Ce rassemblement pacifique était la commémoration par le
camp de la paix israélien du septième anniversaire des accords d'Oslo.
L'orateur chargé du discours-programme était Uri Avneri.
Cet homme élégant avec une noble tête à cheveux blancs évoquait, comme il
le fait toujours, sa vision de deux Etats coexistants sur la Terre sainte, une
Palestine indépendante à côté de l'Etat juif. Chaque mot sonnait bien, mais
c'était aussi excitant que les informations d'hier, aussi divertissant qu'une
rediffusion d'un feuilleton télévisé. Rien d’étonnant à ce qu’il n'y ait pas eu
là de jeunes activistes ; il n’est pas surprenant non plus que le
traditionnel camp de la paix n'attire plus de sang nouveau et dynamique.
Monsieur Avneri recycle le même discours usé sur le Net ces temps-ci,
promouvant la solution des deux Etats.
S'il vous plaît ne m'interprétez pas mal. Uri Avneri est un homme qui a de
bonnes intentions, un courageux partisan des droits palestiniens, un activiste
faisant plus que sa part et un organisateur efficace. Le seul problème est que
son programme politique est aussi mort que le dronte[31].
Faisons face à la réalité brutale sur le terrain : l'idée des deux Etats en
Palestine est, et a toujours été, du bluff. Après avoir été partagée pendant
seulement dix-neuf ans, la Palestine a été unie pendant trente-trois ans. Aucun
Israélien ou Palestinien en dessous de quarante ans ne se souvient des
« années de la partition » entre 1948-1967. C'est une période de
l’histoire que monsieur Avneri voit comme une sorte de Paradis perdu. Aucun
politicien israélien, y compris le regretté monsieur Rabin, n'a jamais
sérieusement envisagé d’abandonner une partie quelconque de la Palestine
historique. Les négociations interminables ont été une attraction conçue pour
apaiser le public. Il y a trente ans, le chanteur israélien Arik Einstein nous
assurait que « Les pourparlers reprendront prochainement ». On chante
toujours la même vieille chanson.
Pendant ce temps, derrière l'écran de fumée de « l'occupation
militaire temporaire », l’administration israélienne a confisqué les
champs et les maisons palestiniennes pour faire place aux colonies juives et a
emprisonné et tué des milliers de Palestiniens. Une succession de gouvernements
israéliens de gauche et de droite a perpétué cette fiction légale de façon à
nier les droits civiques de la population conquise. C'était une idée brillante
digne du génie juif : toujours continuer les négociations tandis que pour la
forme on parlait de l'idée des deux Etats.
L'honnêteté me force à dire à mes amis palestiniens et israéliens: vous
avez été dupés. Nos sages jouaient un jeu cruel avec vous, vous tourmentant
avec des promesses vides comme la vieille « rengaine des deux Etats »
récitée par monsieur Avneri. Il n'y a jamais eu pour les Palestiniens que deux
façons de sortir du servage. L’une était de battre Israël; l'autre est de
s'unir avec lui. La troisième option, celle d'une nouvelle partition, n'est
qu'une illusion : une inaccessible carotte savoureuse que l’on fait pendiller
devant l'âne.
Si j'étais un adepte des théories conspirationistes, je pourrais bien imaginer
que ces bonnes gens du mouvement israélien de la paix fournissaient
intentionnellement cette béquille à notre apartheid branlant. A force de
rariver constamment l’image de la Ligne verte du vieil armistice, ils ont
renforcé le statut de non-citoyen des Palestiniens sur leur propre terre. En
appelant certaines terres des «territoires occupés », ils se sont exemptés
eux-mêmes du besoin de lutter contre l'exclusion des Palestiniens de la vie
politique du pays. En combattant l'annexion des territoires, ils ont aidé à
concocter la fraude des bantoustans palestiniens indépendants.
Mais l'idée d'une telle conspiration est cependant trop ahurissante. Je ne
pense pas que monsieur Averi et le camp de la paix recevaient leurs
instructions dans les bureaux de la Shabak[32]. Ils voulaient juste, avec trop
enthousiasme, croire que les généraux israéliens conclueraient une paix
équitable avec les Palestiniens.
Même un gamin qui regarde les films de James Bond comprend qu’à la fin le
héros ne sera pas mangé par les crocodiles, qu’il ne mourra pas dans les
flammes et qu'il n'y a pas de raison de s'attendre à ces éventualités. Il n’y a
pas plus de raison de s'attendre à ce qu'un gouvernement israélien signe une
juste paix avec les Palestiniens. Il existera toujours une échappatoire
stratégique dans le « processus de paix ».
Quelle sorte de « paix » Israël pourrait-il offrir précisément ?
Dans un article publié dans ce gardien populaire de la foi sioniste qu’est le New
York Times[33], un bon juif américain nommé Richard
Bernstein recommanda au Président Bush la lecture d’un livre récent d’un autre
pontife du même acabit, Robert Kaplan. Il dévoila ainsi le vrai plan de paix
israélien: « Pendant des décennies, j'ai entendu dire qu'il y aurait soit
un Grand Israël, soit un Etat palestinien. Il s'avère qu'il y aura les deux: un
mini-Etat palestinien, sans contrôle de son ciel et de ses principales
autoroutes, situé à l'intérieur d'un dynamique Israël qui continuera à attirer
des travailleurs de l'autre côté de la frontière, et qui sera le contrepoids de
la Grande Syrie ».
Merci, gentil Bernstein et doux Kaplan, de préciser qu'Israël et ses alliés
sionistes américains ont l'intention de garder pour toujours les Palestiniens
enfermés dans des réserves et en compétition avec leurs frères de Jordanie et
de Syrie pour avoir du travail chez leurs maîtres juifs. Telle est la paix qui
fait roucouler les colombes israéliennes.
Si ceci marche, peut-être que les Etats-Unis pourraient adopter l'idée et
accorder l'indépendance aux populations afros-hispaniques des USA, avec une
capitale dans le Sud du Bronx. Le nouvel Etat pourrait consister en cinq cents
enclaves encerclées par des voies express et des kilomètres de murs en béton renforcé
et pourrait contenir tous les Non-Blancs des Etats-Unis. Si cela est la paix,
je choisis pour ma part la guerre.
Plus j'y pense, et moins j’ai tendance à donner au camp de la paix le
bénéfice du doute quant à ses intentions. Trop souvent, il emploie ces mots
empoisonnants : « l'Etat juif ». Il est assez facile de
comprendre pourquoi : le Sionisme atteignit sa maturité dans les années du
rudimentaire racisme biologique qui faisait partie intégrante des idéologies
développées par Weininger, Nordau, Chamberlain et Hitler. Les sionistes croient
qu'une personne appartient à une nation en vertu de son sang. Pour eux, un juif
est toujours et pour toujours un juif, d’où
l'idée de « deux Etats pour deux nations ». Le mouvement de la
paix a, d'abord et avant tout, pour but de préserver l’existence d’un
« Etat juif ». Le second de ces deux Etats, le reste de la Palestine,
n'est qu'un sous-produit accessoire du processus.
Un « Etat binational » est une dénomination également
insatisfaisante. Il n'y a pas deux nations, juive et arabe, comme ils veulent
nous faire croire. Il y a plutôt un grand nombre de communautés : les Marocains
de Ramle, les Russes de Ashdod, les jeunes doués en informatique de Hertzliya
Pituah, les millionnaires de Césarée, les colons de Tapuah, les lettrés de Mea
Shearim, les Ethiopiens de Ophakim. Celles-ci ainsi que les non moins
nombreuses et diverses communautés palestiniennes indigènes pourraient former
la jolie mosaïque de la Terre sainte. Ces communautés constituent deux nations
seulement dans l'imagination de l'établissement sioniste, les colons d'avant
1948 et leurs enfants vieillissants. Ce « Premier Israël » a de
bonnes raisons de s'accrocher à cette chimères, puisque cette minorité monopolise
encore le pouvoir au détriment des autres communautés et conserve tous ses
privilèges.
Aucun étranger à cette minorité fondatrice n'a jamais réussi à s’approcher
du centre du pouvoir. Il y a à peine un Russe (20% de l'électorat) ou un
Marocain (30%) qui soit dans une position indépendante de pouvoir et
d'influence en Israël. Quand un Juif oriental fut élu au poste cérémoniel de
Président, le “Premier Israël” prit le deuil.
Ce qui est facheux pour l'élite dominante est qu'ils ont manqué de talent
et d'idées. Ils ont poussé l’accaparement à l’extrême et ils ont tourné le
respect des militaires en idolâtrie. La farce du général Sharon luttant pour le
pouvoir avec le général Barak, tandis que l'ancien meurtrier de Kana, Shimon
Peres, est le « chevalier blanc », est la preuve suffisante en
elle-même de la faillite du “Premier Israël”. L'idée sioniste s'est effondrée ;
seuls le sang et la guerre gardent le Golem en mouvement.
Au delà de l’écran des réalités racistes et des illusions de certains, nous
vivons déjà dans une Palestine unie. La Ligne verte n'existe que dans nos
esprits, tandis que la mer de l'apartheid
éclabousse les deux côtés. C'est notre intérêt commun d'abolir
complètement la fiction et établir l'égalité devant la loi pour tout le monde
dans toute la Palestine (Israël), du Jourdain à la Méditerranée. Alors nous
pourrons jouir d'une loi qui s’applique à la fois à l'enfant né dans le pays et
au nouvel arrivant, comme la Bible nous le commande: une même loi pour le kibboutznik
d’Afikim et pour le fellah de Yatta.
Cela aurait pu se produire, il y a des années, si la gauche israélienne n'avait pas nourri l’illusion de la partition. Jérusalem est un cas à analyser. La population palestinienne de la ville –un tiers de Jérusalem unifiée– est en droit de participer aux élections municipales et peut envoyer ses députés au conseil municipal. Mais elle a suivi l'avis stupide du camp de la paix israélien et elle a boycotté les élections afin de maintenir la Ligne verte. Ce fut une décision ruineuse sur laquelle ils devraient revenir. Rappelons que sans elle, Israël ne pourrait pas démolir de maisons à Jérusalem ; les Palestiniens de Jérusalem Est vivraient mieux s'ils participaient aux élections. Leurs votes chasseraient Ehud Olmert, le “maire” raciste de Jérusalem, élu par les Juifs seulement, et ce serait un bon débarras. Même dans ce seul but nous demanderions aux Palestiniens de voter.
Sans la Ligne verte, les horreurs de l'occupation seraient terminées depuis
longtemps, de la même manière que l'autorité militaire dans la Galilée
palestinienne s’est retirée en 1966. Les 40% des membres de la Knesset élus par
les Palestiniens auraient pu annuler toutes les lois discriminatoires, y
compris la loi qui concerne les biens dont les propriétaires sont absents et
l'actuelle loi de citoyenneté.
Dans un Etat démocratique, le retour des réfugiés palestiniens ne doit pas
être traumatisant. Si les réfugiés de Deheishe doivent retourner à Sataf et
Suba, il n’auront qu’un déménagement de quelques dizaines de kilomètres à
faire. Si les paysans de Deir Yassin reviennent à leurs anciennes demeures,
personne n’en souffrira. Les paysans de Sheich Munis devront s'arranger pour
obtenir une grosse compensation de l'Université de Tel Aviv, qui est construite
sur leurs terres. Ils utiliseront peut-être leurs indemnités compensatrices
pour construire de nouvelles maisons à côté de l'Université ou simplement pour
acheter des appartements à Ramat Aviv Gimel. Nous pouvons nous inspirer de la
loi polonaise : la Pologne restitua leur propriété aux réfugiés juifs, mais ne
permit pas l'expulsion des locataires.
La suppression de la Ligne verte serait vraiment une bonne chose pour nous
tous, même pour les colons. Ils pourraient rester et vivre en lieu sûr et en
sécurité, égaux avec les autres citoyens, dans notre commonwealth. Sans l'armée
pour imposer leur supériorité, ils devraient soit corriger leurs mauvaises
manières et devenir de bons voisins, soit retourner à Brooklyn.
Ainsi, comment devrions nous aller en Terre Promise ? Nous y sommes déjà !
La Palestine historique est unifiée, mais l'apartheid n'est pas encore
démantelé. Nous avons déjà un Etat. Mais nous n'avons pas de démocratie.
Mettons fin à la rhétorique vide de l'occupation et des deux Etats. Nous
n'avons pas besoin d'astuce, ni de “solution créative”, juste le bon vieux
suffrage universel, le principe “un homme = un vote”. Nous demandions cela pour
nos grands-pères en Europe orientale. Ils le reçurent des gentils, il y a cent
cinquante ans ; c'est le bon moment d’accorder ces droits de base aux
Palestiniens nés sur cette terre.
Les rêves de retrait israéliens resteront de toute façon des rêves : le
pouvoir israélien n'abandonnera jamais ses possessions. Mais nous pouvons
utiliser son avarice. S'il ne veut pas donner, laissons-le rafler, et perdre de
ce fait ses positions de supériorité.
Il est inutile de crier au prêteur qui se noie : “Donnez-moi votre
main !” Il ne connaît pas le don. A la place, criez : “Prenez ma main !” et il
l'agrippera.
C'était l'avis du sage soufi, Haji Nasr ad-Din. Nous dirions :“Annexez
les territoires, mais donnez aux Palestiniens une complète égalité”. Cela ne
veut pas dire que lutter contre l'occupation militaire soit mal. Bien au
contraire, l'occupation est mauvaise, comme le gouvernement militaire de
Nazareth et d’Acre entre 1948 et 1966 était mauvais. Mais la solution à cela,
ce n'est pas la partition mais l'absorption et l'égalité.
En 1948, Sir John Glubb, le commandant britannique de la Légion arabe, fut
forcé de céder à l'Etat juif les terres du triangle contenant les villages de
Taibe et Umm el-Fahm. Il insistait sur une chose : les paysans devraient rester
et recevoir tous les droits de citoyenneté dans l'Etat d'Israël. Le résultat
est que nous y avons des communautés plutôt prospères et que leurs habitants ne
veulent pas devenir une partie de l'Etat palestinien proposé. C'est la
meilleure preuve que l'absorption est préférable à la partition.
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Le fou d’été et le fou d’hiver
5 février 2001
[A
propos des élections de 2001, où les Israéliens ont élu Ariel Sharon Premier
ministre.]
Alors que je me promenais sur le front de mer à Tel Aviv, un homme blond
m’a abordé habilement pour m’inviter à rendre visite à Madame la chance. Une
foule de curieux, où les touristes se mêlaient aux gens d’Afula et de Dimona,
observait cet artiste de rue aux mains fulgurantes et à l’équipement
rudimentaire : trois gobelets et une bille. "Tentez votre chance ; si
vous devinez où est la bille, vous gagnez 100 balles", m’a-t-il dit, et
j’ai éclaté de rire. Me prenait-il pour un rustaud de la campagne ? Aucun
habitant des grandes villes ne se ferait avoir à ce jeu, car il est connu qu’on
ne peut battre le donneur. Le seul choix valable, à ce jeu, c’est de refuser de
choisir.
On me demande souvent comment les Israéliens ont pu choisir Sharon à ces
élections, et pourquoi 40% des citoyens israéliens n’ont pas voté du tout. Ces
élections n’étaient qu’une farce grotesque. Elles étaient semblables aux
élections à parti unique dans le style soviétique. La différence étant que les
Russes n’ont jamais eu l’idée géniale de proposer à leurs citoyens de choisir
entre Brejnev et Chernenko. Les citoyens israéliens n’avaient rien à envier à
l’âne de Buridan. L’animal stupide de la fameuse allégorie médiévale, étant
incapable de choisir entre boire et manger, se laissa mourir de soif et de
faim. Nous devions choisir entre deux généraux également imbuvables, ennemis
des Arabes depuis toujours, prononçant le mot ‘paix’ du bout des lèvres, sans convaincre
personne. L’inutilité du choix était d’autant plus évidente qu’ils avaient
déclaré leur intention de former un gouvernement de coalition, sitôt après les
élections.
C’est le général Sharon qui a emporté la victoire. Il est le symbole
mondial de la cruauté sioniste. Son nom est à jamais entaché du sang des civils
massacrés à Qibya, Sabra et Chatila, ainsi que durant le siège de Beyrouth. Son
‘excursion touristique’ sur l’Esplanade des Mosquées a déclenché la dernière
éruption de la guerre civile en Palestine. C’est un criminel de guerre
confirmé. Et malgré tout, je ne me suis pas précipité pour sauver la mise à
Barak. Le choix de Sharon n’est pas forcément le pire pour les Palestiniens.
On pourrait voir ces élections comme une simple duperie de plus dans la
liste interminable qui infeste la politique israélienne. Pour les Palestiniens,
c’est toujours la même routine ‘bon flic/mauvais flic’. Les travaillistes et le
Likoud rejouent le fameux dialogue de Moby Dick, ce grand roman
américain. Quand le héros du livre de Melville, Ishmael, cherche à se faire
embaucher sur un baleinier, Bildad, le capitaine abject, lui propose un salaire
dérisoire, tandis que Peleg, commandant et copropriétaire, fulmine :
"Bon sang, Bildad, il n’est pas question que tu escroques ce jeune
homme ! Il a droit à plus que cela", et il lui offre, alors, beaucoup
moins que ce à quoi Ishmael pouvait prétendre. C’est exactement comme dans
notre réalité, on ne demande pas son avis à Ishmael, il n’a qu’à se soumettre.
Cela dit, je serai le premier à admettre que les deux candidats ne sont pas
équivalents. Il y a une plaisanterie juive qui parle de deux sortes de fous, le
fou d’été et le fou d’hiver. Lorsqu’un fou d’été entre, vous voyez tout de
suite que c’est un fou. Lorsqu’un fou d’hiver entre, il met du temps pour ôter
son gros manteau, pour secouer la neige de sa toque en fourrure, et ce n’est
qu’alors que vous comprenez que c’est un fou. Barak est un fou d’hiver. Tant
qu’il n’avait pas tiré, on pouvait conserver des illusions à son sujet. Sharon
est un fou d’été. On le perçoit immédiatement tel qu’il est. Il vaut mieux
avoir affaire à un tel homme. Ses roucoulements pacifiques ne trompent
personne.
Barak me rappelle ma défunte tante Ethel, qui était restée vieille fille.
Elle éconduisait tous ses soupirants, après leur avoir donné encouragements et
promesses. Durant des années, nous avons espéré qu’elle finirait par agir
normalement et prendre un époux. Si ce n’était un époux, au moins un amant pour
compenser ces décennies de solitude. Mais elle en fut incapable. Le malheureux
qui se trouvait être le prétendant du moment nous inspirait de la pitié
lorsque, se traînant lamentablement, il rentrait chez lui, dépité. Il aurait
fallu qu’il sache que tante Ethel ne céderait jamais, même si elle en mourait
d’envie, car elle avait peur des hommes.
Ehud Barak était connu pour son habitude de promettre et de ne pas
respecter ses promesses. En fait, il n’a pas tenu une seule des promesses qu’il
a faites aux Palestiniens (ni à qui que ce soit d’autre). Par exemple, son
gouvernement avait décidé de libérer les villages d’Anata et Abu Dis. Quelques
jours plus tard, il avait trouvé une raison pour les conserver sous occupation
militaire. Lors de l’interview qu’il a donnée au journal Vesti la
semaine dernière, on lui a demandé de dire quelle était sa principale
réalisation. Barak a répondu : "j’ai révélé au monde le vrai visage
d’Arafat". Barak changeait d’avis deux fois par jour, il renvoyait puis
rappelait des délégations, on ne pouvait pas compter sur lui. Il a promis à la
communauté russe d’éliminer le diktat religieux, et il ne l’a jamais fait. Pour
parler comme les Américains, je dirais qu’on ne lui achèterait pas une voiture
neuve, alors pensez, une voiture d’occasion !
Mais le pire, c’est que Barak n’aime pas les Palestiniens. Cet homme
désagréable et arrogant a refusé d’inviter dans son gouvernement les
Palestiniens citoyens d’Israël qui l’ont élu. Sur le plan personnel, j’imagine
plus facilement Sharon en compagnie d’amis palestiniens autour d’un hommous que
Barak embauchant un jardinier palestinien. Il préférerait certainement un
Thaïlandais. La série de crimes de guerre de Sharon n’est pas unique. La longue
liste d’assassinats perpétrés par Barak serait aussi du plus mauvais effet à La
Haye. Notre malédiction est de vivre parmi des criminels de guerre. Le tribunal
pour une justice véritable ne se contenterait pas de juger Sharon et Barak,
mais également ceux qui ont perpétré les sanctions contre le peuple irakien et
les bombardements en Serbie. Les assassins de cinq millions de Vietnamiens sont
toujours en liberté, et siègent probablement au Capitole. De nombreux
Israéliens de la génération de Sharon ont combattu les Arabes, et souvent de
façon impitoyable. Mais ils ne considéraient pas les Palestiniens comme une
forme de vie inférieure, qui doit être maîtrisée ou exterminée.
Comme de nombreux Israéliens de mon âge, j’ai servi dans l’armée. Je me
souviens de l’odeur de la cordite, des courses en Jeep dans le désert, du ciel
vert de la vision nocturne, des cris aigus de la mitraille, de la traversée de
Suez, des tentes jumelles et des frères d’armes. En tant que jeune soldat dans
une unité d’élite, j’étais fier de mes bottes rouges et de mes épaulettes de
parachutiste. J’écoutais, songeur, raconter les hauts faits d’Arik Sharon et de
Meir Har Zion. (Oui, c’était avant Sabra et Chatila). Je n’ai pas honte de dire
que je les admirais, comme j’admirais le courage des combattants de Karameh et
de l’audacieuse Leila Khaled. Les soldats comprennent les autres soldats.
Ensemble, nous formons la Palestine.
Les élections ont montré que la majorité des Israéliens, y compris ceux qui
n’ont pas voté, désapprouvent Barak et son idée de séparation, qu’on la nomme hafrada
en hébreu ou apartheid en afrikaans. La majorité ne veut pas que le pays
soit de nouveau partitionné, car cette idée a fait faillite. Dans ce pays,
aucun habitant de moins de 40 ans ne se souvient de l’existence séparée du
‘petit Israël’. Nous devons aller de l’avant et non pas retourner en arrière,
c’est à dire en direction de la normalisation et non de la séparation.
Quand notre Palestine verte et belle sera unifiée, toutes ses communautés
apporteront le meilleur d’elles-mêmes dans le creuset commun, pour faire de
cette terre si particulière le meilleur pays au monde, comme il se doit. Les
Palestiniens y contribueront avec leur art de cultiver les olives et de prendre
soin des sources, leur amour campagnard de la terre et leur esprit indomptable
d’intifada. Notre contribution israélienne ne sera pas la théorie d’Einstein,
ni l’habileté financière de Wall Street, car nous n’y comprenons rien, mais les
exploits militaires dignes de la gloire des Croisés. En Palestine, ce n’est pas
la paix qu’il nous faut. Ce n’est pas la séparation, même dans les meilleurs
termes. Ce qu’il nous faut, c’est l’amour et la compassion. Ce qu’il nous faut,
c’est vivre ensemble. Cette solution a mis fin aux guerres maori en Nouvelle
Zélande, elle marchera ici aussi. Au poste de Premier ministre, ce n’est pas un
De Gaulle qu’il nous faut, mais un De Klerk.
La répression israélienne subie par les Palestiniens depuis1947 n’a été
rendue possible que par le soutien extérieur des alliés mal avisés d’Israël. Le
passé sinistre de Sharon rend aujourd’hui plus difficile le soutien illimité de
la juiverie américaine organisée. La présence attentive d’observateurs
internationaux, la possibilité d’une intervention de l’ONU sans veto des
Etats-Unis, la présence menaçante d’un Irak ressuscité, tout cela sera
nécessaire pour faire pression sur cette tête-de-mule de Sharon. Il n’a rien du
messie pacifique sur un blanc destrier, mais il n’est pas pire que Barak.
Voici le choix que l’on devrait proposer au soldat Sharon : soit
l’unification du pays suivant le principe d’un homme : une voix, avec les
mêmes droits pour tous les habitants, soit le tribunal de La Haye.
[Je me suis trompé ; les Juifs américains ont soutenu Sharon massivement,
et l’administration Bush s’est constamment rangée de son côté. Les Juifs
américains étaient beaucoup plus forts et nuisibles que je ne le pensais.
Pourtant, pendant un certain temps, j’ai essayé de les raisonner.]
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Partie 4
Elle est vraiment impossible cette petite
sœur !
17 février 2001
Juste avant l’Intifada, le Congrès américain adoptait une résolution
soutenant Israël et appelait les Palestiniens à accepter leur sort stoïquement.
Aujourd’hui, quatre mois et quatre cents morts plus tard, le Congrès a confirmé
sa position et envoyé une chaleureuse bénédiction au général Sharon. Même au
sein du parlement israélien, on ne pourrait obtenir pareil résultat. C’est la
raison pour laquelle une commission de l'ONU, dépêchée pour enquêter sur les
crimes de guerre, a reçu une fin de non recevoir : comment ose-t-on parler de
crimes de guerre ? La semaine dernière, la Commission Mitchell s'est, elle
aussi, fait envoyer sur les roses. En réaction, les bombardiers américains ont
bombardé… l'Irak (une erreur dans le scénario, sans doute ?).
Les observateurs innocents doivent se demander comment il se fait que les
crimes de guerre d'Israël demeurent impunis et qu'en prime, ils ont la
bénédiction du Congrès américain. Serait-ce une intervention divine ? Que
nenni ! C'est un autre intermédiaire qu'il faut remercier pour cet état de
choses. Nous autres, Israéliens, bénéficions d'une totale immunité. Et nous
savons pertinemment que, si notre gouvernement décidait soudain de réduire les
Palestiniens en chair à pâté, le New York Times en vanterait la valeur
nutritive. D’ailleurs, si telle est son intention, il ferait mieux de se
dépêcher, car avec le blocus actuel, les Palestiniens sont en train de perdre
du poids.
Tout va bien du côté israélien des barricades. Le shekel reste fort. Même
le célèbre financier George Soros sait qu'il serait malsain de s’en prendre à
notre monnaie. Ce grand sponsor de Bill et Hillary Clinton n’a pas craint de
parier contre la livre et l’Angleterre, ni contre le dollar et l’économie
américaine. Il a acheté à la baisse et déclaré, "je ne pense pas que l’on
puisse diriger un marché suivant des principes patriotiques"[34]. Néanmoins, en ce qui concerne Israël,
connu pour faire exception, la prudence (ou, après tout, un réel
patriotisme ?) le maintient au large.
La Bourse de Tel-Aviv se félicite en apprenant que Intel a décidé
d'investir la coquette somme de cinq milliards de dollars en Israël. Le plus
beau, c'est que ce sont le contribuable et l'investisseur américains qui payent
pour le siège des localités palestiniennes et la prospérité de Tel-Aviv. Depuis
1967, nous avons reçu quelques 170 milliards de dollars du peuple américain.
Cet argent aurait pu servir à nourrir et à scolariser tous les gosses
défavorisés des Etats-Unis, ou encore à indemniser les descendants des esclaves
africains et à les aider à sortir de la misère. Il aurait pu être utilisé pour
sauver des malades et réconforter des miséreux, voire transformer l'Afrique en
paradis. Mais il a été détourné et expédié sur nos rivages. Chaque dollar
investi par le lobby pro-israélien pour financer la campagne des sénateurs et
des membres du Congrès a été rendu au centuple, comme le promettait la Bible.
Outre l'argent du contribuable, les supporters d'Israël - les grands chefs
d'entreprises - ont investi les milliards que leurs actionnaires leur ont
confiés. Il n'y a pas de raison commerciale valable derrière l'investissement
d'Intel ni, d'ailleurs, derrière tout autre investissement du même genre.
Israël n'est pas un vivier de travailleurs qualifiés, il les importe comme tout
le reste. Les investissements dans notre pays sont à haut risque et les
bénéfices sont maigres. Mais, là encore, ces gens jouent avec un argent qui
n’est pas le leur.
Les partisans d'Israël rançonnent l'Amérique dans les grandes largeurs,
mais ils sont aussi à l'affût d'autres proies. En Angleterre, un émigré juif de
Tchécoslovaquie, qui s’est fait appeler Robert Maxwell, a soustrait des
millions de dollars au fonds de pension auquel cotisaient ses employés et a
envoyé l'argent en Israël. Certes, il a été retrouvé mort dans des
circonstances mal élucidées, mais l'Etat d'Israël n'a jamais remboursé l'argent
détourné. Dans un autre scandale au Royaume-Uni, Lady Shirley Porter, fille de
l'homme d'affaires Jack Cohen, propriétaire d'une chaîne de supermarchés qui
fut un temps maire de Westminster, a détourné 50 millions de dollars et inondé
de ses dons généreux l'université de Tel-Aviv (qui est bâtie sur les ruines du
village palestinien de Cheikh Munis). En Angleterre, la Haute Cour l'a jugée
coupable et l'a condamnée à verser une amende de 27 millions de livres. Mais
comme tout son patrimoine avait déjà été transféré en Israël, l'amende n'a
jamais été payée. Là encore, Israël n'a pas restitué les biens volés.
Passons en France, maintenant : un groupe de financiers israéliens et de
juifs locaux ont viré en Israël quelques 40 millions de dollars de fonds
publics et l'on a perdu leur trace à Tel-Aviv. Lev Cherny, Russe juif et
citoyen israélien, grand défenseur de la démocratie à la Eltsine, a ‘privatisé’
l'industrie de l'aluminium en Russie, pays qui possède les plus grands
gisements de bauxite du monde. Actuellement, les bénéfices de cette industrie
filent directement vers la jolie Savion, le ‘Beverly Hills’ israélien, pendant
que, dans l'immensité désertique et glacée de Sibérie, la population est
réduite à la misère. Suisses et Allemands continuent de verser je ne sais
combien de milliards de dollars à Israël à titre de dédommagement pour les
biens confisqués aux juifs, alors qu’Israël n'a jamais payé un centime pour ce
qu'il a confisqué aux non-juifs. Les Européens élèvent la voix, mais pas trop
fort, face à la menace proférée par le plus dur des frères Kray, le plus
puissant des agents de recouvrement des emprunts juifs, autrement dit les
Etats-Unis.
Les supporters d'Israël à l'étranger sont comme un gigantesque aspirateur
qui avale l'argent et la sueur de tous les travailleurs du monde. En témoigne
Mark Rich, le milliardaire escroc, pardonné par le meilleur avocat d'Israël,
Bill Clinton. Rich était un agent du Mossad. Et puis, souvenons-nous de
Fujimori, ce scélérat, ex-président du Pérou. Les banques israéliennes l'ont
aidé à blanchir l'argent sale. Parfois, les Palestiniens et leurs amis
déplorent leur incapacité à constituer leur propre lobby arabe pour contrer le
lobby pro-israélien. Mais un point important leur échappe : il n'y a pas que
les Palestiniens qui devraient s’inquiéter à propos de ce lobby pro-israélien,
tous les Américains devraient s'en préoccuper également. Quand le pétrole
s'échappe des réservoirs d'un pétrolier, cela devrait inquiéter l'équipage et
l’armateur, pas seulement les poissons. Les supporters d'Israël escroquent tous
les Américains et éveillent l'hostilité de tous les amis potentiels de
l'Amérique à l'étranger. Nombre d'hommes politiques américains font semblant
d'ignorer la duperie pour rester au pouvoir. Au nom d'ambitions politiques
personnelles, ils trahissent la confiance de leurs électeurs.
John F. Kennedy a raconté à Gore Vidal qu'en 1948, Harry Truman avait
failli perdre les élections présidentielles mais qu'un sioniste de ses
partisans lui avait apporté deux millions de dollars en liquide et lui avait
sauvé la mise. C'est ainsi que l'Amérique a voté en faveur de la création de
l'Etat juif. Or, ce schéma se perpétue. Les hommes politiques acceptent des
pots-de-vin, monnayent des pardons, acceptent des ‘donations’ et aident le
lobby pro-israélien à dépouiller le peuple américain.
A vrai dire, les juifs américains ne contribuent que très modestement au
bien-être d'Israël (mais cela leur permet quand même de bénéficier d'un
abattement fiscal). Leur contribution ne suffirait pas à couvrir le coût des
missiles et des hélicos destinés à neutraliser les Palestiniens, encore moins à
perpétuer le mode de vie israélien auquel nous nous sommes habitués. Mais ce
que les supporters d'Israël récoltent en contributions aux campagnes suffit à
acheter des hommes politiques et à détourner une bonne partie des fonds
américains du Trésor. Si c'était, disons, le lobby libyen qui avait manigancé
cette escroquerie, les médias exigeraient - à juste titre - que ces gens-là
soient fichés en tant qu'agents étrangers coupables de trafic d'influence.
C'est en ce sens que le lobby pro-israélien tire profit de la solidarité de
nombreux juifs américains et des chrétiens pro-sionistes de droite qui
s'expriment dans les médias nationaux.
Ahmed
Amr, journaliste indépendant de Seattle, dans l'Etat de Washington, déplore
l'absence totale des Arabes américains dans les médias des Etats-Unis et se
demande si, "de même que les Blancs sont incapables de remporter les
championnats de saut en longueur, les Arabes américains sont incapables
d'écrire ? Est-il possible que ce soit principalement les Juifs de bonne
famille qui sachent écrire ?" Voyons, il devrait savoir que même les Juifs
lettrés sont privés d'accès aux grands médias nationaux, s’ils ne soutiennent
pas Israël. Les partisans d'Israël ont fait taire les Américains qui seraient
prêts à s'exprimer en faveur des Palestiniens, dont de célèbres intellectuels
juifs tels Noam Chomsky. Ils ont aussi réduit au silence la voix de l'Amérique
‘profonde’. La Bourse connaît des hauts et des bas mais on n'a pas vu surgir de
nouveau Faulkner dans le Sud, de nouveau Cheever en Nouvelle Angleterre ni de
nouveau John Barth au Maryland. La production cinématographique hollywoodienne
s'est dégradée au point de faire carrément l'impasse sur la réalité et de ne
produire que des navets suant la haine des Arabes.
Contrairement à ce que certains voudraient croire, l'ennemi des
Palestiniens et des simples citoyens américains, britanniques ou français, ce
n'est pas ‘le Juif’. Il existe bel et bien des milliers et des milliers de gens
charmants d'ascendance juive, médecins, artistes, rabbins ou simples chômeurs.
Ils sont nombreux à s'élever contre les crimes d'Israël et la politique de
l'AIPAC[35]. Certains sont en première ligne dans la
lutte pour les droits humains. Néanmoins, la communauté juive organisée se
plie, en majorité, aux exigences de ses chefs autoproclamés.
Les juifs américains indécis se retrouvent dans la même situation que la
sœur aînée qui, dans le roman de Raymond Chandler, Le Grand Sommeil,
couvre les crimes de sa terrible cadette. Vous vous souvenez probablement de
l'un des meilleurs films américains de tous les temps, qui avait William
Faulkner pour scénariste, Howard Hawks pour metteur en scène, avec Humphrey
Bogart et Lauren Bacall pour interprètes. Comme la grande sœur s'efforce
d'étouffer ses crimes, la petite commence à croire qu'elle peut agir en toute
impunité et continue de tuer. Elle finit par compromettre la situation de son
aînée qui paraissait n'avoir rien à craindre. L’imprudente Lauren n'a plus un
jour à perdre et doit appeler Bogart en renfort pour maîtriser la petite qui a
perdu la raison. Sinon, le ciel finira par tomber sur la tête de tous ceux qui
soutiennent aveuglément ses exactions.
En termes spirituels, c'est le soutien aveugle à Israël qui a divisé les
juifs en moutons et en chèvres (Mt 25:32), en fils de saints et en fils
d'adorateurs de Mammon, en descendants des prophètes et en leurs assassins. Cet
aveuglement a séparé ceux qui professent l'unité de l'humanité et les tenants
de l'exclusivité nationale, ceux qui attendent le Sauveur et ceux qui espèrent
l’avènement du vengeur qui réduira les Gentils à l'esclavage. Les premiers
contribueront à la sanctification du nom des juifs tandis que ceux qui
continueront d'affamer les pauvres agriculteurs assiégés par Israël et les
laisseront pourrir en prison nous couvriront de honte, tous autant que nous sommes.
L'alliance formée par les partisans d'Israël n'est pas une entité ethnique,
une et indivisible. Elle admet aussi les non-juifs. Pour en faire partie, il
vous suffit de mépriser les pauvres, les faibles et les opprimés. En revanche,
n'importe quel juif peut choisir de ne pas s'y rallier en dénonçant les crimes
israéliens. On ne naît pas coupable ou vertueux. Les juifs adeptes de Naturei
Karta ont choisi de rester en retrait et de défendre le droit des
Palestiniens à l’égalité. Il en va de même du mouvement des Juifs pour la
justice et de beaucoup d'autres qui, sans souhaiter se rallier à un
groupement politique, veulent se garder du mal. En France, les nobles les plus
sages ont pris position contre l'Ancien Régime en 1789. Ils n'ont pas attendu
la ‘dictature de la guillotine’ de 1793.
Il est dans l'intérêt des Américains, juifs et non-juifs confondus,
d'imposer un embargo total à Israël, comme ceux imposés à la Libye et à l’Irak.
La notion d'Etat exclusivement juif est aussi fausse que celle d'un Etat purement
aryen ou réservé aux seuls Blancs. La Palestine/Israël doit devenir une
démocratie fondée sur le principe Un homme : une voix. Ne vous en faites
pas pour nous, Israéliens et Palestiniens, tous descendants d'Abraham. Nous
saurons vivre côte à côte. Contentez-vous d'arrêter d'approvisionner la junte
des généraux, et nous verrons le bout du tunnel.
La démocratie en Israël/Palestine débranchera l'aspirateur sioniste. La
longue folie de Don Quichotte prendra fin, et il redeviendra Alonso Quijano le
Bon. Le fruit de nos efforts ira à ceux qui en ont besoin, et non aux généraux
israéliens. Alors les Américains seront de nouveau les bienvenus au
Proche-Orient. Et… qui sait, peut-être que même le grand cinéma américain
renaîtra de ses cendres dorées.
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La nouvelle complainte de Portnoy
Les juifs viennois hérissés viennent de décider de désinviter le professeur palestinien Edward Said, qui avait été sollicité pour leur faire une conférence à la mémoire de Sigmund Freud. Il avait lancé un caillou en direction de la frontière israélienne. Les psychiatres ont dit que cela en disait long sur son subconscient. Ils n’auraient jamais jeté un caillou comme un arabe, un sauvage de l’université de Columbia ; ils préfèrent les missiles de Sharon.
Je pense que si cette approche vaut pour le professeur Said, on devrait
l’appliquer à d’autres. Une génération plus tôt, en 1969, Philip Roth avait
décidé d’éprouver le subconscient de ses contemporains juifs des Etats-Unis.
Dans son roman La complainte de Portnoy, le héros, Alexander Portnoy,
s’étend sur le divan du psy et lui raconte ses émotions secrètes, sa mère
autoritaire et sa sexualité d’adolescent. Que déballerait un Portnoy de
maintenant sur un divan neuf, modèle 2001 ?
Nous pouvons trouver des indices importants en explorant la presse. Philip
Weiss a fait remarquer dans le New York Observer[36]que les juifs sont à la politique et aux
médias ce que les Noirs sont au basket-ball. Les grandes maisons qui donnent le
la comme le New York Times Corporation et le Washington Post sont
parfaitement kasher, appartiennent à des juifs, ceux-ci inspirent la plupart
des éditoriaux, et les articles les plus sensationnels y sont écrits par des
juifs. Leurs voix sont représentatives du subconscient judéo-américain. A part
quelques rares exceptions, ils soutiennent Israël, sa politique envers les
Palestiniens et son brave patron, le général Sharon. On connaît bien la
situation dans notre pays. Les juifs y font la loi, et les habitants n’ont que
des droits réduits. Une grande majorité d’entre eux est privée du droit de
vote. On confisque leurs propriétés à volonté et l’on détruit leurs ressources
indépendantes. Leurs villes sont assiégées, leurs activistes assassinés, on
affame les femmes et les enfants. Ils n’ont pas d’accès aux médias, ni à la
protection sociale ; ils n’ont même pas le droit d’aller à la plage. Ce
n’est un secret pour personne, et l’on en discute librement dans les médias
israéliens.
Ce serait une grave exagération que d’affirmer que les juifs d’Israël
détestent les goys et souhaitent les voir tous partir au diable. Pour reprendre
l’expression de Conrad Black, le propriétaire de journaux anglais et canadiens,
ce serait un “mensonge digne de Goebbels”. Israël importe des centaines de milliers
de goys et de shiksas : Chinois, Thaïs, Roumains, Ukrainiens, Russes et
Africains. Rien que ces derniers mois, le ministre israélien du travail a
délivré des milliers de nouveaux permis de séjour pour faire venir des
travailleurs. Les juifs d’Israël sont ravis d’accueillir des goys, dans la
mesure où ils n’ont aucun droit, ne réclament rien, et acceptent de travailler
pour un salaire minimum. Au premier signe de complications, on les rattrape par
la force et on les renvoie chez eux par le premier avion.
C’est là le pays qu’adorent William Safir, Tom Friedman et d’autres juifs
conscients de leur intérêt dans les médias qui dominent le discours. “Dis moi
ce que tu aimes, et je te dirai ce que tu es”, dit un adage latin. La position
pro-israélienne des juifs américains dans les médias est un bon indice sur
leurs sentiments subconscients envers le vaste monde.
Leur penchant pour la globalisation néo-libérale n’est que l’autre face
d’une envie de transformer le monde entier, Etats-Unis compris, en une Palestine
dirigée par un petit secteur, avec un grand système sécuritaire et des
indigènes appauvris et sans voix. Mais rendons aux gentlemen de la presse ce
qui leur est dû. Ils pourraient être pires. La partie la plus vociférante de la
communauté juive organisée les trouve plutôt mous. Le correspondant de Haaretz
à Washington Nitzan Horowits écrit[37] que “le lobby israélien aux Etats-Unis
(AIPAC) est plus intransigeant[38] qu’aucun des gouvernements israéliens,
celui de Sharon inclus”. C’est une organisation suprématiste juive, selon Yossi
Beilin, ex-ministre israélien qui n’est guère libéral pour sa part.
Pourquoi détestent-ils les Palestiniens ? Les Palestiniens ont des
racines, ils vivent en harmonie avec leur environnement, ils aiment leurs
villages, s’accrochent à leur terre, et peuvent se passer de la direction juive
pour vivre. Les suprématistes juifs voudraient détruire leur société,
confisquer leur territoire et en faire des esclaves suants dans des usines
juives. Si c’est cela que le Portnoy 2001 éprouve envers les Palestiniens,
pourquoi aurait-il d’autres sentiments envers d’autres goys ? Un bon
Viennois hérissé se déclarerait malade et probablement dangereux pour son
entourage. Il est aussi malade que n’importe quel bigot du Ku Klux Klan, mais
bien plus influent , grâce à son emprise sur les médias.
Quelle est l’origine de l’influence de Portnoy ? Pourquoi a-t-il autant changé depuis 1969 ? Philip Weiss se l’explique par le succès des juifs quand il s’agit de briser des barrières, de s’enrichir et d’occuper des positions de commandement dans l’élite. Il écrit : “Je ne prétends pas savoir jusqu’à quel point les membres de l’establishment sont juifs. Vingt pour cent, cinquante pour cent ? Je dirais trente”. Or 30% suffiraient pour promouvoir n’importe quelle idée, si les 70% restants n’ont pas d’intérêt particulier à défendre. Dans bien des compagnies financières, une part de 10% est bien suffisante pour avoir le contrôle de la boîte, dans la mesure où le reste est réparti entre de petits actionnaires.
En l’absence de statistiques solides pour les Etats-Unis, il est instructif
de considérer l’économie de l’Afrique du Sud à l’époque de l’apartheid.
L’hebdomadaire britannique The Economist, qu’on ne saurait taxer de
«“publication haineuse”, a estimé que les juifs qui constituaient 0,03% de la
population possédaient 60% des capitaux sur le marché de ce riche pays. Tous
les autres partenaires, Anglais, Boers, Indiens et Africains de souche étaient
en concurrence pour les 40% restants.
Le pouvoir de l’argent se retrouve transféré dans le domaine de
l’orientation spirituelle par la structure féodale des médias. Tout en haut, se
trouvent les seigneurs des médias, les propriétaires. Ils délèguent l’autorité
à des lieutenants de toute confiance, les rédacteurs en chef, qui à leur tour,
choisissent des soldats loyaux. La structure n’est pas isolée mais liée aux
structures financières et commerciales, les principaux financeurs. Les
financeurs sont plus importants que les lecteurs. En Angleterre, le Daily
Herald, un journal visé parce qu’il favorisait l’émergence d’une pensée
sociale, se retrouva en faillite. Il avait cinq fois plus de lecteurs que le Times,
mais n’attirait que la moitié des ressources publicitaires. La publicité compte
pour environ 75% des ressources d’un journal moyen. Dans le cas des chaînes de
radio et de télévision, cette proportion atteint presque 100%. Il ne fait aucun
doute que les médias ne rendent compte qu’à des patrons payeurs, une poignée de
privilégiés qui sont membres d’un club élitiste.
Contrairement à la croyance conventionnelle, le médium n’est pas le
message. Les médias ne sont pas du domaine des affaires non plus. Lev Chernoi,
un multimillionaire russo-israélien qui a vendu son vaste empire médiatique à
un autre acolyte juif, M. Berezovsky, l’a dit de façon concise dans un récent
entretien : “Les médias, c’est de la politique”. Les médias sont l’outil
pour formater l’opinion publique, pour modeler la conscience d’une nation. Il
fut un temps où le lectorat alimentait à son tour les journaux en opinions. Mais
c’est bien fini : les gens ordinaires continuent à posséder la plus grande
partie du corps de l’Amérique, et ils sont ses muscles, mais les nerfs et le
cerveau ont été confisqués par le club des seigneurs des médias alliés aux
chefs de la finance et du commerce, le nouveau pouvoir dominant dans le monde
entier. Ce sont eux qui décident ce que les Américains pensent. Les Américains
ratifient leurs décisions sur la façon dont nous devrions diriger notre
planète, depuis les forêts amazoniennes jusqu’au moindre village palestinien
assiégé.
Le club a disposé à sa guise de la prétention au pluralisme dans la presse.
Les politiciens et journalistes russes qui visitent les Etats-Unis expriment
souvent leur étonnement face à l’étroitesse du paysage de l’opinion exprimée
dans ce pays énorme et si hétérogène. “Vous avez réussi là où les communistes
ont échoué”, voilà un refrain fréquent. Certes, les différences entre la
couverture des journaux américains et les informations télévisées ont quasiment
disparu.
Noam Chomsky écrivait récemment : “Les rédacteurs du New York Times
et leurs frères ont refusé, et non simplement omis par inadvertance, de publier
un seul mot sur l’envoi sans précédent d’un grand nombre d’hélicoptères
militaires en Israël. La semaine dernière, un contrat portant sur 5,5 milliards
de dollars a été signé entre le Pentagone et les FID (Forces Israéliennes de
Défense), pour des Apaches plus modernes. Ils tiennent compte de la façon dont
la population étasunienne pourrait réagir. A ce jour, ce transfert massif de
fonds publics a fait l’objet d’un commentaire, en tout et pour tout, dans un
journal de Raleigh, en Caroline du nord. J’ai personnellement essayé d’entrer
en contact avec des chefs de rédaction que je connais depuis des années, sans résultat.
La discipline et l’uniformité sont réellement impressionnantes. Les gens qui
pensaient que Staline avait atteint les limites du totalitarisme se trompent
complètement”.
En fait, Joseph Staline n’avait pas à sa disposition un système médiatique
aussi complaisant, ni une technologie aussi moderne. Ils n’ont pas encore mis
en œuvre tout son potentiel, car les trois réseaux les plus importants
prévoient de servir un programme d’informations unitaire et unifié chaque soir,
pour répandre le même message dans chaque foyer américain. Le peintre Diane
Harvey a écrit, désespérée, “leur technique principale consiste à nourrir le
public avec une vision mondiale faite à partir de substituts toxiques en lieu
et place de l’information et de la vérité. L’esprit de la vérité a disparu, une
version mise à jour du totalitarisme global a cristallisé en mortelle emprise
sur la liberté humaine”[39].
Paradoxalement, c’est parce qu’elle est colossale que cette machine est vulnérable. L’asservissement et la destruction de la Palestine n’est que l’une de ses applications. “Ne demandez pas pour qui sonne le glas, c’est pour vous qu’il sonne, et nul homme n’est une île, a dit le poète élisabéthain John Donne, en proclamant que l’humanité est commune à l’homme. Ce sont les mots qui poussèrent Ernest Hemingway à combattre pour la liberté en Espagne en 1936, parce que la liberté est indivisible. Nous avons répété ces mots en 1968 ; nous devrions les redire maintenant. Le combat pour la liberté aux Etats-Unis et la bataille pour la Palestine font partie de la même guerre.
Chaque fois que le Tout-puissant envoie une plaie sur terre, dit une
parabole juive, il envoie le remède correspondant. Le remède réside dans la
démocratie. Il faudrait rendre les médias au peuple, les reprendre des mains
des magnats. La Palestine/Israël devrait être démocratisée, et des droits égaux
devraient être garantis aux juifs et aux gentils à égalité. Et Portnoy serait
guéri, sa nouvelle complainte retournerait au silence.
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[Débat à la conférence de l’UNESCO sur la façon
d’‘établir la véracité des faits’, en juin 2001.]
Le monde des médias était bien décrit dans Scoop,
le superbe roman d’Evelyn Waugh. Dans cette œuvre, bien que l’intrigue
principale se déroule en Afrique, les scènes les plus pertinentes se situent à
Fleet Street, dans le bureau de Lord Copper, patron du Daily Beast. Ce
magnat de la presse demandait parfois à son rédacteur international, est-ce que
Yokohama est la capitale du Japon ? Ou encore, Hong Kong nous appartient-elle ?
Le rédacteur n’avait que deux réponses ‘correctes’ à sa disposition. Lorsque
Lord Copper avait raison, il lui disait : "absolument, Lord
Copper". Lorsqu’il avait tort, il lui répondait, "dans une
certaine mesure, Lord Copper". Absolument et dans une certaine
mesure, balisent le discours médiatique autorisé. Nous autres,
journalistes, sommes des créatures dépendantes. Nous aimerions être honnêtes et
sincères, mais nous devons penser à notre salaire et à notre carrière. Si nous
franchissions les limites imposées par nos employeurs, les empires médiatiques,
il nous faudrait immédiatement chercher un autre boulot.
Pour ce qui est de la Palestine, le champ du
discours autorisé est aussi étroit que la taille de Zuleika Dobson. Disons
qu’il s’ajuste aux limites du discours officiel juif israélien, du Meretz à
Sharon. Si nous comparons avec l’Afrique du Sud d’avant Mandela, il est comparable
au discours officiel blanc, des nationalistes jusqu’aux progressistes, sans y
inclure l’ANC. A mon avis, ce discours est celui de l’exclusion, et même de la
suprématie. Il est un pilier important de la domination juive en Palestine. Il
n’offre pas l’égalité, ni même un avenir sécurisé aux habitants du pays. Mais
il est le seul discours autorisé. Vous avez deux possibilités : soit vous
êtes en faveur de la création de bantoustans pour les Palestiniens, ce qui vous
place résolument dans le camp des Israéliens “progressistes” ; soit vous
soutenez la déportation massive et le nettoyage ethnique, et vous suivez alors
la ligne dure des faucons. Ces bornes sont les frontières intangibles du
discours. Quiconque traverse la frontière pour défendre l’égalité des Juifs et
des Gentils en Terre sainte, se retrouve seul dans le désert. Sa voix
sera réduite au silence, peut-être pour toujours.
Je sais cela pour l’avoir vécu. J’habite Jaffa,
une ville à la population mélangée. Il y a des Palestiniens, des Marocains, des
Juifs ashkénazes israéliens, des Russes, et nous vivons tous ensemble, de façon
assez harmonieuse. Mais un grand nombre de gens qui sont nés à Jaffa vivent
dans des camps de réfugiés, car on leur interdit de revenir chez eux, en raison
de leur religion ou de leur ethnie. Je trouve moralement insoutenable qu’un
Juif de New York, Paris ou Novossibirsk, comme moi, puisse venir habiter à
Jaffa, tandis qu’un homme qui est né dans cette ville, n’a pas le droit de revenir
vivre chez lui. Je me suis prononcé en faveur du retour des réfugiés
palestiniens et j’ai immédiatement perdu mon emploi à Haaretz, qui est
pourtant le plus progressiste des journaux israéliens.
La couverture médiatique de la question
palestinienne est particulière pour une simple et bonne raison. Nous avons mis
en place un vocabulaire spécifique pour rapporter l’actualité locale. Si je
tuais Ahmad par exemple, il serait relaté qu’"Ahmad a été tué par un
Israélien". Mais si, à Dieu ne plaise, Ahmad me tuait, vous apprendriez
alors qu’"un Juif a été assassiné".
Comme dans Dr Jekyll and Mr Hyde, un
Israélien peut tuer ; mais si un Israélien est tué, il se transforme en Juif.
Il est absolument interdit de parler d’atrocités ou d’assassinats commis par
des Juifs. Les Juifs sont, pour toujours, des victimes. Il semble souvent que
nous ayons trois nationalités en Palestine : les Juifs, les Israéliens et les
Palestiniens. Les Israéliens peuvent commettre des crimes, mais ce sont des
Juifs innocents – toujours innocents – qui sont assassinés. Si vous confondez
ces deux mots et si vous dites d’un assassin qu’il est juif, vous serez traité
d’antisémite et vous perdrez probablement votre boulot.
Parler de notre histoire ne devrait pas être si
compliqué. Cela devrait même être plus simple qu’en bien des endroits du monde,
où la situation est autrement épineuse. Le droit à l’autodétermination
nationale, y compris l’autonomie ou l’indépendance, n’est pas quelque chose de
facile à concrétiser, bien des Corses vous le diront. La question de la
Palestine devrait être plus facile à expliquer, car ce qui est en jeu n’est pas
l’autodétermination nationale, mais bien les droits humains les plus
élémentaires. Le Kosovo ? Au
Kosovo, les Albanais étaient victimes de discrimination, et de persécutions de
la part des autorités serbes, mais ils ont toujours eu, dans les faits, le
droit de vote et le gouvernement yougoslave ne les a jamais privés de leur
nationalité. Ils étaient des citoyens confinés, des citoyens de deuxième classe,
mais des citoyens quand même. Les Kurdes en Turquie ? Eux aussi peuvent voter.
La couverture médiatique en Palestine devrait être
plus aisée, mais elle est plus difficile. Un journaliste peut écrire et parler
de problèmes marginaux, par exemple des colons juifs au-delà de la Ligne Verte.
Mais on n’est pas autorisé à remettre en question la domination juive en
Palestine qui représente le fondement de l’Etat. Nous ne sommes pas autorisés à
dire que les Palestiniens n’ont pas le droit de vote, pas le droit de se
déplacer dans leur propre pays, pas le droit de retourner chez eux, dans le
seul pays qu’ils aient jamais connu.
A mon avis, le parti pris des médias au sujet de
la Palestine représente une source immense d’enseignement. En effet, cela en
dit long sur le fonctionnement du pouvoir aux Etats-Unis et en Europe. Cela
nous apporte aussi une connaissance précieuse sur le monde obscur des “empires
médiatiques”, connaissance dont les journalistes aux ordres ne peuvent guère se
faire l’écho, occupés qu’ils sont à écrire “Absolument ”.
La raison en est évidente. Trop nombreux sont
ceux, parmi nos magnats de la presse, qui approuvent la notion de suprématie
juive, et ils sont présents aux quatre coins de la planète. Conrad Black, par
exemple, est en Angleterre, et il possède de nombreux journaux au Canada, aux
Etats-Unis, et en Israël. Dans notre pays, il possède The Jerusalem Post.
Lorsqu’il a acheté ce journal, il a licencié le personnel et embauché des gens
qui partageaient ses opinions. C’est un sioniste de droite, un partisan zélé de
la suprématie juive.
Aux Etats-Unis, ils sont trop nombreux pour qu’on
puisse les compter. Mentionnons tout de même Mortimer Zuckerman, un magnat de
la presse, actuellement à la tête de la Conférence des Organisations Juives Américaines,
le ‘paternel’ de tous les groupes juifs en Amérique. Il est l’un des hommes les
plus riches du pays ; il a fait fortune en spéculant dans l’immobilier et
possède le troisième plus gros tirage parmi les magazines hebdomadaires
américains dignes de ce nom, US News and World Report. Il possède aussi
le tabloïde The Daily News, populaire aux deux sens du terme, également
parmi les plus vendus à New York et dans le New Jersey. En principe, ses
journaux défendent l’impitoyable loi du marché. Avec une exception cependant :
une fois l’an, ils appellent à offrir une subvention généreuse à Israël, payée
par le contribuable américain. Deux anciens premiers ministres israéliens,
Netanyahou du Likoud des faucons, et Barak du légèrement moins belliciste Parti
travailliste, ont soutenu Zuckerman dans sa campagne pour diriger la Conférence
des Présidents des Grandes Organisations Juives. Si l’on se place à la gauche
du Ku Klux Klan, cette association des cinquante deux chefs des organisations
juives américaines représente le groupe politique le plus fanatique des
Etats-Unis. Haaretz a récemment relaté que Mortimer Zuckerman avait
répudié son épouse shiksa[40],
afin d’obtenir ce siège convoité. Tant qu’il demeurait l’époux d’une femme
non-juive, ses collègues, milliardaires juifs, ne lui accordaient pas leur
confiance. Et c’est là l’un des éditeurs les plus influents des
Etats-Unis.
De l’autre côté du globe, en Russie, les chaînes
de télévision et les journaux appartiennent aussi à des citoyens israéliens.
L’un d’eux, Vladimir Gusinsky, a dû se séparer de son canal de TV. Mais son
personnel, extrêmement pro-israélien, fut rapidement embauché par une autre
chaîne, appartenant à un autre citoyen israélien, M. Chernoi. En 1985, il était
comptable et touchait un salaire mensuel de 100 dollars. Aujourd’hui il pèse 5
milliards de dollars, possède pratiquement toutes les usines d’aluminium de
Russie, et vit dans une banlieue résidentielle de Tel Aviv. Ces jours-ci, il
est mis en examen pour 34 meurtres, blanchiment d’argent et appartenance à la
maffia russe. Dernièrement, dans une histoire drôle, on le citait disant :
“les médias n’ont rien à voir avec les affaires ; les médias c’est la
politique et l’influence.” M. Chernoi utilise son empire médiatique pour
anéantir, en Russie, toute critique envers Israël.
J’ai rencontré récemment un jeune militaire russe,
attaché d’ambassade dans une capitale occidentale. Il m’a dit : votre situation
en Israël est semblable à la nôtre, mais nous avons la Tchétchénie à plus de
mille kilomètres, alors que vous l’avez juste à côté de chez vous. Je lui
demandai alors, voulez-vous dire que les Tchétchènes n’ont pas le droit de vote
? Il était stupéfait. Il ne savait pas que les Palestiniens n’ont pas le droit
de voter. Les empires médiatiques des citoyens israéliens Gusinsky, Chernoi, et
Berezovsky, ont bien pris soin de cultiver l’ignorance de ce jeune russe et de
tous ses compatriotes.
Ce groupe international d’empires médiatiques
juifs, de Washington à Moscou, n’est pas assujetti aux intérêts d’Israël. Mais
soutenir Israël fait partie de son programme. En priorité, dans ce programme,
il y a la globalisation et le néolibéralisme ; ce qu’il appelle “la liberté du
marché”. Sur le plan politique, il a tendance à se méfier de la démocratie et
des libertés individuelles, tout en exigeant de façon continuelle la liberté
pour les entreprises.
Le soutien mutuel est lui aussi bien placé sur la
liste des priorités. Lorsque Gusinsky a été mis en examen pour détournement de
fonds, le New York Times et le Washington Post ont publié des
éditoriaux et articles de fond pratiquement identiques, en soutien à la ‘presse
russe indépendante’. ‘Indépendante’ semble être ici un mot codé, qui signifie
‘appartenant aux Juifs’.
Ceci devrait provoquer une sérieuse inquiétude.
Lorsqu’un homme d’affaire égyptien a acheté Harrods à Londres, les journaux ont
laissé éclater leur fureur. Les titres se sont enflammés, “des étrangers
s’emparent de notre héritage national”. En Israël, aucun intrus n’est autorisé
à posséder un journal. Il y eut un riche juif russe, Gregory Lerner, qui essaya
d’acheter un journal en Israël. Il fut condamné à six ans de prison, pour
différents crimes en liaison avec la maffia. Il est intéressant de remarquer
que ses délits ne dérangeaient personne jusqu’à ce qu’il tente de s’introduire
dans le monde des médias. Un juif irakien a un jour repris un journal, et il
s’est rapidement retrouvé en prison. Parce que les médias n’ont rien à voir
avec les affaires. Les médias sont le système nerveux d’un pays.
Pour vous, Européens et Américains, il me semble
que la question de la Palestine est beaucoup plus importante que n’importe quel
autre cas d’injustice. Parce qu’elle est la preuve que ce groupe international
d’empires médiatiques juifs est devenu un tantinet trop puissant. D’après mon
expérience, les journalistes juifs peuvent être aussi objectifs que les autres.
En fait, la meilleure couverture de la question palestinienne est faite par des
journalistes juifs, de Susanne Goldenberg du Guardian à Gideon Levy du Haaretz.
Mais il est plus facile de faire passer un chameau par le chas d’une aiguille
que de trouver un magnat des médias objectif. On pourrait résoudre ce problème
en traitant les journaux comme on le ferait de précieuses sources d’eau et
d’autres services publics importants. A moins, bien entendu, que nous ne nous
décidions à abandonner tous ces journaux au royaume obscur de la presse
ethnique, et à construire, en repartant de zéro, un nouveau réseau de presse
libre.
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Le bal des vampires
14 mars 2001
Les histoires populaires de vampires donnent à leurs lecteurs de nombreuses
recettes, au cas où ils seraient victimes d'une attaque macabre. La poignée de
terre de cimetière fait partie des remèdes courants, il est recommandé d'avoir
un chapelet de gousses d'ail à portée de main, et le crucifix est souverain.
Mais ces remèdes ne marchent pas toujours. Dans la comédie d'horreur de Roman
Polansky, Le bal des vampires, le héros essaie de mettre en déroute un
vampire juif en faisant le signe de croix. Le vampire juif lui sourit d'une
manière qui en dit long, venue tout droit du Violon sur le Toit, et montre
ses crocs ; la croix ne l'impressionne absolument pas. Ce film de Polansky me
revient à l'esprit au moment où je me penche sur la nouvelle vague de
controverses au sujet de l'Holocauste.
Les ‘historiens révisionnistes’, que leurs adversaires considèrent comme
des ‘négationnistes’, avaient l’intention de tenir une conférence à Beyrouth
afin d'y comparer leurs informations sur le génocide nazi. L'establishment juif
américain, notamment l'organisation sioniste américaine (ZOA, Zionist
Organization of America) et la Ligue Anti-Diffamation, a exigé que cette
conférence soit annulée, et le gouvernement libanais a accédé à cette demande.
La ZOA n'a rien contre le révisionnisme en tant que tel. C'est même cette
organisation qui est pionnière dans l'art de renier l'histoire, puisqu'elle a
commis, aux frais du contribuable américain, un opuscule intitulé : Deir
Yassine : Histoire d'un mensonge. Deir Yassine, c'est ce paisible village
que les groupes juifs terroristes Etzel et Lehi ont attaqué, le 9 avril 1948, en
massacrant toute la population : hommes, femmes et enfants. Mon texte intitulé
“Avril est le mois le plus cruel”, est d’ailleurs consacré à ce jour-là.
Les révisionnistes de la ZOA ont utilisé toutes les méthodes de leurs
adversaires, les ‘négationnistes’ : ils rejettent les récits des témoins
oculaires survivants, de la Croix Rouge, de la police britannique, des scouts
israélites et des autres observateurs juifs, qui ont assisté à toute la scène.
Ils occultent même les excuses présentées par Ben Gourion, puisque en fait les
chefs de ces gangs étaient devenus, à leur tour, premiers ministres de l'Etat
juif. Pour la ZOA, seuls le témoignage des meurtriers est digne de foi, sous
réserve que ces meurtriers soient juifs.
Si les victimes sont juives, alors ces mêmes organisations sionistes
américaines n'épargnent aucun effort pour défier le révisionnisme. Cette
position douteuse sur le plan moral a sans aucun doute apporté beaucoup d'eau
au moulin des congressistes de Beyrouth. A suivre leur logique, si les
Israéliens racontent des salades sur ce qui s'est réellement passé en 1948,
peut-être les souvenirs juifs sur l'Holocauste sont-ils tout aussi fallacieux.
Cela nous rappelle des ré-évaluations à la baisse d’autres calamités de
notre époque. Le massacre de Timisoara, en Roumanie, fut longuement rapporté
par le New York Time, la BBC, CNN et consort, perpétré nous dit-on par
Ceausescu et estimé à 90 000 victimes civiles. Ceausescu a été exécuté
sommairement. Des amis de l’Occident ont été installés au pouvoir, mais les
enquêteurs indépendants ont découvert que le nombre des victimes étaient
finalement de 96 ! Mille fois moins que l’estimation. Les premiers
reportages sur le onze septembre parlent de 60 000 morts, parmi lesquels 4000
Israéliens. Nous savons maintenant que les victimes étaient au nombre de 3000,
dont quarante Juifs. Par rapport à l’estimation, le nombre total de victimes a
été divisé par vingt, et le nombre des victimes juives par cent !
Une telle diminution a déjà existé à l’époque du pogrom de Kishinev. Tout
d’abord, les organisations et les témoins juifs ont revendiqué cinq cents
morts. Le nombre a ensuite dégringolé jusqu’à atteindre la valeur de 48, soit
moins de cent fois moins. Des historiens modernes remarquent que, dans tous les
pogroms de la Russie tsariste, les juifs constituaient à peu près un tiers du
nombre total des victimes du conflit de basse intensité que menaient les
paysans ukrainiens contre la bourgeoisie juive (que certains appellent même
‘l’Intifada ukrainienne’). C’est effectivement très différent de l’histoire que
nous, les juifs, avons apprise à l’école.
Le monstrueux massacre des Juifs en 1648, perpétré par les cosaques de
Chmielnicki, était estimé à 500 000 victimes juives, jusqu’à ce que ce nombre
soit divisé par dix par le chercheur juif moderne Jonathan Israël[41]. Il a même démenti qu’il y ait eu un
massacre de Juifs. Mais les Juifs ont souffert autant que les autres dans cette
guerre civile entre les Ukrainiens, les Polonais et les Juifs.
Inspirés
par ces faits, les révisionnistes ont marqué quelques points et les récits de
graisse humaine transformée en savonnettes, ou les fournaises ardentes selon
Elie Wiesel, ont été remisés au placard, avec d’autres fadaises. Les
révisionnistes s’interrogent aussi sur le véritable nombre de victimes juives.
Ce n'est pas du tout une question facile, la définition de qui est une victime
donnant elle-même lieu à interprétation.
Un bon exemple de ‘définition de la victime’ a été donné dans le journal Haaretz
du week-end dernier. Lorsque la guerre du Golfe prit fin, en 1991, on ne
relevait qu'une unique victime israélienne de la guerre. Aujourd'hui, il y a,
officiellement, cent Israéliens qui sont reconnus victimes de la guerre du
Golfe, et leurs descendants et collatéraux perçoivent une pension aux frais de
l'Irak. Certaines de ces victimes sont mortes de stress, d'autres, n'ayant pu
retirer leur masque à gaz, sont mortes étouffées. L'article du Haaretz soutient
que des plaintes en nombre beaucoup plus important ont été déclarées
irrecevables par les autorités israéliennes.
Pour estimer le nombre des victimes juives de la seconde guerre mondiale,
les organisations juives ont pris les estimations d’avant-guerre, en ont
soustrait les chiffres d’après la guerre, et ont déduit que plus de cinq
millions de juifs avaient été tués. Ce nombre comprend les soldats juifs, comme
mon oncle qui s’est battu à Leningrad et a péri pendant la bataille. Il
comprend aussi les gens qui, comme mon grand-père déjà âgé, sont morts de faim
et de vieillesse dans le quartier juif de Stanislawow. Il comprend les victimes
de maladies, du typhus et de la malnutrition. Cela fait beaucoup de monde,
parce que c’était une guerre horrible. Par exemple, en Biélorussie, où les
juifs étaient nombreux, la guerre a tué une personne sur quatre, juive ou non.
Voilà pourquoi on devrait rejeter le concept même d’holocauste juif. Parce
qu’il sépare artificiellement les juifs tués, du grand nombre de leurs
compatriotes et compagnons d’infortune tués aussi. Ce concept sépare mon oncle,
le soldat Abraham, de son frère de tranchée, le soldat Yvan; alors qu’ils ont
été tués par le même obus.
Les ‘révisionnistes’ ont suivi une autre voie. Ils ont mis en jeu leur
carrière et leur fortune en tentant de démolir ce qu'ils appellent le
"mythe de l'Holocauste". On peut comprendre leur intérêt.
Aujourd'hui, n'importe qui peut mettre en doute ouvertement l'Immaculée
Conception ou (pourquoi pas) défier les mythes fondateurs d'Israël. Mais le
culte de l'Holocauste jouit d'un interdit exorbitant, qui a force de loi,
frappant toute enquête qui pourrait être de nature à jeter un doute sur son
dogme sacré. Les dogmes ont le don d'attirer les esprits critiques. Toutefois,
derrière cette muleta écarlate, les cornes du taureau chargeant ne
transpercent que du vide. Les disputes sur les chambres à gaz et la production
de savon sont peut-être fort intéressantes, mais elles sont complètement
hors-sujet car où est donc le matador ?
Une avancée courageuse a été effectuée par Norman Finkelstein dans son
ouvrage devenu best-seller L’industrie de l'Holocauste. Toutefois, il y
a une différence importante entre Finkelstein et les historiens révisionnistes
rassemblés à Beyrouth. Finkelstein, fils de survivants de l'holocauste, s'est
gardé de toute bataille de chiffres illégale et s'est focalisé sur la
construction idéologique du culte de l'Holocauste.
Et il a drôlement bien fait. Une organisation juive, appelée ‘Avocats Sans
Frontières’ a même été jusqu'à lui intenter un procès, en France. Ces avocats
ne s'étaient absolument pas manifestés, quand la machine légale israélienne
avait prononcé une peine probatoire - dérisoire - de six mois, à l'encontre du
meurtrier juif d'un enfant non-juif. Ils n'avaient pas levé le petit doigt
lorsque la jeune Suad, quinze ans, placée en isolement total et victime de
tortures psychologiques, s'était vue refuser toute assistance juridique. Ils
brillent par leur absence dans les tribunaux militaires israéliens où un simple
officier juif peut prononcer une sentence d'emprisonnement de longue durée
contre un civil non-juif, sur la base de présomptions tenues secrètes. Apparemment,
ces avocats-là tiennent compte de certaines frontières.
Finkelstein s'est mis en tête d'explorer le secret de notre charme juif
discret, un charme qui ouvre les cœurs américains et les coffres des banquiers
suisses. Sa conclusion est que nous y arrivons en faisant appel aux sentiments
de culpabilité des Européens et des Américains. "Le culte de l'Holocauste
a montré qu'il était une arme idéologique irremplaçable. En la déployant, l'une
des puissances militaires les plus redoutables du monde, avec un palmarès
horrifiant en matière de droits de l'homme, se présente elle-même comme un
Etat-victime, et le groupe ethnique le plus prospère aux Etats-Unis a acquis le
statut de victime". Finkelstein procède à une analyse brillante du culte
de l'Holocauste, et aboutit à une découverte bouleversante : ce n'est qu'une
construction chancelante de quelques clichés cousus du fil blanc de la voix
geignarde d'Elie Wiesel, depuis sa luxueuse limousine.
Finkelstein n'a pas pleine conscience de l'importance de sa découverte,
puisqu'il croit encore que le culte de l'Holocauste est un grand concept,
venant tout juste après l'invention de la roue. Il a permis de résoudre le
problème éternel des riches et des puissants, celui de se défendre contre
l'envie et la haine des pauvres et des exploités. Il a permis à Mark Rich et
autres escrocs de tricher et de voler, il a permis à l'armée israélienne
d'assassiner des enfants et d'affamer des femmes impunément. Cette opinion est
partagée par de nombreux Israéliens. Ari Shavit, éditorialiste connu du journal
Haaretz, l'a fort bien exprimée en 1996, quand l'armée israélienne a tué
plus de cent civils réfugiés à Cana, au Liban : "Nous pouvons assassiner
en toute impunité : le musée de l'Holocauste, c'est bien chez nous ?".
Boaz Evron, Tom Segev et d'autres essayistes israéliens ont développé cette
même idée.
On peut résumer la thèse de Finkelstein comme suit. Les Juifs ont réussi à
résoudre la quadrature du cercle, ils ont résolu le problème sur lequel
butaient l'aristocratie et les millionnaires ordinaires. En substance, ils ont
réussi à désarmer leurs ennemis en faisant appel à leur compassion et à leur
complexe de culpabilité.
J'admire Finkelstein de continuer à croire en la bonté de cœur de l'homme,
son semblable. J'aurais aussi tendance à penser qu'il croit encore aux contes
de fées. A mon humble avis, les sentiments de compassion et de culpabilité
peuvent, à la rigueur, vous procurer un bol de soupe gratis. Mais pas un nombre
incalculable de milliards de dollars. Finkelstein n'est pas aveugle. Il a
remarqué que les Gitans, autres victimes des nazis, ont reçu des queues de
cerises de la part de la ‘compatissante’ Allemagne. La capacité des Américains
à se sentir collectivement coupables vis-à-vis de leurs victimes vietnamiennes
(5 millions de morts, un million de veuves, plusieurs équivalents des
bombardements de Coventry, arrosés de gaz orange), a été évaluée récemment, par
le Secrétaire à la défense William Cohen : "Il n'y a pas lieu de présenter
des excuses (et encore moins des dédommagements). Une guerre est une
guerre". Bien que disposant de toute l'information, Finkelstein,
s'entêtant à vouloir faire peur au vampire, se cramponne à son crucifix.
Quelle
est la source d'énergie qui alimente l'industrie de l'Holocauste ? Ce n'est pas
une question oiseuse, ni théorique. Actuellement en Palestine, la fabrication
d'une nouvelle tragédie bat son plein, avec le lent étouffement de ses villes
et villages. Chaque jour, un arbre est déraciné, une maison est démolie, un
enfant est assassiné. A Jérusalem, les Juifs célèbrent Pourim en faisant un
pogrom contre des Gentils, et cela donne lieu à un entrefilet à la page six des
quotidiens locaux. A Hébron, les fans de Kahane ont célébré Pourim devant la
tombe du tueur en série, Goldstein. Ce n'est vraiment pas le moment de faire sa
chochotte.
Dans Ulysse, le personnage Bloom exprime les sentiments de son
créateur James Joyce envers le concept sanglant de libération irlandaise en
lâchant un pet en direction de l'épitaphe d'un combattant pour la liberté de
l'Irlande. Mes grands-parents, mes tantes et oncles sont morts durant la
Deuxième Guerre mondiale. Mais je jure, sur leur mémoire, que si je pensais que
le sentiment de culpabilité autour de l'Holocauste devait causer la mort d'un
seul enfant palestinien, je transformerais immédiatement le mémorial de
l'Holocauste en pissotière.
Le pathos du culte de l'Holocauste et la facilité avec laquelle il réussit
à pomper des milliards sont les preuves tangibles de l'existence d'un réel
pouvoir derrière cette industrie. Ce pouvoir est obscur, invisible, ineffable,
mais bien réel. Il ne s'agit pas d'un pouvoir dérivé de l'Holocauste. C'est
l'inverse : le culte de l'Holocauste correspond à l'étalage des muscles de ceux
qui exercent le pouvoir réel.
Dans la nouvelle ferveur religieuse des Etats-Unis, parfois appelée
‘judéo-chrétienne’, l’Holocauste a détrôné la Passion du Christ, la création
d’Israël a remplacé la résurrection, et cela confirme la centralité des
Juifs dans le discours américain.
C'est pourquoi tous les efforts des révisionnistes sont peine perdue. Les
gens qui font la promotion de ce culte pourraient faire la promotion de
n'importe quoi, étant donné qu'ils dominent complètement le discours public. Le
culte de l'Holocauste est juste une manifestation, à petite échelle, de ce dont
ils sont capables. Les représentants de ce Pouvoir, confrontés aux révélations
de Finkelstein, se contenteraient vraisemblablement d'esquisser un sourire entendu.
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Banquiers et voleurs
Octobre 2001
"L'Holocauste suisse : un mythe", titrait le Times samedi
dernier (13 octobre), baissant ainsi le rideau sur ce qui restera dans les
annales comme un cas odieux d'extorsion de fonds et de pure escroquerie. Tout
avait commencé en 1995, lorsque deux personnalités notables, Edgar Bronfman,
président du Congrès juif mondial, et Abraham Burg, étoile montante du monde
politique israélien, avaient demandé à rencontrer les dirigeants des banques
suisses, se disant chargés d'une mission humanitaire. "Vous avez dans vos
coffres des milliards de dollars déposés par des juifs avant la seconde guerre
mondiale", leur avaient-ils dit. "Nous voulons que ces dépôts soient
immédiatement restitués aux survivants de l'holocauste. Faites en sorte qu'ils
puissent au moins finir leur existence dans un certain confort." Bronfman
et Burg sont des hommes influents auxquels banques et compagnies d'assurance
accordent généralement une oreille attentive.
Edgar Bronfman est l'heureux héritier des milliards de son père, Sam. Ce
dernier a fait fortune grâce au trafic illégal d'alcool aux Etats-Unis : il
fabriquait ses spiritueux au Canada et les passait en contrebande par les
Grands Lacs, par l'intermédiaire de son réseau de gangsters. Cela se passait à
l'époque de la fameuse Prohibition. Mais Sam Bronfman dégageait plus de profits
encore de son activité de requin de la finance. Peu avant sa mort, un
journaliste lui ayant demandé quelle était la plus grande invention de l'Homme,
il avait répondu, "le prêt à intérêt".
Des capitaux extorqués par des moyens criminels et en pressurant des
débiteurs peuvent aussi faciliter les carrières politiques. Il en va ainsi dans
la politique juive, tant il est vrai que l’on n'a pas besoin d'être élu pour
devenir quelqu'un d'important. Il suffit de louer deux pièces dans une tour et
d'apposer une plaque du genre, "Association des Juifs du monde",
"Assemblée des Survivants" ou "Front de libération juive",
et l'affaire est faite. Aucun brevet ne protège ces appellations. Le Congrès
juif mondial de Bronfman n'était rien d'autre, au départ, qu'une entité
minuscule au nom grandiloquent. Avant Bronfman, ce Congrès était présidé par
tel ou tel personnage d'allure patriarcale, comme Nahum Goldmann, mais cela ne
faisait de mal à personne. Avec Bronfman, changement de décor, le Congrès juif
mondial devient un centre de pouvoir.
Abraham Burg (Avrum pour les intimes), président du parlement israélien
(Knesset) et candidat à la présidence du Parti travailliste, est le fils d'un
homme politique israélien connu, leader du parti national religieux, qui a
servi tous les gouvernements d'Israël en qualité de ministre, quarante années
durant, jusqu'à sa mort. Avrum a suscité un beau tollé, lors de l'émission Nightline
de la chaîne de télévision américaine ABC, le 2 août dernier, lorsqu'il a dit
que les Palestiniens étaient "des gens auxquels on ne marierait pas sa
fille ". Avrum avait besoin d'un chaperon pour stimuler sa carrière
politique, au moment même où Bronfman avait, lui, besoin d'un partenaire
israélien fiable, pour réaliser son plan.
Aucune banque ni aucune compagnie d'assurance ne saurait se permettre de
refuser de recevoir des personnages aussi importants. Après avoir opposé une résistance
de principe, les nains de jardin helvétiques cédèrent, et les ‘chefs
titulaires’ des Juifs repartirent avec leur gros pactole. "Ah là là... ces
Juifs veulent voler nos banques et nos compagnies d'assurance sous prétexte de
leur holocauste", ont probablement fulminé les Suisses. Mais ils se
trompaient.
Alors que cette histoire avait commencé comme une nouvelle version des
Protocoles des Sages de Sion, la suite se déroule plutôt selon le scénario
du film L’arnaque. Six ans ont passé, mais pratiquement pas un dollar
n'est ressorti des griffes des commissions internationales créées par Bronfman
et Burg. Les survivants juifs de l'holocauste n'ont quasiment rien reçu.
L’argent avait été subtilisé par ceux-là même qui exigeaient réparation pour
les victimes. Récemment, un journal de grande audience, le Los Angeles Times,
écrivait[42] :
"Une commission internationale, créée afin de résoudre les contentieux
d'assurances concernant la période de l'holocauste, aurait versé plus de trente
millions de dollars en salaires, frais d'hôtel et encarts publicitaires dans la
presse, ne distribuant que trois millions de dollars aux héritiers." Les
membres de la commission ont fait de celle-ci une agence de voyage de luxe et
un club de loisirs. Le Los Angeles Times poursuivait : "Les
documents montrent que, depuis 1998, la commission a tenu plus de 18 congrès,
réunissant jusqu'à une centaine de participants, dans des grands hôtels de
Londres, Jérusalem, Rome, Washington et New York". En ce qui concerne,
cette fois, la question du travail forcé, le journal The Independent
indique :que, "tandis que les victimes de l'holocauste recevront
(peut-être) entre 2.500 et 7.500 dollars, les juristes juifs qui ont négocié
l'arrangement recevront chacun des honoraires dépassant le million de
dollars"[43].
Le Times révèle que les banques suisses ont vérifié les comptes
dormants et qu'elles ont constaté qu'ils n'appartenaient même pas à des
victimes juives de l'holocauste. Ils appartenaient, pour la plupart, à
"des personnes très aisées, non juives, qui avaient oublié leurs bas de
laine".
Si les Suisses ont effectivement payé un milliard et demi de dollars à
Bronfman et Burg, ce n'est certainement pas parce que les récriminations de ces
deux personnages les ont convaincus. Ils ont déboursé cette somme parce qu'ils
n'avaient pas le choix. Bronfman (avec Mark Rich) était un important soutien du
Président Bill Clinton, et Clinton, sans aller jusqu’à bombarder Zurich, a
appuyé la requête avec des moyens beaucoup plus persuasifs.
Certains éléments de cette histoire commencent à faire surface. C'est le
cas, notamment, dans l'ouvrage de Normam Finkelstein, professeur à l'université
de New York. Devenu un best-seller, L'industrie de l'Holocauste[44]a été l’objet de nombreuses controverses.
Finkelstein s'est insurgé contre les méthodes d'extorsion de fonds pratiquées
par les organisations juives. Ces dernières l'ont accusé de mensonge et
d'antisémitisme. Aujourd'hui, un an après la parution de son livre, de nouveaux
détails, inattendus et croustillants, sur des manœuvres sordides commencent à
transpirer. Si ces informations sont confirmées, nous avons affaire à la plus
grande escroquerie du XXe siècle.
Apparemment, le professeur Finkelstein a commis quelques erreurs : au grand
dam des pourfendeurs de Juifs, les victimes de l'escroquerie n'ont pas été
seulement les banques et les compagnies d'assurances, mais aussi des gens
ordinaires, d'origine juive. Et, pour le grand embarras des Juifs, les truands
étaient les dirigeants juifs autoproclamés, qui prétendaient représenter le
peuple juif.
L'homme qui est à l'origine de cette découverte est bien différent du
professeur new-yorkais Finkelstein. Martin Stern est un homme d'affaires
britannique prospère et très engagé dans les affaires immobilières, ainsi que
dans la cause judéo-sioniste. Il travaille à Londres et passe le week-end dans
son vaste appartement du quartier orthodoxe de Jérusalem. Il ne rate pas une
prière à la synagogue de quartier, pratique la charité et aime sincèrement
Israël.
Sa rencontre fortuite avec un banquier suisse à Villar, prestigieuse
station des Alpes suisses, a été à l'origine du ‘montage’ des revendications
relatives à l'holocauste. Le banquier raconta à Stern une anecdote
intéressante. Sa banque, l'Union Suisse (USB), en procédant à un inventaire
informatique de ses comptes pour 1987, avait découvert qu'elle détenait de nombreux
comptes ‘dormant’ depuis 1939. Les dirigeants de la banque en vinrent à
conclure que ces quarante-cinq millions de francs suisses environ (équivalant à
environ 30 millions de dollars) appartenaient vraisemblablement à des juifs
morts pendant ou après la dernière guerre.
"Nous ne voulions pas conserver de l'argent qui ne nous appartenait
pas", lui avait expliqué l'honnête banquier suisse, "c'est pourquoi
nous avons demandé au Congrès juif mondial de nous aider à trouver les
héritiers de ces fonds". Le Congrès avait alors répondu : "Ce n'est
pas à l'ordre du jour". Les Suisses, vexés de cette rebuffade,
transférèrent les quarante-cinq millions à la Croix Rouge.
Cette histoire frappa Martin Stern qui l'évoqua à la radio israélienne.
Quinze jours après, ‘incidemment’, Bronfman et Burg frappaient à la porte de la
Corporation des banques suisses, exigeant le grisbi. Comme nous l'avons déjà
indiqué, ils l'ont obtenu. Mais, petit détail, ils l'ont gardé pour leurs
menues dépenses personnelles. Martin Stern, se sentant en partie responsable,
s'est efforcé de suivre les développements de l'affaire.
Il s’inquiétait de plus en plus quant à la manière dont "l’argent de
l'holocauste" était manipulé. Après déduction des salaires de ses membres,
la ‘Conférence des Réclamations’ dépensa 43 millions de dollars dans des envois
de colis alimentaires aux juifs de Russie. Bronfman et Burg n'ont pas évoqué ce
sujet lorsqu'ils sont allés demander aux banques suisses d'accélérer le
paiement aux survivants et aux ayants droit légitimes. Leurs priorités
auraient-elles changé ?
Des
circonstances familiales ont amené Stern à prendre connaissance d'une histoire
liée au scandale des Assurances Generali. Avant la Seconde guerre mondiale,
Generali était une grande compagnie d'assurances italienne, dont les
propriétaires étaient des juifs italiens. "Avant la guerre, de nombreuses
compagnies d'assurance étaient entre les mains de juifs, et il faut savoir qu'à
cette époque-là, l'assurance était la banque des gens modestes", explique
Stern. La Generali possédait des biens considérables en Palestine, ainsi que
dans les Balkans et, bien sûr, en Italie. En dépit de la guerre, du fascisme
italien et de l'holocauste, la Generali a conservé ses relations avec les
juifs, ne voulant pas suivre l'exemple des Suisses et des Allemands, mais elle
a nié avoir conservé une trace quelconque des polices d'assurances conclues
avant-guerre. Stern a mené l'enquête, à ses frais, et a réussi à localiser les
entrepôts secrets où les patrons de Generali conservaient les contrats
d'avant-guerre. Il a découvert que la société devait des sommes colossales aux
héritiers de ses assurés. Contrainte par sa découverte, la Generali a changé
d'attitude et accepté de payer, en manifestant le désir de liquider ses dettes
auprès de chacun de ses assurés, individuellement.
Ainsi, si la personne décédée n’était pas juive, ses héritiers étaient
libres de retirer la valeur de son assurance directement auprès de la compagnie
d'assurances ou de la banque concernée. Mais, comme vous l'avez certainement
subodoré depuis le début, nous, les juifs, nous ne sommes pas comme les autres.
Nous sommes différents des autres, parce que nous sommes plus naïfs que la
moyenne. C'est pourquoi nous trouvons normal de passer par un intermédiaire -
les responsables juifs - pour traiter avec le vaste (et largement gentil)
monde.
Depuis 1950, les dirigeants des juifs ont fait fortune en s'érigeant en intermédiaires, les compensations (financières) n'allant pas directement aux ayants droit et aux rescapés, mais atterrissant dans les mains avides de ces dirigeantss. Les juifs israéliens étaient supposés recevoir dédommagements et pensions via des canaux financiers israéliens, tandis que les Juifs européens reçurent leur argent directement des Goys. Curieusement, les survivants payés par des intermédiaires juifs ont toujours reçu moins, et parfois beaucoup moins. L'Etat juif, les banques juives et les organisations juives se sont sucrés sur chaque transaction, et ils ont pour cela tiré sur toutes les ficelles financières imaginables. Lorsqu'en Israël l'inflation flambait, les pensions versées aux survivants de l'holocauste étaient immanquablement indexées à un taux inférieur, tandis que les banques avaient toujours du retard dans leurs versements.
Lorsque les juifs russes arrivèrent massivement en Israël, les dirigeants
juifs signèrent un accord avec l'Allemagne pour financer les rescapés. Une part
énorme des fonds donnés par l'Allemagne resta entre les mains des organisations
juives, des intermédiaires et autres répartiteurs.
Quiconque faisait confiance à nos frères juifs l'avait dans le baba,
puisque aussi bien escroquer leurs coreligionnaires est le passe-temps favori
des escrocs juifs, banquiers ou dirigeants. Un cynique pourrait dire que la
notion même de peuple juif est une invention géniale de ces escrocs. Du temps
de nos grands-parents, cela ne marchait pas aussi bien, car les Juifs savaient
parfaitement qu'un escroc juif était capable de rouler un juif aussi facilement
qu'un goy, et même, peut-être, plus facilement. Mais, de nos jours, nous avons
oublié cette importante notion.
Après
que Martin Stern eut retrouvé les polices d'assurances, la Generali accepta de
coopérer et de payer. Mais les hommes politiques israéliens et juifs voulaient
rester en piste. Ils négocièrent une convention d'agrément avec la Generali, au
nom des porteurs de polices d'origine juive. C'était une idée incroyable !
Que les juifs soient un groupe religieux ou un groupe ethnique, peu importe :
s'ils ont souscrit des assurances-vie, c'est certainement à titre personnel. De
plus, ils n'ont jamais mandaté un quelconque politicard israélien pour les
représenter. Mais les hommes politiques négocièrent l'accord, reçurent à ce
titre cent millions de dollars qu'ils baptisèrent ‘Fonds Generali’, et s’en
servirent immédiatement comme s’il s’agissait de leurs propres économies. Ils
ont oublié de défendre les intérêts des souscripteurs juifs, clients de la
Generali, à moins qu'ils n'aient jamais considéré ces intérêts que comme une clause
de style.
En juin 2001, le ‘Fonds Generali’ n’avait liquidé que 72 dossiers sur 1250.
Les autres souscripteurs ont été laissés pour compte, souvent déboutés sans
motif, ou même n’ont jamais reçu de réponse. En désespoir de cause, certains
s'adressèrent aux Italiens, qui payèrent sans barguigner. Encore une preuve, si
besoin était, que les juifs n'ont aucun besoin d'intermédiaires juifs. Au même
moment, les gardiens du Fonds procédaient à 270 ‘paiements gracieux, à titre
humanitaire’. Ils envoyèrent des colis alimentaires aux Juifs russes, afin de
les attirer en Israël. Je suis sûr que les assurances Generali auraient été
ravies de nourrir les juifs russes afin d'augmenter leur zèle sioniste, mais
pourquoi nos hommes politiques israéliens ne les ont-ils pas invitées à le
faire, quand ils négociaient leur fameuse convention avec cette compagnie ?
Martin
Stern a découvert que les ‘gérants’ du Fonds Generali prenaient de plus en plus
fréquemment l'avion pour l'Italie aux frais du Fonds, et puis un beau jour,
cela ne leur suffit plus et ils exigèrent de Generali des émoluments
substantiels. L'affaire traversa l'Atlantique, et les plaignants américains
découvrirent que leurs réclamations étaient ‘réglées’ par nos fameux hommes
politiques. Les organisations juives américaines prirent la défense de leurs
comparses israéliens. Lawrence Eagleburger, ancien ministre des Affaires
étrangères américain, joua un rôle clé dans le système. Ce grand homme préside
à la commission des dirigeants juifs engagés dans les affaires de compensation
pour les avoirs des victimes juives de l'holocauste, cela lui vaut un salaire
annuel de 350.000 dollars. Stern est d'avis que les compensations négociées
avec la Generali suffiraient à peine à payer les ayants droit. C'est pourquoi
il est horrifié par la légèreté avec laquelle messieurs Bronfman et Burg
dilapident les fonds à des fins qu'ils jugent autrement plus importantes.
Alors que les organisations juives donnaient du fil à retordre aux banques
suisses et allemandes, elles étaient beaucoup plus timides lorsqu'elles avaient
affaire à une banque juive. La banque israélienne Leumi a probablement, dans
ses coffres, plus d'argent de juifs disparus que n'importe quelle banque suisse
ou allemande. Vous allez rire, mais les banquiers israéliens ne sont pas
particulièrement pressés de rendre cet argent. En l'occurrence, l'argent leur
colle aux mains. Avant la Seconde Guerre mondiale, de nombreux juifs d'Europe
déposèrent leurs économies à la Banque Anglo-Palestinienne, la principale banque
juive de la Palestine sous mandat britannique. ‘Anglo-Palestine Bank’ est le
nom que portait la banque Leumi, avant 1948. Certains de ces juifs ouvrirent
des comptes, sur lesquels ils déposèrent de l'argent, tandis que d'autres
louèrent des coffres. Les juifs n'étaient d'ailleurs pas les seuls clients de
cette banque ; ses sous-sols renfermaient aussi de grandes fortunes
appartenant à des Palestiniens chrétiens et musulmans.
Beaucoup de Palestiniens ont perdu leurs biens lors du bouleversement de
1948. Les banques israéliennes eurent recours à tous les moyens pour bloquer
leur argent et le laisser fondre sous l'effet d'une inflation exponentielle.
Mais les Juifs n'étaient pas placés à meilleure enseigne. Apparemment, le pire
endroit où un Juif pouvait déposer ses économies était la banque Leumi, la
banque nationale d'Israël. La banque Leumi a catégoriquement refusé d'ouvrir
ses archives aux rescapés de l'holocauste et aux ayants droit.
La banque Leumi, qui est en cours de privatisation, appartient en partie à
la compagnie d'assurances Generali. La compagnie d'assurances Migdal, la
Generali et la banque Leumi constituent un groupe financier impliquant des
entreprises et des hommes d'affaires à la réputation douteuse. Les mêmes
individus siègent aux conseils d'administration de ces sociétés, se partagent
les primes et se refilent les paquets d'actions.
Martin Stern a découvert que, dans les années cinquante, le personnel de la
banque Leumi avait ouvert, sans aucun contrôle ni aucune supervision, et même
en se dispensant de tout procès-verbal, tous les coffres en déshérence. Leurs
contenus furent fourrés dans des enveloppes de papier kraft et soustraits à la
curiosité du public. Détail pittoresque : on a indiqué à Stern l'existence d'un
coffre-fort qui est resté pendant des années dans un bureau de la banque Leumi,
au grand dam des sténodactylos qui filaient leurs bas sur ses coins acérés.
Quand on ouvrit enfin le coffre, on y découvrit un véritable trésor, déposé là
apparemment par une paroisse de l'église copte. Jusqu'à ce jour, ce dépôt
conséquent n'a pas encore été restitué à cette institution.
Martin Stern ne pouvait croire que des violations aussi grossières de la
déontologie bancaire étaient possibles. Dans le cadre de son combat pour la
défense des intérêts des rescapés de l'holocauste ou de leurs ayants droit, il
demanda à la banque Leumi de publier les noms des propriétaires des coffres
dont elle avait récupéré les dépôts. Dans un premier temps, la directrice
générale de la banque, Galia Maor, nia que la banque ait ouvert les coffres.
Face aux preuves, elle répondit, avec un aplomb formidable, "nous n'avons
trouvé que des lettres d’amour". Je me demande si les organisations juives
auraient accepté que les Suisses leur donnent une telle réponse.
Le sort des dépôts monétaires ne fut pas différent de celui des coffres, ce
qui permit à la banque Leumi de gagner sur les deux tableaux. Une certaine Mme
Klausner avait déposé 170 livres sterling à la banque Leumi, avant la guerre,
ce qui correspond à 25.000 dollars actuels. Lorsqu’elle vint réclamer le
remboursement de son dépôt, la banque Leumi lui offrit treize nouveaux shekels,
soit quatre dollars. Afin d'éviter tout embarras dans le futur, les dirigeants
de la banque ont entrepris de détruire toutes les archives.
Les manœuvres de la banque Leumi ont attiré l'attention de la presse
israélienne et de la Knesset. Une commission parlementaire d'enquête a été
réclamée. Il a fallu six mois de discussions intenses pour la mettre sur pied,
mais dans son ordre de mission, il s’est glissé une erreur évidente. Les
rescapés avaient demandé que l’on recherche les responsables de la
dissimulation de leurs économies durant un demi-siècle. Cette exigence n'a pas
été retenue dans l'ordre de mission de la commission. Pire, cette commission
comptait, parmi ses membres, des responsables de la situation actuelle : Zvi
Barak faisait partie de la direction de la banque Leumi, il est encore membre
du conseil d'administration du Fonds Generali, il a été envoyé dans les banques
suisses pour y enquêter, et voilà que maintenant, il est censé débusquer les
coupables dans sa propre banque.
Michael
Kleiner est député de l’aile droite du parti Herout. Il a écrit à la commission
d'enquête parlementaire : "La banque a détruit des archives dans deux de
ses départements. Aujourd'hui, il existe de forts soupçons en ce qui concerne
les dépôts de victimes de l'holocauste, en particulier les enveloppes de papier
kraft dans lesquelles on a mis le contenu des coffres-forts vidés".
Récemment, la banque Leumi a tenu la vedette de l'actualité pour son
blanchiment d'argent sale à grande échelle, lorsque les fortunes volées par
Vladimir Montesinos et son patron Alberto Fujimori, ex-président du Pérou, ont
été retrouvées dans les coffres d'une de ses succursales suisses. Personne ne
peut comprendre que l'on parle de ‘blanchiment’ à propos de cette banque ;
si elle lavait un mouchoir, il en sortirait sale.
Le succès le plus éclatant des dirigeants juifs a été enregistré en
Allemagne, en 1991, lors de la réunification du pays. Après 1945, la République
socialiste d'Allemagne de l'Est (RDA) n'a remboursé aucun détenteur de capitaux
d'avant la guerre, ni gentils ni juifs. Leur logique était la bonne. Les
Allemands de l'Est ne reconnaissaient pas la notion de ‘peuple juif’. Ils
traitaient sur un pied d'égalité tous les citoyens allemands, juifs ou non. Ils
pensaient que l'idée nazie de statut séparé pour les Juifs avait disparu depuis
1945. Ils avaient tort. L'Allemagne de l'Ouest admit le concept féodal de
Juiverie en 1950, en décidant de payer des compensations pour les avoirs juifs
-- non pas aux rescapés ou aux ayants droit, mais à l'Etat d'Israël et aux
dirigeants juifs hors d'Israël. Les Allemands de l'Ouest refirent le coup en
1991.
Prenons un exemple. Peter et Moïse, deux Allemands, morts pendant la guerre
et laissant quelques biens en Allemagne de l'Est. Les biens de Peter le Gentil
seraient restés aux mains du gouvernement allemand, jusqu'à ce qu'on trouve ses
héritiers. Au cas où il n'en aurait aucun, ses biens resteraient propriété du
peuple allemand. Mais les biens de Moïse le Juif seraient remis à messieurs
Bronfman et Burg, en leur qualité de dirigeants et représentants du peuple
juif, membres de la Conférence des Réclamations. Les Allemands ont transféré
les biens appartenant à leurs concitoyens juifs sur le territoire de
l'Allemagne de l'Est pour les remettre à la dite Conférence.
(Que signifie ‘propriété juive’ ? Existe-t-il aussi une ‘propriété
gentille’ ? Pourquoi les Juifs, qui protestent toujours contre le concept
même de juiverie, n’ont-ils pas protesté à ce sujet ? Pourquoi les
compensations pour la maison de Bernstein incendiée devraient aller à la
‘Juiverie’ ? Pour la loi, tout ce qui a de la propriété et des droits
existe certainement. La Juiverie existe puisqu’il y a une ‘propriété juive’,
qui va à la Juiverie, si le propriétaire juif est décédé.)
La Conférence ? Il ne s'agissait en fait que d'un groupe de quarante-quatre
individus qui ne représentaient absolument personne. Certains étaient délégués
par une ‘Association anglo-juive’, au titre pompeux, mais qui n'a qu'une
cinquantaine de membres. Deux personnes se targuent de représenter plusieurs
millions de Juifs israéliens. Cette Conférence était censée retrouver les
héritiers légitimes de notre Moïse ainsi que d'autres Allemands d'origine
juive.
Toutefois, les dirigeants juifs avaient une meilleure idée. Ils savaient
que de nombreux propriétaires ne viendraient jamais réclamer leur maison, et
que ces propriétés leur échoiraient. Mais ce n'était pas encore assez, pour ces
avides saligauds. Ils fixèrent une date butoir après laquelle ils ne
prendraient plus en considération les réclamations d'éventuels héritiers. C'était
là un coup digne du génie juif : ainsi, l’équivalent de trente milliards de
dollars tombaient dans leur escarcelle, le plus ‘légalement’ du monde. Depuis
lors, ils peuvent traiter avec désinvolture les réclamations des héritiers
légitimes. Et les milliards de dollars de rente peuvent s'accumuler sur leurs
comptes.
Les organisations américaines de survivants juifs de l'holocauste ont
entamé leur combat contre les dirigeants juifs. Elles exigent que la Conférence
(des Réclamations) rende publics les listings complets de leurs avoirs, trouve
les héritiers légitimes et débloque les fonds. Elles envisagent de poursuivre
l'Allemagne, l'Italie et d'autres pays et organisations qui, pour quelque
raison mystérieuse, ont souscrit à l’idée moyenâgeuse de ‘propriété juive’.
Elles disent qu'une propriété ne pouvait être que celle d'une personne juive,
et par conséquent ne pouvait être attribuée à un grotesque ‘bénéficiaire
résiduel’ de la ‘propriété juive’. Comme le montre cette affaire, de telles
idées sont tout bénéfice pour les dirigeants juifs autoproclamés qui
continuent, grâce à elles, à mener le train de vie auquel ils sont accoutumés.
Mais pour les gens ordinaires d'origine juive, il est grand temps d'abandonner
les illusions coûteuses d'une solidarité juive.
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27 juillet – Fête de Saint Firmin
06 septembre 2001
Récemment, en visitant le Nord de l’Espagne, j’ai découvert l’ancienne
capitale de la Navarre. Pampelune célébrait la fête de Saint Firmin, et des
milliers d’aficionados se pressaient dans les rues étroites menant aux célèbres
arènes. Il y avait aussi beaucoup d’étrangers venus suivre, avec un grand
sérieux, les traces d’Ernest Hemingway. En matinée, de jeunes toreros animaient
l’arène avec de jeunes taurillons, rivalisant de rapidité et de grâce. C’était
un spectacle enthousiasmant, chargé d’adrénaline, mais pas sanglant. Il en fut
autrement l’après-midi, lorsque des hommes mûrs ont affronté des taureaux
adultes, des créatures féroces, noires comme le jais, avec des cornes effilées,
se déplaçant à la vitesse d’un TGV, pesant chacun plus d’une demi- tonne,
chaque livre de chair animée par la détermination d’un bull-terrier.
Les tribunes, au-dessus de l’arène, sont divisées en deux sections, chacune
accueillant un public d’origine différente. Dans la section dite Sombra,
la haute bourgeoisie applaudit le spectacle avec componction. Ce sont des gens
importants, et un matador digne de ce nom fait de son mieux pour leur montrer
son savoir-faire. Dans la section dite Sol, en plein cagnard, les gens
simples un peu pompette en raison des grandes bassines de sangria partagent des
plats faits ‘maison’ avec les touristes étrangers et chantent l’hymne de Saint
Firmin. Ils aiment aussi la corrida, bien entendu, mais il ne se passe pas
grand-chose, de ce côté de l’arène.
Le matador travaille incroyablement près de la bête, se contentant de faire
des sauts de côté pour éviter les cornes mortelles. N’était-ce l’impossibilité
pour l’animal de comprendre, un homme aurait très peu de chances de survivre à
la confrontation avec un taureau. Mais le taureau est fasciné par l’étoffe
rouge, la muleta, que le matador déploie devant lui. Au lieu de foncer sur le
matador, il vise l’étoffe. A la fin, épuisé par ses vaines tentatives, frustré
de ses assauts inutiles contre l’invincible chiffon rouge, le taureau
s’immobilise, baisse l’encolure et attend le coup de grâce.
La
métaphore de la corrida s’applique à merveille à la lutte stérile pour les
droits civiques en Palestine. Les colonies juives, au beau milieu de la
population palestinienne, sont comme le chiffon rouge. Les colonies nous
contrarient car elles gâchent la beauté biblique des Hautes Terres
palestiniennes. Elles nous exaspèrent par leur injustice patente, puisqu’elles
ne sont ouvertes qu’aux Juifs, et qu’un Goy ne peut même pas y pénétrer. Elles
nous insupportent, parce qu’elles sont le prétexte ou la cause des routes de
contournement réservées aux Juifs. Elles nous excèdent, à cause de l’attitude
provocatrice des colons, qui font le pire pour humilier leurs voisins
non-juifs. Elles nous révoltent, parce qu’elles supplantent les oliveraies,
étalant la laideur de leurs préfabriqués. Alors nous chargeons contre elles,
tandis que le matador fait un saut de côté, et que les gens importants, dans la
tribune, applaudissent.
Pour une fois, dirigeons la rage du taureau loin de cette satanée muleta
qui fait diversion et qui énerve. Le fait de se focaliser en permanence sur les
colonies est une diversion. N’importe quand et partout, y compris dans un
journal juif, que ce soit Haaretz ou le New York Times, vous
pouvez publier sans problème une critique contre la colonisation israélienne
illégale, pour peu que vous en restiez là. Mais, derrière le chiffon rouge, il
y a quelqu’un. Et il y a aussi ceux qui envoient cet individu combattre le
taureau. Le matador ? Ne cherchez plus : c’est l’Etat d’Israël.
Aucune colonie n’existerait un jour de plus si elle n’avait la machine de
guerre israélienne derrière elle. Lorsque les habitants natifs d’Hébron sont
consignés chez eux durant des mois, le couvre-feu est imposé par l’armée
israélienne, pas par les quatre cents colons juifs. Mais, depuis son
emplacement luxueux à la sombra, quelqu’un donne des consignes au
matador. Israël serait incapable de commettre ses atrocités sans soutien
extérieur.
Maxime
Rodinson, théoricien marxiste français éminent et biographe du Prophète
Mahomet, a défini Israël comme ‘un Etat de pionniers’, c’est-à-dire une
colonie. Mais tout pays de colonisation a sa métropole, source extérieure de sa
puissance. L’Algérie française était dirigée et soutenue par la France. Les
Etats-Unis étaient au départ un pays de pionniers, dont la métropole était
l’Angleterre. Quelle est la puissance extérieure qui soutient Israël ?
Quelle est sa métropole ? Ce ne sont pas les Etats-Unis, c’est la
constellation des communautés juives puissantes, et avant tout,
essentiellement, la communauté juive américaine.
Ils envoient de l’argent, organisent des galas de soutien et influencent la
politique de l’Etat d’Israël. Ils sont visiblement encore plus ‘faucons’ que le
Likoud de Sharon. Feu le non-regretté ‘rabbin’ Kahane était vraisemblablement
très cher au cœur des partisans d’Israël en Amérique. Toutes sortes de raisons
expliquent ce phénomène des Juifs d’outre-Atlantique se posant comme ‘plus
israéliens que les Israéliens’, si bien décrit par Uri Avneri. Mais je m’en
tiendrai à une seule. Les Juifs américains sont à l’abri des critiques, quoi
qu’ils fassent. Ils sont assis à l’ombre, confortablement, et envoient le
matador au combat.
Les hommes qui envoient les troupes israéliennes imposer le siège à Hébron
et aux autres agglomérations palestiniennes vivent dans l’aisance à New York ou
à Los Angeles ; ils regardent la télévision et mettent la pression sur
leurs députés pour les forcer à soutenir la boucherie. Ces gens, qui poussent
aux crimes de guerre contre les Palestiniens, n’ont aucune crainte. Le temps
est sans doute venu de leur demander quelques comptes.
Les guerres n’ont aucune raison de finir, tant que leurs principaux
fauteurs sont bien tranquilles dans leur coin. Michael L. Calderon nous a
rappelé, cette semaine que, "les Français, les Américains et les
Afrikaners d’Afrique du Sud n’ont pas renoncé à leurs exploits en Algérie, en
Indochine, en Namibie et en Angola à cause d’un 'changement d'humeur'
collectif. En réalité, ces victoires ont été remportées sur deux fronts. L’un
était le front de la guerre effective, et Dieu sait que les peuples algérien,
vietnamien, angolais et cubain l’ont payé très cher. Le deuxième front était
celui de la pression internationale et des protestations intérieures".
Il faut absolument ouvrir, sans plus tarder, le second front de la guerre
de Palestine. Nous devons savoir sur qui exercer des pressions et contre qui
protester. A mon avis, c’est contre les dirigeants autoproclamés des
organisations de la communauté juive ; contre les magnats des médias, les
Bronfman, Foxman, Sulzberger et tutti quanti. Ce sont des hommes puissants, malfaisants,
et je comprends que les amis de la Palestine aient tendance à chercher des yeux
des adversaires moins redoutables, comme les colons d’Hébron. Hélas, c’est
aussi inutile que de rechercher de nuit une pièce de monnaie au pied du
lampadaire, simplement parce que c’est là qu’on y voit clair ! Il faut
chercher la pièce de monnaie là où on l’a laissé tomber, même si ce n’est pas
pratique !
Il est nécessaire et urgent de s’opposer aux menées des dirigeants de la
communauté juive américaine. Pourquoi cela n’a-t-il pas été fait jusqu’à
présent ? Il y a toujours cette tendance irrésistible à les exonérer de la
tragédie des Palestiniens, en expliquant tout par ‘les menées impérialistes
américaines’. Même un grand ami de la Palestine, comme Noam Chomsky, dont j’admire
la dévotion quasi religieuse à la cause, adhère à cette vision des choses. Dans
une conférence donnée récemment au MIT (Massachusetts Institute of
Technologie), il a dit que la politique pro-israélienne des Etats-Unis n’était
pas due à l’influence du lobby juif, mais aux intérêts des élites américaines. Amicus Plato, magis amica veritas[45]. Je regrette de ne
pas être d’accord.
Son opinion a été reprise par beaucoup de gens honnêtes, soutiens sincères
des Palestiniens. Généralement, ils citent The Fateful Triangle, un
classique de Noam Chomsky, ou reprennent ses propos presque à l’identique,
comme le bon Dr Gabor Mate. Ce dernier m’a écrit :
« Même si les Bronfman et consorts ont leur rôle à jouer quand il
s’agit de tromper et d’embrouiller les gens – juifs et non-juifs – ils ne sont
que de la petite bière (métaphore délibérée) en comparaison avec les vrais
intérêts servis par la politique des Etats-Unis. Le véritable enjeu, pour les intérêts
stratégiques des grands trusts américains, est d’avoir un pitbull obéissant au
Moyen-Orient, doté de l’arme nucléaire, et assez agressif et nerveux pour
sauter à la gorge des Arabes au moindre signal, en cas de besoin – mais aussi,
suffisamment dépendant pour que l’on puisse raccourcir la laisse quand cela
devient nécessaire. Comme l’a dit un officiel du Département d’Etat, il y a
quelques années, "Israël, c’est notre porte-avions insubmersible au
Moyen-Orient". »
Si vous étudiez attentivement ces arguments, ils s’effondrent comme un
château de cartes. Les avions de guerre américains ne se posent pas sur ce
fameux ‘porte-avions’, même en cas de guerre. Ils ont des bases ailleurs, en
Arabie Saoudite, en Turquie, etc. Il n’y a pas si longtemps, Chypre était
qualifiée de ‘porte-avions insubmersible’, mais on a pu s’en passer très
facilement. L’obéissance n’est pas la qualité première de ce pitbull, comme
l’ont montré ses récentes fournitures d’armes à la Chine. Quant à la fidélité
de l’indéfectible allié israélien, il est permis d’en douter sérieusement.
Certains dirigeants israéliens évoquent ouvertement d’autres alliances, en
l’occurrence avec la Russie et sa communauté juive immensément riche et
puissante, car l’Amérique tire un peu trop sur la laisse, à leur goût.
D’aucuns expliquent la politique américaine par ‘les intérêts pétroliers’,
mais il n’y a pas de pétrole en Palestine. On ne peut envisager qu’Israël
intervienne en Arabie Saoudite ou en Iran pour défendre les intérêts pétroliers
américains, cela causerait une explosion généralisée dans tout le Proche et
Moyen-Orient.
L’idée d’un Israël ‘agent local’ ou ‘flic de quartier en patrouille’ ne
tient pas non plus la route. Je ne connais aucun trust américain dont les
affaires ne seraient pas plus florissantes en s’alliant par exemple avec la
Turquie, plutôt qu’avec Israël. Comme l’a écrit un analyste palestinien :
"la Turquie, par exemple, aurait été un bien meilleur partenaire, ce pays étant une puissance régionale ‘normale’ susceptible d’aider la politique américaine, tout en coûtant deux fois moins cher. Le fait que la Turquie soit un pays musulman pourrait également l’aider à avoir quelque prétention légitime à ‘dominer’ les pays arabes les plus faibles".
On peut ajouter que la Turquie était traditionnellement la puissance
dominante dans cette région, jusqu’en 1917, et qu’elle possède une armée très
importante et puissante, totalement dévouée aux Etats-Unis et à l’Occident. En
d’autres termes, l’idée d’un Israël larbin de l’impérialisme américain ne tient
pas debout. Edward Herman, coauteur avec Noam Chomsky de l’ouvrage Manufacturing
Consent [46] en convient :
"Le lobby juif, ici, est
extrêmement important. J’y avais consacré un chapitre, mais cela avait soulevé
les critiques de plusieurs personnes de gauche, qui avancèrent l’argument que
le lobby jouait un rôle beaucoup moins grand que les intérêts stratégiques
américains au Proche Orient. J’ai toujours pensé que le lobby était au moins
aussi important ; heureusement pour le lobby, ces intérêts et les siens
sont pour le moins conciliables."
Les moyens de s’attaquer au leadership juif autoproclamé doivent être
directs, imaginatifs et non-violents. Un bon exemple en a été donné par les
étudiants de Berkeley, héritiers des traditions de 1968. Ils ont construit deux
portails pour accéder au campus, un pour les Juifs et l’autre pour les
non-juifs, afin de donner aux Américains une petite idée des routes israéliennes
‘réservées aux Juifs’. J’imagine aisément des tas de gravats en travers des
allées des villas de messieurs Bronfman ou Foxman. En tant que bons juifs, ils
observent certainement la règle de Hillel l’Ancien et ne font donc pas à autrui
ce qu’ils n’aimeraient pas qu’on leur fît. Etant donné qu’ils approuvent les
barrages sur les routes palestiniennes, ils aimeraient sans doute qu’on les
traite de la même manière. Selon le même principe, étant donné qu’ils
soutiennent les colonies illégales, ils seraient ravis, n’en doutons pas, si
quelque personne compatissante voulait bien venir squatter leur appartement.
Je pense que des ‘sit-in’ de ce genre seraient hilarants. Ils
convaincraient sûrement beaucoup de bons Américains d’origine juive. Après
tout, leurs aïeux protestaient bien contre la suprématie blanche dans les Etats
du Sud. Maintenant, c’est au tour de leurs enfants de protester contre la
suprématie juive en Palestine ; ils pourraient le faire sans même avoir à
quitter leur ville ! Au lieu de ces tristes manifestations devant quelque
triste immeuble de l’administration fédérale, au lieu de dangereux
affrontements avec des soldats israéliens sur les collines d’al-Kader, les gens
du mouvement Not In My Name (Pas en mon nom), les Rabbis for Human
Rights (Rabbins pour les Droits de l’Homme), et autres, pourraient mener la
lutte contre le véritable ennemi, chez eux, dans leurs bons vieux Etats-Unis
d’Amérique. Ils devraient faire ça tous ensemble, avec d’autres militants
américains, y compris les Palestiniens exilés.
Cette expérience apportera la réponse à la question de l’influence du lobby
juif aux Etats-Unis et sur les événements en Palestine. Je pense que cela aura
de l’impact, si une réelle pression est exercée sur M. Bronfman et ses amis
ultra riches de la Sombra, pour les pousser à cesser leur guerre contre
les Palestiniens. Peut-être feront-ils signe au matador de renvoyer le taureau
à ses vaches, plutôt que de l’expédier chez l’équarrisseur ?
[Malgré de nombreuses réponses positives, aucun militant juif n’a osé
manifester contre sa ‘propre’ communauté. Ils ont appelé les Américains à
manifester contre le gouvernement et les ‘corporations’ aux noms bien
anglo-saxons, mais n’étaient pas prêts à faire ce pas eux-mêmes. Leur ligne
politique a grandement déçu et je pose à nouveau la question de l’influence
juive aux Etats-Unis.]
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Le nigaud de service
27 juin 2002
“Il faudrait décerner au président Bush le titre de Sioniste Emérite”,
grinça Tsahi
HaNegbi, brute devenue ministre, lorsque les paroles du président américain
eurent fini de résonner dans la chaleur moyen-orientale de cette fin juin.
“Non. Mieux que ça : il faudrait le coopter au comité directeur du
Likoud”, riposta le leader d’opposition Yossi Sarid. Le dirigeant travailliste
israélien Shimon Peres semblait encore plus idiot que jamais auparavant, Bush
l’ayant privé de son hochet préféré ; la “menace d’une intervention
américaine”. Peres et Sarid n’ont jamais pris la défense des droits humains des
Palestiniens, poussés par la sympathie ou la commune humanité, non. Ils ont
toujours préféré tromper leurs partisans au sein d’un électorat israélien au
nationalisme notoire : “Nous nous comporterions volontiers vis-à-vis des
Palestiniens et de leurs territoires aussi brutalement que le Likoud (la
droite), mais nous tenons à nos relations spéciales avec les Etats-Unis. Les
Américains ne le permettraient pas ; c’est pourquoi nous sommes contraints
à nous comporter en êtres humains”. Désormais, leur interprétation ‘tirée par
les cheveux’ ne tient plus debout. Les Américains s’en moquent. Ils ne
prennent ombrage d’absolument rien et encouragent même Israël à poursuivre sa
glissade inexorable vers le cauchemar fasciste.
Avec un sourire forcé, je parcours des e-mails et des articles de l’année dernière,
datant de l’époque où Bush Junior venait d’être élu président. Nombreux étaient
les pontes de droite à exprimer l’opinion que les Juifs avaient perdu, avec son
élection, leur ascendant sur la politique américaine. “Des Juifs au cabinet de
Bush ? Hou-hou, faites-moi peur !” se lamentait Phillip Weiss, de l’Observer.
Justin Raimondo, du site Antiwar.com, était aux anges devant ce qui
avait tout l’air d’être un revers pour les Juifs. Mais, quelques mois après
seulement, seulement, ils allaient être fixés : la suprématie
anglo-saxonne reconquise aux Etats-Unis n’était qu’un mirage. En procurant
judicieusement de l’argent à la fois aux Républicains et aux Démocrates, à
pratiquement tous les candidats, qu’ils soient de droite ou de gauche, les dirigeants
juifs sont capables d’influencer le choix des électeurs en faveur des candidats
qui ont leur préférence. Sans doute ne peuvent-ils pas faire nommer telle
personne en particulier à tel ou tel poste, mais ils peuvent jouer un rôle dans
la premier tour, à partir duquel le choix final, quel qu’il soit, importe assez
peu. Ils savent ce qu’ils veulent : ils préfèrent les nigauds de service,
des gens à l’intelligence, à la compétence et à la volonté limitées, d’une
moralité douteuse, qu’ils s’appellent Bush ou Gore, peu leur importe.
“Choisir un gouvernant faible”, telle est la règle du jeu pour la prise de
contrôle réussie d’un pays par une minorité ethnique ou religieuse. Règle à
appliquer dès lors que la ‘populace’ du dit pays n’est pas encore prête à
accepter ses vrais gouvernants. Dans Babylon 5 et d’autres films de
science-fiction, les extraterrestres préfèrent un Terrien mollasson comme homme
de paille. Ils ont appris ça dans l’histoire. Dans la seconde moitié du premier
millénaire, un immense Etat eurasien, la Khazarie, fit l’objet d’une prise de
contrôle de ce genre.
Les Khazars indigènes étaient gouvernés et protégés par les guerriers de la
noblesse turque, avec à leur tête le Khan, c’est-à-dire le roi. Durant les VIe,
VIIe et VIIIe siècles, ils accueillirent quelques vagues
d’immigrants juifs, venues tout d’abord de la Perse sassanide puis, plus tard,
de l’Irak abbasside et de l’empire byzantin. Les khans turcs, bienveillants et
tolérants, croyaient acquérir, en les recevant, des sujets utiles, intelligents
et diligents, mais très vite, ces nouveaux arrivants prirent le contrôle de la
Khazarie.
Pour un temps, ils conservèrent la façade du règne de l’aristocratie
khazare traditionnelle, en plaçant sur le trône des khans de plus en plus
faibles. En 803, le Juif Obadiah devint le véritable maître de la Khazarie,
tandis que le khan ‘Goy’ continuait à être montré au peuple, une fois par an,
en gage de légitimité du pouvoir d’Obadiah. Finalement, le dernier khan gentil
fut déchu, et la fiction du pouvoir khazar prit fin, tandis qu’un Beg juif
prenait ouvertement les rênes du pouvoir en Khazarie.
On avance souvent que les dirigeants juifs forcèrent les Khazars à se
convertir en masse au judaïsme. Le romancier juif Arthur Koestler pensait que
les Juifs modernes étaient les descendants de ces Khazars convertis au judaïsme[47]. Mais deux scientifiques russes
remarquables, l’archéologue Artamonov et l’historien Léon Gumilev[48], parvinrent après de longues recherches à
la conclusion que les Khazars ordinaires n’ont pas été convertis au judaïsme.
Les Juifs constituaient la classe dirigeante en Khazarie et, d’après Gumilev,
ils ne partageaient pas les postes à la Cour ou les responsabilités importantes
avec des ‘étrangers’ (non-juifs). Les Khazars devinrent ainsi les sujets d’un
pouvoir ethniquement et religieusement allogène. Ils devaient payer des impôts
pour entretenir l’armée et la police, et aussi pour financer une politique
étrangère des plus aventureuses. Ils finirent par perdre complètement leur
pays.
Les Juifs régnants s’en sont donné à cœur joie, mais durant fort peu de
temps : un siècle après leur prise de contrôle totale, l’empire khazar
achevait de se désintégrer. Des montages de ce genre ne durent pas, car ils
détruisent la base même du pouvoir sur lequel ils sont édifiés. Les Khazars
s’en moquaient ; ils ne profitaient pas de la fabuleuse richesse de l’empire.
Ils devinrent les Tatars et les Khazaks, et autres nations des steppes. Leurs
voisins ne pleurèrent pas la disparition de l’empire, fort enclin au génocide
et au commerce des esclaves. Les Juifs errèrent et finirent par s’éloigner du
bassin dévasté de la Mer Caspienne, s’enfonçant dans les profondeurs polonaises
et lithuaniennes, disparaissant de l’histoire pour un petit millénaire
d’hibernation.
Les Juifs de Khazarie avaient besoin d’un nigaud pour tenir le rôle du
Khan, car leur pouvoir était loin d’être assuré et, seul, un nigaud autochtone
pouvait accepter de satisfaire à leurs exigences. Le discours de Bush sur le
Proche-Orient a montré que ce scion d’une famille riche et puissante est
capable de se comporter comme un lapin pris dans les phares d’une voiture. Dès
cet instant, le sort de l’empire américain était scellé.
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Le Prince charmant
[Extraits de conférences données à l’Université Standford (Californie) et à l’Université américaine du Caire.]
15 juin 2001
“Mais que lui trouve-t-il donc ?” - murmurent entre elles les pimbêches jalouses. “Pourquoi l’inonde-t-il ainsi de cadeaux ? Qu’a-t-elle donc de plus que nous ? Elle lui coûte un fric fou. Elle abuse de sa patience. Elle lui a fait rompre avec ses vieux copains, et on sait bien pourquoi. Cette petite garce est prête à toutes les mesquineries. Mais lui, si avare de nature, il est là, toujours aux petits soins pour elle, rien n’est trop beau, il ne regarde pas à la dépense. Il prend toujours sa défense, rosse ses ennemis et intime le silence à ses critiques. Qu’y a-t-il donc derrière cette amourette, unique en son genre, entre cette fille de Sion du Proche-Orient, et Super-Power, le beau prétendant d’outre-Atlantique ?”
Cette question dépasse l’entendement. C’est une véritable invitation à
explorer les sources de la grande anomalie de notre époque. Comme l’exploration
des sources du Nil, au début du siècle dernier, cela exige la capacité de
regarder un lion au fond des yeux avec le mépris pour la mort du légendaire
chasseur blanc, ainsi que les talents de détective d’un Sherlock Holmes.
L’explication courante actuellement fait appel à en on ne sait quel
‘intérêt stratégique des trusts américains’ très vaguement défini, quelquefois
explicité en un désir des industries américaines de l’armement de vendre leur
quincaillerie aux Arabes. D’autres préfèrent invoquer le besoin pour l’Amérique
de disposer d’une base stratégique, d’un ‘flic en patrouille’ dans une région à
problèmes. Les idéalistes penchent pour l’explication par le sentiment de
culpabilité des Américains, dans l’ombre portée de l’Holocauste ou encore pour
une similarité entre mentalités (américaine et israélienne). Une autre école,
prolixe, explique l’anomalie par le pétrole. Le pétrole arabe doit être placé
sous contrôle américain, et qui pourrait être plus indiqué, pour faire ce
boulot, que les féroces Juifs hassidiques ?
Toutefois, cette école explique par le pétrole tout et n’importe quoi : que
ce soit l’intervention en Afghanistan, l’attaque prévisible contre l’Irak, la
tension entre l’Inde et le Pakistan, ou les troubles en Palestine. Cela me fait
penser aux philosophes de l’Antiquité grecque qui croyaient que l’univers était
constitué d’un seul élément de base.
Thalès disait : l’eau est à l’origine de toutes choses.
Anaximène disait : c’est l’air qui est à l’origine de toutes choses.
Héraclite disait : mais non ! Tout a pour origine le feu !
“Tout est pipeline”, proclament en chœur nos experts, dès que l’on discute
des raisons motivant la politique américaine au Proche-Orient. Cela semble
convaincant, tant que ne vous revient pas à l’esprit la réplique enjouée d’Afif
Safiyé, représentant plein d’esprit de l’Autorité palestinienne à Londres : “En
Palestine nous avons beaucoup d’huile ; d’huile… d’olive !”[49]
Pour mieux comprendre le charme sulfureux de cette fille de Sion, il
convient de se souvenir que l’Oncle Sam n’est pas le premier à faire la cour à
cette délurée. Avec les prédécesseurs de Bush - l’Empire britannique, de 1917 à
1922 puis l’Union soviétique, de 1945 à 1949 - nous avons au moins l’avantage
de tout connaître des détails croustillants et des motifs de ses premières
idylles. En effet, les archives ont été ouvertes, publiées et analysées par
d’excellents historiens et politologues. Il nous suffit de faire l’inventaire
des fruits de leurs travaux, pour comprendre pourquoi ces deux-là ‘en
pinçaient’ pour elle.
Le premier Prince charmant à avoir été vampé par la voix rauque et
enjôleuse de la Fille de Sion fut le Secrétaire au Foreign Office britannique,
Lord Balfour, qui promit de faire de la Palestine un foyer national pour les
Juifs. Ce faisant, la Grande-Bretagne trahissait les promesses qu’elle avait prodiguées
aux Arabes, s’emparait de la Palestine, imposait la domination juive sur le
terrain, tuait ou exilait tout dirigeant palestinien récalcitrant, détruisait
l’économie palestinienne et entraînait les troupes de choc des futures Forces
Israéliennes dites ‘de Défense’quant à la manière de ‘traiter’ les indigènes.
En retour, les Britanniques n’ont vraiment pas obtenu grand-chose. La
Palestine, ingouvernable, leur a coûté une fortune et leur a posé d’énormes
problèmes. La Perfide Albion fut honnie au Proche Orient. Des soldats et
officiers britanniques furent tués, tant par les Palestiniens que par les
sionistes, absolument insatiables.
L’explication traditionnelle du comportement des Britanniques est identique
à celle que l’on avance souvent aujourd’hui au sujet du soutien inconditionnel
des Etats-Unis à Israël. On parlait déjà, à propos des Britanniques,
d’impérialisme, de pétrole, d’enjeux stratégiques, de ‘diviser pour régner’ et
autres platitudes du même acabit (à l’exception, toutefois, de la culpabilité
et de l’holocauste, puisqu’il est ici question d’événements survenus bien avant
Hitler). Mais la très riche et méticuleuse “Recension des documents officiels,
mémorandums et lettres des dirigeants en poste à Londres et en Palestine”, dans
les années décisives de 1917 à 1922, contient, en tout et pour tout, une seule
référence à l’importance de la Palestine pour l’Empire, telle que la
percevaient les gouvernants britanniques : “la Palestine n’a aucune valeur
stratégique, de quelque point de vue qu’on l’examine”[50]. Dans la table des matières, le mot
‘pétrole’ ne figure pas.
Dans les conversations privées derrière les portes capitonnées de
Whitehall, on ne trouve pas la moindre trace du désir impérialiste de diviser
pour régner. Bien au contraire, les dirigeants britanniques “anticipent de gros
ennuis de la part des sionistes” (Général Allenby). Comme le dit Lord Cecil,
dans une formule délicieuse, “nous (les Britanniques) n’obtiendrons rien de
cela [la possession de la Palestine]”. Les Britanniques n’avaient nul besoin de
la Palestine. Tout ce qu’ils désiraient, c’était s’en débarrasser. Mais ils
n’osaient pas le faire. Les archives intitulées ‘Palestine Papers’ font un sort
à l’explication par l’impérialisme, et au facteur ‘pétrole’, en ce qui concerne
la liaison tumultueuse entre les sionistes et l’Empire britannique.
Aujourd’hui, l’écrivain israélien de talent Tom Segev propose une motivation
très différente, dans son best seller One Palestine, Complete[51]. Publié en anglais l’année dernière, cet
ouvrage a été encensé par les grands pontes juifs américains. Ils le trouvèrent
“extrêmement bien documenté” (Jewish Week), “fascinant” (Hadassa
Magazine), “un phare de l’information” (Houston Jewish Herald),
tandis qu’un grand admirateur de Sharon, Ron Grossman, du Chicago Tribune,
y allait carrément de son “Brillantissime. Un récit absolument fascinant sur
cette période cruciale”.
Segev, dans son bouquin, ne mâche pas ses mots. Rejetant catégoriquement
les explications liées à la stratégie pétrolière il affirme, d’entrée de jeu :
“l’Angleterre a fait le coup [de créer le “foyer”] parce qu’elle était
convaincue de la grande capacité des Juifs, dans le monde, à exercer une
influence décisive sur les événements mondiaux, tant aux Etats-Unis que dans la
Russie révolutionnaire. Le gouvernement britannique en était arrivé à la
conclusion que oui, cela valait le coup de conquérir la Palestine et de la
donner aux sionistes après en avoir supprimé la population et, cela, afin
d’entrer dans les bonnes grâces de la Juiverie mondiale”.
Le Premier ministre de l’époque, Lloyd George, ‘avait peur des Juifs’. Dans
ses mémoires, il a expliqué sa décision capitale d’apporter le soutien de la
Grande-Bretagne aux sionistes par le besoin impérieux de conclure une alliance,
‘un contrat avec la Juiverie’, “ce pouvoir extrêmement influent dont les bonnes
grâces valaient leur pesant d’or”, et cela, pour rien moins que remporter la
guerre. “Les Juifs avaient la ferme intention de donner à la Première guerre
mondiale l’issue [qui leur conviendrait]. Ils ont été capables de pousser les
Etats-Unis à l’intervention et, en tant que réels marionnettistes tirant les
ficelles de la révolution russe, ils ont également réussi à contrôler
l’attitude de la Russie vis-à-vis de l’Allemagne. Les Juifs se vendirent au
plus offrant. N’eût la Grande-Bretagne surenchéri, les Allemands auraient
emporté l’affaire.”
Le rusé Lloyd George fonde son opinion sur les rapports sans équivoque
d’ambassadeurs britanniques. “L’influence des Juifs est très grande”, notait
ainsi son homme à Washington. “Ils sont très bien organisés, particulièrement dans
la presse et dans la finance, et leur influence dans le monde politique est
considérable”. L’ambassadeur britannique en Turquie rapportait qu’un réseau
international de Juifs constituait le pouvoir réel derrière la révolution
d’Atatürk. Le sous-secrétaire au Foreign Office, Lord Cecil, dans son style
inimitable, résuma bien la situation : “Je ne pense pas qu’il soit possible
d’exagérer le pouvoir des Juifs au plan mondial”. L’Institut Royal des
Relations Internationales a pu affirmer que “la sympathie des Juifs était
décisive pour remporter la victoire”.
Les Juifs partageaient totalement cette vision d’une Juiverie unie et
puissante, écrit Segev. Herbert Samuel, juif, sioniste et ministre britannique
des postes, proposa en 1915 de donner la Palestine aux Juifs “afin que des
millions de Juifs, dispersés partout dans le monde, y compris les deux millions
de Juifs vivant aux Etats-Unis, soient éternellement reconnaissants envers
notre pays”. (Cette gratitude ‘éternelle’ dura, en réalité, moins de vingt ans ;
jusqu’au déclenchement de la terreur sioniste anti-britannique). Usant d’une
litote au charme bien anglais, Samuel écrit, “s’attirer les bonnes grâces de
l’ensemble de la gent juive, voilà un jeu qui pourrait bien s’avérer en valoir
la chandelle”.
Le dirigeant sioniste Chaim Weizmann “fit de son mieux afin de renforcer
cette impression”, écrit Segev. Il “renforça le mythe du pouvoir juif ainsi que
la propension des Britanniques à voir les Juifs partout et derrière tout
événement décisif”. Mais les Anglais ne mordirent résolument à l’hameçon qu’en
1917, leur situation militaire étant totalement désespérée. Le front russe
s’était effondré à cause des Bolcheviks et les Allemands avaient transféré des
divisions sur le front ouest. La Grande-Bretagne décida alors d’en passer par
l’entremise des Juifs afin que ceux-ci poussent l’Amérique à intervenir dans la
guerre en Europe.
Bon, d’accord, Tom Segev n’a pas découvert l’Amérique,
mais il a introduit un instrument d’analyse qui faisait cruellement défaut,
celui de ‘la perception’. Très judicieusement, il ne dit pas, “les Juifs
exerçaient un tel pouvoir que les Britanniques ont préféré traiter avec eux et
leur livrer la Palestine, fût-ce au prix du sacrifice de milliers de soldats
britanniques et de millions de Palestiniens”. Non, l’écrivain israélien Tom
Segev utilise une formule parfaitement acceptable, même pour les officiers les
plus sévères du Bureau de Vérification du Politiquement Correct. Il écrit que
le facteur décisif n’était pas le ‘pouvoir juif’, mais “la perception qu’un
pouvoir juif existât”, “la croyance en un pouvoir juif (présumé)”. Il en va en
cette matière comme en matière de croyance en l’existence de la sorcellerie.
Son nouvel outil d’analyse et ses applications nous permettent de continuer à
traiter du sujet qui nous préoccupe tranquillement, en laissant pour l’instant
de côté la question connexe, mais troublante, de la réalité par rapport à la
perception, sujet d’un autre débat.
La perception (que les gens ont) d’une chose est tout aussi importante que
cette chose elle-même, en tant que réalité, a expliqué l’humoriste Mark Twain
dans sa nouvelle Une facture d’un million de livres. Le héros américain
de cette histoire est pris unanimement pour un milliardaire, bien qu’il n’ait
pas un penny vaillant. Et il continue à amasser des millions, grâce à cette
réputation.
Une critique du livre de Tom Segev, publiée dans le New York Times,
décrit Balfour et les autres soutiens des sionistes comme “agissant poussés par
des sentiments antisémites”. C’est là une définition intéressante : même de
dévoués sionistes chrétiens, qui ont soutenu jusqu’au bout l’Etat juif, sont
jugés ‘antisémites’, dès lors qu’ils ont la perception d’un pouvoir des Juifs
et qu’ils y font référence. Avant la Seconde guerre mondiale, était antisémite
qui considérait le pouvoir des Juifs comme un phénomène négatif. Après la
guerre, on n’était innocent qu’à condition de ne même pas remarquer que
quelqu’un était juif. C’est pourquoi il aurait été très malaisé de tenir ouvertement
des propos sur l’étendue réelle du pouvoir juif, sans filet de protection, de
même qu’il est très difficile, comme on sait, de mesurer et de démontrer une
influence quelle qu’elle soit. Aucun réseau de télévision ni aucun journal du
monde occidental n’oserait se saisir de ce sujet, même avec des pincettes.
Segev se ‘couvre’ encore davantage en attribuant aux Britanniques la
conviction baroque d’un “contrôle des Juifs sur le monde”[52]. Aucune personne sensée, de Lloyd George
à Hitler, n’a jamais pensé cela. Le monde est bien trop étendu et
complexe ; nul ne saurait le contrôler. Mais généralement l’attitude des
apologistes juifs consiste à attribuer cette accusation outrée à leurs
adversaires, pour, ensuite, la réfuter et considérer que le cas est entendu.
Avec nous, ça ne prend pas ! Nous allons laisser le dossier ouvert encore
quelque temps.
Segev ne dit pas comment des politiciens et des hauts fonctionnaires
britanniques perspicaces ont pu succomber à une telle illusion, ni pourquoi ils
se sont cantonnés aux Juifs, et n’ont pas attribué une ‘influence mondiale
déterminante’ aux guérisseurs de l’Afrique de l’Ouest ou aux maîtres taoïstes
chinois. Cette lacune est comblée par un épais volume du Professeur Alfred S.
Lindemann, de l’Université de Californie, intitulé Les Larmes d’Esaü[53].
Dans cette somme, Lindemann fait allusion à la guerre russo-japonaise de
1905, qui avait vu Jacob H. Schiff, un financier américain, bloquer la
tentative russe d’obtenir des bons du trésor sur le marché mondial, afin de
financer l’effort de guerre de la Russie. En revanche, il avait soutenu la
demande de prêt du Japon, ce qui eut pour résultat final la défaite humiliante
de la Russie. Par la suite, Schiff s’est vanté de son haut fait, disant que “la
Juiverie internationale représentait un pouvoir, finalement”[54].
Simon Wolf, autre dirigeant américain juif important, confident de
plusieurs présidents des Etats-Unis, fit la leçon aux Russes : “Les Juifs, dispersés
dans le monde entier, le contrôlent en grande partie. Il est inutile de tenter
de dissimuler le fait qu’aux Etats-Unis les Juifs jouent un rôle important dans
la formation de l’opinion publique et dans le contrôle des finances. Ils
exercent, en permanence, une influence très puissante”.
En 1905, après la guerre russo-japonaise, leurs fanfaronnades furent
admises comme reflétant la stricte réalité. Winston Churchill et Théodore Herzl
étaient intimement convaincus que la Juiverie internationale avait un pouvoir
énorme dans le domaine des relations internationales. Le professeur Lindemann
conclut ainsi : “ils n’avaient pas tort lorsqu’ils pensaient que les Juifs
représentaient un pouvoir (dont ils devaient tenir le plus grand compte) dans
le monde, en pleine expansion de surcroît, tout particulièrement en raison de
l’influence qu’ils étaient en mesure d’exercer aux Etats-Unis, nouvelle grande
puissance émergente.”
Lindemann avance l’hypothèse selon laquelle la déclaration Balfour était
motivée par la crainte (tant de Balfour que du président américain Wilson) que
les Allemands ne les devancent en faisant une déclaration comparable, ralliant
ainsi des Juifs influents à la cause des Empires centraux et anéantissant
l’effort de guerre anglo-américain[55]. C’est la raison pour laquelle les
Anglais se sont empressés de surenchérir afin d’écarter d’autres acquéreurs
potentiels de l’influence juive (réelle ou fantasmée).
Débattre ou déterminer si les Juifs ont vraiment livré la marchandise,
conformément à leurs engagements, voilà qui sort de notre propos. Il suffit de
dire que tout semble en effet l’indiquer. L’Amérique a effectivement lancé ses
troupes toutes fraîches sur les champs de bataille européens, les troupes
allemandes harassées ont été vaincues, et le traité de Versailles a scellé le
sort tant de l’Allemagne que de la Palestine. Les bonnes relations ancestrales
entre Juifs allemands et Allemands furent ruinées de manière irrévocable par
l’alliance apparente des Juifs avec les ennemis de l’Allemagne. Finalement, ce
sont des Juifs ordinaires, des Allemands ordinaires et des Palestiniens
ordinaires qui durent payer le coût terrible des ambitions du leadership juif
américain.
Les Britanniques n’osèrent pas tricher avec les Juifs après la guerre, car
ils étaient menacés d’une possible désertion juive, à nouveau. Cette fois, au
profit la Russie. Le général McDonogh, chef du Service du Renseignement
Militaire britannique, avertit les hautes sphères administratives de l’Empire :
“Le plus important, en Palestine, ce n’est pas les relations topographiques
avec la Syrie ou je ne sais quoi. Non, ce qui est fondamental, c’est qu’elle
intéresse tous les juifs, partout dans le monde. Les sionistes me disent que si
les Juifs n’obtiennent pas ce qu’ils veulent en Palestine, nous les verrons
tous se faire bolcheviks et soutenir le bolchevisme dans tous les autres pays,
comme ils l’ont fait en Russie”[56].
Tout récemment, les dirigeants de la droite israélienne, en particulier
Sharon, Liebermann et Netanyahou, ont déclaré à plusieurs reprises que “si le
peuple juif n’obtient pas ce qu’il réclame en Palestine”, ils accorderont leur
soutien au président russe Vladimir Poutine. Deux ou trois visites de ministres
israéliens en Russie ont été suffisantes pour forcer les dirigeants américains
à réaffirmer leur engagement vis-à-vis d’Israël, alors que cette menace
d’abandonner les Américains pour soutenir Poutine n’était qu’un bluff.
Maintenant, pour la première fois depuis des siècles, les Juifs ont perdu leur
réputation d’être en position de courtiers entre deux grandes puissances. La
Russie de Poutine n’est pas assez forte pour menacer l’Amérique ; la gauche
radicale est plutôt faible, et ne dispose pas de personnalité juive connue
comme telle ; de plus, les juifs européens ne se sont jamais remis de la
Seconde Guerre mondiale.
Les dirigeants israéliens ont la chance (ou/et le talent)
d’avoir affaire à des Etats-Unis dirigés par ce nigaud de Bush, et non par des
gens de la stature d’un Nixon ou d’un Lord Curzon, l’homme qui déclara, en mars
1920 :
“Les sionistes veulent un Etat juif avec les Arabes comme bûcherons et
porteurs d’eau. Moi, je veux laisser aux Arabes leur chance dans la vie. Et je
ne veux pas d’un Etat juif !” [57]
Mais Nixon a été écarté du pouvoir après la campagne du Washington Post
que l’on sait, et Lord Curzon a péri dans des circonstances non élucidées à ce
jour.
Comme celui-ci l’avait prédit, l’Empire britannique ne tira rien de bon de
son marché avec les Juifs, même à moyen terme. La victoire britannique sur
l’Allemagne, en 1918, fut une victoire à la Pyrrhus, car elle ne fit
qu’accélérer le déclin de l’Empire. Nombreux furent les politiciens à
grommeler, suggérant qu’au lieu de mendier le ralliement des sionistes et de
rechercher à tout prix la victoire en 1915-1917, les Britanniques auraient bien
mieux fait de conclure une paix séparée avec l’Allemagne.
La domination britannique en Palestine ne rapporta à l’Angleterre aucune
influence, aucun profit, aucun avantage stratégique. Elle ne lui valut même pas
le soutien des Juifs, ne parlons pas de leur gratitude. L’establishment juif
organisé soutint l’Amérique, les communistes juifs soutinrent la Russie
révolutionnaire, tandis que les Juifs de droite louchaient en direction de
Mussolini et d’Hitler à la recherche d’inspiration et d’assistance.
Les organisations terroristes sionistes Hagana, Irgun et Stern humilièrent,
terrorisèrent et assassinèrent moult soldats, officiers et hommes d’Etat
britanniques. Très rapidement, les Anglais comprirent qu’ils avaient fait une
énorme erreur en concluant leur marché avec les Juifs. Ils découvrirent à leurs
dépens, comme bien des dirigeants avant eux, et aussi après eux - y compris
Yasser Arafat - qu’il faut avoir une cuillère très très longue, si l’on veut
manger dans le même pot que le Diable.
Ainsi se termina l’idylle entre le Prince charmant britannique et la Fille
de Sion. Mais celle-ci ne resta pas longtemps esseulée. Joseph Staline prit
très vite la place abandonnée par le chevalier servant britannique. Entre 1945
et 1949, l’Union soviétique devint le puissant soutien et protecteur de l’Etat
juif balbutiant. La Russie vota en faveur du partage de la Palestine, fut le premier
Etat à reconnaître Israël, et le principal fournisseur d’armes des sionistes (à
travers leur satellite tchèque), tandis que l’Occident imposait son blocus à la
partie palestinienne. Finalement, l’admirateur russe laissa tomber sa Dulcinée,
comme son prédécesseur britannique, et se remit à soutenir la cause
palestinienne. L’étrange zigzag de la politique russe intrigua les politiciens
et les universitaires, qui proposèrent des explications on ne peut plus
prévisibles : le désir de Staline d’avoir un pied-à-terre au Proche Orient, la
croyance des Soviétiques en des sympathies pro-communistes des Juifs en
Palestine, les tentatives de la Russie pour saper l’impérialisme britannique,
l’inévitable pétrole et les incontournables ‘expansionnisme’ et ‘impérialisme’
(soviétiques).
Toutes ces explications semblent plausibles. Pour nous, Israéliens, la plus
recevable est celle qui établit un lien entre la Russie et la gauche
israélienne. En 1948, les combattants du Palmach imitaient l’Armée rouge et
chantaient des hymnes russes ; certains avaient un passé de communiste russe ou
polonais. Les géo-stratèges préféraient la thèse d’une Russie en quête d’un
débouché sur la Méditerranée, tandis que les politologues traitaient la
question comme une lutte pour le pouvoir au Proche Orient, entre l’ours russe
et le lion britannique.
Nous ne savons pas quelle est la réponse exacte. Mais, l’an dernier, les
ministères soviétique et israélien des Affaires étrangères ont publié
conjointement, à Moscou et à Tel-Aviv, deux lourds volumes (j’en sais quelque
chose, j’ai dû les trimballer) réunissant des documents relatifs à cette
période de l’histoire. Ils contiennent des lettres secrètes et confidentielles
écrites et reçues par Staline et donnent une vision complète de la Saga du Deuxième
Prétendant.
“Oui, notre soutien à l’Etat sioniste représente une rupture totale avec
notre longue tradition soviétique de soutien aux mouvements anti-coloniaux et
anti-impérialistes. Oui, notre décision est appelée à empoisonner nos relations
avec le monde arabe. Certes, elle va réduire le peuple de Palestine en
esclavage. Mais cela peut faire pencher les juifs américains en faveur de
l’Union soviétique. Alors, les juifs américains nous livreront l’Amérique sur
un plateau !” Voilà le véritable raisonnement de Staline et ses hommes.
En ces années-là, les fortes sympathies des juifs américains pour la cause
soviétique ont occasionné le procès des Rosenberg, et le sénateur McCarthy a
senti qu’il y avait quelque chose dans l’air. Staline, comme avant lui les
British, ne se souciait guère du sort de la Palestine. Il ne voyait pas dans
l’Empire britannique un ennemi important - après deux guerres mondiales,
l’Angleterre était en effet complètement ruinée. Staline n’était pas intéressé
par le pétrole. Il pensait, comme les Anglais, conclure un pacte avec la
Juiverie, donner aux Juifs ce qu’ils réclamaient afin d’obtenir leur soutien en
retour.
Il lui fallut quelque temps pour comprendre son erreur. L’homme fort
d’Israël, David Ben Gourion, désabusa ses puissants amis de Moscou en insistant
sur le fait que le premier et principal ami et maître d’Israël restait
l’establishment juif américain. Lorsque le premier ambassadeur d’Israël en URSS
arriva à Moscou - une certaine Mme Golda Meir, il fut donné à Staline
d’assister à des manifestations ahurissantes de solidarité juive. Les épouses
juives de commissaires du Kremlin, de Mme Molotov à Mme Machin-Bidule, se
précipitèrent, en larmes, à la rencontre de Mme Meir. On aurait dit que
celle-ci était leur sœur, et qu’elles ne s’étaient plus revues depuis des
années ! Les Juifs occupaient en Russie de nombreux postes extrêmement
importants, et des milliers d’entre eux se pressaient dans les rues moscovites,
devant l’ambassade israélienne. Staline espérait que son soutien à Israël lui
aurait permis de charmer les esprits des Juifs américains. Mais, loin d’obtenir
la cinquième colonne qu’il ambitionnait de créer à New York, il n’avait fait
que laisser les Américains, à travers leur allié israélien, activer leur
cinquième colonne à Moscou. Staline avait totalement sous-estimé la mainmise
qu’Israël exerce sur les mentalités juives. Il contempla l’étendue du désastre
et battit en retraite, dès qu’il le put.
Ainsi, deux anciens partenaires importants de l’Etat juif
l’avaient soutenu parce qu’ils percevaient l’influence juive en Amérique comme
une sorte de manette qui leur permettrait de contrôler cette super-puissance.
Ils pensaient, “donnez aux Juifs ce qu’ils veulent (la Palestine) et ils vous
donneront ce que vous voulez (l’Amérique)”. Qu’il ait été question de réalité
ou de simple perception, ils ont fini par s’en mordre les doigts.
Dans un récit anglais classique, La patte de singe, un objet magique
accomplit les désirs de son propriétaire, mais d’une manière si horrible que
celui-ci a toutes les raisons de regretter de lui avoir demandé ce service.
L’alliance avec les Juifs eut le même effet. Les demandeurs obtinrent ce qu’ils
demandaient, la victoire dans la guerre de 1914-1918 ou une position pro-russe
des Juifs américains, mais ils finirent par le regretter amèrement.
Il n’en demeure pas moins que la croyance en un pouvoir des Juifs est
extrêmement répandue parmi les élites mondiales. C’est d’ailleurs la raison
pour laquelle de nombreux pays envoient à Tel-Aviv leurs meilleurs
ambassadeurs, parmi les plus expérimentés. Le poste est en général pour eux le
marchepied leur garantissant une nomination à Washington.
C’est aussi pourquoi, lorsqu’un pays désire supplier Washington de lui
accorder quelque faveur, il commence par envoyer un messager à Tel-Aviv. Les
Israéliens transmettent la supplique aux responsables adéquats, aux Etats-Unis,
et apparemment, cela fonctionne.
Cette croyance est très répandue aux Etats-Unis également. De nombreux
politiciens américains soutiennent Israël parce qu’ils partagent l’avis de
Lloyd George et de Herzl. Bien entendu, ils respectent aussi la condition
imposée expressément par les héritiers de Jacob Schiff et ne mentionnent
jamais, à aucun prix, les mots qui tuent de “pouvoir juif”. Dans ce monde
libéré des derniers tabous, un nouvel Henri Miller ne choquerait pas ses
lecteurs en parlant de sexe, mais il y parviendrait en traitant des Juifs et de
leur puissance invisible.
S’agit-il d’une simple perception ? Peut-être. Mais les élites
traditionnelles américaines la paient doublement : ils envoient leurs
concitoyens mener la troisième grande guerre des cent dernières années pour
défendre les intérêts de quelqu’un d’autre, et leur position dominante
s’effrite de jour en jour. Cette ‘perception’ saigne à blanc l’Irak et la
Palestine, fait affluer des finances en Israël et pervertit le discours public.
Mark Twain n’avait pas tort de dire que l’image perçue peut s’avérer aussi
importante que la réalité.
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Orient Express
14 septembre 2001
[Ecrit après
l’attaque du 11 septembre et publié quelques jours plus tard.]
Tels les Quatre Cavaliers de l'Apocalypse, des kamikazes anonymes ont
atteint, à bord de leurs vaisseaux géants, les deux symboles visibles de la
domination mondiale américaine, Wall Street et le Pentagone. Ils se sont abîmés
dans les flammes et la fumée et nous ne savons toujours pas qui ils sont.
Théoriquement, ils pourraient être n'importe qui : des nationalistes
américains, des communistes américains, des chrétiens intégristes américains,
des anarchistes américains, toute personne qui rejette les dieux jumeaux du
dollar et du M-16, qui hait la bourse et les interventions militaires
américaines, qui rêve de l'Amérique aux Américains, qui ne veut pas soutenir la
politique d'hégémonie mondiale. Ils pourraient être des Amérindiens reprenant
possession de Manhattan ou des Noirs américains qui n'ont toujours pas été
indemnisés pour l'esclavage.
Ce pourrait être aussi des étrangers de n'importe quel pays, puisque Wall
Street et le Pentagone ont ruiné d'innombrables vies dans le monde entier. Les
Allemands se souviennent de l'holocauste féroce de Dresde où des centaines de
milliers de réfugiés pacifiques ont été réduits en cendres par l'aviation
américaine. Les Japonais se souviennent, évidemment, de l'holocauste nucléaire
d'Hiroshima. Le monde arabe ne s'est pas remis du terrible holocauste de l'Irak
et de la Palestine. Les Russes et les Européens de l'Est ont l'impression que
la honte de Belgrade est vengée. Les Américains du Sud pensent à l'invasion
américaine au Panama et à la Grenade, à la destruction du Nicaragua et à la
défoliation de la Colombie. Les Asiatiques comptent en millions les morts de la
guerre du Vietnam, des bombardements cambodgiens et des opérations de la CIA au
Laos. Même un présentateur de télévision pro-américain, en Russie, n'a pu
s'empêcher de dire que "maintenant, les Américains commencent à comprendre
les sentiments de Bagdad et de Belgrade".
Les Cavaliers pourraient être tout individu dont les banquiers ont saisi la
maison, qui a été chassé de son emploi pour devenir chômeur à perpétuité, qui a
été déclaré Untermensch par le nouveau Herrenvolk. Ils pourraient
être russes, malaisiens, mexicains, indonésiens, pakistanais, congolais,
brésiliens, vietnamiens, car dans chacun de ces pays, l'économie a été détruite
par Wall Street et le Pentagone. Ils pourraient être n'importe qui car ils sont
tout le monde. Leur identité n'a aucune importance car c'est ce qu'ils ont à
dire qui compte et cela, on le lit, sans doute possible, dans les cibles qu'ils
ont choisies. Je me demande si le Quatrième Cavalier était en route pour
Hollywood ou pour le Washington Post.
En outre, comme les dirigeants juifs ont déjà décidé que c'était forcément
des Arabes, leur identité n'a définitivement plus aucune importance. On
pourrait s'attendre, après l'affaire de l'attentat en Oklahoma, à plus de
prudence dans les accusations. Mais les hommes politiques israéliens, mes compatriotes,
sont plutôt impatients. Les flammes de Manhattan n'étaient pas encore éteintes
qu'ils avaient déjà commencé à engranger les profits politiques. Ehoud Barak
est apparu à la BBC où il a nommé "Arafat" dans un délai de cinq
minutes. Son alter ego Netanyahou, à CNN, a immédiatement accusé les
Arabes, les Musulmans et les Palestiniens. Shimon Peres, vieux renard rusé
posant au psychiatre-conseil, s'est prononcé contre le suicide, en rappelant à
son auditoire les attaques palestiniennes. Il avait l'air soucieux : il est
très difficile de réduire en esclavage ceux qui ne craignent pas la mort.
L'assassin chevronné de Cana a même cité les Evangiles. A ce moment-là, la
proportion d'Israéliens présents sur les chaînes de télévision frisait la
saturation. Ils insinuaient et ils insistaient, agitant leur liste de
commissions à la face d'une Amérique pétrifiée et défigurée par la terreur :
"Siou plaît, détruisez l'Iran ! Et l'Irak ! Et la Libye, siou
plaît !
La première journée, où la scène a été occupée exclusivement par l'affaire,
a été mise à profit au maximum par la propagande juive. Avant même qu'un seul
fait soit établi, la calomnie anti-arabe battait son plein. Alors que nous, les
juifs, avons le droit de protester quand on met en avant la judéité d'un voyou,
nous nous sentons parfaitement autorisés à émettre des propos d'un racisme
révoltant. Un militant d'une grande noblesse d'esprit le disait ainsi
sur la liste de discussion al-Awda : "Si une association se permet des
généralisations et des insinuations à propos des ‘Juifs’, elle perd
immédiatement toute légitimité et se trouve ostracisée". Mais comment se
fait-il que les mêmes généralisations et insinuations faites à propos des
Arabes ne fassent pas perdre leur légitimité et ne frappent pas d'ostracisme
les associations ou les journaux juifs qui les profèrent ? Apparemment, les
Juifs ont le droit de décider qui doit être ostracisé en Amérique.
La relation était déjà présente dans tous les esprits, étant donné
qu'Israël n'est qu'un microcosme de leur ‘meilleur des mondes’ de la
mondialisation. Comme il n'y a pas le moindre indice incriminant les
Palestiniens, les Israéliens et leurs agents des chaînes de télévision
occidentales ont tiré tout ce qu'ils pouvaient, et bien plus encore, des scènes
de réjouissance prétendument enregistrées à Jérusalem. C'est un pur mensonge.
Personne ne se réjouit de la mort de civils innocents, mais on peut très bien
se réjouir de l'effondrement d'un symbole haï. On célèbre la fin de la guerre
le 11 novembre et non la mort d'Allemands ou de Japonais. Quand les Américains
se sont réjouis d'avoir ‘atteint leur cible’ à Bagdad en 1991, c'est de leur
succès qu'ils jouissaient et non de la délicieuse odeur de chair humaine
brûlée.
Les prétendues réjouissances palestiniennes ne sont qu'un instrument de
lavage de cerveau sorti tout droit de la boîte de propagande nazie. Elles
rappellent une autre invention juive, celle des Palestiniens envoyant leurs
enfants à la mort pour en tirer profit. Ces deux mensonges sont si inhumains et
insultants qu'ils n'atteignent que leurs auteurs. Je suis navré pour les
Palestiniens, le peuple le plus humilié de la Terre, je suis encore plus navré
pour les Américains qui absorbent les poisons distillés par leur presse. Ils ne
se rendent pas compte que les agents israéliens cherchent à tirer un bénéfice
de la mort d'Américains. Oubliez les Palestiniens, il y a eu des explosions de
joie dans le monde entier.
Dans le roman d'Agatha Christie, Le crime de l'Orient Express, le
célèbre Hercule Poirot est confronté à une situation qui sort de l'ordinaire :
tous les passagers du train avaient un excellent motif pour trucider
l’antipathique vieil homme. Chers amis américains, vos dirigeants ont placé
votre grand pays dans la même situation que ce vieillard.
Les Israéliens ont tiré tout ce qu'ils pouvaient tirer de l'événement : ils
ont tué vingt Palestiniens, dont une fillette de neuf ans, ils sont entrés avec
leurs chars dans Jénine et Jéricho et ils ont détruit plusieurs maisons de Goys
à Jérusalem. Les comptes rendus ont été plutôt joyeux, sur le thème ‘on vous
l'avait bien dit’ et les spécialistes des chaînes de télévision israéliennes
ont conclu, dès treize heures, que l'agression "était bonne pour les
Juifs". C'est excellent, a dit Netanyahou. Pourquoi ? Parce que le soutien
des Etats-Unis à Israël allait s'en trouver renforcé.
L'attaque-suicide pourrait très bien avoir cette conséquence. Les
Etats-Unis pourraient entrer dans une nouvelle escalade de violence dans leurs
relations difficiles avec le monde entier ; la vengeance répondrait à la
vengeance jusqu'à ce qu'un des camps soit anéanti par une explosion nucléaire.
Il semble que ce soit l'option choisie par le président Bush. Il a déclaré la
guerre à ses adversaires et à ceux d'Israël. Il n'a pas compris que les
Etats-Unis avaient déclaré la guerre il y a très longtemps, et qu'aujourd'hui
cette guerre atteignait le territoire américain. Il y a tellement de gens
dégoûtés par l'attitude américaine que le compte à rebours pour la prochaine
attaque a certainement déjà commencé.
Les Etats-Unis pourraient aussi considérer ce coup douloureux porté à Wall
Street et au Pentagone comme l'ultime occasion de se repentir. Ils pourraient
changer de conseillers et construire leurs relations avec le monde entier sur
de nouvelles bases égalitaires. Il faudrait sans doute qu'ils mettent au pas
les dirigeants juifs de Wall Street assoiffés de domination, ainsi que la
presse. Il faudrait aussi qu'ils rompent avec l'apartheid israélien. Ils
pourraient alors redevenir l'Amérique universellement aimée, plutôt
provinciale, de Walt Whitman et Thomas Edison, d'Henri Ford et d'Abraham
Lincoln.
Le président Bush a désormais le choix entre la vengeance qui anime
l'Ancien Testament et l’amour du prochain qui inspire le Nouveau.
[Bien,
vous savez maintenant quel a été son choix, ou celui de ses conseillers :
l’attaque de l’Afghanistan et la future guerre contre l’Irak.]
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Derniers feux de l'été
24 septembre 2002
[Ce texte est inspiré d'une conférence donnée à Trondheim – Norvège.]
En des jours meilleurs, j'aurais sauté sur l'occasion de bavarder avec vous
jusqu'à plus soif. Et pourrait-il y avoir occasion meilleure que la
présentation de mon livre, traduit en norvégien ? En homme prolixe, venu de
Jaffa, j’aurais déroulé, pour vous, les écheveaux infinis des liens qui
unissent la Terre sainte et les pays nordiques, des Vikings aux négociations
d'Oslo. Les anciens Nordiques, vos ancêtres, Vikings ou Varangs, comme on les
appelait au Proche- Orient, étaient enrôlés par les empereurs de Byzance pour
protéger la couronne, et tous, sans exception, faisaient le pèlerinage de
Jérusalem - pour eux, Jorsala - puis ils poussaient plus loin, jusqu'au
Jourdain, et seulement après, se lançaient dans de nouvelles expéditions. L'un
d'entre eux, le roi Nordique Harald Hardrada, alla certes à Jorsala-borg, mais
il omit d'aller piquer une tête dans les eaux du Jourdain. Mal lui en prit,
puisqu'il fut tué à Stamford Bridge, lors d'une tentative avortée de prendre le
contrôle de l'Angleterre. Saint Olaf, votre roi et votre saint patron national,
enterré à quelques centaines de mètres d'ici, dans la cathédrale de Nidaros,
est vénéré, encore aujourd'hui, en Palestine. La semaine passée, j'ai vu une
paysanne palestinienne prier, dans la Basilique de Bethléem, au pied de la
fresque médiévale colorée représentant saint Olaf. Peut-être priait-elle pour
la Norvège, en échange des efforts des volontaires civils norvégiens, dont
l'action permet de sauver sa maison ?
En des temps meilleurs, je vous aurais raconté en détail l'histoire de mon
pieux ancêtre, le Rabbin Jacobson qui, ayant quitté notre maison familiale de
Tibériade, au bord de la Mer de Galilée, mit le cap sur Trondheim, capitale
spirituelle nordique, pour diriger, de là, la communauté juive de Norvège. Je
vous aurais aussi parlé de tout ce qui me rattache à la Norvège et à la Suède,
de mon pèlerinage dans votre pays aux églises en bois, à l'eau-de-vie
redoutable et aux fjords d'une profondeur insondable. Mais les temps ne sont
pas bons, c'est le moins qu'on puisse dire, et cet écheveau de récits va devoir
être remis à plus tard.
Hier, je vous aurais dit : la Terre sainte est en train de vivre
probablement la situation la plus douloureuse qu'elle ait connue depuis des
siècles. On est en train de la réduire en ruines, et ses enfants sont en train
de se faire tuer. On est en train de détruire ses villages, tandis que ses
paysans sont contraints à languir dans les camps de réfugiés à Jénine et à
Deheishé, ou sont emprisonnés dans les camps de concentration d'Ansar et de
Ketziyot. Des centaines d'enfants ont été abattus par les snipers israéliens,
des milliers d'arbres ont été arrachés, et de nombreuses sources détruites.
Peut-être cela vous aurait-il ému, ou peut-être pas. Les Palestiniens se font
massacrer, auriez-vous pu me dire : en quoi cela est-il nouveau ? Les gens se
massacrent allègrement, un peu partout dans le monde, de Timor au Brésil, de la
Bosnie au Rwanda. Alors pourquoi être désolé et bla-bla-bla ? Pourquoi
devrions-nous nous soucier, plus particulièrement, de la Palestine ? Et je
serai le premier à admettre que jusqu'à hier, cette position indifférente et
rogue était éminemment sensée. Seule une petite poignée d'hommes et de femmes
dévoués, membres d'associations pro-palestiniennes, portaient la flamme dans
les ténèbres. Aujourd'hui, les choses ont changé : des millions de
personnes écoutent le message, et tandis que je vous parle, ici, aujourd'hui,
mon distingué ami et professeur Noam Chomsky s'adresse à des multitudes à Gothenburg,
quelques centaines de kilomètres plus au sud.
Pourquoi hier est-il si différent d'aujourd'hui ? Ces belles journées
d'automne, lorsque les feuilles prennent des tons pourpres et dorés, au-dessus
des eaux bleu roi de vos magnifiques lacs, et que la transparence de l'air
exalte les sommets de vos montagnes dentelées, pourraient bien être les
derniers beaux jours dont nous jouissions, pour de nombreuses années à venir.
Une guerre mondiale menace, une guerre qui est en train de s'enflammer,
aujourd'hui même, en Palestine. Nous sommes en août 1914, c'est reparti comme
en 14, nous sommes à la veille de la ‘Grande Der des Der’. La Première Guerre
mondiale commença dans les Balkans, en Bosnie. Si, en août 1914, vous aviez dit
à un Français que ses amis et lui allaient mourir pour la Bosnie, il vous
aurait ri au nez. Mais quelques mois seulement après l'attentat de Sarajevo, la
fleur de la jeunesse française se faisait massacrer à Verdun. Nous sommes en
14. Nous sommes en 39.
Aujourd'hui, comme en 1939, il y a à nouveau une puissante volonté de
remodeler le monde, et les discours de George W. Bush nous rappellent très
vivement les harangues du chancelier allemand de l'époque. Mais qui écrit les
discours de Debeuliou ? Qui pousse à la guerre ? Sont-ce les monopoles, du
pétrole et de l'armement, comme d'aucuns veulent nous le faire croire ? Le
discours belliqueux sur l'Axe du Mal, directement emprunté à Austin Powers,
Dr Evil and his Axis (Le Docteur Mal et son Axe) a été composé par un
spécialiste ès discours sioniste, David Frum, qui s'était illustré auparavant
dans sa lutte contre ‘l'antisémitisme’. C'est un autre sioniste, Wolfowitz, qui
dirige aujourd'hui l'armée américaine. Un penseur sioniste de tout premier
plan, Norman Podhoretz, appelle à la guerre, pendant que le si libéral juriste
Alan Dershowitz fait de la pub pour la torture, meilleur moyen, d'après lui,
pour finir par savoir la vérité.
Examinons plus attentivement les projets américains. Récemment, nous avons
eu un aperçu rapide de leur campagne programmée. Les plans américains prévoient
de détruire l'Irak, d'envahir la Syrie, de faire éclater l'Arabie saoudite en
plusieurs régions, d'isoler les champs pétrolifères, de les refiler à Israël et
d'en finir avec l'Egypte. La nouvelle nous a été gentiment révélée par un homme
du lobby juif, Laurent Murawiec, qui travaille sous l'égide du président de la
commission pour la politique de défense américaine [Defence Policy Board],
Richard N. Perle. Ce faucon, grand ami et admirateur de Sharon, sioniste zélé que
l'on soupçonne d'être une taupe israélienne, prône la prise de contrôle des
champs pétrolifères d'Arabie, la remise de La Mecque et de Médine à la
monarchie hachémite et la saisie des capitaux saoudiens. Il est représentatif
de beaucoup de Juifs américains. Dans la prestigieuse publication Jewish
World Review[58], l'éditorialiste Jonah Goldberg pérore :
"Bagdad doit être détruite... L'Amérique doit faire la guerre à l'Irak
même si cela risque de causer la perte de vies d'Irakiens et d'Américains
innocents".
Le professeur David D. Perlmutter est encore plus explicite, dans le Los
Angeles Times[59] : "Je fais un rêve éveillé. Ah, si
seulement ! Si, en 1948, en 1956, en 1967 ou en 1973 Israël s'était comporté
juste un tout petit peu comme le Troisième Reich, alors aujourd'hui le pétrole
du Golfe appartiendrait aux Juifs et non aux Cheikhs." Des organismes aux
sigles plus abscons les uns que les autres, des ‘boîtes à idées’ (think
tanks) et des instituts à n'en plus finir, connectés à la puissante
communauté juive des Etats-Unis, sont reliés par un réseau de connexions en
toile d'araignée qui a pour centres la Maison Blanche et le Pentagone. Et ils
sont la force agissante qui soutient le Drang nach Östen[60], nouvelle manière du président Bush.
Regardons la réalité en face, même si elle nous déplaît : les élites juives
américaines poussent à l'Armageddon - ou, pour reprendre votre tradition
nordique, au Ragnarok, la guerre du destin - afin de placer l'Etat juif
au sommet de la hiérarchie mondiale. C'est un plan de mégalomanes, mais ces
mégalomanes sont aux commandes de la superpuissance mondiale unique, ainsi qu'à
celles de leur tête de pont au Proche-Orient, dotée d'armes nucléaires.
"Oh non ! " dites-vous, "nous connaissons les juifs, ce
sont des gens intelligents et pacifiques. Il s’agit certainement d’une
erreur". Laissez-moi vous rappeler une nouvelle du grand écrivain et poète
américain du XIXe siècle, Edgar Allan Poe, au sujet de l'Allemagne
de son temps. Il y dépeint les Allemands sous les traits d'un peuple placide et
pacifique, qui s’adonne à la culture des choux, à la pratique du piano, à
l'horlogerie des coucous, aux pipes en porcelaine et aux débats philosophiques.
C'est, en substance, l'image que Mark Twain donne, lui aussi, des Allemands
dans ses récits de voyages. Selon toutes les apparences, cette image d'Epinal
correspondait à la réalité ; d'ailleurs, un officier allemand était témoin
au mariage de mes grands-parents, à l'époque de l'occupation allemande de
Minsk, en 1916.
Vingt-cinq ans après, mes grands-parents décidaient de fuir devant
l'avancée de l'armée allemande, sous les risées de leurs voisins juifs, qui se
gaussaient, disant : "vous êtes victimes de la propagande bolchevik ;
il n'y a aucune raison de fuir, les Allemands sont des gens formidables,
pacifiques, et les meilleurs amis des juifs! " Les laissant dire, mes
grands-parents prirent la poudre d'escampette, et ils échappèrent au cruel Einsatzcommando,
composé d'Allemands qui se moquaient bien des pipes bavaroises en porcelaine et
de la culture des choux.
Les gens peuvent changer, et si de pacifiques Allemands ont pu devenir pour
un temps le cauchemar ambulant de l'Humanité, les Juifs sont susceptibles de le
devenir, eux aussi. J'espère de tout mon cœur que, de même que les Allemands
ont pu revenir à leurs personnalités normales, les Juifs le pourront aussi,
mais je ne pense pas que cela arrivera de soi-même. Il y a une épidémie, et
elle se répand à la vitesse du feu dans la paille. Elle provient du racisme
inhérent à l'Etat juif. En allant à l'aéroport Ben Gourion (de Tel-Aviv), j'ai
acheté Haaretz, notre principal quotidien de ‘gôche’. Il y avait une
polémique entre notre chef d'Etat major, Buki Ayalon, et notre ancien Premier
ministre travailliste, Ehud Barak. Ayalon comparait les Palestiniens à une
tumeur cancéreuse, tandis que le vice-président de l'Internationale socialiste,
Barak, exprimait son total désaccord : "les Palestiniens ne sont pas une
tumeur. Non, ce serait plutôt un virus", affirmait-il doctement. Ce
racisme se répand dans les communautés juives à la manière d'un incendie de
forêt. Les Juifs représentant la partie prépondérante des élites américaines,
et étant partie constituante, à un moindre degré, des élites européennes, ils
communiquent cette maladie aux autres membres de ces élites. Leurs quotidiens
et leurs studios de production cinématographique prêchent le racisme, la haine
des Musulmans, des Allemands, des Français et du reste, y compris les
travailleurs blancs ‘d'en bas’ et les Noirs des Etats-Unis.
Dans votre tradition Nordique, le maléfique et perfide Loki avait pu
tromper le gentil mais néanmoins aveugle Hoed, et faire en sorte qu'il tue son
frère, le brillant Balder, qui est une préfiguration nordique du Christ.
Aujourd'hui, Loki s'efforce de causer la guerre, à nouveau, entre frères. Il est
de notre devoir, et c'est notre droit, de repousser les conseils pernicieux de
Loki et de stopper la guerre apocalyptique, le Ragnarok.
Cela ne saurait être fait sans porter remède à la situation en Palestine.
Pendant des années, j'ai répété que la Palestine/Israël devait être transformée
en un Etat démocratique, où Juifs et Palestiniens vivraient à l'avenir heureux,
dans l'égalité. Mais cet Etat démocratique ne saurait être un Etat juif, me
diront d'aucuns. C'est là où je voulais précisément en venir, je dois vous
l'avouer. L'Etat juif est aussi mauvais que l'Etat aryen, et quiconque rejette
l'Etat aryen devrait rejeter, tout autant, la notion d'Etat juif. Sans Etat
juif, les Juifs des Etats-Unis et des autres pays reviendront à la vie normale,
oublieront leurs rêves torrides de domination mondiale et deviendront des
citoyens respectueux de la loi de leurs pays respectifs.
Jusqu'à aujourd'hui, nos magnifiques camarades et amis de Palestine ont
soutenu cette idée. Mais aujourd'hui il s'avère nécessaire de le faire, non
seulement pour les Palestiniens, ces gens nobles, courageux et travailleurs,
mais aussi pour nous tous, pour la paix du monde. Il y a des Israéliens qui
aimeraient vivre en paix avec leurs voisins palestiniens, en paix avec les
églises et les mosquées, mais nous ne pouvons aller à l'encontre des forces
extérieures qui soutiennent le monstre Sharon et Peres la Ruse. Les Israéliens
de bonne volonté et leurs voisins palestiniens ne gagneront pas, à moins que
les lignes de ravitaillement de leurs ennemis soient coupées, comme dans
l'histoire de Thor.
Selon cette épopée, Thor le Puissant vint à Utgard pour faire étalage de sa
bravoure. Les dieux d'Utgard le mirent au défi de boire jusqu'au fond la Corne
d'Or. Il but, il but, mais ne parvint jamais à vider ce fjord. Ce n 'était pas
un miracle : le fjord communiquait avec la mer. Ce n'est qu'en coupant l’accès
à la mer qu'il parvint à relever le défi qui lui avait été lancé et qu'il put
assécher le fjord. Si vous, peuples d'Europe, vous bloquiez cette mer que
représentent les aides et subsides extérieurs à Israël, nous pourrions, nous,
Israéliens et Palestiniens, changer les choses sur le terrain et apporter
l'égalité en Palestine et en Israël.
La déconstruction de l'Etat juif et sa conversion en un Etat pour tous ses
citoyens marqueraient une date capitale dans l'histoire de l'Humanité. De
projet pilote pour la globalisation qu'elle est aujourd'hui, la Terre sainte
pourrait devenir un modèle d'intégration. Les envahisseurs et les locaux se mêleraient
entre eux, comme vos ancêtres Normands l'avaient fait chez les Angles de l’est,
en Sicile et en Normandie, et comme les enfants des Croisés provençaux
devinrent palestiniens dans les villages de montagne de Sinjil et de Gifna,
tandis que les Juifs, outre-mer, redeviendraient la bénédiction de leurs
communautés, à l'instar de mon pieux ancêtre dans votre magnifique ville
épiscopale.
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Partie 5
Une médina yiddish
[Texte écrit au moment où le Président Bush a
annoncé sa croisade vengeresse contre le Tiers monde.]
I
L'Amérique se prépare
pour une guerre longue. Ils l'appellent ‘guerre contre le terrorisme’, mais ce
nom n'a pas de sens, autant dire ‘guerre contre l'ennemi’. Noam Chomsky a donné
cette définition spirituelle : "le terrorisme, c'est ce qu'ils nous font,
eux". Cependant, au cours de cette guerre, des milliers de nos frères
descendants d'Adam et Eve seront mitraillés, arrosés de napalm et bombardés.
Garçons et filles, enfants à naître et vieillards seront conduits sur l'autel
de la vengeance et rituellement égorgés.
Le président Bush a
qualifié son entreprise de croisade. Ce terme évoque pour nous les braves
chevaliers d'Aquitaine et les guerriers francs, les preux qui empoignaient la croix
et qui, le nom de Notre Dame aux lèvres, s'aventuraient dans un long et
difficile pèlerinage. Mais la réalité fut pire. Les Croisades furent un
sanglant Djihad occidental. Les croisés étaient sauvages et
indisciplinés, ils mirent à sac la plus belle ville chrétienne du monde,
Constantinople, et noyèrent dans le sang la terre sacrée de Palestine.
Raoul de Caen,
chroniqueur des Croisades, rapporte les actes de ses compagnons d'armes dans la
ville syrienne de Maarra en ces termes: "ils ont embroché les nourrissons,
les ont fait rôtir et les ont dévorés". Ce n'étaient que des brutes mais
je tiens tout de même à ne pas souiller la mémoire de ces assassins cannibales
en les associant à la croisade de Bush. Ils cherchaient la gloire, non la
vengeance, ce sentiment étranger au christianisme, et même tout à fait opposé
au christianisme.
Le refus de la vengeance
est l'essence même des Evangiles. C'est là la différence majeure entre l'Eglise
et la Synagogue, ces deux sœurs nées il y a deux millénaires. Cette divergence
est essentielle et constitue le fond du schisme qui sépare les deux religions :
alors que les Chrétiens sont appelés à prier pour leurs ennemis, les Juifs sont
censés entretenir des rêves de vengeance.
II
Le vieux judaïsme biblique,
la matrice de la foi des juifs et des chrétiens, contenait deux interprétations
différentes du Messie, qui toutes deux se trouvent dans l'Ancien Testament.
Dans le schisme entre chrétiens et juifs, chaque religion isola et fit
prévaloir l'une des deux interprétations. Pour les chrétiens, le Christ est
venu pour sauver, tandis que pour les juifs, ils est venu pour la revanche.
C'est ce qu'explique le brillant universitaire israélien Yacob Yuval de
l'Université Hébraïque, dans son nouveau livre Deux nations en votre sein[61].
Le ‘salut vengeur’, comme l'appelle Yuval, est une interprétation des Juifs
ashkénazes à partir de vieilles sources pharisiennes et devint la doctrine prévalente
de la synagogue. Lorsque le professeur Israël Yuval publia son ouvrage
perspicace sur la théologie de la vengeance dans le judaïsme, il fut accueilli
par ses collègues israéliens avec un vif enthousiasme, mais les universitaires
juifs américains le détestèrent. Le professeur Ezra Fleischer rédigea une
critique véhémente, et conclut en ces termes : "Il aurait mieux valu que
ce livre ne soit pas publié, mais puisqu'il l'est, qu'il soit voué à
l'oubli". Or Yuval cite de nombreux textes juifs anciens à l'appui de sa
thèse. "A la fin des temps (quand le Messie viendra), Dieu détruira, tuera
et exterminera toutes les nations sauf celle des israélites", selon le Sefer
Nitzahon Yashan, écrit par un juif allemand au XIIIe siècle. Un
poète liturgique, Klonimus B. Judah eut une vision des "mains de Dieu
remplies de cadavres de goys". D'autres rêves de sang et de destruction
encore plus atroces précèdent les premières attaques contre les juifs à la fin
du XIe siècle. Une centaine d'années avant le massacre de juifs
opéré par les Croisés, R. Simon B.Yitzhak appelle Dieu à "prendre son
glaive et à égorger les goys". Afin d'accélérer leur destruction, les
sages juifs d'Europe adoptèrent de nouveaux anathèmes contre les chrétiens et
le Christ, et ils les introduisirent dans la liturgie de Pâques et de Kippour
et même dans la prière quotidienne, en complément des malédictions qui y
avaient été intégrées au deuxième siècle.
Dans la théologie
chrétienne, le Messie de la vengeance a bien sûr un autre nom, on l'appelle l'Antéchrist.
Les théologiens chrétiens se sont employés à préciser les qualités de cette
figure de l'Apocalypse. Dans un commentaire, saint Jean Damascène dit que
certaines choses s'accompliront dans l'Antéchrist qui viendra rencontrer les
juifs et se manifestera en leur faveur, contre le Christ et les Chrétiens (Jean
Damascène était un ami de l'islam et a expliqué le dogme musulman du Coran
éternel comme une forme d'enseignement chrétien du Verbe). Pour les Pères de
l'Eglise, l'avènement de l'Antéchrist devait être le soulèvement et le triomphe
provisoire des juifs. Au Xe siècle, saint André de Byzance avait
même annoncé que le royaume d'Israël serait restauré et deviendrait le point de
départ de l'Antéchrist.
Aux Etats-Unis, des
millions de chrétiens fervents sont conscients du rapport étroit entre Israël
et l'Apocalypse. On leur a appris que la venue de l'Antéchrist constituait une
étape sur la voie de la Parousie. Mais induits en erreur par leurs pasteurs,
ils ont tiré l'étrange conclusion qu'il fallait se ranger aux côtés de
l'Antéchrist. Ils ont oublié les paroles d'après lesquelles le "Fils de
l'Homme viendra quand vous ne l'attendrez pas" et "malheur à celui
qui prendra parti pour l'Antéchrist". Aussi, théologiens juifs et chrétiens
acceptent également que leurs deux Messies soient aussi opposés l'un à l'autre
que la thèse et l'antithèse, ou que le Christ et l'Antéchrist. Les juifs ne
sont pas l'Antéchrist. Mais l'idée du Messie vengeur est très dangereuse, et on
devrait la réfuter avec de solides arguments. Cela pourrait se faire avec les
ressources de l'Ancien Testament ou du Nouveau, ou à l'aide de concepts
humanistes généraux. Faute de quoi, cette idée empoisonnera notre discours.
III
Ce serait une erreur que
d'attribuer l'esprit de vengeance des Etats-Unis aux juifs américains.
L'Amérique est bien particulière parce que ses juifs et ses non-juifs y sont
traités indistinctement de ‘judéo-chrétiens’, ou plus exactement, de
‘judéo-américains’, car leurs mœurs ont fort peu à voir avec l'esprit chrétien.
Comme l'a signalé Marx, "la domination pratique de l'esprit juif sur le
monde chrétien a connu son expression achevée, complète et dépourvue
d'ambiguïtés en Amérique du Nord".
Il y a beaucoup d'hommes
en vue, juifs et non-juifs, qui appellent à la vengeance : "Il n'y a
qu'une façon de commencer à traiter les gens de cette espèce, c'est d'en tuer
quelques-uns même s'ils n'ont pas grand chose à voir là-dedans"[62],
dit l'ancien Secrétaire d'Etat Lawrence Eagleburger, qui dirige l'organisation
juive des réparations demandées à l'Allemagne (fonction rémunérée à hauteur de
$300.000 par an).
"La réponse à cet
inimaginable Pearl Harbour du XXIe siècle devrait être aussi simple
que rapide : mort aux salauds. Une balle entre les deux yeux, réduisez-les en
miettes, empoisonnez-les s'il le faut. Comme pour les villes ou les pays qui
abritent cette vermine, bombardez-les sur des terrains de basket", dit
Steve Donleavy dans le New York Post[63].
Dans le Washington
Post, Rich Lowry a proposé : "si nous rasons une partie de Damas ou de
Téhéran ou ce qu'il faudra, c'est déjà une partie de la solution"[64].
Et l'on peut citer la
championne, Ann Coulter, l'écrivain préféré de la World Jewish Review :
"Nous
n'avons pas le temps d'être délicats pour identifier précisément les individus
directement impliqués dans cette attaque terroriste. Nous devrions envahir
leurs pays, tuer leurs dirigeants et les convertir au christianisme ( !? ).
Nous n'avons pas eu le scrupule de chercher à retrouver et de punir
exclusivement Hitler et ses principaux lieutenants. Nous avons tapissé de
bombes les villes allemandes ; nous avons massacré des civils. C'était la
guerre, et ceci est une guerre".
Après qu'elle eut écrit
ces mots, elle fut justement mise à la porte par son journal et embauchée par
le magazine néo-conservateur juif Commentary.
Cet esprit vengeur de la
presse américaine est une aberration dans le discours occidental. Si vous
révisez soigneusement la littérature des régions chrétiennes et musulmanes,
vous découvrirez que la revanche apparaît rarement comme le sujet principal
d'un livre important. Nicolas Gogol a écrit une courte histoire à l'occidentale
qui s'appelle La terrible revanche, Prosper Mérimée a écrit la nouvelle Colomba
sur la vendetta corse. Et c'est tout ! Les Anglais ont toujours considéré la
vengeance comme une affaire très peu anglaise, tout le contraire de l'esprit du
cricket. ‘Vengeur’ est un terme négatif dans la culture chrétienne comme dans
la culture musulmane.
La culture juive, au
contraire, est saturée de l'idée de vengeance, car elle dérive directement de
l'Ancien Testament, sans le filtre rédempteur du Nouveau Testament ou du Coran.
Nous les juifs le savons mieux que quiconque. Un brillant journaliste juif et
américain, John Sack, le fit remarquer dans son Œil pour œil, un livre
qui fait froid dans le dos à propos de l'horrible vengeance perpétrée par les
Juifs sur les civils allemands après la deuxième guerre mondiale[65].
Ce livre parle de tortures, de ‘meurtres extra-judiciaires’, d'empoisonnements
de masse et d'autres horreurs. Vous avez peu de chances de trouver ce livre,
car l'establishment juif a réussi à le faire disparaître et à le maintenir hors
de portée des libraires.
Il n'est pas étonnant
qu'Israël ait introduit la vengeance dans sa politique journalière. Ses
attaques contre les Palestiniens sont appelées peulot tagmul, les actes
de vengeance. L'une de ces opérations a été perpétrée par le Général Ariel
Sharon (l'actuel Premier ministre) le 14 octobre 1953, quand lui et ses soldats
assassinèrent quelque soixante paysans, femmes et enfants, dans le village de
Qibya. L'invasion du Liban, en 1982, avec ses 20.000 tués libanais et
palestiniens, chrétiens et musulmans, était un acte de vengeance pour la
tentative d'assassinat de l'ambassadeur d'Israël à Londres. Durant la dernière
Intifada, chaque acte de terreur israélienne était qualifié de ‘châtiment’ ou
de ‘représailles’ par les Israéliens et par les médias américains dont les
propriétaires sont juifs.
L'engouement juif pour
la vengeance a bien supporté la périlleuse traversée de l'Atlantique. Ce sont
des juifs américains qui ont créé Hollywood, qui a fait de la vengeance son
thème privilégié. Dans une reprise américaine des Trois Mousquetaires,
d'Artagnan est poussé par l'esprit de vengeance, quoique le motif en soit
difficilement repérable dans le livre d'origine ou dans l'adaptation française.
En fait c'est le méchant, Mordred, fils de lady Winter, qui nourrit des rêves
de vengeance. Mais pour le nouveau film américain, produit par un juif
américain, la vengeance est un sentiment légitime. D'une certaine façon, le
cinéma américain a été un moyen d'expression de l'inconscient collectif juif et
a joué un rôle essentiel dans la constitution du psychisme américain. A partir
d'Hollywood, l'esprit de vengeance s'est répandu sur toute la terre et a
certainement contribué à modeler le monde dans lequel nous vivons. En d'autres
termes, il n'y avait pas besoin de complot juif.
Petit-fils d'un rabbin
de Trêves mais élevé au sein de l'Eglise, Karl Marx s'est révélé un véritable
prophète en annonçant dès les années 1840 (!) que l'Amérique (avec ou même sans
le moindre Juif ethnique) était devenue un Etat à l'esprit juif, et qu'elle
avait embrassé le mode de pensée juif fondé sur l'avidité et l'aliénation. Un
disciple de Marx, Werner Sombart, arriva à la même conclusion à propos de
l'esprit juif de l'Amérique. A son avis, l'Amérique avait grandi avec les juifs
et avait été façonnée par les juifs depuis le tout début. Relativement immature,
l'Amérique n'a pas résisté à l'impact de la mentalité juive et elle est devenue
un Etat juif, la grande sœur d'Israël.
D'où les succès affichés
par les juifs américains. Quoi de plus naturel que, dans l'Etat ‘judaïque’, les
Juifs accumulent les succès ? Ce soudain accès à la notoriété et à la richesse
ne devrait pas provoquer de vertige ni de sentiment d'auto-adulation, tout au
contraire. Reprenant le raisonnement d'un grand philosophe américain, Emmanuel
Wallerstein, je dirai que, de nos jours, la réussite matérielle est le signe
d'un échec moral. Ni la ‘réussite’ ni les richesses ne sont la preuve de la
bienveillance de Dieu. En tout cas, pas du Dieu qui a béni les pauvres. L'homme
qui se taille une part de choix dans le milieu des voleurs n'a pas sa place aux
yeux de Dieu. Notre monde, constitué de millions d'affamés et d'une minorité
d'hyper-privilégiés, est un monde dépourvu de morale comme de sentiment
chrétien, à l'instar de la prétendue ‘croisade’ du président Bush.
Cette explication nous
permet de répondre à la question que nous avions posée précédemment, à savoir :
l'Amérique soutient-elle Israël à cause du lobby juif ou ‘au nom de l'intérêt
bien compris des entreprises américaines’ ? Disons que le lobby juif est un
organe superflu, qui défend la droite israélienne, tandis que l'Amérique tout
entière constitue un Etat juif de plus grande dimension, dont les intérêts ne
se limitent pas au seul Proche-Orient.
Cette hypothèse fournit
une réponse cohérente à bien des questions : elle explique le pourcentage
incroyable de voix en faveur du soutien à Israël (99 %) ainsi que les
innombrables musées, études et films consacrés à l'holocauste. Elle explique
pourquoi, dans la vie de l'Amérique, les Juifs occupent une position centrale.
C'est ainsi que, de nos jours, l'Amérique considère les événements qui se
passent dans le monde en se plaçant du point de vue juif traditionnel, en
cherchant à savoir si ‘c'est bon pour les Juifs’.
Cette hypothèse explique
également le retrait des Etats-Unis à Durban. George W. Bush ne voyait pas
d'inconvénient à se quereller avec l'Europe et le Japon et c'est ainsi qu'il
est revenu sur le traité de Kyoto. Il se moquait pas mal de mécontenter la
Russie et la Chine en prenant unilatéralement la décision d'abandonner le traité
sur les armes stratégiques. Mais, dans ce cas-là, il a entendu la Voix de son
Maître. Ce rejet hautain de l'Afrique et de l'Asie, ce mépris injurieux de la communauté noire américaine,
ce refus de la grande cause que constitue la lutte contre le racisme prouve,
s'il en était encore besoin, que les Etats-Unis se sont alignés sur l'Etat
israélien.
Dans un récent entretien
accordé à Newsweek[66],
le président Vladimir Poutine cherche à justifier son assaut contre les
Tchétchènes. Selon lui, "les dirigeants tchétchènes ont appelé
publiquement à l'extermination des juifs", ce qui relègue les détracteurs
de la guerre qu'il mène au rang d'antisémites. Or, aucun juif n'habite en
Tchétchénie, et l'opinion des dirigeants de ce pays à l'égard des juifs
n'aurait aucun intérêt si le terme ‘antisémitisme’ conservait son acception
d'origine, à savoir les préjugés ou le racisme anti-juif. L'antisémitisme
n'existe plus sous cette forme, comme nous l'avons démontré dans d'autres
articles[67], mais le
monde y a vu un sens nouveau. Ce terme a été assimilé à l'anti-américanisme de
l'époque de McCarthy, ou à l'anti-soviétisme de l'Union Soviétique sous
Brejnev. Les Américains sont tendus et poussent des cris chaque fois qu'ils ont
l'impression qu'on met en question leur loyauté envers les uifs. Quiconque, en
Amérique ou dans un autre pays, rejette le nouveau paradigme américain est, par
définition, antisémite. C'est la raison pour laquelle de bons garçons
d'ascendance juive, que ce soit Noam Chomsky ou Woody Allen, saint Paul ou Karl
Marx, sont qualifiées ‘d'antisémites’. En règle générale, la communauté juive
les rejette, mais n'hésite pas à invoquer leur nom quand c'est utile pour
défendre les structures que ces ‘antisémites’ dénoncent.
Un délit à l'encontre de
la communauté juive n'est pas considéré comme une variante du racisme. Le
racisme ordinaire est parfaitement toléré, surtout s'il vise les Arabes (les
nouveaux ennemis des Juifs) ou les Noirs (les anciens ennemis des Juifs). Mais
quand il s'agit de juifs, le délit est traité de ‘crime de lèse-majesté’ (dans
les années où les juifs avaient beaucoup de pouvoir en Union soviétique
(1917-1937), on fusillait les gens pour avoir proféré une remarque contre les
juifs). A Strasbourg, Manfred Stricker a fait campagne pour que l'université de
la ville porte le nom du Docteur Schweitzer, mais la communauté juive a préféré
l'appeler du nom d'un savant juif sans grand rapport avec la ville. C'est ainsi
que Manfred Stricker a été condamné à six mois de prison. Alexander Chancellor
a écrit dans le Guardian (sous le titre prometteur "Ni tout blanc
ni tout noir") à propos du dirigeant hollandais d'extrême droite assassiné
: "oui, c'était un ennemi de l'Islam, mais il était favorable aux Juifs,
et par conséquent, ce n'était pas un mauvais bougre".
M'adressant à des
étudiants de Harvard, d'Emory et d'autres universités américaines de la Ivy
League, je me suis rendu compte qu'ils ne savaient même pas qui était Arnold
Toynbee. Le plus grand philosophe britannique de l'histoire du XXe
siècle avait commis une erreur : il avait parlé de la tragédie palestinienne et
évoqué l'esclavage des Africains en le qualifiant de drame égal à l'holocauste
des Juifs. C'est ce qui explique que le nom de Toynbee ait été gommé et qu'il
ait disparu de la conscience américaine. Et dans les librairies américaines ou
anglaises, il est presque impossible de trouver les livres de G. K. Chesterton
en dehors de ses œuvres romanesques. Cet essayiste brillant est relégué dans la
section ‘Christianisme’ presque inexistante dans les librairies, et les rares
rééditions de ses ouvrages sont coincées entre Les mauvais Papes et Jésus
le rabbin. Cette maîtrise absolue du discours public explique l'obéissance
des intellectuels américains (et européens, d'ailleurs). Dans l'Etat
judéo-américain, les Juifs forment une ‘Eglise’, l'establishment idéologique.
Pour un intellectuel, il vaut mieux se voir accuser de pédophilie que
d'antisémitisme.
IV
Quoique les Etats-Unis
soient devenus un Etat judéo-chrétien, la question de savoir qui commande dans
le ‘ménage à trois’ des Juifs, d'Israël et des Etats-Unis n'est pas simple. Les
trois dramatis personae forment un triangle aussi mystérieux que celui
des Bermudes et non moins périlleux. Il y a six mois, des sources douteuses ont
rapporté que Sharon avait dit, dans une réunion ministérielle, "Ne vous en
faites pas, nous tenons les Etats-Unis". Ces paroles avaient été
démenties, mais comme le soulèvement palestinien fait l'objet d'une campagne qui
glisse rapidement vers l'extermination dans le style du livre de Josué, tandis
que les Etats-Unis ‘appuient la guerre contre le terrorisme’, le doute croît.
La simple existence
d'une entité corporatiste connue sous le nom de ‘peuple juif’ ou ‘les Juifs’,
est souvent contestée. Il y a environ deux cents ans, la ‘Juiverie’ existait de
façon aussi indiscutable que la France ou l'Eglise. Nos aïeux étaient membres
de cet Etat extra-territorial, un ordre autoritaire et semi-criminel, dirigé
par des gens riches et des rabbins. Le groupe directeur, appelé Kahal
(le terme hébreu pour communauté) prenait les décisions importantes, et les
Juifs ordinaires suivaient ses directives. Le Kahal pouvait disposer de
la vie et des biens des Juifs, comme n'importe quel autre gouvernement féodal.
Il n'y avait pas de liberté d'opinion à l'intérieur du ghetto. Un Juif rebelle
pouvait être puni de mort. L'émancipation arriva, et le pouvoir du Kahal
se trouva brisé du dedans et du dehors. Les Juifs se retrouvèrent libres et
devinrent des citoyens de leurs pays respectifs.
De nos jours, une
nouvelle génération de Juifs a émergé, “qui n'a pas entendu parlé de Joseph”[68].
Des années de lavage de cerveau et d'apologie systématique leur ont fait
oublier pourquoi nos grands-parents voulaient tellement abattre les murs
d'acier de la communauté juive. La notion d'être juif est devenue un point de
droit. Sommes-nous, nous les descendants de Juifs, des citoyens de nos pays, ou
des citoyens du peuple juif ? Est-ce que la ‘judéité’ existe, de la même façon
qu'existent les Etats, ou n'est-ce qu'une façon de parler ? Le paradoxe est là
: les dirigeants juifs veulent que la judéité soit une sorte d'avion furtif, là
tu le vois, là tu ne le vois plus. Il est là pour mitrailler, mais pour les
radars il n'est nulle part. Ils disent : "C'est ce que disait Hitler"
ou bien "c'est une invention des faussaires, de ceux qui ont fabriqué les Protocoles
des Sages de Sion", et ils oublient de dire que c'est également ce qui
est écrit dans la Déclaration d'Indépendance d'Israël. Israël y est décrit
comme ‘l'Etat du peuple juif’ et c'est pourquoi il attire une attention
disproportionnée et il exerce une influence en tant que partie visible (et liée
à un territoire) de la judéité.
Voilà pourquoi un poste dans une ambassade à
Tel Aviv est considéré parmi les plus huppés et désirables pour une carrière
diplomatique. Le concept de ‘peuple juif’ a reçu une reconnaissance singulière
dans la loi internationale, lorsque l'Allemagne contemporaine a déclaré, en
1950 et en 1991, que le peuple juif était l'héritier des juifs intestats. La
loi pénale israélienne permet à l'Etat d'Israël de juger et de poursuivre toute
personne au monde qui agit contre la personne, la santé, la vie, la propriété
ou la dignité d'un juif, même si ce juif n'a pas la moindre relation avec
l'Etat d'Israël.
Nous, les fils de
parents juifs émancipés, en sommes aussi surpris que quiconque. Rien ne nous a
préparés au recouvrement miraculeux de la judéité. Récemment encore, elle était
en voie de disparition, on la proclamait morte ; et nous avions fini par nous
considérer comme des gens libres. En l'espace d'une génération, les choses ont
basculé complètement, et maintenant on nous somme de déclarer allégeance à ce
corps, faute de quoi nous aurons droit à l'ostracisme et à l'humiliation,
probablement à la perte de nos moyens d'existence, ou pire encore. La juiverie
(on est prié de ne pas confondre ce terme avec les millions de descendants de
Juifs médiévaux) a retrouvé sa place dans la politique mondiale, et a pris le
contrôle spirituel de la seule superpuissance au monde, les Etats-Unis.
Isaac Deutscher,
marxiste juif et biographe de Trotsky, était parmi les premiers juifs à
entrevoir le phénomène. Dans son essai "Qui est juif ?" (publié dans
le Jewish Quarterly, Londres, 1966) il proposait de distinguer entre
‘les juifs’ et ‘la Juiverie’. Tandis que les juifs sont des individus aux
opinions variées et aux moyens d'existence divers, la ‘Juiverie’ est un
organisme quasi-national qui a sa propre direction et son propre programme. A
son avis, la juiverie était sur la voie de la disparition, mais voilà que des
cendres de la Seconde Guerre mondiale, "le phénix de la juiverie
renaît". "J'aurais préféré que les juifs survivent et que périsse la
Juiverie", écrivait-il, mais "l'extermination des juifs a donné une
nouvelle chance à la Juiverie". La direction auto-proclamée de la Juiverie
ressuscitée a atteint les sommets du pouvoir en liaison étroite avec les
richissimes dévots de Mammon. Ils sont intoxiqués par leur baratin et par
l'absence d'opposition. Ils soutiennent le criminel de guerre Sharon, mais le
trouvent trop mou et ils ont conspué Paul Wolfowitz, le super-faucon juif
américain. Chaque homme politique israélien le sait et en tient compte : il y a
des Juifs puissants en Amérique et ailleurs qui ne veulent pas voir la fin de
la guerre en Palestine. Ils comprennent le sauvetage opéré par les armées de
Russie et d'Amérique dans la Seconde guerre mondiale comme leur victoire
personnelle sur le monde des non-juifs, comme le signe d'une nouvelle ère de
suprématie juive à l'échelle mondiale, promise dans les enseignements du Talmud
et de la Kabbale.
Isaac Deutscher imputait
les changements en Israël à leur influence : "Un Juif américain fortuné,
un 'homme d'affaires à l'échelle mondiale' au milieu de ses associés et amis
goys à New York, Philadelphie ou Detroit, est profondément fier d'appartenir au
‘peuple élu’, et en Israël il exerce son influence en faveur de l'obscurantisme
religieux et de la réaction. Il prolonge l'esprit talmudique de l'exclusivisme
et de la supériorité raciale. C'est ce qui nourrit et attise l'antagonisme
envers les Arabes"[69].
Ce serait déjà regrettable si l’influence de ce ‘Juif fortuné’ ne s’exerçait
que sur Israël, pays lointain. Mais son influence est encore plus forte dans
son propre pays, les Etats-Unis, où il défend la même idée talmudique
‘d'exclusivisme et de supériorité raciale’, en complète harmonie avec l'esprit
‘judaïsant’ de l'Amérique.
Ces gens riches n'ont
pas besoin de la terre de Palestine. Ils n'ont pas l'intention d'émigrer en
Israël pour y travailler la vigne. Ils utilisent Israël et ses habitants comme
un atout non indispensable dans leur jeu à l'échelle mondiale. Ils comprennent
de travers la compassion des Goys comme un signe de faiblesse. Ils interprètent
leurs gestes amicaux comme des signes de soumission. Comme le chat avec la
souris, ils ont joué avec l'Eglise de la Nativité pour voir si le christianisme
était bien mort, s'il ne réagissait plus. Au même moment, ils menacent les mosquées
de Jérusalem et poussent les Américains à viser Bagdad avec leurs missiles de
croisière. En lieu et place de christianisme et judaïsme, ils introduisent une
nouvelle croyance : l'Holocauste supplante la Crucifixion, la création de
l'Etat d'Israël remplace la Résurrection. Pour eux, la prise de contrôle juive
sur les lieux sacrés de la chrétienté et de l'islam est une preuve visuelle de
leur autorité. L’anéantissement de ces Lieux serait un signe de victoire
totale. En un sens, ils ont raison : une société amputée de ses valeurs sacrées
est vouée à l'extinction.
Bien des juifs et
descendants de juifs se sentent menacés par le concept de judéité. Ils refusent
‘la généralisation’, ‘l'accusation de tout un peuple’, ou ‘le colportage de la
haine’. Au début, j'étais déconcerté par leur réponse. Après-coup, je me suis
dit que leur raisonnement était si juste que d'autres pouvaient aussi s'en
servir. Il aurait été dommage de laisser passer un si bon argument. Par
exemple, comment osez-vous dire que les Américains ont lâché une bombe atomique
sur Hiroshima ? Je suis américain, et je n'ai rien lâché du tout sur
Hiroshima ! Vous dites : "les Anglais commandaient en Inde".
Absurde ! Je connais de centaines d'Anglais pauvres qui n'ont jamais commandé
à personne en Inde. Vous demandez la libération de l'Algérie : vous êtes
anti-français ! La vraie différence ne se trouve pas entre les Français et les
autochtones algériens, mais entre un peuple civilisé et des Musulmans
fanatiques. La politique impérialiste russe ? Voilà une remarque raciste
destinée à susciter la haine des Russes.
Vous allez me dire que
tout cela est simpliste. La politique est conçue par les élites, mise en œuvre
par la majorité plus ou moins consentante, et ceux qui n'en font pas partie en
font les frais. La judéité n'est pas différente des autres Etats ou entreprises
trans-nationales. La direction de la Juiverie a une politique, et elle est
capable d'en changer. Et naturellement, les juifs ordinaires peuvent soit s'y
soumettre soit la rejeter.
V
Ce qui suit n'est pas
vraiment de l'information ‘classifiée’ mais il vaut mieux ne pas en parler trop
fort. L'establishment peut demander à Bush de dire ‘mon maître’, et celui-ci le
fera. C'est un secret de Polichinelle, comme disent les Français. Le reste du
monde, de l'Extrême-Orient à l'Europe du Nord, le sait parfaitement, et de
temps en temps, un Premier ministre téméraire ou un parlementaire se met à
déblatérer. C'est alors que le Congrès étasunien saute sur l'occasion, et
proteste énergiquement contre l'offenseur bavard, comme un mari que sa femme
mène par le bout du nez et qui redoute les colères de celle-ci, mais qui ne
l'admettra jamais devant ses compères de bistrot. Vous avez le droit de dire
que les Etats-Unis sont dirigés par les Africains, les WASP, les Franc-Maçons
ou les Autruchons Gris, et il ne se passera rien. Mais essayez seulement de
dire : "les Juifs dirigent les Etats-Unis" et vous allez vous
retrouver dans un sérieux pétrin. Mais quelle est exactement la position des
Juifs aux Etats-Unis ? On peut la décrire de plusieurs façons. Ils représentent
l'Eglise (c'est-à-dire l'appareil idéologique) de la nouvelle foi
judéo-américaine. Ils sont la caste des Brahmanes de l'Amérique. On peut même
parler d'une minorité ethnique très décisive, si ce n'est celle qui fait la
loi. Cette évolution est étrange, mais non unique. Jusqu'à une époque récente,
l'Angleterre était régie par une petite caste d'anciens élèves d'Eton, aussi
fermée qu'une communauté juive ; ils se mariaient même à l'intérieur de leur
propre groupe.
Voilà pourquoi ni Powell
ni Bush ne peuvent et ne pourront donner d'ordres à Sharon. Ils ont un espace
d'autonomie, tant que le peuple juif est partagé entre deux sensibilités, tant
que cette entité unique n'a pas décidé ce qu'elle voulait. Maintenant, il
semble que les Juifs (en tant que groupe distinct des non-juifs) soient unis
par une volonté commune, un objectif unique et un sentiment de puissance.
L'intoxication par le pouvoir et l'unité a amené ces gens cauteleux à laisser
tomber le masque, à renoncer aux faux-semblants. La nouvelle ouverture nous
fournit un aperçu sans précédent de l'âme des Juifs et de leurs supporters
mammonites.
Un porte-parole
authentique, Ron Grossman du Chicago Tribune[70]
écrit ceci : "En tant qu'humaniste auto-proclamé, je devrais reculer
épouvanté à l'idée de chars déambulant au milieu d'une ville, de la ville de
n'importe qui. Je devrais mourir de honte devant les images télévisées des
combats de rue [plus exactement des massacres, I. S.] à Bethléem et à Ramallah.
Mais je vais vous donner un conseil : ne nous faites pas de sermon. Vous perdez
votre temps en faisant appel au meilleur de nous-mêmes".
Oui, renoncez à faire
appel au meilleur d'eux mêmes, car ils n'en ont pas, tout simplement. Le
‘meilleur de nous mêmes’ n'était qu'une façon de parler, et maintenant leur
véritable ‘nous mêmes’ s'est révélé dans toute sa brutalité.
VI
Maintenant adaptons ce
texte pour en faire un scénario de film et intercalons quelques flashes ‘coup
de poing’ que nous offre la BBC depuis le champ de bataille. En Palestine, le
chef de l'UNRWA, Peter Hansen, a dit : "Nous recevons des informations
absolument horribles. Les hélicoptères sont en train de mitrailler des zones
résidentielles et des civils ; les tirs systématiques des chars ont fait des
centaines de blessés ; les bulldozers rasent les refuges, les aliments et les
médicaments seront bientôt inutilisables". Des douzaines de cadavres
parsèment les rues du camp de réfugiés de Jénine. L'Eglise de la Nativité est
en flammes, comme en 614.
Pendant ce temps, des
dizaines de milliers de Juifs manifestent à New York pour montrer qu'ils
soutiennent les massacres de Palestiniens commis par Israël. 150.000
manifestants juifs sont sortis dans les rues de Paris pour exprimer leur
solidarité avec Israël. Brandissant des drapeaux israéliens et drapés dans les
couleurs bleu et blanc de ‘leur’ drapeau national (ils ont complètement oublié
et abandonné le drapeau tricolore), les manifestants ont marché de la place de
la République à la Bastille, avec des chants en français et en hébreu, et en
portant des banderoles qui disaient : "Hier New York, aujourd'hui
Jérusalem, demain Paris".
En Israël,
"personne ne peut exprimer les aspirations de la plupart des Israéliens
comme le Premier ministre. Ce n'est pas la guerre de Sharon, le 'marchand de
guerre', c'est notre guerre à tous", écrit Gideon Levy, un homme de cœur
et de conscience. "Il sera également très difficile de blâmer Sharon pour
les conséquences de la guerre, à la lumière du soutien massif qu'il a reçu de
la majorité des Israéliens. Approximativement 30.000 hommes ont été mobilisés,
et ils ont répondu comme un seul homme, rendant insignifiant le mouvement des
objecteurs, qui se borne à 21 refuseniks emprisonnés. "Nous n'avons
pas demandé pourquoi, nous sommes venus", ont dit les réservistes au
Premier ministre, en manifestant le syndrome du ‘bloc’ qui caractérise Israël
dans ces cas-là. Des dizaines de milliers d'hommes quittent leurs logements,
laissent de côté leurs activités normales, et partent tuer ou se faire tuer, et
ils ne demandent même pas pourquoi ? C'est le comportement de la horde",
conclut Levy.
Levy se trompe : c'est
la force réelle de la Juiverie qui se révèle à travers cette immense unanimité
et cet ethnocentrisme sans états d'âme. Par exemple, un certain Mark Steyn
écrit dans le National Post : "tous les gens civilisés sont
d'accord pour dire que c'est mal de tuer des Juifs". Ce n'est pas le fait
de tuer qui est mal, car ce serait mal de tuer des Palestiniens. N'est vraiment
mal que le fait de tuer des Juifs. Cette approche se base sur la lecture juive
des dix commandements : ‘Tu ne tueras point de Juif’, alors que
l'interprétation chrétienne dit : ‘Tu ne tueras point’.
Le professeur David D.
Perlmutter écrit dans le Los Angeles Times[71]
: "je rêve tout éveillé : si seulement en 1948, 1956, 1967 ou 1973 Israël
avait agi un tant soit peu comme le Troisième Reich, alors aujourd'hui les
Israéliens feraient les magasins, mangeraient leurs pizzas, se marieraient et
célébreraient leurs fêtes chômées sans encombre. Et bien entendu ce sont les
Juifs, et non pas les cheiks, qui auraient tout ce pétrole du Golfe." Ce
genre de rêveurs devraient être soigneusement écartés du système éducatif, en
tant que nazis non dénazifiés. Mais n'ayez crainte, le judéo-nazisme est une
idéologie gagnante aux Etats-Unis.
Le spirituel quoique un
peu snob Taki de l'hebdomadaire anglais Spectator fournit une anecdote
qui prouve la nouvelle véhémence juive et la force de son unité de pensée :
"Le
dimanche de Pâques, pendant le repas, la femme la plus riche d'Israël, Irit
Lando[72],a
fait incursion chez moi et a commencé à haranguer mes amis et ma famille à
propos d'Adam Shapiro. Malgré le fait que c'est une des plus anciennes amies de
ma femme et qu'elle était invitée à nous rejoindre après le déjeuner, j'étais
extrêmement ennuyé. J'ai rappelé à Irit que ma maison n'était pas un territoire
occupé par Israël, que c'était Pâques, et que sachant ce que je pensais du
triste sort fait aux Palestiniens, elle devrait changer de sujet. Ce qu'elle
fit, passant à la presse, et à la publicité qu'ils faisaient à cet abominable
traître d'Adam Shapiro".
Tandis que quelques non
conformistes d'origine juive comme Adam Shapiro sont de plus en plus
marginalisés, les Juifs se rallient en masse au soutien à Sharon et à Israël.
Les officiels étasuniens sont bien obligés de suivre l'indication. Les Goys
américains s'en sont aperçus il y a longtemps : si vous voulez faire une
carrière en politique ou dans les médias, il faut soutenir les Juifs de tout
cœur. Autrement vous serez jeté en pâture aux vautours. Si un homme a fait son
chemin jusqu'aux échelons supérieurs du pouvoir américain, c'est qu'il connaît
les ficelles et sait où sont les limites de son pouvoir.
VII
Eric Alterman, du
journal Nation, a publié une liste des instances qui soutiennent Israël
sans réserve. C’est une lecture fascinante :
Rédacteurs et commentateurs sur lesquels on peut
compter
pour la défense inconditionnelle d’Israël, avec ou
sans compétence :
George Will, The
Washington Post, Newsweek, ABC News. William Safire, The
New York Times; A.M. Rosenthal, The
New York Daily News, (au départ membre du comité de rédaction, puis
rédacteur), The New York Times. Charles Krauthammer, The Washington Post, PBS, Time,
The Weekly Standard, (auparavant : The New Republic) Michael
Kelly, The Washington Post, The Atlantic Monthly, National
Journal, et MSNBC.com (auparavant: The New Republic et The New
Yorker). Lally Weymouth, The Washington Post et Newsweek. Martin
Peretz, The New Republic, Daniel Pipes, The New York Post .
Andrea Peyser, The New York Post. Dick Morris, The New York Post.
Lawrence Kaplan, The New Republic.William Bennett, CNN. William Kristol,
The Washington Post, the Weekly Standard, Fox News,
(aparavant: ABC News). Robert Kagan, The Washington Post, The Weekly
Standard. Mortimer
Zuckerman, US News, World Report (Zuckerman est également PDG de
la conférence des Présidents des principales organisations juives américaines).
David
Gelertner, The Weekly Standard. John Podhoretz, The New York Post et The Weekly Standard.
Mona Charen, The Washington Times Morton Kondracke, Roll Call, Fox News (auparavant
: McLaughlin Group, The New Republic et PBS). Fred Barnes, The Weekly Standard, Fox
News, (auparavant: The New Republic, The McLaughlin Group, et The
Baltimore Sun Sid Zion, The New York Post, The New York Daily
News ). Yossi Klein Halevi The New Republic, Sidney Zion, The
New York Post (auparavant: The New York Daily News). Norman
Podhoretz, Commentary, Jonah Goldberg, National Review et CNN.
Laura Ingram, CNN (auparavant : MSNBC et CBS News. Jeff Jacoby, The
Boston Globe, Rich Lowry, National Revie. Andrew Sullivan, The New Republic, Seth Lipsky, The Wall
Street Journal et The New York Sun (auparavant The Jewish Forward
). Irving Kristol, The Public Interest, The National Interest et
éditorialiste de The Wall Street Journal. Chris Matthews, MSNBC. Allan
Keyes, MSNBC, WorldNetDaily.com Brit Hume, Fox News . John Leo, US
News et World Report. Robert Bartley, The Wall Street Journal
(éditorialiste). John Fund, The Wall Street Journal Opinion Journal
(auparavant éditorialiste de The Wall Street Journal). Peggy Noonan, The
Wall Street Journal (éditorialiste). Ben Wattenberg, The Washington Times, PBS. Tony Snow, Washington
Times et Fox News. Lawrence Kudlow, National Review et CNBC. Alan
Dershowitz, Boston Herald, Washington Times. David Horowitz,
Frontpage.com. Jacob Heilbrun, The Los Angeles Times. Thomas Sowell, Washington
Times. Frank Gaffney Jr, Washington Times. Emmett Tyrell, American Spectator et New
York Sun. Cal Thomas, Washington Times. Oliver North, Washington Times et Fox News (auparavant :
MSNBC). Michael Ledeen, Jewish World Review. William F. Buckley, National
Review. Bill O’Reilly, Fox News. Paul Greenberg, Arkansas
Democrat-Gazette. L. Brent Bozell, Washington Times. Todd Lindberg, Washington
Times. Michael Barone, US News, World Report et The
McLaughlin Group. Ann Coulter, Human Events. Linda Chavez, Creators Syndicate. Cathy Young, Reason
Magazine. Uri Dan, New York Post. Dr. Laura Schlessinger (rubrique moralité). Rush
Limbaugh (invitée sur différentes radios).
Le plus intéressant est
peut-être la longue liste de non-juifs qui soutiennent Israël en pleine
conscience et sans aucune compétence particulière, écrivait le
professeur Kevin McDonald de l’Université d’Etat de Californie[73].
Le soutien inconditionnel à Israël est un test pour être agréé dans les médias
décisifs aux Etats-Unis. Les instances qui voient loin ‘économisent le drapeau
américain’ en montrant leur dévotion pour Israël (et, probablement, pour
d'autres sujets de prédilection des Juifs). En l'absence de quelque énorme
facteur sélectif, il semble difficile d'expliquer le formidable déclic en
faveur d'Israël comme le résultat d'attitudes individuelles. Ce qui amène à
penser que, si les Juifs de cette liste agissent apparemment selon un critère
ethnique, les non-juifs, eux, prennent une décision évidemment excellente pour
leur carrière en adoptant ces positions. Les résultats de ce test pour les
faiseurs d'opinion sont corroborés par le fait que Joe Sobran a été mis à la
porte de la National Review parce qu'il avait eu la témérité de suggérer
que "la politique étrangère des Etats-Unis ne devrait pas être dictée par
ce qui est le meilleur pour Israël".
Les finalistes ont été
choisis pour leur capacité à passer outre les intérêts du peuple américain. On
peut voir un bon indicateur du comportement de l'élite dans le profil des
étudiants acceptés dans les universités de la Ivy League. Le pourcentage des
élites traditionnelles des Etats-Unis, les WASP, tombe dans ces universités de
85% à 35%, tandis que celui des juifs (2% de la population) atteint 40%. En
d'autres termes, les chances pour un non-juif de trouver sa place dans l'élite
ont chuté de façon significative.
Aussi, après bien des
années de sélection continue, les forces pro-juives ont atteint les positions
de la toute-puissance aux Etats-Unis. Par ailleurs, l'Amérique était presque
vouée à devenir un Etat néo-juif en vertu de son idéologie. Anthony Judge a
écrit : "Il y a un parallèle extraordinaire entre la perception
exclusiviste peu commune de l'Amérique comme ‘le vrai pays de Dieu’ et d'Israël
comme un cadeau de Dieu pour le ‘peuple élu’. Pourquoi est-ce que ces perceptions
ont justifié l’empiétement sur les terres d'autrui, le déplacement et la mort
des populations indigènes, leur enfermement dans des ‘réserves’ et le
développement d'un cadre stratégique pour l'expansion de la ‘civilisation
occidentale’ dans l'espace d'autres cultures ? "
Les Pères Pèlerins,
fondateurs de l'Amérique, s'appelaient eux-mêmes le Nouvel Israël. Mais Satan
joua un tour cruel à leurs descendants WASP. Il promit de faire d'eux les
nouveaux Juifs, et il tint sa promesse. Cependant, ils sont devenus un
partenaire secondaire dans l'alliance judéo-mammonite, condamnés à renouveler
leurs serments d'allégeance tous les jours.
VIII
Et pourtant, le
professeur Mc Donald se trompe en simplifiant à l'excès les raisons du soutien
gentil aux Juifs. En dehors de Bush et Rumsfield, en dehors des carriéristes,
il y a de bons non-juifs qui les soutiennent, de même qu'il y a des juifs
non-conformistes et des juifs non-Juifs, selon la définition d'Isaac Deutscher.
C'est dû à la nature contradictoire des tendances centrifuges et centripètes à
l'intérieur de la communauté juive. Par leurs réponses individuelles aux
confrontations avec les non-juifs, on peut les classer en ‘juifs-sur-les
bords’, ou ‘juifs-jusqu'à-l'os’. Les premiers essaient de quitter la communauté
en se mariant à l'extérieur, en adoptant le christianisme, le communisme ou
d'autres croyances, en cherchant la communion avec Dieu. Les seconds proclament
la primauté de la communauté en guerre permanente contre les Goys. Dans cette
guerre millénaire, la chrétienté tente de désintégrer l'os tandis que la
Juiverie tente de désintégrer les bords.
Voilà pourquoi il y a
deux sortes de ‘philosémites’. Les uns, les bons non-juifs, sont à la recherche
d'un nouveau foyer spirituel. Ils sont sensibles aux parties positives de la
Bible, le côté ‘tu aimeras ton prochain’. Ils aiment l'esprit de communauté,
d'appartenance, de tradition, qui se dégage des Juifs. Ils aiment la touche
légère de marginalité qui attire les natures poétiques. Il y a beaucoup de gens
qui veulent briser les liens quelque peu étouffants de leur entourage immédiat.
James Joyce, l'écrivain irlandais, voyait les Juifs comme une porte de sortie
pour échapper au rapport féodal sanglant avec les Anglais. Marina Tsvetaeva,
poétesse russe, se sentait elle-même marginale dans sa famille rigide de classe
moyenne et elle écrivait : "dans ce monde principalement chrétien tous les
poètes sont juifs". Les adorables personnages féminins des premières
comédies de Woody Allen sont attirés par cet éternel étranger, le Juif.
Ce n'est pas un hasard
si ce genre de personne rencontre habituellement des juifs marginaux, qui
appartiennent aux bords extérieurs de la communauté juive. Le Juif de Joyce
c'était l'écrivain italien Italo Svevo, le Juif de Marina Tsvetaeva est
l'espion russe communiste Sergueï Eprhon. Le Juif de Diane Keaton et de Mia
Farrow était cet outsider divertissant, Woody Allen. Comme les bords de la
communauté juive sont relativement vastes, il y a toujours un mélange avec la
meilleure variante des non-conformistes goys.
L'autre groupe d'alliés
est constitué par les hommes d'affaire purs et durs qui apprécient le côté
pratique de l'idéologie juive. Ils aiment l'idée du Mob, la chasse à
l'argent, l'indifférence à la morale et aux conséquences sociales que cela peut
avoir, l’indifférence à la propriété et à la vie d'autrui. Les gens qui voient
tous les autres comme des ennemis, et la vie comme une bataille perpétuelle,
remarquent que dans l'idéologie juive, aucun étranger n'est considéré comme un
‘voisin’. Voilà pourquoi les dirigeants les plus cruels, les princes et les
rois, étaient ceux qui prenaient des juifs comme conseillers et ministres. Ils
apprenaient d'eux comment ignorer leurs sujets. Des gens comme Néron et Pierre
le Cruel, Conrad Black et Margaret Thatcher, les parrains de la Maffia et les
dictateurs du tiers-monde adoraient les ‘juifs-jusqu'à-l'os’ (par opposition
aux ‘juifs-sur-les-bords’).
Ainsi, les braves gens
ont leurs Juifs, et les méchants ont les leurs. Il y a là un problème : les Juifs
des braves gens sont les outsiders qui méritent à peine le qualificatif de
juifs, alors que les Juifs des gens méchants sont les dirigeants juifs
tout-puissants. Et la fraternité juive est un corps structurellement
hiérarchique, fortement influencé par ses dirigeants autoritaires. Malgré eux,
les bons Juifs ont été utilisés par les Juifs méchants. Albert Einstein avait
rejeté la communauté juive, réprouvé le sionisme, n'avait jamais mis les pieds
dans une synagogue, et c'était un homme charmant. Mais ses réussites ont été
détournés à leur profit par les Juifs (méchants).
Si cela a pu se produire
c'est parce que trop peu de gens veulent le comprendre : les Juifs ne sont ni
un peuple, ni une religion, ni une race. Il s'agit d'une organisation quasi
religieuse ; quelque chose qui ressemble à une Eglise catholique qui serait intimement
liée au Fonds Monétaire International, de même que le courrier électronique est
associé au téléchargement de fichiers sous Windows. On peut rencontrer toutes
sortes de catholiques, mais les décisions sont prises à Rome. On peut
rencontrer toutes sortes de juifs, mais les décisions sont prises à Wall
Street.
Lorsqu'on se bat contre
un ‘os’, il est important de soutenir les ‘bords’. C'était l'approche
traditionnelle de l'Eglise chrétienne : combattre la juiverie pour sauver l'âme
des juifs. Un zélote juif, Goldhagen ‘le fou’, prétendait dans ses livres que
l'Eglise était anti-sémite et que sa politique avait conduit à l'holocauste
juif. Rien ne saurait être plus erroné : l'Eglise souhaitait corriger la
mentalité, non pas tuer le corps. En fait, les juifs vont contre leurs
véritables intérêts. Les élites juives savent que le peuple devrait avoir un
choix, et ils essaient de nous persuader de faire le mauvais choix. Voilà
pourquoi les mammonites juifs défendent les zélotes sionistes. Ils veulent que nous
les juifs ne puissions choisir qu'entre ces deux calamités, les zélotes et les
mammonites.
Mais il y a aussi une
troisième voie. Les adeptes de cette autre philosophie croient à la grande
fraternité des hommes, et rejettent à la fois la haine de zélotes et les
manœuvres des pharisiens pour la domination mondiale. Ils peuvent adhérer à des
écoles politiques et religieuses diverses, être à gauche ou à droite sur
l'échiquier politique, croire au Christ ou à Allah, à Lénine ou à Chomsky, au
New Age ou à Bouddha, à l'art ou à l'amour. Ce sont les vestiges d'Israël,
selon les termes éloquents de saint Paul. En pénétrant l'humanité, les paroles
du Christ se verront confirmées : le grain qui meurt vit, et le grain qui vit
meurt. Le récit de la mort du Christ et de sa résurrection a sa signification
mystique : n'ayez pas peur de mourir et de disparaître, car c'est le chemin de
la vie. Les juifs qui meurent en tant que Juifs restent en vie. Après que le
rideau fut tombé sur la communauté juive en Espagne, sainte Thérèse d'Avila et
saint Jean de la Croix moururent en tant que Juifs, et restèrent vivants pour
toujours. Le nom des exilés qui s'en allèrent à Amsterdam ou au Maroc s'est
évanoui dans l'oubli : ils restèrent en vie en tant que Juifs, et de ce fait
morts à jamais. La même chose se reproduisit en 1917 en Russie : ceux qui
restèrent Juifs disparurent à jamais ; ceux qui embrassèrent la révolution
vivront toujours.
IX
Juste avant le 11
septembre, un groupe de membres du Congrès américain visita la Palestine, et
l'un d'entre eux fit les gros titres de la presse. C'était le député Shelley
Berkley (une démocrate du Nevada) qui dit au ministre palestinien Saeb Erakat :
"c'est notre pays ; nous avons gagné la guerre. Si les Palestiniens
n'aiment pas vivre sous la loi juive, je ne les empêcherai pas de partir".
Mais qui est ce ‘nous’ de Shelley Berkley ? Elle ne voulait certainement pas
dire ‘nous les Américains’, ou ‘nous les gens du Nevada’ qui l'ont propulsée à
Washington. Le Nevada n'a gagné aucune guerre au Proche-Orient, à ma
connaissance. Il y aurait bien quelques personnes naïves pour répondre :
Israël, et même l'accuser de ‘double allégeance’. Des mentors stricts la
condamneraient pour avoir trahi la confiance de son électorat en greffant sa
loyauté sur un pays étranger. Mais ce serait une interprétation malhonnête.
Miss Berkley n'a jamais changé d'allégeance. Comme beaucoup d'autres membres du
Congrès et du Sénat, elle n'a qu'une seule loyauté, et c'est envers la cause
juive.
Miss Berkley est tout à
fait logique. Si les Nevadiens et les autres Américains supportent parfaitement
de vivre sous une influence juive pesante, pourquoi les Palestiniens n'en
feraient-ils pas autant ? Apparemment cela ne dérange pas les Américains, que
leur richesse soit administrée par des banquiers et gros investisseurs, sous le
parapluie de la Réserve Fédérale de M. Greenspan. Jésus sauve, mais Moïse
investit. L'influence juive ne s'arrête pas là où le dollar s'arrête. Les
idéaux des Américains sont façonnés par Hollywood, avec son culte du lucre et
du succès. Leurs réflexions sont alimentées par les éminences juives dans les
universités et les médias. Pour leur confort, ils ‘boivent’ le New York
Times comme du petit lait. Leur histoire a rétréci et s'est réduite aux
études sur l'holocauste. Leurs livres sont écrits par Bellow et Malamud. Il
importe peu aux Américains que leur politique soit aux mains de gens qui n'ont
de dévotion que pour la cause des Juifs.
Si cela ne les dérange
pas, pourquoi moi, un juif israélien, m'en soucierais-je, plutôt que de me
sentir fier de cette grande réussite de mes frères les Juifs américains ? Après
tout, ce n'est pas rien, d'arriver à contrôler la seule super-puissance
mondiale sans tirer un coup de feu. Ce n'est pas une question rhétorique, c'est
une réponse, et qui n'a rien à voir avec la ‘haine de soi’. Je me sens très
bien avec moi-même, et avec la plupart des juifs que je rencontre. Séparément,
nous sommes sympathiques et chaleureux. Enfin, aussi sympathiques que n'importe
qui. Mais ensemble, nous constituons une machinerie sociale redoutable et
repoussante, liée par un pacte infernal à la rapacité et à la cupidité. J'aime
‘les Juifs’ tout autant que le grand américain David Thoreau aimait l'Empire
américain, que Voltaire aimait son Eglise catholique, qu'Orwell aimait son
Parti stalinien.
L'appartenance juive est
devenue l'ennemie des juifs en Israël : les Israéliens qui voudraient vivre en
paix avec leurs voisins palestiniens, en paix avec églises et mosquées, ne
peuvent pas contrer l'autorité musclée et brutale des Juifs américains. Les
bons Israéliens et leurs alliés palestiniens ne peuvent pas gagner, tant que ce
pouvoir ne sera pas maîtrisé. Selon une légende nordique, le héros et demi-dieu
Thor s'en alla à Utgard pour faire la preuve de son pouvoir. Les dieux d'Utgard
le mirent au défi de boire toute l'eau contenue dans une corne. Il essaya mais
en vain, car la corne était reliée à la mer (c’était un fjord). Il ne put
gagner son pari qu'en coupant ce lien. Si vous, mes lecteurs d'outre-océan,
vous bloquez la mer du soutien aux Juifs à l'étranger, nous, Israéliens et
Palestiniens, serons capables de changer les choses sur le terrain. Les
défenseurs de l'Etat juif dans votre milieu devraient être maîtrisés, pour
notre salut à tous, à vous et à nous.
X
Il y a quelques mois,
mes voyages m'ont amené dans le bassin de l'Amazonie, dans la jungle péruvienne
profondément entaillée par le fleuve ‘Madre de Dios’. Dans ce lieu reculé, de
petits ruisseaux serpentent sur des kilomètres au milieu de forêts sans fin,
tout juste navigables pour de petites pirogues. Après une longue traversée
depuis Puerto Maldonado, mon guide local me conduisit au ‘Monde perdu’, plein
de perroquets bariolés et de singes amicaux qui venaient s'asseoir sur mon
épaule. Sur un chemin étroit, je remarquai un arbre immense. Il était plus
grand que tous les autres arbres de la jungle. Ses énormes racines s'étendaient
sur plusieurs mètres. C'est l'arbre télégraphe, répondit mon guide à ma
question. Il tapa sur le tronc de l'arbre monstrueux et le son se répercuta à
travers la jungle. Le géant était creux. Je le regardai de tout près et
remarquai un détail qui m'avait échappé auparavant : environ sept mètres
au-dessus du sol, un autre tronc, un palmier partiellement digéré, émergeait de
l’enveloppe d’écorce. L'arbre télégraphe était un monstrueux parasite, qui
avait poussé sur un palmier. Le parasite n'avait pas de tronc propre, mais il
enveloppait l'arbre et poussait sur lui, le paralysant et digérant ses sucs
vitaux. L'arbre pourrissait dans cette coquille, et le tronc creux grimpait
jusqu'à de nouvelles hauteurs, fournissant un tambour parfait aux Indiens du
lieu. C'était une vivante image des Etats-Unis d'Amérique, ce tronc creux et
colossal, surplombant la forêt des nations, mais mort à l'intérieur. L'empire
américain est entré dans la phase du déclin. Le dollar est encore la monnaie
mondiale, l'armée américaine est encore une formidable machine de guerre, des
millions de milliards transitent par la Bourse, mais le grand Etat de l'Occident
n'a plus d'identité spirituelle. La vie politique aux Etats-Unis est entrée
dans une ère crépusculaire qui rappelle les derniers jours des rois
mérovingiens. Pour celui qui est au dehors, il est difficile d'imaginer que
cette nation de 275 millions de personnes n'ait pas pu trouver de meilleurs
présidents que les nigauds de Bush et/ou Gore. Tous les deux se révèlent
faibles d'esprit, profondément ignorants, et totalement dépourvus de volonté
politique. Il est probable que n’importe quelle ville moyenne aurait pu fournir
de meilleurs candidats que ces deux-là. Le déclin politique général
s'accompagne de la faiblesse d'esprit. L'Amérique des médias et de la vie
publique est bête. Il n'y a pas de nouveaux livres qui soient importants,
comparables à ce qu'offrait l'Amérique d'avant guerre. La télévision
étasunienne est une insulte à l'intelligence humaine. Les musées sont remplis
de vieilleries rouillées et de vidéos qui prétendent être de l'art américain.
L'emprise judéo-mammonite a éliminé les forces vives de l'Amérique et les a
guidées vers le dépérissement.
XI
L'esprit ‘juif’ de
l'Amérique, dénoncé par Marx, a été glorifié et exalté par le journaliste juif
américain Philip Weiss comme suit[74]
:
"Personne
n'est autorisé à parler de quelque chose que nous savons sans le dire : les
Juifs ont transformé l'Amérique. Le mouvement pour les droits civiques reflète
le sens juif de la justice et des valeurs. Le féminisme est un reflet des
valeurs libérales du matriarcat juif. Les Juifs toujours plus puissants dans
les médias ont inauguré l'âge de l'information. Les Juifs psychologiquement à
l'unisson et les Juifs de Hollywood ont transformé le langage de la culture
populaire, tels Seinfeld et Weinstein. Et le nouvel accent sur les réalisations
dans le domaine de l'éducation est un reflet de l'amour juif pour la
connaissance. Sans parler des finances ou du droit. Cette évolution a fait de
l'Amérique un lieu plus équitable et plus créatif. Les Juifs ont favorisé la
séparation de l'Eglise et de l'Etat. La grande diminution de l'influence de
l'Eglise sur les coutumes générales ne se serait pas produite sans le pouvoir
culturel croissant des Juifs laïques. Et personne n'en parle jamais. Le
changement le plus important dans la culture de l'establishment de ces
vingt-cinq dernières années ne fait l'objet d'aucun commentaire".
Mais dessaoulons un peu
: cette auto-adoration béate de Weiss réclame un petit retour à l'abstinence.
On peut considérer ces changements sous un éclairage moins flatteur. Les Juifs
ont transformé l'Amérique au cours des vingt-cinq ou trente dernières années,
dit Weiss. Ce fut l'âge d'or pour les Juifs américains, parce que leur part de
pouvoir et d'influence s'est accrue. Mais ces années ont été plutôt mauvaises
pour les Américains qui ne font pas partie des heureux élus. Un hebdomadaire
anglais, The Economist, ardent défenseur du néo-libéralisme, a récemment
donné l'information suivante[75]
:
"L'écart
entre les pauvres et les riches s'accroît. En Amérique, au cours des vingt
dernières années, le revenu moyen du cinquième le plus riche de la population
est passé de neuf à quinze fois plus que celui du cinquième le plus pauvre. En
1999, l'inégalité dans le revenu des Anglais a atteint son niveau le plus élevé
depuis quarante ans".
L'influence grandissante
des Juifs s'est accompagnée de la divergence : les riches sont devenus plus
riches, les pauvres plus pauvres, et les classes moyennes ont perdu. C'était
prévisible, car traditionnellement la prospérité de la communauté juive
augmente en proportion inverse de l'intérêt des gens ordinaires. La Bible nous
fournit un schéma archétypique avec l'histoire de Joseph et ses frères, qui
prospéraient en mettant en esclavage les Egyptiens pour le compte du Pharaon.
La communauté juive était proche du roi et contre le peuple en Espagne à
l'époque de Pierre le Cruel, en Pologne et en Ukraine au XVIIe
siècle. Ce n'est pas par hasard si les quartiers juifs étaient tout près des
palais royaux partout en Europe.
Les ‘Juifs toujours plus
puissants dans les médias’ se sont mis à radoter à leur habitude : en
glorifiant Israël, en se lamentant sur l'Holocauste, en soutenant toutes les
mauvaises causes, depuis les massacres massifs en Irak jusqu'au blocage des
avancées des Noirs aux Etats-Unis. Sous les Juifs, Hollywood a rendu le cinéma
américain encore plus violent, moralisant, répugnant, et philistin. Il y a un
brave type juif dans le monde du cinéma, c'est Woody Allen, mais il n'est pas à
Hollywood et de toute façon, il est considéré comme un antisémite. En matière
de droit, l'ascension des Juifs n'a pas fait de l'Amérique une société plus
juste, mais plus procédurière. ‘L'avocat juif’, c'est le nouveau nom du
croque-mitaine qui terrorise les enfants la nuit. La ‘séparation de l'Eglise et
de la société’ revient à la ‘dé-christianisation’ et la ‘dé-spiritualisation’
forcées.
XII
Les Etats-Unis sont
devenus un Etat juif sous plusieurs angles. Mêmes systèmes de sécurité, mêmes
musées de l'holocauste, même pauvreté pour les plus nombreux, et richesse pour
quelques uns, comme en Israël. Cette ressemblance est perçue tant par les
sympathisants que par les adversaires. David Quinn[76]
a écrit dans le Sunday Times : "Le rejet instinctif des
intellectuels irlandais pour la politique américaine est si fort, si palpable,
si irrationnel ( !?) qu'il me rappelait plus que toute autre chose
l'antisémitisme". Et il poursuivait :
"Les
Américains sont comme les Juifs en ce qu'ils sont devenus les boucs émissaires
de choix pour la moitié de la planète. Les Juifs étaient accusés de contrôler
les finances mondiales ; il en va de même pour les Etats-Unis. Les Juifs
étaient accusés de promouvoir la décadence à travers leur prise de contrôle
dans les arts et la musique. Même chose pour les Etats-Unis. Les Juifs étaient
accusés de mettre leur pouvoir au service des usages les plus funestes.
Exactement comme les Etats-Unis".
"Etant
donné le pouvoir et la richesse des Etats-Unis, et la force de son lobby juif,
au Proche-Orient c'était la simplicité même que de mêler l'anti-américanisme au
vieil antisémitisme de façon à produire un brouet véritablement empoisonné. Des
dizaines de millions de gens ont avalé cette décoction et sont maintenant
remplis d'une haine de l'Amérique aussi forte que celle de bien des Allemands
sous la République de Weimar. Oussama ben Laden et ceux qui le suivent ont mené
leur haine jusqu'à sa conclusion logique, exactement comme Hitler : si les
Etats-Unis sont véritablement à blâmer pour les problèmes mondiaux, alors il
faut les abattre avec leurs habitants".
Cet article est
important car il dévoile le subconscient d'un adepte du judéo-américanisme.
Quinn s'adresse aux Juifs et aux non-juifs : soutenez l'Amérique parce que
l'Amérique est un Etat juif qui met en pratique la politique juive et provoque
une réponse anti-juive normale. Quinn considère les Juifs et l'Amérique comme
identiques, et il utilise bien des clichés de la propagande néo-juive. L'un des
clichés est que le rejet de la politique judéo-américaine est irrationnelle
parce qu'il y a un article de foi : "tu ne chercheras pas à savoir et à
comprendre pourquoi ta politique suscite le rejet". Elie Weisel, le
prophète de l'holocaustisme, récite à chaque occasion : "Totalement
irrationnel. Pas d'explication. Aucune raison, simplement la haine universelle
à l'état pur contre les Juifs", et le rabbin Tony Bayfield le répète avec
la véhémence juive habituelle[77]
: "J'enrage contre quiconque ose suggérer que de tel actes (l'attaque
contre le Pentagone, etc.) sont à la rigueur explicables, je ne dirais pas
justifiables". Sans connaître la personnalité du rabbin Bayfield
personnellement, je risque un pari osé. Si vous lui mentionnez Deir Yassine, ou
le génocide en Irak, il sera vert de rage : comment peut-on
comparer ? Il trouvera ces meurtres de masse justifiables, et certainement
explicables. Mais chaque fois que des Juifs souffrent cela ne peut s'expliquer
ou se comprendre que par des moyens mystiques.
Quinn, comme tous les
apologistes néo-juifs, nie l'indéniable. Pour lui, l'Amérique ne contrôle pas
les finances mondiales, mais elle est accusée de le faire. Il est probable que
les Etats-Unis sont tout aussi injustement accusés d'occuper une grande partie
de l'Amérique du Nord. Dans l'esprit de Quinn, ils s'abritent dans un logis
modeste, dans un petit schetl. Je n'ai pas la moindre idée des origines
de David Quinn, mais personne ne saurait être plus Juif que lui.
Pour Quinn, chaque
ennemi de la suprématie juive ou de la domination américaine est un nouvel
Hitler qui veut exterminer tous les Juifs et tous les américains. Nasser était
Hitler quand il a nationalisé Suez, Arafat était Hitler et Beyrouth était son
bunker. L'Union Soviétique est devenue la même chose que l'Allemagne nazie à
partir du moment ou Moscou a fini de jouer son rôle en triomphant d'Hitler.
Oussama ben Laden ou ‘dix millions de personnes au Proche-Orient’ sont devenus
le nouvel Hitler. L'idée sous-jacente à cette comparaison est que ces ‘dizaines
de millions’ de musulmans devraient être traités comme Hitler et ses
‘innombrables Allemands sous la République de Weimar’.
Le discours
judéo-américain a hérité cette idée de diabolisation de son précédent juif.
L'introduction de la fureur, de la haine et de l'esprit de vengeance dans
l'argumentation de l'adversaire est une arme idéologique puissante dans la
tradition juive. On ne la retourne jamais contre la communauté, mais on s'en
sert à l'extérieur. La diabolisation et la fureur engendrent la méchanceté
générale, biaisent le discours et de ce fait détruisent la société. Le rabbin
Shmuel Boteach, autrefois rabbin Chabad de l'université d'Oxford, a condensé
son approche juive dans son essai si bien nommé Le temps de la haine[78] :
"La réponse
appropriée aux brutes qui ont perpétré de lâches et abominables attaques contre
l'Amérique est de les haïr avec chaque fibre de notre être et de nous débarrasser
de toute parcelle de sympathie qui pourrait nous pousser à comprendre leurs
motivations. La haine est une émotion valable. Au contraire du christianisme,
qui recommande de tendre l'autre joue et d'aimer les méchants, le judaïsme nous
oblige à mépriser et à combattre les méchants quel qu'en soit le coût. Pour
nous, étendre le pardon et la compassion aux ‘pécheurs’, au nom de la religion,
n'est pas seulement insidieux, c'est un acte de moquerie envers Dieu, qui a
pitié de tous, mais ne réclame la justice que pour l'innocent. La seule réponse
possible à Hitler est le rejet extrême et la haine violente. La seule façon de
réagir au mal incorrigible est de lui livrer une guerre incessante jusqu'à ce
qu'il soit éradiqué de l'univers. Je maintiens que toute culture qui ne hait
pas Hitler et ceux de son espèce est une société insensible à la pitié. Oui,
manifester de l'amabilité envers le meurtrier c'est violer à nouveau sa
victime. Aussi, dans l'intérêt de la justice, la réponse appropriée au méchant
est de le haïr avec chaque fibre de notre être et de souhaiter qu'il ne trouve
jamais le repos, ni dans ce monde ni dans l'autre".
XIII
Dans le combat au niveau
des idées, il y a une arme de destruction massive formidable : la diabolisation
de l'opposant. En théologie cela s'appelle l'hérésie ‘manichéenne’. Il n'y a
pas de meilleure arme méthodologique si l'on cherche à détruire la société. On
ne devrait pas diviser les gens entre fils de la lumière et fils de l'ombre.
Les juifs sont
généralement assez tolérants avec les idées produites à l'intérieur de leur
communauté. Le fondateur du sionisme Theodor Hertzl était tout sauf un juif
pieux. Les Juifs religieux le rejetaient grandement. Pourtant, quand on demanda
à un rabbin de dire quelque chose de positif à son sujet, il trouva les mots
qu'il fallait : Theodor Hertzl n'a jamais parlé de sujets profanes dans une
synagogue, n'est jamais allé aux toilettes en portant des phylactères, n'a
jamais étudié le Talmud le soir de Noël. La vérité c'est que Hertzl n'a jamais
mis les pieds dans une synagogue, jamais porté de phylactères, jamais étudié le
Talmud, un point c'est tout.
Dans une veine
semblable, les Juifs furent passablement tolérants avec Léon Trostsky le
communiste, et envers Yair Stern le défenseur des nazis, parce qu'ils savaient
que chaque idée comporte des éléments positifs. De nos jours, le chef de
l'opposition de gauche Yossi Sarid était un ami du ministre judéo-nazi
assassiné Zeevi, et il en fit un éloge touchant.
Mais pour le monde
extérieur, les Juifs dressaient généralement le tableau de celui qui est béni à
jamais contre celui qui est damné à jamais, de la rage folle, de la colère et
de la vengeance. Afin de restaurer l'équilibre, cette tolérance interne juive
devrait être universalisée, et l'intolérance juive externe devrait être
rejetée.
La pensée
judéo-américaine continue à produire de l'intolérance à usage externe. Ronald
Reagan a appelé la Russie ‘l'empire du mal’, Bush a appelé Saddam Hussein
‘Hitler’. Barbara Amiel, épouse et mentor du magnat des médias Lord Black a
remarqué que maintenant, c'est Israël et les Juifs qui sont présentés comme
l'empire du mal. Erreur, Mrs. Amiel : il n'y a pas d'empire du mal, seulement
des empires incontrôlables.
La Russie soviétique
n'était pas un ‘empire du mal’, non plus que le communisme personnifié par
Staline et le goulag. Sholkov, Block, Pasternak, Esenine, Maïakovski et Deineka
embrassèrent le parti de la révolution et exprimèrent artistiquement ses idées.
C'est en Russie que se déroula la grandiose expérience de l'égalité et de la
fraternité, avec des succès partiels, dans le cadre d'un courageux effort pour
vaincre l'esprit de cupidité. Les communistes et leurs alliés tentèrent de
libérer le travail, d'installer sur terre le royaume des cieux, de chasser la
pauvreté et de libérer l'esprit. Et le communisme a permis à la
social-démocratie européenne de s'implanter.
L'Allemagne n'était pas
un empire du mal, non plus que l'esprit du traditionalisme organique tel qu'il
s'incarna dans la personne d'Hitler. Les traditionalistes ont essayé
d'implanter un paradigme alternatif basé sur Wagner, Nietzsche et Hegel, pour
atteindre les racines et les traditions du peuple. Ce n'est pas sans quelque
raison que les meilleurs écrivains et penseurs de l'Europe, depuis Knut Hamsum
jusqu'à Louis-Ferdinand Céline et Ezra Pound, William Butler Yeats ou
Heidegger, ont vu un élément positif dans l'approche traditionaliste organique.
Si la Russie et l'Allemagne n'avaient pas été diabolisées, il est fort probable
que nous ne les aurions pas vues en arriver aux extrémités que nous savons.
Il nous faut restaurer
l'équilibre de la réflexion et du discours qui a disparu à la suite de la
Seconde Guerre mondiale, à cause de la victoire trop complète de la pensée
bourgeoise dite judéo-américaine. Tout en condamnant les excès et les crimes de
guerre, nous devrions reprendre à notre compte le royaume de l'esprit de
Maïakovski jusqu'à Pound. Il n'y a pas de gens substantiellement mauvais, nous
sommes créés à l'image de Dieu, et toutes les idées sont nécessaires pour
produire une pensée neuve. Les deux grands acteurs des années 1930-1940 ont
commis bien des atrocités, mais que celui qui n'a jamais péché jette la
première pierre. Après Dresde et Hiroshima, et les massacres de Deir Yassine et
Jénine, y a-t-il vraiment des candidats ? Il convient de les dé-diaboliser,
parce que leur diabolisation crée un déséquilibre dangereux. Et d'un autre
côté, nous ne devrions pas diaboliser leurs opposants. Les Etats-Unis ne sont
pas un empire du mal. On peut les ramener au bon sens et il faut le faire.
L'esprit américain d'entreprise, d'invention, de confiance en soi, de liberté
sans entraves et de démocratie, mérite d'être préservé comme toutes les
qualités valables pour l'humanité entière. Le peuple juif n'est pas l'empire du
mal. Ce sont de bons organisateurs et ambassadeurs, obstinés et dévoués, qui se
passionnent facilement et qui s'investissent complètement, des penseurs de
premier ordre et des soldats courageux, des voyageurs aux pieds légers, prompts
à la compassion et à la gaîté ; ils sont indispensables à la prospérité de
l'humanité. Mais chacune de ces façons d’aborder la réalité peut détruire le
monde si elle n'est pas fermement maîtrisée.
Les Soviétiques ont tué
et exilé des millions de personnes dans leur effort pour abolir l'ordre ancien.
Ils ont démoli de vieilles églises, déraciné les paysans et contribué à
l'uniformité autant que leurs adversaires américains. Les nazis ont déclenché
la guerre la plus horrible à l'échelle du monde et tué des millions de Slaves
et de Juifs. Mais les forces judéo-américaines ont été détraquées par leurs
victoires excessives de 1945 et 1991, et elles les interprètent comme une
licence pour mener le monde à sa perte. Leur programme de globalisation
éliminerait toute beauté et qualité spécifique au monde, anéantirait l'esprit,
minerait l'art, balayerait la spiritualité, détruirait la nature, démantèlerait
la protection sociale, diviserait l'humanité en maîtres et esclaves.
Partout, les vieux cafés
et restaurants disparaissent et se voient supplantés par les Starbucks et
McDonalds. Les salariés perdent leurs emplois, les musées sont remplis de
rebuts, l'art est remplacé par la télé. Et pourtant, les forces
judéo-américaines méritent d'être contenues, non pas détruites.
Habituellement nous
analysons la guerre en tant que conflit entre intérêts d'Etats. Mais
l'interminable Seconde Guerre mondiale était également une guerre d'idées.
Cette guerre était une erreur et elle était inutile, car des idées diverses
devraient co-exister dans un affrontement perpétuel, comme le yin et le yang,
ou les forces masculines et féminines. L'idée judéo-américaine émasculera le
monde si on ne la retient pas. Cette émasculation est ressentie avec force aux
Etats-Unis, où les hommes n'osent même plus se conduire en hommes. Ils peuvent
être poursuivis s'ils regardent une fille, et poursuivis s'ils ne la regardent
pas. Dans le grand poème épique anglo-saxon "Beowulf", une reine
cruelle fait assassiner tout homme qui ose lever les yeux sur elle. Les auteurs
de ce texte ne se doutaient pas que l'esprit de la reine cruelle deviendrait la
règle suprême dans le monde.
L'idée judéo-américaine
est fermement reliée à la vie biologique, mais rejette l'esprit. Ce n'est pas
pour rien que nulle grande œuvre d'art, nulle grande idée n'apparaît sous son
règne. De l'autre côté, les tendances purement masculines de leurs adversaires
étaient également dangereuses pour la survie de la race humaine. Les trois
grands rivaux du siècle dernier avaient un point commun : ils rejetaient le
Christ, la base de notre spiritualité.
Aucun des grands
dirigeants de la Seconde Guerre mondiale ne s'est jamais tourné vers Dieu. Les
Allemands hier, comme les Américains aujourd'hui, avaient peur de se référer au
Christ pour ne pas être ridiculisés ou réprimandés par les Juifs. Les nazis
étaient vivement anti-chrétiens, et trempaient dans l'occultisme. C'est là le
quatrième élément qui manque pour rétablir l'équilibre. Aussi devrions-nous
viser la synthèse des quatre tendances : l'amour organique pour la nature des
autochtones, les racines locales et traditionnelles ; le sens communautaire
ancien de la justice sociale étendu à toute l'humanité ; l'amour de la vie et
l'esprit d'entreprise ; enfin la spiritualité. Cela embrasserait la nouvelle
signification de la croix, et mènerait l'humanité à son humanité dans l'esprit,
tout en préservant sa magnifique diversité.
XIV
Bien des spécialistes de
la montée du judaïsme rencontrent une difficulté. Leurs instincts darwinistes
les poussaient à envisager que les Juifs aient certaines qualités propres qui
favorisent leur réussite. Kevin McDonald est arrivé à la conclusion que les
Juifs possèdent une intelligence supérieure, résultat de l'eugénisme et d'une
éducation conséquente. Je me suis senti fier en lisant son travail, jusqu'au
moment où je me suis tourné vers les Juifs réels, mes voisins. Sa conception ne
soutenait pas la confrontation avec le réel. S'il ne s'agit pas d'une
intelligence supérieure, alors qu'en est-il ?
L'erreur des darwinistes
repose sur leur inaptitude à voir le succès comme un concept variable selon les
sociétés. Dans les sociétés de la gentilité traditionnelle, on cherchait
l'exemple de la réussite parmi les poètes, les saints, les artistes, les
guerriers, les bons ouvriers ou paysans, les hommes qui avaient rendu la vie
meilleure aux autres. Pour les Grecs du temps d'Homère, les champions sportifs,
les marins, les poètes, les musiciens et les danseurs étaient les modèles du
succès pour autant que nous puissions en juger par la fantastique utopie des
Phéaciens. Ces gens idylliques, comme les joyeux étudiants d'Oxford autrefois,
méprisent le négociant et l'homme d'affaires, et préfèrent un bon capitaine sur
son yacht.
Selon les Juifs, il y a
deux sortes de réussite. D'une part le succès à l'intérieur de la communauté ,
qui passe par l'étude du Talmud. D'autre part, le succès dans le vaste monde
des Juifs et des Gentils. Celui-ci se mesure à l'accumulation de l'argent et du
pouvoir. Du point de vue juif, les Juifs ont toujours réussi, puisqu'ils ont
toujours triomphé dans les deux domaines. Mais jusqu'à une date récente, la
réussite juive à l'extérieur n'était pas considérée comme telle par les
Gentils. Il y avait bien des Gentils qui partageaient leur point de vue, mais
qu'il s'agisse de Richard III ou d'Harpagon, ils étaient plutôt considérés
comme des monstres que comme des modèles en matière de réussite. Au XIXe
siècle, les monstres apparurent en nombre massif, ce qui donna lieu à la
naissance du monde mammonite. En participant activement au discours (médias et
universités), les penseurs juifs et les idéologues ont promu l'idée mammonite
de succès et en ont fait la valeur de référence dans la société occidentale.
Les Harpagons et
Richards modernes, qu'ils s'appellent Iacocca ou Soros, sont généralement
approuvés dans la nouvelle société formatée par les maîtres du discours
mammonites. Le monde occidental devint juif, comme Marx l'avait affirmé, et il
adopta le critère juif du succès. En clair, les juifs ne sont pas devenus ‘les
gens qui réussissent’, mais c'est que leur conduite habituelle est devenue la
norme du succès. Si le discours des Etats-Unis était transféré entre les mains
des Afro-américains, peut-être que de bons sportifs et musiciens seraient
considérés comme des modèles de réussite, tandis que les avocats et les
banquiers seraient des ratés. Et ce serait bien meilleur pour l'avenir de
l'humanité que l'adoration actuelle de l'argent et du pouvoir.
XV
Or le succès matériel
des juifs ne provient d’aucun miracle. Le cas de deux metteurs en scène et
producteurs israéliens, Menachem Golan et Yoram Globus, nous aide à le
comprendre. Il s'agit de gens au maigre talent dont les réalisations
cinématographiques ne dépassaient pas la série B, qui ont fait fortune à
Hollywood et ont produit un certain nombre de films épouvantables jusqu'au jour
où ils ont reçu un coup d'arrêt. La clé de leur succès reposait sur un réseau
vertical. Golan et Globus avaient acheté des cinémas dans toute l'Angleterre et
le Royaume-Uni, et là ils projetaient les films de leur choix. Invariablement
(ou presque) ils choisissaient des films exécrables, parce qu'ils n'ont ni
goût, ni talent, ni capacité. Ils disaient : si vous possédez une chaîne de
cinémas, vous n'avez pas à vous soucier de la qualité de vos films.
La globalisation et la
création de réseaux, c'est le moyen d'éviter la concurrence par le mérite. Au
lieu d'ouvrir un meilleur café, il est plus facile d'acheter tous les cafés et
d'en faire des Starbucks. Les gens seront obligés d'aller dans votre café. La
deuxième raison de la réussite juive se trouve dans notre compatibilité
psychologique mutuelle. Les adversaires en parlent habituellement comme de la
franc-maçonnerie juive, une quasi conspiration. Mais il est tout à fait naturel
pour les Juifs d'aimer cette sorte de choses, comme les Anglais aiment les œufs
au bacon. Seulement cela crée un problème pour le progrès de l'humanité.
A Prague dans les années
1920, il y avait deux écrivains également bons mais très différents, un juif
aliéné et abstrait, Frantz Kafka, et un communiste tchèque proche du terroir,
Jaroslaw Hasek. Tous les deux sont bons, tous les deux sont nécessaires au
progrès de l'humanité, mais le génie de Kafka est plus délectable pour les
juifs. Comme il y a bien plus de professeurs de littérature juifs et d'éditeurs
de journaux juifs que tchèques, il est tout à fait naturel que Kafka soit
universellement connu et reconnu, tandis que le nom de Hasek reste cantonné à
la Bohême. Il y a plus d'écrivains pour
imiter Kafka que pour tenir compte d'Hasek. Le résultat c'est que l'humanité,
pas seulement en Amérique, devient de plus en plus judaïsée. Comme le savent
bien les écrivains, ils se doivent d'écrire dans un style qui soit appétissant
pour les éditeurs et les professeurs juifs. Autrement ils ne doivent pas
s'attendre à dépasser un succès à l'échelle paroissiale. Voilà comment, sans la
moindre conspiration, les tendances juives normales dans l'humanité influencent
l'esprit de l'humanité en éliminant sa merveilleuse diversité.
Mais ces problèmes ont
une solution. Tandis qu'une certaine dose d'initiative privée est souhaitable,
la constitution de réseaux devrait être bannie. On doit pouvoir être
propriétaire d'un cinéma ou d'un café. Mais l'envie d'en acheter un autre, ou
d'en prendre le contrôle, devrait attirer des poursuites pénales. Un Inuit est
heurté par une locomotive à vapeur alors qu'il visite le continent, raconte une
blague nordique. Il survit à l'accident, mais depuis, il casse toutes les bouilloires
sur son passage.
"Il faut les
exterminer avant qu'elles ne grandissent", dit-il. Maintenant que nous
connaissons la monopolisation, nous devrions suivre l'exemple du sage Inuit. Il
vaut mieux pour nous avoir une centaine de cafés différents qu'une centaine de
Starbucks.
Le revenu individuel
devrait être plafonné au double du salaire industriel moyen, tandis qu'au-delà,
les impôts devraient dépasser les 100%. Les privilèges des cadres devraient
être sévèrement rabattus de la même manière. Les médias et le discours en
général devraient être libérés. Dans le domaine de la pensée, la tendance
brahmane des jJuifs devrait être rendue visible et contestée. Le Brahmane n'est
pas un ennemi, mais sa tendance traditionnelle à la domination devrait être combattue
par une meilleure visibilité et il devrait avoir à en rendre compte. Il
faudrait instaurer une communion d'esprit unitaire. Ceci implique le rejet du
prêt à intérêt et de la discrimination raciale.
Saint Ambroise, dans ses
commentaires sur le Deutéronome (23 :19) écrivait : "Appliquez l'usure à
celui qu’il ne serait pas criminel de tuer. Là où il y a un droit à la guerre,
là aussi, l'usure est un droit"[79].
Ceux qui partagent la communion avec leurs frères et sœurs par l'esprit ne sont
pas sujets à l'usure. Mais si la communion disparaît, l'usure, l'exploitation
sans limites et l'esclavage s'installent.
Dans son spirituel Catch
22, Joseph Heller a un général qui demande à son chapelain plein
d'incrédulité : "Est-ce que les hommes de troupe prient le même dieu que
nous ? " C'est exactement l'idée d'un monde sans partage de la communion.
Ce n'est pas sans raison que le Talmud interdit à un Juif de boire du vin avec
un Gentil, car le partage du vin est une communion. Comme le projet de la loi
juive est de maintenir un état de guerre de basse intensité entre Juifs et
Gentils, il était également interdit de faire un prêt sans intérêt à un Gentil.
En partageant la communion, la société surmontera cette difficulté.
Avec cela, l'ascension
des Juifs se transformera en ascension de l'homme.
La longue saga des Juifs
va vers une fin inconnue. Elle a commencé avec le rejet de l'esprit de
communion, et elle se termine par la même question, posée à nouveau. Si le
sionisme et son frère aîné le mammonisme devaient vaincre à l'échelle
planétaire, ils élimineraient la diversité, la pitié et l'esprit. Si l'esprit
de communion gagne à l'échelle du monde, les prophéties des Anciens deviendront
vraies. Nous dirons : nous sommes d'un même sang, nous, gens de Palestine, nous
qui descendons d'Abraham, des israélites, des apôtres, nous les habitants de
droit de la Palestine, et qui sommes proches de nos parents, les Juifs errants,
qui sont revenus comme le Fils Prodigue dans la maison de son père. Les fils
exilés des villages palestiniens, de Kakun et de Suba reviendront et ils
reconstruiront les villes en ruines, pour ne plus jamais être déracinés (Amos,
9 ; 15). Sur la Terre sainte, les deux branches d'un seul peuple, de Juifs
et de Palestiniens, se rejoindront, se marieront ensemble et créeront un
nouveau peuple, comme l'ont fait les Normands à l'est de la Terre des Angles,
en Sicile et en Normandie, et ils ne troubleront plus jamais la paix du monde.
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22 novembre 2002
Le concept douteux de la Main Cachée ou des Sages de Sion est superflu,
parfaitement inutile.
"La dernière controverse mettant en cause le monde arabe concerne la
série télévisée ‘Un cavalier sans cheval’, qui a commencé à être diffusée
mercredi 6 novembre dernier, premier jour du mois sacré de Ramadan, sur
plusieurs chaînes arabes transmises via satellite. La source de la controverse
est le fait que cette série soit basée, en partie, sur Les Protocoles des
Sages de Sion, un vieux texte apocryphe produit par le régime de la Russie
tsariste", écrit Qais S. Saleh, un consultant, depuis Ramallah, sur
l’excellent site Web CounterPunch[80]. De façon bien compréhensible, Saleh
condamne cette émission et avertit les Palestiniens et les Arabes, en leur
demandant de se tenir éloignés du vieux démon de l’antisémitisme ou, plus
exactement, pour reprendre ses mots, "de la tendance à importer
l’idéologie antisémite".
L’opinion de Saleh rejoint celle de Michael Hoffman, sur le site duquel les
Protocoles sont consultables en ligne. Hoffman pense que les Arabes n’ont nul
besoin d’importer chez eux de vieux arguments antisémites tirés de sources
anciennes et lointaines, alors même qu’ils disposent d’une source fraîche
d’arguments, coulant abondamment vingt-quatre heures sur vingt-quatre : le
comportement actuel de l’Etat juif et de ses citoyens juifs. Ce comportement
est bien plus convaincant que toutes les vieilleries antisémites possibles et
imaginables.
Toutefois, les Protocoles sont toujours là et ils continuent à nous
interpeller. Récemment, le romancier et penseur en vue, Umberto Eco, a exprimé
son opinion sur ce sujet, dans le journal The Guardian[81]. Eco ‘explique’ les sentiments populaires
envers les juifs : "Ils ont depuis très longtemps officié dans le commerce
et le prêt d’argent – d’où ce ressentiment à leur égard, qui est un
ressentiment à l’égard ‘d’intellectuels’". A ce que j’en sais (mais je
sais peu de choses sur ce sujet), ce ne sont pas les intellectuels qui prêtent
de l’argent, mais les banquiers et les usuriers, dont les authentiques
intellectuels jugent le comportement repoussant. Probablement Eco a-t-il une
autre définition de ‘l’intellectuel’, dans sa manche. "Les Protocoles
malfamés des Sages de Sion ne sont qu’une compilation à partir d’un tissu
d’inventions, à l’évidence une contrefaçon, car il est bien difficile de croire
que des ‘méchants’ révéleraient un jour aussi ouvertement leurs projets
faillis", conclut Umberto Eco.
On excusera un consultant en affaires de Ramallah, mais Umberto Eco aurait
dû remarquer que sa définition allait comme un gant à d’autres ouvrages, comme Gargantua
et Pantagruel, par exemple, faux encore plus ancien, qui prétendait être
la chronique réelle d’une famille de Géants, et construit sur la base d’un
‘tissu d’inventions’. Don Quichotte, Pickwick’s Club, 1984
de Georges Orwell : tous ces livres ‘prétendent’ décrire des événements réels,
comme les Protocoles. Ce sont des ‘faux’, étant donné qu’ils sont attribués à
quelqu’un d’autre que leur auteur véritable : Don Quichotte, à Sid Ahmed
Benengeli[82] et Gargantua à Maître Alcofribas
Nasier[83].
Les Protocoles des Sages de Sion seraient plus justement décrits si l’on
parlait de ‘pseudo épigraphie’ plutôt que d’imposture. Ils s’apparentent à la
lettre du Président Clinton à Mubarak, écrite par Thomas Friedman. Après tout,
le genre pseudo épigraphique est un art ancien et vénérable. Il faudrait
considérer les Protocoles comme un ‘pamphlet politique’.
Dans cet essai, nous nous efforcerons de trouver pourquoi les Protocoles
refusent obstinément de se coucher et de mourir. Nous nous garderons
soigneusement d’aborder la fameuse question : qui les a écrits ? Leur réel
auteur reste inconnu, et il est difficile d’imaginer cette personne, car les
Protocoles sont un palimpseste littéraire. Dans les temps anciens, un scribe
écrivait généralement son texte sur un morceau de vieux parchemin, et pour ce
faire, il effaçait, auparavant, du texte déjà écrit sur ce même support.
L’effacement était rarement total, et un lecteur pouvait se voir gratifié d’une
version intégrale de l’Ane d’or[84] lorsqu’il voulait lire les Fioretti de
saint François d’Assise. Dans les Protocoles, il y a des couches d’histoires
anciennes, et d’autres encore plus anciennes, ce qui interdit toute quête
raisonnable de l’auteur véritable. Tout texte devrait être jugé sur son contenu
et non sur son auteur. Même si Jorge Luis Borges a écrit que l’auteur est une
partie – importante – de tout texte. Bien entendu, si nous savions que les
Protocoles comportent effectivement des vestiges d’écrits de certaines
élites juives, nous tiendrions notre réponse, en quelques minutes. Mais les
Protocoles ont été publiés à la fin du XIXe et au début du XXe
siècle, sous la forme de texte ‘découvert’, comme un texte apocryphe. Ils sont
devenus un énorme best-seller et le sont toujours aujourd’hui, bien que dans
certains pays (en particulier en Union soviétique) le simple fait d’en posséder
une copie ait été passible de la peine de mort.
‘Anonyme’ (l’auteur des Protocoles) décrit un plan magistral pour une vaste
restructuration de la société, créant une nouvelle oligarchie et entraînant
l’assujettissement de millions d’êtres humains. Le résultat final n’est pas
très éloigné de celui décrit dans un texte contemporain, Le talon de fer,
de Jack London, le célèbre écrivain radical d’Oakland (Californie). Toutefois,
London envisageait un grand effondrement, très dur, tandis que la manière dont
‘Anonyme’ voit l’assujettissement s’accomplir nous entraîne dans des
manipulations machiavéliques et un contrôle des âmes à la Orwell dans 1984.
(L’hommage rendu par Orwell aux Protocoles est beaucoup plus frappant
qu’on ne le relève généralement).
Le problème posé par ce texte vient d’une dissonance étrange entre leur
langage imprudent et leur profonde pensée religieuse et sociale. "C’est un
compte-rendu parodique d’un plan satanique, subtil et très bien conçu",
écrit le Prix Nobel de littérature Alexandre Soljénitsyne dans son analyse des Protocoles,
écrite en 1966 et publiée seulement en 2001[85] :
"Les Protocoles... exposent le plan
d’un système social. Son dessein se situe bien au-dessus des capacités d’un
esprit ordinaire, y compris celui de son auteur. Il s’agit d’un processus
dynamique en deux étapes : déstabilisation, augmentation des libertés et
du libéralisme, qui trouve son apogée dans un cataclysme social, au premier
stade ; la seconde étape voyant se mettre en place une nouvelle hiérarchisation
de la société. Ce qui est décrit est plus complexe qu’une bombe nucléaire. Il
pourrait s’agir d’un plan volé et gauchi, conçu par un esprit de génie. Son
style putride de brochure antisémite cauteleuse en obscurcit
(intentionnellement) la grande force de pensée et la vision pénétrante".
Soljénitsyne est conscient des failles des Protocoles :
"Leur style est celui d’un pamphlet puant, la
puissante ligne de pensée est brisée, fragmentée, mêlée d’incantations
nauséabondes et de grossières maladresses psychologiques. Le système qui y est
décrit n’est pas nécessairement relatif aux Juifs ; il pourrait s’agir d’un
système purement maçonnique ou autre, dans la mesure où il faut bien voir que
son orientation fortement antisémite n’est nullement une composante fondamentale
du projet".
Soljenitsyne procède à une expérimentation textuelle : il supprime les mots
‘Juifs’, ‘Goys’ et ‘conspiration’, et il aboutit à nombre d’idées dérangeantes.
Il conclut :
"Le texte démontre une clarté de vision
impressionnante en ce qui concerne les deux systèmes sociétaux : le système
occidental et le système soviétique. Si un puissant penseur, en 1901, pouvait
prédire le développement de l’Occident avec quelque vraisemblance, comment
aurait-il pu entrevoir le futur soviétique ? "
Soljenitsyne a bravé le régime soviétique et il a osé écrire et publier son
pavé, L’Archipel du Goulag, implacable condamnation de la répression
soviétique. Pourtant, même lui a calé ; il n’a pas publié sa recherche sur
les Protocoles. Il a demandé que cette étude ne soit publiée qu’après sa mort.
C’est contre sa volonté qu’elle a été imprimée en un nombre très réduit
d’exemplaires, en 2001. Suivons le développement de la pensée de Soljenitsyne
et plongeons le regard dans la boule de cristal des Protocoles, tout en
écartant pour le moment leur ‘ligne juive’ et en nous concentrant sur l’idée de
la création d’un nouveau système, pas nécessairement dominé par les juifs,
donc. Le plan directeur commence par la reconstruction de l’esprit humain :
"Les esprits doivent être détournés
(de la contemplation) vers l’industrie et le commerce ; dès lors, les gens
n’auront plus le temps de penser. Les gens se consumeront dans la poursuite de
l’argent. Ce sera une poursuite vaine, car nous bâtirons l’industrie sur une
base spéculative : les richesses tirées de la terre par l’industrie glisseront
entre les mains des travailleurs et des industriels et se retrouveront entre
celles des financiers. La lutte – intensifiée – pour la survie et la
supériorité, accompagnée de crises et de chocs, créera des communautés froides
et sans cœur, avec une forte aversion pour la religion. Leur seul guide sera le
gain, et ils voueront un véritable culte à Mammon".
Le caractère visionnaire d’Anonyme est
époustouflant : aux jours de la publication des Protocoles, les choses
étaient encore à la mesure humaine, et il faudra attendre quatre-vingts ans
avant que Milton Friedman et son Ecole de Chicago n’intronisent les dieux Marché
et Profit en seuls flambeaux guidant le Monde.
L’outil pour l’asservissement des esprits, ce sont
les médias, écrit Anonyme :
"Il existe une force puissante qui crée le mouvement de la
pensée dans le peuple : cette force, ce sont les journaux. C’est dans les
journaux que le triomphe de la liberté de parole trouve son incarnation. Au
moyen de la presse nous avons conquis le pouvoir d’influencer les esprits tout
en demeurant inaperçus. Nous éradiquerons de la mémoire des hommes les faits
historiques dont nous ne désirons pas qu’ils les connaissent, et nous ne
laisserons perdurer que ceux qui nous conviennent."
Des années s’écouleront, après la publication de ces Protocoles et
avant que n’émerge un petit groupe de personnes qui contrôlent notre discours
tout en demeurant inaperçus, les seigneurs des médias. La libre contestation de
ces barons, Berlusconi et Black, Maxwell et Sulzberger, Gusinsky et Zuckerman,
est bannie des médias qu’ils possèdent, tandis que leur affinité coopérative
demeure impressionnante. La liberté de parole survit là où des médias
indépendants existent encore. Il y a cent ans, cette force était bien plus
faible que de nos jours, et il est étonnant qu’Anonyme en ait reconnu le
potentiel.
Un siècle avant l’avènement de la Banque Mondiale et du Fonds Monétaire
International, les Protocoles notaient que les prêts sont le meilleur moyen
pour déposséder des pays de leurs richesses. "Tant que les prêts étaient
nationaux, l’argent restait dans le pays, mais avec l’extériorisation des
prêts, toutes les nations (leurs citoyens) payent un tribut à
‘l’oligarchie’". De fait, plus le prêt obtenu par un pays pauvre est
important, plus celui-ci s’appauvrit.
La concentration du capital dans les mains des financiers, la concentration
des médias dans les mains de quelques magnats, l’assassinat extrajudiciaire des
leaders qui ne se soumettent pas, les marchés financiers, avec leurs multiples
produits dérivés, qui ponctionnent la richesse et l’accumulent entre les mains
des prêtres de Mammon ; le profit (‘les forces du marché’), seule mesure du
succès de toute stratégie... Non,
l’intérêt des Protocoles n’a pas disparu, car le plan qui y est décrit,
consistant à instaurer un régime oligarchique (non nécessairement juif), est en
train d’être mis en vigueur, en temps réel ; cela s’appelle le nouvel ordre
mondial.
On qualifie parfois les Protocoles de pamphlet d’extrême-droite
anti-utopique. Toutefois, il expose le discours de gauche autant que le
discours de droite. Un écrivain de droite bénirait le renforcement de la Loi et
de l’Ordre, mais la prédiction suivante d’Anonyme pourrait être écrite, de nos
jours, par un libertaire de gauche, comme par exemple Noam Chomsky, témoin de
l’actuelle transition vers le nouvel ordre mondial : "La course aux
armements et le renforcement des forces répressives amèneront à une société
dans laquelle coexisteront les masses – énormes – du prolétariat, quelques
millionnaires et beaucoup de policiers et de militaires".
Toutefois, la pensée la plus pénétrante d’Anonyme se situe dans la sphère
spirituelle :
"La liberté pourrait être inoffensive et trouver sa
place dans l’économie de l’Etat sans porter atteinte au bien-être du peuple,
pour peu qu’elle reste au-dessus de la foi fondamentale en Dieu, de la foi en
la fraternité humaine. C’est la raison pour laquelle il est indispensable, pour
nous, de saper toute foi, d’extirper des esprits le principe divin lui-même,
l’Esprit, et de le remplacer par les calculs arithmétiques et les besoins
matériels".
Anonyme établit un rapport entre la foi et l’idée de fraternité humaine.
Saper la foi ruine la fraternité. D’état d’esprit beau et désirable, la
Liberté, se mue en tendance destructrice lorsqu’elle est déconnectée de la foi.
En lieu et place de la foi, l’ennemi propose l’adoration de Mammon.
Aujourd’hui (16 novembre 2002), en lisant les philippiques de l’International
Herald Tribune contre les prêtres et les religieuses homosexuels, on ne
peut que se souvenir de ce passage des Protocoles :
"Nous avons pris soin de discréditer les prélats
catholiques et de ruiner leur mission, qui pourrait faire obstacle à la
réalisation de nos plans. De jour en jour, leur influence sur les gens du
peuple tombe plus bas. L’effondrement final de la chrétienté est proche".
Nous sommes témoins de la mise en application de ce plan : la religion est
déconsidérée et le néolibéralisme ou culte de Mammon la remplace, tandis
qu’avec la déstabilisation du socialisme, l’effondrement de cette tentative
courageuse de fraternité non fondée sur la religion laisse un énorme vide
idéologique.
Cette observation a fait s’exclamer certains de mes lecteurs : "Le
véritable concepteur du plan directeur est notre vieil ennemi, le Prince de
l’Univers[86], dont le but ultime est l’élimination de
la Présence Divine et la perdition de l’Homme". C’est vrai, mais le Prince
de l’Univers ne peut agir directement. Il a besoin d’agents libres de leurs
mouvements, qui choisissent d’accepter son projet. Ces agents indispensables
probablement alliés, d’après le pamphlet, sont les capitalistes financiers et
les Maîtres du Discours, qui en sont ‘l’Esprit’.
Ils promeuvent aux plus hautes destinées des "politiciens qui, en cas
de désobéissance à nos instructions, devront faire face à des charges
criminelles ou devront disparaître. Nous arrangerons les élections en faveur de
candidats dont le passé est entaché de sombres méfaits, encore cachés. Ceux-là
seront pour nous des agents à la fidélité à toute épreuve, par crainte d’être
démasqués". Voilà qui nous semble familier, à nous, les contemporains du
Watergate et de Monika Lewinsky.
Le passage du Stade Un (libéralisme et liberté) au Stade Deux (tyrannie)
s’est produit de notre vivant. Si en 1968 le New York Times fit la
promotion des Freedom Riders[87], en 2002, il se fait le propagandiste du
Patriotic Act[88]. Un avocat américain de grand renom, Alan
Dershovitz, de Harvard, a fait un virage à 180 degrés, passant de la défense
des droits humains à celle du droit de torturer. Ce retournement avait été
prédit par les Protocoles, qui le présentent comme la phase postérieure à la
lutte contre les anciennes élites.
"L’aristocratie vivait du travail des ouvriers,
c’est pourquoi elle les voulait bien nourris, en bonne santé, et forts. Le
peuple a anéanti l’aristocratie, et il est tombé entre les griffes
d’impitoyables scélérats brasseurs de fric".
En des termes moins émotionnels, la nouvelle bourgeoisie a écarté les
vieilles élites, avec le soutien du peuple, tout en promettant la liberté et en
critiquant leurs privilèges. Après sa victoire, elle s’est arrogé les
privilèges, et s’est avérée aussi mauvaise (sinon pire) pour le peuple que les
seigneurs féodaux. Marx fit allusion à cette accusation émanant de
l’aristocratie dans l’un des nombreux addenda au Manifeste Communiste,
en la considérant futile, bien que partiellement justifiée. Toutefois, il ne
vécut pas assez longtemps pour assister à un processus similaire, qui se
produisit durant les derniers jours de l’Union Soviétique. La nouvelle
bourgeoisie naissante prit le contrôle du discours, convainquit le peuple de la
nécessité de combattre les privilèges de la Nomenklatura, pour la liberté et
l’égalité. Après sa victoire, elle s’arrogea ces privilèges, qu’elle multiplia,
rejetant aux oubliettes égalité et liberté.
Les Protocoles prédisent l’apogée de la nouvelle bourgeoisie – l’apogée des
adorateurs de Mammon, partisans de la globalisation, viscéralement hostiles aux
anciennes élites, à l’Esprit, à la religion et aux gens ordinaires. Très
longtemps, ils furent les moteurs de la gauche, des mouvements aspirant à la
démocratie - jusqu’à ce que leur objectif soit atteint - après quoi, ils
effectuèrent un grand demi-tour, direction l’oligarchie.
Le gradient de ce virage radical peut se mesurer à
l’aune des taux d’imposition sur les transmissions et les propriétés foncières
en Angleterre : tandis que la bourgeoisie financière et les Maîtres du Discours
combattaient les anciennes classes dirigeantes, les taux étaient élevés et
finirent par démanteler les bases du pouvoir. Après la victoire de la
bourgeoisie, les taux baissèrent, permettant la consolidation des nouvelles
classes dirigeantes. Il est bien possible que l’Ancien Régime ait eu lui aussi
quelques avantages. Il est certain que la transition à partir de l’ancien
régime aurait pu être différente, si le peuple avait eu conscience des
intentions de l’ennemi. Mais le cours de l’histoire ne saurait être inversé, et
il est inutile de rêver au retour des bons et généreux seigneurs et des chefs
dévoués du Parti.
Ainsi, on le voit, les Protocoles (expurgés de toute référence aux juifs et
aux conspirations) sont utiles. En effet, ils décrivent le plan du Nouvel Ordre
Mondial, ce qui peut permettre à ses adversaires de tracer une stratégie
défensive contre les desseins de l’ennemi. Mais les références aux Juifs
constituent une partie importante de ce texte.
Les Protocoles identifient la force agissante du Nouvel Ordre Mondial à un
groupe puissant de dirigeants juifs extrêmement chauvins, manipulateurs et
dominateurs. Ces dirigeants – selon les Protocoles toujours – méprisent les
membres ordinaires de la communauté [juive] ; ils se servent de l’antisémitisme
comme d’un moyen qui leur permet de garder en esclavage leurs ‘frères mineurs’,
les gens du peuple d’origine juive. Les dirigeants (juifs) sont décrits comme
des psychopathes détestant les Goys, voués à la destruction de la culture et
des traditions des autres nations, tout en préservant soigneusement les leurs.
Leur objectif est de créer un gouvernement mondial leur permettant de régner
sur un monde homogénéisé et globalisé.
Leurs objectifs et intentions sont exprimés en des termes extrêmement
antithétiques et péjoratifs. Soljénitsyne en conclut qu’aucune personne sensée
ne présenterait ses idées favorites d’une manière si avilissante. "Nous
extrayons l’or de leur sang et de leurs larmes", "notre pouvoir est
fondé sur la faim des travailleurs", "les révolutionnaires sont nos
instruments humains", "l’esprit grossier des goys", etc.
Pour Soljénitsyne, tous ces propos sont attribués aux Juifs par leurs ennemis.
Un juif préférerait exprimer de telles idées de manière biaisée, pense-t-il.
Cet argument ne tient pas la route. Certaines personnes, certes,
s’expriment indirectement, mais d’autres sont très directes dans leurs propos.
Un Arménien de Bakou, la capitale de l’Azerbaïdjan, m’a dit, il y a bien
longtemps – c’était en 1988 – : "Les Azéris sont nos bestiaux ;
sans notre intelligence, à nous les Arméniens, leur pays s’effondrerait en
l’espace de quelques jours. Ce ne sont que des ânes bâtés". Quelques mois
plus tard, une explosion de violence des indigènes azéris chassa d’Azerbaïdjan
les Arméniens – tellement intelligents –et, depuis lors, les Azéris s’en tirent
plutôt bien, tout seuls. David Ben Gourion, le premier dirigeant de l’Etat
juif, avait frappé du coin de son indicible arrogance une maxime du même acabit
: "Ce que disent les Goys, qui s’en préoccupe ? Seul importe ce que font
les Juifs! " Cette phrase pourrait être une citation, directement
extraite des Protocoles.
Les
Protocoles font dire aux Sages : "Chaque victime juive, aux yeux de Dieu,
vaut un millier de goys". Cette phrase, quintessence de l’arrogance, n’est
pas la vaine invention d’un antisémite. Deux ministres du gouvernement Sharon,
Uri Landau et Ivet Lieberman, ont demandé que mille goys palestiniens soient
tués pour chaque victime juive. Un extrémiste juif, lors d’une manifestation
pour la reconstruction du temple juif sur le Mont du Temple (le 18 novembre
2002), a appelé chaque Juif à tuer un millier de Goys palestiniens.
Apparemment, certaines idées des Protocoles ne semblent pas étrangères à
certains Juifs.
Le regretté penseur israélien Israël Shahak et l’écrivain juif américain
Norton Mezvinsky citent, dans leur ouvrage commun Jewish Fundamentalism in
Israël[89] une pléthore de propos de rabbins qui ne
dépareraient pas dans les Protocoles : "La différence entre une âme
juive et les âmes de non-juifs est plus grande et plus profonde que celle qui
existe entre l’âme humaine et celle des bestiaux". Shahak et Mezvinsky ont
montré que la haine des Juifs chauvins n’établit pas de distinguo entre
Palestiniens, Arabes et Goys en général. En d’autres termes, tout ce qui a pu
arriver aux Palestiniens peut très bien arriver demain à toute communauté de
Gentils qui viendrait à se trouver en travers du chemin des Juifs.
En fait, si les Protocoles n’avaient aucun lien avec la réalité, ils
n’auraient pas la popularité qui est la leur. Les Juifs sont suffisamment
puissants pour rêver de domination, et certains le font. Apparemment, certaines
idées juives ont trouvé place dans ce texte. D’autres pensées sont attribuées
aux Juifs sur la base du qui bono [90].
L’idée sans doute la moins acceptable des Protocoles est la
supposition qu’une conspiration juive extrêmement ancienne a pour but de
s’emparer du pouvoir mondial. L’opinion philo-sémite extrême dénie aux juifs la
capacité d’agir ensemble et les présente comme des individus très sur leur
quant-à-soi, qui ne s’unissent que pour prier. Cette opinion n’est pas celle
des juifs, et elle contredit le sens commun.
Soljénitsyne ne croit pas à l’existence des Sages de Sion, bien que
"le rassemblement et la coordination d’activités juives en vue de leur
promotion ait pu amener de nombreux auteurs (à commencer par Cicéron) à
imaginer qu’il puisse exister un centre unique de commandement qui coordonne
leurs offensives... Sans un tel centre mondial, sans conspiration, les Juifs se
comprennent entre eux, et ils sont capables de coordonner leurs actions".
Les Juifs sont certes parfaitement capables de coordonner leurs actions,
mais je doute que des êtres humains, qu’ils soient juifs ou anglais, russes ou
chinois, soient capables de former des plans à l’échelle mondiale valables
durant plusieurs siècles et sur plusieurs continents. Personne n’a jamais pu
prouver l’existence d’un tel complot. Généralement, les antisémites (ceux qui
mettent en doute, ou dénient, la bienveillance intrinsèque des juifs vis-à-vis
de la société des non-juifs) plaident en faveur de l’authenticité des
Protocoles, comme le fit Henry Ford. Ce roi de l’automobile a en effet déclaré[91] : "le seul jugement que je porterai,
sur les Protocoles, c’est qu’ils s’appliquent parfaitement à ce qui est en
train de se passer". En effet, "ils collent point par point à la
réalité", s’exclama quant à lui, Victor Marsden, traducteur anglais des
Protocoles.
Toutefois, cela ne prouve en rien l’existence d’un quelconque complot juif.
Nous pouvons parvenir aux mêmes résultats en écartant radicalement
l’interprétation par le complot, en appliquant le concept d’intérêt propre à la
communauté juive existante, si remarquablement décrit par Shahak-Mezvinsky.
Nous allons démontrer que le concept de la Main Cachée ou des Sages de Sion est
superflu et inutile.
La communauté juive traditionnelle avait une structure de ‘pyramide
inversée’, d’après l’expression même des théoriciens sionistes : elle
comportait beaucoup de gens aisés, cultivés et dirigeants, et très peu
d’ouvriers. Cela ne surprendra pas, si l’on sait que les sionistes considèrent,
artificiellement, que les Juifs ont divorcé de la société dans laquelle ils
vivent. La ‘pyramide inversée’ des Juifs ne pouvait pas exister sans une
pyramide, bien à l’endroit sur sa base, quant à elle, des Gentils des classes
inférieures. Les Juifs sont en compétition avec les élites indigènes de la
société des Gentils, pour l’acquisition du droit à exploiter les travailleurs
et les paysans non juifs. Le modus operandi des deux compétiteurs
diffère. Tandis que les élites indigènes partageaient certaines valeurs avec
leurs classes inférieures et garantissaient généralement une certaine mobilité
permettant l’ascension sociale, la communauté juive avait sa propre structure
et ses propres valeurs.
Economiquement, elle était en faveur de
l’exploitation capitaliste ou pré-capitaliste des indigènes, tandis
qu’idéologiquement la communauté déclarait sa loyauté à ses propres dirigeants,
le rejet d’une commune humanité avec les indigènes, un ethnocentrisme extrême,
un sentiment de supériorité raciale et religieuse sur les indigènes. Il
s’agissait d’une communauté marginale, ne contractant aucun lien, ni de
mariage, ni d’amitié, avec les autochtones. En tant que communauté marginale,
les Juifs étaient émancipés des vieilles considérations morales qui pouvaient
être celles des élites autochtones.
Ainsi, par exemple, la communauté juive d’Ukraine, au XVIIe
siècle, représentait une cohorte de financiers et de collecteurs d’impôts sur
les fermes. Ils extorquaient à chaque autochtone SIX fois plus de taxes et
d’intérêts que ne le faisait leur propriétaire non juif, a écrit un historien
juif ukrainien éminent, Saul Borovoy, dans un ouvrage paru récemment à
Jérusalem. Les communautés juives, au Maghreb, soutenaient le pouvoir colonial
contre leurs voisins non juifs, etc. Leurs traditions interdisaient toutes
relations normales avec les autochtones.
Supposons maintenant qu’une communauté ainsi faite œuvre selon ses seuls
intérêts égoïstes. Oublions un instant le complot, oublions les Anciens de
Sion, sages ou non. Supposons (ce qui est tout à fait concevable) que le seul
but de la communauté est de promouvoir son propre bien-être. Pour un groupe
marginal, cela signifie élargir autant que faire se peut le fossé qui en sépare
les membres de la population autochtone, tout en réduisant les risques d’un
retour de manivelle.
Le groupe va, naturellement, dans son propre intérêt, soutenir tout
mouvement dirigé contre les élites indigènes, qu’il surgisse à l’initiative du
roi (comme le firent les Juifs, avant la Révolution française), ou des classes
inférieures en révolte. Ce soutien ne découlera aucunement de l’amour des juifs
pour la démocratie ou de leur nature révoltée, mais bien de leur désir
d’améliorer leur propre situation. Une situation idéale serait créée par le
massacre ou l’expulsion des élites autochtones, car les membres de la
communauté pourraient s’emparer de leurs situations et de leur pouvoir. C’est
effectivement ce qui s’est passé dans la Russie soviétique et dans la Hongrie
soviétique à la suite de la Première Guerre mondiale. Le massacre et l’exil des
élites nationales libérèrent les positions de pouvoir et d’influence, les
rendant accessibles aux juifs.
L’intérêt explique l’engagement des juifs dans la redoutable Tchéka,
service soviétique de sécurité. Jusqu’en 1937, les juifs occupèrent les
fonctions dirigeantes dans cet ancêtre du KGB, tandis que des millions de
Russes perdaient la vie ou leur liberté. Objectivement, ces tortionnaires ‘libéraient’
des places et des appartements pour leurs coreligionnaires juifs. Après le
massacre et l’exil des élites russes, les juifs étaient prêts pour l’égalité,
car le fils d’un rabbin pouvait aisément entrer en compétition avec un fils
d’ouvrier ou de paysan russe, alors qu’il n’aurait sans doute pas été capable
de le faire avec un fils de l’aristocratie russe.
De la même manière, les Juifs garantirent une égalité limitée aux
Palestiniens jusqu’en 1966, après avoir confisqué jusqu’à 90 % des terres des indigènes
et avoir expulsé 90 % d’entre eux. Aujourd’hui, les colons promettent
d’accorder l’égalité au reste des Palestiniens, après qu’ils en auront expulsé
la majorité encore plus loin. Etant donné l’énorme soutien juif dont jouit
Israël, il n’y a aucune raison de supposer que la manière d’opérer des juifs en
Israël soit intrinsèquement différente des intentions des juifs ailleurs dans
le monde.
Soljénitsyne écrit : "Les officiers exécutés
(durant la Révolution) étaient russes, comme étaient russes les nobles, les
prêtres, les moines, les députés assassinés... Dans les années 1920, les
ingénieurs et les savants d’avant la Révolution furent exilés ou tués. Ils
étaient russes et des Juifs prirent leur place. Dans le meilleur institut
psychiatrique de Moscou, les membres dirigeants furent exilés ou arrêtés –
leurs places furent prises par des Juifs. Des médecins juifs influents
bloquèrent l’avancement de la carrière de chercheurs russes en sciences
médicales. Les meilleurs éléments des élites intellectuelles et artistiques du
peuple russe furent assassinés, tandis que les Juifs croissaient et
prospéraient, dans ces années terribles (pour les Russes)".
La nouvelle élite juive ne s’identifia pas totalement à la Russie ; elle a
poursuivi une politique propre. Cela eut un effet décisif en 1991, lorsque plus
de 50 % des Juifs (à opposer à 13 % des Russes) soutinrent le coup d’Etat
pro-occidental du Président Boris Eltsine. En 1995, 81 % des Juifs votèrent
pour des partis pro-occidentaux, et seulement 3 % pour les communistes (à
opposer à 46 % des Russes), d’après l’ouvrage d’une sociologue juive, Mme
Ryvkina, Jews in Post-Soviet Russia (1996).
Dans une Amérique en expansion constante, les Juifs n’eurent pas besoin de
tuer ou de supplanter les élites autochtones ; ils en devinrent une composante
importante, contrôlant le discours et conquérant une puissance financière
considérable. Ils ne s’identifient toujours pas avec l’Amérique goy : chaque
année, ils forcent le Congrès et le gouvernement à envoyer cinq milliards de
dollars à leur rejeton israélien, et ils s’efforcent de pousser l’Amérique,
aujourd’hui, à faire la guerre à l’Irak à leur place. Ils exercent une
véritable discrimination à l’égard des autres Américains, car s’ils ne le
faisaient pas, les 60 % des principaux médias ne seraient pas entre leurs mains[92].
Les Juifs de France ne s’identifient pas non plus à la France.
"Leur identification à l’Etat
d’Israël est extrême ; elle efface leurs liens avec le pays dans lequel ils
vivent", écrit Daniel Ben Simon dans le quotidien israélien Haaretz.
« Cette double loyauté m’a été expliquée sans détour par un médecin juif
de Nice : "si je dois choisir entre Israël et la France, cela ne fait pas
l'ombre d'un doute : je me sens plus proche d’Israël", m’a dit ce médecin,
sans la moindre hésitation. Né en France, il a été formé en France, il a étudié
la médecine en France ; ses patients sont Français, il parle français avec
sa femme et ses enfants. Mais dans les profondeurs de son cœur, il ressent une
plus grande affinité avec l’Etat juif. "
En Palestine, les Juifs n’ont aucune compassion pour les indigènes. Ils
roulent sur des routes réservées, ils font leurs études dans des écoles
ségréguées, tandis qu’un Juif consomme dix fois plus d’eau qu’un Goy, et
bénéficie de revenus sept fois supérieurs. Ainsi, le sentiment séparatiste juif
reste implanté dans la vie quotidienne de bien des communautés juives.
Dans leur propre intérêt, les Juifs doivent dissimuler leur position
privilégiée tant en matière de fortune que de pouvoir, par les moyens suivants
:
-
ne jamais cesser d’évoquer l’Holocauste pour contrer l’envie des autres.
- dans une société monoethnique, les Juifs
sont le seul corps étranger à se distinguer et à attirer l’attention, tandis
que dans une société multiculturelle, c’est à peine si on les remarque. C’est
pourquoi les Juifs encouragent l’immigration provenant de pays non-européens,
la présence des immigrés estompant la marque de l’exclusivisme juif.
- le politiquement correct est un moyen
supplémentaire d’interdire tout débat au sujet de l’influence des Juifs.
- la lutte contre le christianisme et
l’Eglise est dans l’intérêt bien compris d’une communauté non-chrétienne : si
l’Eglise était puissante, les chrétiens préféreraient leur propre élite,
l’élite chrétienne.
- la globalisation est bien adaptée à un
peuple réparti dans le monde entier, qui accorde peu d’importance au mode de
vie local.
_ l’appauvrissement des indigènes n’est
que le revers de la médaille de l’enrichissement des communautés juives.
En résumé, une grande partie (pas la totalité, toutefois) des projets
prêtés aux Juifs par les Protocoles sont en effet les idées utiles ou
nécessaires pour le bien-être communautaire des Juifs, sans qu’il soit besoin
d’une quelconque haine extrême à l’encontre des Gentils ni/ou de la supervision
d’on ne sait quels Sages de Sion. Il ne faut pas aller chercher plus loin le
succès jamais démenti des Protocoles. Paradoxalement, sans l’apartheid
israélien, ces faits resteraient invisibles, pour le reste de la communauté
humaine.
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Une
cour assidue, mais vaine
[Réponse à l'article de Seumas Milne dans The Guardian :
“L’insulte de l'antisémitisme utilisée
pour défendre la répression”.[93]]
Dans le New York civilisé, une jeune fille, désireuse de se débarrasser d'un admirateur insistant, n'a pas besoin d'être grossière. Elle lui glisse un numéro de téléphone à appeler et là, un message enregistré l'informe : “la personne que vous appelez ne souhaite pas rester en contact avec vous. Si vous désirez écouter un poème triste, appuyez sur la touche un, si vous désirez vous accrochez à un irréaliste rêve de rencontre, composez le deux, si vous avez besoin d’avis et de conseils, appuyez sur trois”.
L'important article de l'éditeur du Guardian Seumas Milne est la
complainte d'un amoureux éconduit. Apparemment, il ne parvient pas à surmonter
son rejet par la Fille de Sion. Il pleure les jours glorieux de leur alliance :
“depuis la Révolution française, les destins du peuple juif et de la gauche ont
été étroitement mêlés. Depuis l'époque de Marx, les juifs ont joué un rôle
central dans toutes les nuances de la gauche”. M. Milne et la gauche ont besoin
de quelques avis et conseils (appuyez sur la touche « trois »).
Tout ce qui a un commencement, monsieur Milne, a aussi une fin. Avant la Révolution française, le peuple juif soutenait le despotisme contre l'aristocratie et la Magna Carta fut signée par le roi Jean malgré leur opposition. Après Napoléon, le peuple juif eut une longue alliance avec la gauche. Cela dura longtemps, mais cela ne fut néanmoins pas éternel. Cette alliance a été rompue après la révolution manquée de 1968. Après quoi, le peuple juif a bâti une nouvelle alliance, cette fois avec les forces de la mondialisation. On a vu la nouvelle alliance en action dans le soutien à Margaret Thatcher, dans le glissement vers la droite des travaillistes sous le règne d’un Tony Blair promu par Lord Levy et, aux Etats-Unis, dans le projet de mondialisation et de troisième guerre mondiale (le “choc des civilisations”).
Réfléchissez un peu, monsieur Milne : si la Fille de Sion avait pu s'allier
avec la gauche, pourquoi n’aurait-elle pas pu changer de partenaire ?
Fallait-il voir en elle une force bénéfique à titre permanent, après,
bien entendu, Dieu Tout-puissant ? Le leadership juif a tiré profit de
son union avec la gauche aussi longtemps qu’elle représentait une aspiration à
un idéal, en lutte contre les classes sociales supérieures traditionnelles. Une
fois ses objectifs remplis, le leadership juif n’avait plus aucun intérêt à
entretenir une telle alliance.
Pendant trente ans, ce fait majeur et évident - le changement
d’alliance du peuple juif - n’a
pas été suffisamment discuté au sein de la gauche. Comme un petit ami
abandonné, la gauche espérait redonner vie à l'union d'autrefois. Une des raisons
à cela était une croyance sentimentale exprimée par M. Milne : “L'attrait de la
gauche pour une justice sociale et des droits universels créèrent un lien
naturel avec un peuple longtemps persécuté et exclu par l’establishment
chrétien européen”.
Pourquoi décrire cette relation avec les riches banquiers juifs et les
propriétaires de journaux, qui avaient soutenu la gauche, comme une idylle
naturelle plutôt que comme un mariage de raison ? C'était une alliance tout à
fait contre nature, formée contre les intérêts de classe évidents des parties
impliquées et son effondrement était inévitable. La gauche accepta l'aide de
riches juifs en fermant les yeux sur leurs mobiles. Elle le paya très
cher : de l’éloignement des classes travailleuses, riches d’une longue et
pénible histoire de relations juif-gentils, de la prise de distance de
l'Eglise, de l’hostilité irrémissible des classes supérieures. Les Juifs
utilisèrent l'énergie de la gauche jusqu'à son épuisement et ensuite
l'abandonnèrent. Maintenant, la gauche peut toujours, pour se consoler,
composer un numéro de téléphone à New York et écouter le message préenregistré.
M. Milne désapprouve le fait que les Juifs accusent la gauche
d’«antisémitisme». Il pense que la gauche ne le mérite pas. Mais c'est juste un
problème de définition. Aux yeux de M. Milne, “l'anti-sémitisme est un racisme
anti-juif” et son utilisation “une insulte”. Aux yeux des Juifs,
“l'antisémitisme” est une politique contrecarrant la politique du peuple juif.
Ainsi, jusqu'en 1968, la droite était “antisémite” par définition, puisque “les
destins du peuple juif et de la gauche ont été étroitement mêlés”. Après 1968,
les temps changeant, la gauche (et la droite) anti-mondialisation ou les
groupes environnementalistes sont devenus “antisémites” par définition. En
1953, le comité McCarthy pour les menées anti-américaines était
« antisémite », mais en 2002, “anti-américain” veut dire “antisémite”
selon Commentary, principal organe du judaïsme idéologique américain.
Dans la Russie de 1990, où j’étais correspondant du quotidien Haaretz,
tout mouvement luttant contre “les forces du marché”, pour le socialisme et la
protection de l'Union Soviétique était considérée comme “antisémite”.
L'anti-mondialisation est “antisémite” de même que l’est l’opposition à la
politique sioniste. Ainsi le catalogage comme “antisémite” n'est pas une
insulte. C’est la définition de toute politique déviant un tant soit peu des
idées actuelles du peuple juif.
Si on ne vous traite pas d’ “antisémite”, il doit y avoir un problème :
vous devriez immédiatement reconsidérer vos écrits, monsieur Milne. Mais si
vous êtes qualifié d’« antisémite”, cela ne veut pas dire grand chose :
même Wolfowitz, le sectaire faucon juif sioniste partisan de Sharon, s’est fait
conspuer pour « antisémitisme » par des juifs américains encore plus
fanatiques que lui. Même Sharon, le boucher de Sabra et de Chatila, de Qibya et
de Jénine, s’est fait reléguer parmi “les antisémites gauchistes” par les
partisans de Benjamin Netanyahu.
C'est pourquoi il n'y a pas de raison de s'excuser sans cesse d'offenser
les sensibilités. La gauche devrait, plus intelligemment, intégrer la
définition offerte et répondre avec un haussement d'épaules lorsqu’on l'appelle
“antisémite”, comme elle le ferait tout naturellement face à des accusations de
comportement “anti-britannique” ou “anti-aristocratique”. Les juifs ne sont
plus en train de nous jouer Les Misérables, ça, c’est du passé… Depuis les
années 1960, ils occupent (aux Etats-Unis et en Europe) une position similaire
à celles des Brahmanes en Inde. La gauche devrait essayer de contrer leur
suprématie, tout en préservant et en mettant au service de la société leurs
talents et capacités.
Plus important encore, elle devrait surmonter son syndrome d'amoureux
rejeté et réexaminer ses positions vis-à-vis des juifs, à la lumière de
l'enseignement marxiste. Karl Marx, qui n’était en rien le type même du
contempteur de juifs congénital, rejetait ses liens avec les Juifs et en
appelait à ce que le monde s’émancipe des juifs. Plus tard, la gauche choisit
d'oublier ces propos de Marx, mais rien n’empêche de les remettre au goût du
jour.
M. Milne écrit : “les Juifs restent actifs, d'une façon
disproportionnée, dans les mouvements politiques progressistes –y compris dans
les groupes de solidarité pro-palestiniens– partout dans le monde”. Il y a une
grande différence entre Marx et de nombreux Juifs politiquement actifs. Marx et
Trotski étaient des descendants de juifs qui embrassèrent la cause du monde du
travail et rejetèrent celle des Juifs. Il y a certainement des descendants de
Juifs qui suivent aujourd’hui leur illustre exemple, notamment dans le
mouvement al-Awdah. Mais il y a d'autres Juifs qui agissent comme des
émissaires juifs dans les mouvements politiques progressistes, y compris dans
les groupes de solidarité avec les Palestiniens. Leur contribution ne sert qu’à
une seule chose : limiter les dégâts. La guerre en Palestine a
obligé ces émissaires à révéler leur programme caché. Elle a donné à la gauche
une chance de réaffirmer l’authenticité de son message.
La gauche libérée de son enchevêtrement émotionnel avec le peuple juif
devrait proposer aux Juifs le même marché qu'elle leur offrait après la
Révolution française, c'est-à-dire : l’égalité partout, y compris en
Palestine. L’égalité, non les privilèges. Si la gauche s’est battue contre
l’aristocratie et les autres classes dirigeantes traditionnelles, ce n’est
certainement pas dans le but de conférer des privilèges à une nouvelle
aristocratie juive.
M. Milne écrit : “La solution à deux Etats,
au Moyen-Orient, est désormais la seule voie possible pour assurer la paix dans
un futur prévisible”. Au contraire : c'est une voie impossible et injuste
et elle n'aboutira jamais. L’impératif de l’égalité implique que soit démantelé
l'Etat juif réservé aux seuls Juifs et sa transformation en un Etat de tous ses
citoyens, identique aux autres Etats. C'est le chemin vers la paix, la justice
et la renaissance de la gauche en Europe et dans le monde.
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La vague de réfugiés est en marche
La vraie cible de l'offensive
anglo-américaine est l'Europe,
trop prospère et égalitaire pour
l'empire des Râpetout.
Octobre 2001
Au début de l'automne, quand mûrissent les
grenades, j'aime aller visiter les ruines du village palestinien - détruit - de
Saffuriéh. Ce village, qui a vu naître la mère de la Vierge Marie, conserve son
église Sainte-Anne, bâtie par les Croisés. Il y a deux mille ans, c'était une
ville importante, nommée Sephoris : elle avait refusé de se plier aux Zélotes
juifs, demeurant loyale à l'empire romain. Elle offrit un refuge confortable à
l'homme qui a réinventé le judaïsme après son effondrement, le rabbin Judah le
Prince, ainsi qu'à de nombreux sages chrétiens et nobles romains. Le village qui
lui avait succédé traversa les vicissitudes de l'histoire, jusqu'au raid de
l'armée israélienne, en 1948, qui entraîna sa destruction.
Ses habitants perdirent tous leurs biens et se retrouvèrent dans des camps
de réfugiés ou à la périphérie de Nazareth, toute proche. Les vergers du
village détruit ont survécu, blottis dans les vallées, produisant chaque année
des grenades plantureuses, dont le poids fait plier les branches, et qui
finissent par éclater sur l'arbre car il n'y a plus personne pour les cueillir.
Les habitants de la colonie juive construite près des ruines de Saffuriéh se
moquent comme de leur première chemise des grenadiers et des paysans qui les
ont plantés. Dans ce royaume de désolation, au milieu des arbres croulant sous
les fruits rubiconds, on peut trouver aussi une mosaïque romaine à la facture
parfaite, à tel point qu'on l'appelle la Mona Lisa de Galilée. Ses myriades de
petits carreaux vernissés, aux nuances infiniment variées, composent un visage
altier, au nez droit, avec une coiffure sophistiquée et des lèvres charnues, le
tout encadré par des feuilles d'acanthe.
Cette mosaïque me rappelle, chaque fois que je la contemple, la beauté de
notre monde, ce délicieux puzzle de petites villes, de prairies verdoyantes, de
mégalopoles complexes, de châteaux et de villas, de rivières et de fleuves,
d'églises et de mosquées. Chaque tesselle de cette mosaïque est belle,
précieuse et parfaite. J'en ai vu des quantités et toutes me plaisent. Les
îlots rocheux émergeant à peine de la transparence de la mer baltique, d'où les
petits blondinets font des signes de la main aux bateaux quittant la jetée. La
France profonde de Conques, un minuscule hameau du Massif Central, sur le vieux
chemin du pèlerinage à Saint-Jacques de Compostelle, avec son petit ruisseau
qui babille en contournant la colline, ses toits de lauze, ses rues pavées il y
a mille ans. Les églises russes, aux dômes tarabiscotés, s'élevant à la
verticale des herbes hautes qui longent la rivière Oka, et au pied desquelles
des jeunes filles, dans leurs châles fleuris, écoutent un chœur. Les belles
voix des jeunes femmes de Suzhou, auxquelles répond l'écho de la cour de la
pagode, parmi un lacis de canaux comme on n'en voit qu'en Chine du sud. Les
maisons baroques des cigariers de Trinidad, et la prestance des Cubains qui
dansent dans ses rues. Les corps-œuvres d'art, recouverts de tatouages, des
Masaï, autour d'un feu, dans la savane du Serengeti. Ce monde est magnifique,
et les peuples qui l'habitent sont bons.
Cette
fresque magnifique et complexe est menacée par les hostilités annoncées, car
cette Troisième Guerre mondiale n'est pas seulement dirigée contre le Tiers
Monde. Cette guerre a commencé bien avant que la première bombe ne soit tombée
sur le sol rocailleux de l'Afghanistan. Un million de nouveaux réfugiés sont
sur les routes, créant un grand désordre et déstabilisant l'Asie. Aucun doute à
avoir : tôt ou tard, la vague des réfugiés atteindra l'Europe. Des centaines de
milliers de réfugiés sont d'ores et déjà en marche en direction de l'Europe, de
la Russie, ainsi que des pays plus ou moins stables de l'Asie centrale.
Il
faut les comprendre : les Etats-Unis ayant menacé d'utiliser le cas échéant les
armes nucléaires contre ses pauvres maisons, la population civile n'a pas d'autre
choix que de fuir les zones potentiellement visées. Aucun contrôle à la
frontière ne pourra jamais contenir leur poussée anarchique. Le Pakistan sera
le premier touché, mais il ne sera pas le seul. Les Américains et les Anglais
ayant prévu de transformer leur Croisade initiale en une longue guerre
"contre le terrorisme", il y aura de plus en plus de réfugiés,
jusqu'à ce que, finalement, le tissu social de l'Europe, très fragile, se
déchire et finisse par être détruit. L'Europe sera envahie, comme l’empire
romain en son temps, et elle sera confrontée à un choix cornélien, affreux :
instaurer un régime d'apartheid et de discrimination, ou perdre son identité.
L'Europe est-elle vouée à être la victime collatérale de la furie américaine,
comme le badaud innocent, pris au milieu d'un échange de tirs dans la grand'
rue, entre le saloon et le bureau du télégraphe, comme on le voit dans les
westerns ? Pour ma part, je considère que l'Europe est plutôt la cible désignée
de l'offensive, non seulement annoncée, mais entamée.
Ce n'est certainement pas ce que monsieur tout-le-monde souhaite, aux
Etats-Unis, mais on ne lui demande pas son avis. Les nouvelles élites
gouvernementales américaines, ainsi que leurs partenaires et leurs voyageurs de
commerce outre-Atlantique, ont inscrit la destruction d'une Europe par trop
prospère, indépendante et cohérente, à leur ordre du jour. Ce désir a une
raison concrète immédiate : l'Europe est un concurrent dangereux, pour
l'Amérique, elle est trop indépendante, elle a même osé mettre sur pied une
monnaie unique qui pourrait évincer le dollar. L'Europe prône une politique
plus équilibrée en Palestine. L'Europe est trop égalitaire.
A New York, j'ai vu un garçon d'ascenseur, un immigré du Panama pays martyrisé
par vous devinez qui ; ce liftier vit en permanence dans son
ascenseur ; il y habite, il y couche...
Vous ne verrez jamais une chose pareille en Europe, pour la bonne raison
que l'Europe n'a pas encore été mammonisée.
La nouvelle élite des décideurs n'a pas grand-chose à faire du Christ ou de
Mahomet, certes, mais leur dévotion éperdue s'adresse à une autre divinité
ancienne : Mammon. Cet antique dieu de l'Avidité était adoré, avant tous
les autres, par les Pharisiens, voilà deux millénaires, comme nous l'apprend
l'Evangile. Jésus leur dit : "vous ne pouvez à la fois servir Dieu et
Mammon". Mais les Pharisiens se moquèrent de lui, parce qu'ils adoraient
l'argent (Luc 16, 13-14). Cette foi antique tomba dans l'oubli. L'adoration de
Mammon est connue sous le terme d'Avarice, l'un des sept péchés capitaux,
réprouvés par les sociétés tant chrétienne que musulmane.
Mais elle n'a pas complètement disparu. Deux mille ans plus tard, le
petit-fils du rabbin Trier, un certain Karl Marx, en arriva à la déduction
révolutionnaire suivante : la foi de Mammon, cette "religion des juifs
pour les jours de semaine" - ce sont ses propres mots - est devenue la
véritable religion des élites américaines. Marx cite, en l'approuvant, un
certain colonel Hamilton :
"Mammon est l'idole des Yankees, ils ne l'adorent
pas simplement en paroles, mais aussi de toutes les forces de leur corps et de
leur âme. A leurs yeux, la planète n'est qu'une immense bourse des valeurs et
ils sont persuadés que leur unique mission sur terre est de devenir plus riche
que leur voisin." Marx conclut : "Là où la domination effective de la
mentalité juive sur le monde chrétien a achevé son expansion, totale et
éclatante, c'est en Amérique du nord."
La mentalité juive victorieuse, pour Marx, est basée sur "l'appât du
gain et l'égoïsme ; son credo, c'est les affaires ; son dieu,
l'Argent"[94]. Ces propos, comme bien d'autres idées de
Karl Marx, sont connus, mais leur signification spirituelle profonde n'a jamais
été perçue à sa juste mesure. Pour une raison bien simple : jusqu'à nos jours,
les caractéristiques religieuses de la foi en l'Accaparement n’étaient pas
exprimées, et ses adeptes auraient pu passer pour des capitalistes ‘normaux’,
soucieux de leurs intérêts propres bien sentis tout en œuvrant au bien commun
(on dirait aujourd'hui : à l'intérêt général), tels qu'Adam Smith nous les
avait présentés.
Les choses ont changé depuis l'avènement du 'néolibéralisme'. Les
conférences de Milton Friedman ont été en quelque sorte l'occasion de
l’apparition publique des mammonites, adeptes de la nouvelle/vieille croyance.
Ils diffèrent des avares ordinaires en cela qu'ils élèvent la cupidité au
niveau d'un dieu jaloux qui ne saurait souffrir qu'on lui associe des collègues.
L'homme riche traditionnel n'aurait pour rien au monde rêvé de détruire sa
propre société. Il se souciait de son pays et de sa communauté. Il ambitionnait
d'être le premier parmi les siens. Il se considérait comme un ‘meneur
d'hommes’, comme un ‘bon pasteur’. Certes, les bergers, eux aussi, mangent
parfois du mouton, mais ils n'iraient jamais vendre le troupeau tout entier au
boucher pour la seule raison que la cotation est bonne.
Les mammonites voient dans une telle considération une trahison de Mammon.
Comme l'a écrit Robert Mc Chesney, dans son introduction à l'ouvrage de Noam
Chomsky Le Profit avant le Peuple[95] : "ils exigent une croyance absolue
dans l'infaillibilité du marché déréglementé". En d'autres termes, une foi
faite d'égoïsme et d'avidité illimités. Ils sont totalement exempts de
compassion pour les gens avec lesquels ils vivent, ils ne croient pas faire
partie de la ‘même espèce’ que leurs voisins. S'ils pouvaient les éliminer pour
les remplacer par des immigrés indigents, afin d'optimiser leurs profits, ils
le feraient ; comme l'ont fait leurs coreligionnaires, en Palestine.
Les mammonites se soucient peu des Américains, mais ils les utilisent comme
instruments afin de parfaire leur domination du monde. Leur idéal de ce monde
est archaïque ou futuriste : ils rêvent d'un monde divisé en esclaves et
maîtres. Afin de le réaliser, les mammonites font tout ce qu'ils peuvent pour
détruire la cohésion des unités sociales et nationales.
Tant que les gens restent sur leur terre, parlent leur langue, vivent parmi
leurs semblables, boivent l'eau de leurs rivières, pratiquent et prient dans
leurs églises et leurs mosquées, ils ne sauraient être réduits en esclavage.
Mais dès lors que leurs pays sont submergés par des masses de réfugiés, leur
structure sociale s'effondre. Ils perdent leur plus grand privilège : le
sentiment d'avoir quelque chose en commun, le sentiment de fraternité. Dès
lors, ils deviennent une proie facile pour les adorateurs de Mammon.
Les Afghans sont un peuple magnifique, obstiné, indépendant, autonome. Ils
ont été forgés par leurs montagnes et, comme tous les peuples montagnards, ils
sont plutôt têtus et conservateurs. La peur des bombes américaines pourrait
bien les chasser jusque dans les polders de Hollande et dans les villes de
France, et ils pourraient bien changer, sans le vouloir mais néanmoins de
manière irréversible, les pays où ils pénétreraient. Ce processus est en cours depuis
déjà pas mal de temps, les politiques générales des mammonites ayant pour effet
de vampiriser les pays du Tiers Monde, de ponctionner leurs ressources
naturelles et leurs revenus, de soutenir les gouvernants corrompus et
collaborateurs dont ils sont affligés, de détruire leur nature... C’est ainsi
que croît sans cesse le flot des réfugiés en direction de l'Europe et des
Etats-Unis.
La menace est déjà ressentie, en Europe. Oriana Fallaci, une journaliste
italienne de renom, a publié dans le journal à grand tirage de Milan, Il
Corriere della Sera, un article déplorant le sort de l'Europe submergée par
les "hordes musulmanes"[96]. Elle voit les immigrés de la même
manière qu'un courtisan de Romulus, à Ravenne, considérait les guerriers goths.
Oriana écrit que "les musulmans somaliens ont défiguré, rempli
d'excréments et outragé la place principale de ma ville, durant plus de trois
mois", que "quelques enfants d'Allah ont pissé sur les murs de la
cathédrale, qu'ils ont des matelas, sous des tentes, pour dormir et forniquer,
qu'ils ont empesté la place avec l'odeur et la fumée de leur cuisine".
Oriana poursuit, déplorant que Florence "autrefois, capitale de l'art, de
la culture et de la beauté" soit "blessée et humiliée par des
Albanais, des Soudanais, des Bengalis, des Tunisiens, des Algériens, des
Pakistanais et des Nigérians arrogants, qui vendent de la drogue et relèvent
les compteurs des filles qu'ils mettent sur le trottoir". Elle en appelle
à une croisade emmenée par les Américains et avertit : "Si l'Amérique
tombe, l'Europe tombera (...) Au lieu des cloches des églises, nous aurons les
muezzins, au lieu des minijupes, nous aurons les tchadors, au lieu du cognac,
nous aurons le lait de chamelle".
Plutôt que de perdre notre temps à critiquer son style, arrêtons-nous un
instant aux défauts de sa logique. Madame Fallaci, journaliste qui a pourtant
de la bouteille, voit en l'Amérique une possible protection, et non la source
des nuisances qu'elle-même -et Florence- ont à subir. Ce qui devrait lui faire
peur, c'est bien la victoire -et non la chute- de l'Amérique. Si l'Amérique
sort victorieuse de sa guerre contre l'Afghanistan, le cauchemar d'Oriana
risque fort de devenir réalité.
Elle ne veut pas admettre que les réfugiés et les immigrants affluent en
Italie parce que leurs pays ont été dévastés par les Etats-Unis et leurs
alliés. Elle ne verrait pas les Albanais à Florence si l'OTAN n'avait pas
ravagé les Balkans. Elle n'y verrait pas de Soudanais, si Clinton s'était
abstenu de bombarder le Soudan. Elle n'y verrait pas de Somaliens, si les
Somaliens n'avaient pas été ruinés par la colonisation italienne et
l'intervention américaine. Ni elle, ni l'Amérique ne verraient chez eux un seul
immigré palestinien, si les paysans de Saffuriéh pouvaient encore bichonner
leurs vergers de grenadiers.
Personne - ce qui s'appelle ‘personne’ - n'irait abandonner son propre
pays, avec sa nature unique, son mode de vie, ses amis et parents, ses lieux saints
et les tombeaux de ses aïeux, pour le plaisir douteux que doit procurer le fait
de camper aux pieds d'une vénérable cathédrale italienne. Tout comme les
canetons ont l'instinct de suivre la mère-cane, les humains sont nés pour aimer
leur terre natale. Le jeune Télémaque compare son île rocheuse et chiche avec
les grasses prairies et les champs luxuriants de Sparte, et il dit à son hôte :
"nous n’avons presque pas d’herbe, et pourtant, je préfère nos montagnes,
avec leurs chèvres, à toutes vos prairies et à vos superbes chevaux"[97]. Les gens émigrent quand leurs terres
sont ruinées. Les Irlandais n'auraient jamais abandonné les vertes prairies
d'Erin pour émigrer à Chicago, n'eût été l'application du gouvernement anglais
à les faire mourir de faim. Mes compatriotes russes ne viendraient pas occuper
la Palestine si la Russie n'était pas ruinée par les forces pro-américaines des
Eltsine, Chubaï et consort.
Pour les habitants des pays d'accueil, la vague
d'immigrants représente au mieux une nuisance, au pire un désastre. Ce n'est
pas de leur faute. C'est une question de nombre. Carlos Castañeda est allé
vivre dans une tribu indienne, et il a appris auprès des Indiens énormément de
choses. Je suis certain que la tribu indienne a aussi bénéficié, de son côté,
du passage chez elle de Carlos Castañeda. Maintenant, imaginez que mille
potaches de Yale et de Berkeley aillent faire un stage dans cette tribu
indienne. La tribu disparaîtrait, incapable de maintenir ses us et coutumes.
Alors qu'un individu immigré sera toujours accueilli à bras ouvert, ajoutant
quelque variété à la société, l'immigration de masse ne peut être que mauvaise.
Que les immigrants y viennent en envahisseurs, en conquérants, ou en tant que
réfugiés, la société qui doit les inclure reçoit un choc. S'ils sont
intelligents, ils évincent les gens du cru de situations sociales intéressantes
et prestigieuses, et ils créent de surcroît leur propre sous-culture. S'ils
sont violents, ils peuvent s'emparer du pays par d'autres moyens. S'ils sont
humbles et effacés, ils causeront une chute du coût de la main-d’œuvre,
c'est-à-dire des salaires. Voilà pourquoi, ordinairement, les immigrés ne sont
pas aimés.
Un de mes amis, excellent homme, Miguel Martinez,
qui a attiré l'attention du public anglophone sur l'article d'Oriana Fallaci, a
été horrifié, à juste titre, par son racisme. Il a raison ; madame Fallaci
s'exprime dans son article comme une raciste, comme Ann Coulter, cette
pourfendeuse de "basanés patibulaires". Mais certaines vérités, dans
son propos, ont échappé à Miguel Martinez. Un homme dont le jardin a été
dévasté par les bisons ne voit pas le chasseur qui fait fuir les troupeaux de
bisons devant lui, et il s'en prend aux animaux innocents. Il a tort. C'est le
chasseur qui est blâmable. Mais cela ne signifie pas pour autant que les bisons
n'ont pas ravagé le jardin. Il en va de même pour l'immigration de masse : elle
est douloureuse, pour l'immigré et pour les habitants du pays hôte, à égalité.
Mais les adorateurs de Mammon n'en souffrent pas,
loin de là. Ils aiment l'immigration, car elle abaisse le coût du travail. Une
des publications phares des mammonites est l'hebdomadaire britannique The
Economist. Ses dirigeants ont appelé, il y a quelques semaines, c'était
avant le nouveau ‘Pearl Harbour’, à accélérer la venue d'immigrants en
provenance de pays du Tiers Monde. Les gens les plus dynamiques et les plus
qualifiés d'Afrique, d'Asie et d'Amérique du Sud seraient très utiles à la
Grande-Bretagne, à l'Europe, aux Etats-Unis, écrivait The Economist.
Cela ferait baisser les salaires des ouvriers européens et augmenterait les
profits des chefs d'entreprises. Autre gain induit, non négligeable : la fuite
des éléments dynamiques affaiblirait les sociétés ‘exportatrices’ d'immigrés,
faisant de ces dernières des proies faciles pour les OPA hostiles. Il s'agit là
d'une version revue et améliorée du commerce des esclaves. En effet, que rêver
de plus ? Des esclaves se disputant les places pour embarquer sur les
bateaux négriers ! Naturellement, la condition première de ce recrutement
n'était pas écrite en toutes lettres dans l'éditorial : les pays du Tiers Monde
devront, au préalable, être dévastés, et ruinés.
Les
mammonites ont besoin d'immigrés dans leur propre intérêt, aussi. Une société
cohérente et saine rejette les gens cupides instinctivement, l'avidité étant
une tendance socialement désintégratrice. Dans une société saine, les
mammonites seraient et resteraient à jamais des parias. L'immigration a
l'immense avantage de détruire la cohésion de la société-hôte. Les mammonites
n'aiment pas vivre dans une société cohérente, ils la préfèrent délayée et
déliquescente, cela leur permet de l'avaler ‘cul-sec’ plus facilement. C'est
pourquoi les mammonites sont favorables à l'immigration. Les immigrants les
considèrent comme leurs alliés naturels, incapables qu'ils sont de comprendre
que les mammonites les aiment comme le vampire aime le sang frais. C'est à
cause de ce manque d'intelligence des faits que les immigrés soutiennent de
leurs votes le pouvoir mammonite de Tony Blair et des démocrates américains qui
tiennent la municipalité de New York. C'est sur les mammonites qu'Oriana Fallaci devrait tomber à bras
raccourcis, et non pas sur les innocents immigrés des rues et places des villes
européennes.
IV
Une sénatrice mammonite de Californie, Diane Feinstein, importe de plus en
plus de Mexicains pauvres dans son Etat. Ils votent pour elle, se tiennent à
l'écart de la politique durant de nombreuses années, sont d'accord pour
travailler pour des salaires moindres, ils sapent les instances syndicales. Les
Californiens ordinaires vivent moins bien, mais elle s'en soucie comme de l'an
quarante. Certains la considèrent sioniste, tant elle soutient Israël.
Toutefois, il serait erroné de la qualifier de sioniste. Historiquement,
les sionistes pensaient que l'homme a besoin de racines. Ils considéraient la
facilité qu'ont les Juifs à se déplacer comme le signe d'un manque. Ils
voulaient donner aux Juifs déracinés des racines en Terre sainte. Mais les
mammonites ne comprennent pas ceux qui ont besoin de racines. Il veulent
déraciner absolument tout le monde. Les sionistes pensaient que le mode de vie
des mammonites est à rejeter. Les mammonites de tout poil ont adopté un mode de
vie honni par les sionistes.
Mais les sionistes se trompaient gravement en ne comprenant pas que, sans
les Palestiniens, ils ne parviendraient jamais à s'enraciner dans la terre de
Palestine. Ils avaient même en quelque sorte doublement tort, parce qu'une
personne d'origine juive peut s'enraciner partout, en Palestine comme ailleurs.
Un juif peut devenir un Américain, un Anglais, un Russe, tout autant qu'un
Palestinien. Cela exige une capacité à s'identifier à ses concitoyens, un
intérêt suprême pour son pays. Tout pays est, en effet, une Terre promise pour
quiconque l'aime. Ceux qui contraignent l'Amérique à envoyer des millions de
dollars en Israël, au lieu de secourir les pauvres en Amérique, ne sont pas
loyaux envers l'Amérique. Mais ils ne sont pas loyaux envers Israël non plus. Ils
admirent en Israël le modèle de leur propre monde.
Beaucoup de gens de bien réprouvent le sionisme parce qu'il a causé la
destruction massive de l'aimable terre de Palestine, en déracinant les
Palestiniens. Mais le sionisme est une maladie locale. Son grand frère, le
mammonisme, est une peste mondiale qui veut faire du monde un ‘Israël géant’,
avec des centres commerciaux d'une laideur repoussante et des villages
détruits, des colonies pour les privilégiés et beaucoup, beaucoup, le plus
possible, de réfugiés, comme main-d’œuvre au rabais. Les sionistes ont détruit
la nature, en Palestine. Les mammonites ruinent l'environnement à l'échelle
planétaire. Les sionistes ont déraciné les Palestiniens. Les mammonites ne
rêvent que d’une une chose : déraciner tout le monde.
Les sionistes combattent le Christ. Dans l'Israël d'aujourd'hui, saint Paul
et saint Pierre seraient emprisonnés pour prosélytisme. Les mammonites
combattent toute foi, toute conviction, le Christ, Mahomet, le nationalisme, le
communisme... Les ennemis du sionisme espèrent que les mammonites vont finir
par contrôler un peu les sionistes, ils pensent qu'une trop grande liberté de
décision laissée aux sionistes pourrait être de nature à constituer un obstacle
à la réalisation des projets d'ampleur mondiale des mammonites. Mais je vais
vous dire une chose : si Dieu tolère les excès des sionistes, c'est pour vous
donner un aperçu de ce que les mammonites vous préparent.
Ce n'est pas là le cri d'un gauchiste bon teint. Nous pouvons vivre tout en
ayant des gens riches dans nos sociétés, nous pouvons survivre à côté de
certains privilèges. Tant la gauche que la droite sont bonnes et nécessaires à
la société, comme nous avons besoin de notre jambe droite et de notre jambe
gauche pour nous tenir debout. Imaginez une prairie, dans les collines de
Jérusalem, au printemps. C'est un tapis magique de milliers de fleurs colorées,
qui vous invitent à vous asseoir parmi elles. Si tout le monde vient à marcher
dessus, il n'y aura plus de fleurs. Si on l'entoure de barrières, personne ne
pourra en profiter. Ces deux tendances, accessibilité et préservation, sont les
deux lignes de force de la gauche et de la droite. Leur combinaison correcte
permet à un maximum de gens de profiter de la prairie fleurie. La droite est la
force conservatrice, qui préserve le pouvoir des élites traditionnelles. Ses
tenants sauvent le paysage, protègent la nature, perpétuent les traditions. La
gauche est une force motrice de la société, la garantie de son caractère
vivant, de son aptitude au changement, de la mobilité sociale. Sans sa gauche,
la société pourrirait, sans sa droite, elle s'écroulerait. La gauche assure le
mouvement, la droite garantit la stabilité. Mais les mammonites créent, pour
leurs objectifs propres, une pseudo-gauche et une pseudo-droite, en utilisant
les erreurs des droite et gauche authentiques.
L'une des fautes de la ‘vraie’ droite européenne fut son manque de
compassion et ses tendances au racisme. Le réflexe de ses partisans était
judicieux : les immigrés déstabilisent la société. Mais ce n'est certainement
pas parce que les immigrés sont des gens mauvais, comme le prétendent les
racistes. Les immigrés peuvent être des gens extraordinaires, ils n'en poseront
pas moins des problèmes. Les Hollandais sont allés en Indonésie, ils y ont
rendu la vie cauchemardesque, et pour un bon bout de temps. Ils ont gravement
détruit l'Indonésie. Des Indonésiens ont immigré en Hollande, y ont créé des
tas de problèmes en retour. Les Anglais ont dévasté l'Amérique dans les grandes
largeurs : ils ont exterminé les indigènes, rien que ça. Le processus colonial
conduit le plus souvent à une destruction mutuelle : les Anglais ont dépouillé
l'Irlande, et les Irlandais leur ont bien rendu la monnaie de leur pièce.
Le racisme est une aberration, qui prétend que certains groupes humains
sont intrinsèquement meilleurs ou moins bons que d'autres. Tout le monde,
absolument tout le monde est merveilleux : les Zoulous et les Britanniques, les
Russes et les Tchétchènes, les Palestiniens et les Français, les Pakistanais et
les Turcs, tant qu'ils sont chez eux. Chez les autres, ces bonnes gens
deviennent une plaie. Aux jours de l'impérialisme et de l'expansion coloniale
européenne, les théories racistes étaient nécessaires afin de justifier le transfert
humain à sens unique qui en était la traduction sur le terrain. Sans racisme,
il aurait été impossible d'exterminer les indigènes, de leur voler leurs biens,
d'interdire leurs industries, de créer d'énormes propriétés foncières et de
priver des peuples entiers de leurs droits humains fondamentaux. Mais
aujourd'hui, on n'a plus besoin du racisme. Maintenant que l'aventure coloniale
de l'Europe est terminée, la théorie du racisme, inacceptable moralement et
scientifiquement erronée doit être remisée au placard.
Une vraie gauche se devrait de défendre les intérêts des classes pauvres,
ce qui implique de s'opposer à
l'immigration de masse. Mais, sous l'influence des sectateurs de Mammon, la
gauche socio-libérale apporte son soutien à l'immigration sous prétexte de
compassion. Les mammonites, ordinairement exempts de toute compassion,
détournent ce raisonnement humanitariste à leur profit : les couches
laborieuses européennes et américaines sont aliénées par la gauche libérale.
Pour les travailleurs, la nature dangereuse de l'immigration est évidente. Les
immigrants vivent dans le voisinage des travailleurs locaux, et ceux-ci
souffrent de leur concurrence sur le marché du travail. Ainsi, ils sont pour
ainsi dire forcés à rejoindre l'extrême droite raciste.
Il y a pourtant une bonne façon de sortir de l'impasse. Une solution bonne
pour tout le monde, à l'exception notable des mammonites. Il faut arrêter
l'immigration et ouvrir un compte permettant de transférer des fonds vers le
Tiers Monde. L'Afrique et la Suède devraient avoir le même revenu. Les
prélèvements fiscaux devraient s'écouler jusqu'aux Indiens d'Amazonie et
jusqu'aux paysans d'Afghanistan. Il n'y aurait pas autant de Pakistanais
immigrés en Angleterre s'ils pouvaient avoir un revenu égal équivalent chez
eux, au Pakistan. L'Union européenne en apporte la démonstration : bien que les
Suédois gagnent mieux leur vie que les Portugais, les Grecs et les Italiens, la
différence n'est pas tellement grande, et ces pays connaissent la paix, aussi
n'y a-t-il que très peu d'immigration européenne en Suède ou en Allemagne.
Compassion, dites-vous ? La vraie compassion chrétienne vous dit de
permettre aux gens de vivre chez eux, dans leur pays, sous leur tonnelle de
vigne et leur figuier, aussi bien qu’ils voudraient vivre chez vous. Bien sûr,
vous n'auriez plus de femme de ménage à peu de frais, mais vous vivriez dans un
pays plus propre et plus généreux. Ce ne serait que justice, puisque l'Europe
et les Etats-Unis ont vampirisé, pendant des siècles, les richesses du Sud et
de l'Est.
Le sort de l'immigrant est bien triste. En fait, l'immigration est un exil,
la plus triste des situations pour un
être humain. Ovide l'a crié sur les rives de la Moldavie, et le prince Genji
l'a déploré dans le Suma. Mon ami palestinien Musa, avait amené son vieux père
du village d'Aboud à sa nouvelle maison, dans le Vermont ; cet homme âgé se mit
à construire des terrasses, telles qu'on en voit s'étager sur les pentes des
collines de Samarie. Cela montre bien à quel point nous sommes partie
intégrante du paysage, nous appartenons à nos montagnes, à nos vallées.
Maintenant qu'on les agresse, aux Etats-Unis, il est vraisemblable que nombreux
sont les immigrés à penser aux maisons qu'ils ont été contraints de quitter.
Bien que je pense que l'immigration devrait être arrêtée et remplacée par
des transferts d'allocations aux régions les plus pauvres jusqu'à ce que les
revenus s'égalisent, les immigrés qui sont déjà là sont vraisemblablement venus
pour rester. Ils pourraient devenir des natifs : des Allemands en Allemagne,
des Français en France, des Américains en Amérique, des Palestiniens en
Palestine. Les ancêtres des Européens et des Américains avaient migré, eux
aussi, et ils avaient adopté d'autres genres de vie. Les tribus germaniques des
Francs ont envahi la Gaule celtique romanisée, formant, avec l'ancestrale
population de celle-ci, la France moderne. Des descendants des Croisés
européens vivent encore dans le village de Sinjil, dont le nom conserve le nom
glorieux du commandant provençal Raymond de Saint-Gilles, mais ils sont
aujourd'hui palestiniens jusqu'au bout du keffieh et ils sont autant assiégés
par les Israéliens que tous les autres. Il en va de même pour ces Géorgiens
amenés, il y a huit siècles, dans le village de Malcha, dans la région de
Jérusalem, par ordre de la Reine Tamar. Ils sont devenus palestiniens, et des
Palestiniens ils ont partagé le sort, lorsqu'ils furent expulsés de leurs
maisons par les envahisseurs sionistes, en 1948.
Les êtres humains sont éminemment adaptables et, si les immigrés aiment
leur nouveau pays, ils s'indigénisent. Je le sais de première main : né en
Sibérie, j'ai choisi de devenir palestinien.
La Troisième Guerre mondiale est une guerre contre la diversité en tant que
telle. Elle a été entreprise par les adeptes de l'Avidité. Ils détestent la
délicieuse mosaïque que forment les ethnies et les cultures, ils veulent à
toute force homogénéiser le monde. Ils ont un motif pratique pour cela : il est
beaucoup plus facile de vendre des productions en série à une humanité
uniformisée. Mais ils ont aussi un autre mobile, moral, celui-là : ils ne
veulent pas que les gens jouissent de tant de beauté gratuitement. C'est
pourquoi cette beauté doit être détruite. Ils ont, enfin, une raison religieuse
: adorateurs de Mammon, ils pensent que cette pluralité chatoyante est un
sacrilège, une offense faite à leur dieu jaloux. Les belles choses du passé
sont faites pour être enfermées dans un musée, à l'entrée duquel ils peuvent
faire payer un ticket d'accès, une fois le village détruit.
Dans un beau film destiné à un public
d'adolescents, L'histoire sans fin, le monde multicolore de la planète
Fantaisie disparaît dans le néant de Nulle part. C'est la même chose qui arrive
à notre monde merveilleux. Des lieux uniques et ancestraux sont rasés et
supplantés par des terrains désolés et des centres commerciaux d'une laideur
qui soulève le cœur. La gauche et la droite devraient sans tarder unir leurs
forces contre le Nulle part qui menace jusqu'à notre existence même.
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Le moineau et le
scarabée
I
En 1923, le
poète russe Carney Chukovsky a écrit un délicieux conte pour les enfants,
“Tarakan le scarabée géant”, en fait l’une des comptines favorites de tous les
enfants russes. C'est l'histoire d’un royaume animal effrayé par Tarakan. Le
scarabée menace de dévorer les animaux désobéissants si bien que les lions et
les tigres épouvantés se terrent dans leurs tanières. En réalité, un scarabée
n'a ni crocs ni cornes, mais le menaçant Tarakan brandissait sa grande et
longue moustache et aucune bête n'osait défier le petit monstre, jusqu'à ce
qu'un petit moineau arrivât en volant et avalât le scarabée au soulagement de
tous.
Malgré ses menaces, Tarakan n’était qu’un insecte.
La comptine m’est revenue à l’esprit alors que les grandes nations
d'Europe, “dont les pas autrefois faisaient trembler la terre, qui
s'efforcèrent de faire des révolutions de grande amplitude, qui peuplèrent de
nouveaux continents, qui conçurent et inspirèrent des fois et des religions”,
tremblent de peur comme des écoliers face à un instituteur sévère.
Autrefois, l'Angleterre régnait sur le monde entier, les Tommies anglais
gravirent la passe de Khyber, défilèrent au Caire et prirent d'assaut le Mur de
l'Atlantique. Un Premier ministre britannique pouvait décider du sort de
millions de personnes. Maintenant, il ne s’excuse jamais assez vite pour un faux-pas de son épouse
qui a osé douter du droit divin des Juifs à assassiner des enfants palestinien
quand il leur semble bon.
Les Français n’ont pas eu peur de se débarrasser de leur roi et de leur
aristocratie, de se séparer de l'Eglise, de conquérir l'Afrique et de quitter
l'Algérie. Mais leur adoration désintéressée des Juifs est mise en doute et ils
n’ont plus la confiance de ceux-ci. Les Allemands avaient créé la meilleure
musique, la meilleure philosophie et la meilleure science, ainsi que le premier
Etat-providence de l'histoire de l'humanité. Maintenant ils subissent un choc
toxique dès que le mot “juif ” est prononcé. Les Européens ont accepté de
devenir les “frères cadets des Juifs”, et ils suivent la ligne tracée par New
York et par Tel Aviv.
Le destin des Américains n'est pas meilleur. Fiers jusqu'à l'arrogance, ils
assuraient que la destinée de l'homme blanc les conduirait de conquête en
conquête. Ils s'emparèrent de la grande masse terrestre de l'Amérique du Nord,
forcèrent les portes du Japon et gagnèrent deux guerres mondiales, pour se
retrouver au bout du compte étrangers dans leur propre maison. Maintenant, au
lieu de leur propre histoire, ils étudient l'histoire de l'Holocauste ; au
lieu de promouvoir leurs propres intérêts, ils combattent comme mercenaires
dans des guerres pour Israël. Ils travaillent de plus en plus dur pour fournir
à leur nouvelle élite ce qu’elle leur demande. Ils jugent le monde par un seul
critère : “si c'est bon pour les Juifs”.
Cette peur des juifs devient ridicule et disproportionnée. Nous juifs
n'avons ni cornes ni crocs, nous devrions être traités comme n'importe quel
groupe de gens de notre taille démographique et de production culturelle
comparable : disons comme des Gallois ou des Slovaques. C'est une cause
d'embarras pour tous ceux qui sont concernés, y compris pour les gens
ordinaires d'origine juive. Il est temps que le moineau intrépide entre en
scène et dégonfle le plantureux Tarakan, sauvant ainsi les lions et les tigres,
aussi bien que le petit agneau blanc de la Terre sainte.
Le moineau est là, je l'ai vu.
Marseille est une cité méditerranéenne dynamique propre ayant un des
meilleurs ports du monde, bien protégée par ses deux forts. La ville d'origine
de la Révolution française et de l'hymne national français fut chantée par
Pagnol, mais tout le monde à Marseille ne s'appelle pas Marius, et tout le monde
ne boit pas de pastis. Le héros de la ville s'appelle Zidane, c’est un joueur
de football franco-arabe célèbre. Dans la médina, le quartier oriental coloré,
des foules de franco-arabes relaxés et joyeux, nés en France, deuxième et
troisième générations d'Algériens, de Tunisiens et de Marocains créent un
mélange excitant de Maghreb et de Provence. Ce sont des gens libres, paisibles
et courageux. J'y ai été guidé par une forte femme bavarde au sourire jovial et
vêtue d'une longue robe ample et bariolée, Rabha Attaf, née en France mais
gardant des liens avec l'autre rive de la Méditerranée. Rabha présidait une
conférence pour l'égalité des Juifs et des Gentils en Terre sainte.
Ce fut un grand soulagement de rencontrer la joviale Rabha et ses amis,
enfants d'immigrés et natifs de Provence. Ils s'intéressaient à la Palestine et
ne se souciaient pas de l'apposition du cachet kasher par les crypto-sionistes.
Une telle apposition ne s'obtient pas à bas prix : les juifs partisans des
“Deux Etats” accordent protection aux activistes contre la qualification
d’antisémites et certains bénéficient en échange de la reconnaissance de l'Etat
juif raciste.
Une crypto-sioniste, que je rencontrai à Marseille, me donna l'argument le
plus ingénieux contre le suffrage universel. « Israël est un Etat raciste,
dit-elle. Pourquoi voulez-vous que les Palestiniens deviennent citoyens d'un
Etat raciste ? » C'était presque aussi bon à entendre que Zénon d’Elée
démontrant qu'Achille ne dépasserait jamais une tortue...
Dans la ville du Golden Gate, la belle San Francisco, j’ai rencontré la
deuxième génération d'immigrés qui ont réussi, mais qui ont sauvé leurs cœurs
et gardé leur désir d'aider. Ils n'embrassent pas la foi judéo-américaine, ils
restent immunisés à la maladie mammonite et ils ne sont pas facilement
intimidés par l'insulte de l'antisémitisme. De même que les courageux
Afro-américains, les immigrés conservent les vraies valeurs perdues par de
nombreux WASP dociles.
Les immigrés du monde musulman sont habituellement décrits comme des
« musulmans » ou des « arabes », bien que beaucoup d'entre
eux appartiennent aux églises chrétiennes orientales, orthodoxes, maronites ou
nestoriennes. Ils ont trouvé une nouvelle patrie en Europe et ils deviennent
une partie de la nouvelle mosaïque du vieux continent. Ils sont opposés autant
que tout le monde à une immigration sans frein. Innocents de la culpabilité
issue de la Deuxième Guerre mondiale, sémites de race (si cela existe) et de
langue, libres de haine ou de peur des juifs, sûrs dans leurs croyances
religieuses, ils sont probablement le seul peuple (à l’exception des dissidents
israéliens) qui ne craignent pas d'affronter l'establishment judéo-sioniste.
Ils sourient à l'insulte « d'antisémitisme » comme probablement le moineau
sourit à la moustache menaçante de Tarakan.
Ces jours-ci, les immigrés ont reçu leur baptême du feu en Allemagne, le
bastion européen de l'influence sioniste. Un membre du parlement allemand, né
en Syrie, Jamal Karsli, a demandé à l'Allemagne de cesser de vendre des armes à
Israël parce que, parmi d’autres choses, ses forces armées employaient des
méthodes nazies. Immédiatement son propre parti —les Verts— lui a tourné le
dos. Un autre homme aurait pris en compte la force du Grand Scarabée et se
serait retiré, mais ce moineau asiatique a rejoint le Parti libéral (FDP) et il
a entrepris de briser encore un autre tabou en parlant ouvertement dans une
interview de la forte influence du lobby sioniste sur les médias allemands.
Les anges gardiens sionistes de l'Allemagne lancèrent une attaque sur
l'homme courageux. Karsli a été forcé de démissionner de son nouveau parti et
“à un moment très crucial pour les Palestiniens, la quasi-totalité du potentiel
des partisans allemands d'une juste paix au Moyen-Orient s’est trouvée presque
complètement neutralisée”, a écrit Shraga Elam, un dissident israélien vivant
en Allemagne. De nombreux dissidents israéliens courageux, y compris le Docteur
Illan Pappe de l'Université de Haïffa et Gideon Spiro de la Campagne
israélienne pour Mordechaï Vanunu, ont soutenu Karsli.
Shaga Elam a écrit : “Dans l'atmosphère actuelle en Allemagne beaucoup de
gens ont peur de dire tout haut ce qu'ils pensent et d'exprimer leur critique
légitime contre les crimes de guerre israéliens. A cause de cela, un nombre
croissant de gens ont l’impression que seuls les radicaux de droite sont assez
courageux pour déclarer publiquement leur désapprobation, largement partagée,
de la politique israélienne”.
Son analyse rejoint pratiquement celle du Docteur Kevin McDonald,
professeur de l'université d'Etat de Californie, qui a écrit : “En Allemagne,
une discussion critique de la politique juive est virtuellement impossible.
Qu’il soit conservateur ou libéral, un intellectuel allemand qui dit quoique ce
soit en dehors d'un spectre étroitement défini de formules pieuses au sujet des
Juifs, court le risque d’un suicide professionnel et social. Les discussions
sur le travail des intellectuels juifs sont venues dominer la vie
intellectuelle allemande jusqu'à l’ exclusion presque complète des Allemands
non-juifs. Les érudits ont perdu tout sens des usages normaux de la critique
intellectuelle et en sont venus à s'identifier plus ou moins complètement avec
les victimes juives du nazisme. Les écrivains juifs comme Kafka sont considérés
comme des géants intellectuels qui sont au-dessus de la critique. Même les
écrivains juifs mineurs sont élevés aux plus hauts niveaux du canon littéraire
tandis que des Allemands comme Thomas Mann sont contestés, principalement parce
qu'ils ont des positions sur les juifs qui sont devenus inacceptable dans une
société polie. En définitive, il n'est pas exagéré de dire que la culture
allemande a totalement disparu, qu’elle a été remplacée par la culture de
l'Holocauste”.
Il semble que même les Allemands obéissants en ont assez. Juste quelques
jours après les déclarations courageuses de Jamal Karsli, les Allemands ont
acheté en masse le roman controversé Death of a Critic par Martin
Walser. Le personnage principal de ce livre, un écrivain créatif, tue un
critique juif véhément (comme dans Le Maître et Marguerite de
Boulgakov). Le principal journal allemand, le Frankfurter Allgemeine Zeitung
avait stigmatisé le roman comme
“antisémite” mais il a été épuisé dès le premier jour de sa publication en
Allemagne. Il y a quelques années, Walser avait déjà été la cause de la fureur
du lobby sioniste en Allemagne en disant que la tragédie de la Seconde Guerre
mondiale était employée comme un “gourdin moral” pour imposer aux Allemands
“une honte instrumentalisée pour des objectifs contemporains”.
Apparemment, l'Europe et l'Amérique ont besoin des immigrés du monde
musulman comme la jungle a besoin de moineaux intrépides. C'est la grande
ironie de l'histoire, les immigrés étaient considérés comme les alliés naturels
et obéissants des forces anti-nationalistes. Maintenant ces alliés d’hier ont
vu leurs routes diverger.
L'immigration issue du monde musulman était un outil important de la
politique néo-libérale, mondialiste et mammonite. Tandis que les braves gens
aidaient les réfugiés, les mammonites encourageaient l'immigration comme un
moyen d'abaisser les salaires des travailleurs autochtones, pour faire plus de
profit grâce à de la main d'œuvre étrangère bon marché, et pour saper l'homogénéité
de la société. Les nouveaux riches étrangers soutenaient l'immigration de façon
à ébranler les élites traditionnelles et à occuper leur place. Les
nationalistes européens avaient une raison valable de s’opposer à l'immigration
du Dar al-Islam qu’ils percevaient comme une menace pour le mode de vie
traditionnel de leur société.
Mais les mamonnites se sont pris les pieds dans leurs propres combines. Les
immigrés se sont établis, il ont progressé dans l’échelle sociale et ils ont
découvert les tabous non-écrits de la société occidentale. Ils ont remarqué que
les mammonites s’opposaient à leur intégration sociale et à leur pleine
participation au discours public. “Est-ce que les Arabes américains ne savent
pas écrire ?” – S'exclamait Ahmed Amr de Seattle quand il faisait remarquer que
les propriétaires et éditeurs juifs de journaux avaient une politique de
discrimination ouverte vis-à-vis des immigrés venant du Proche-Orient. Les
immigrés ont remarqué que les persécuteurs des Palestiniens étaient leurs réels
adversaires et qu'ils n’avaient pas à avoir peur des juifs. Cela a causé une
fissure entre les immigrés et leurs anciens partisans. De Marseille à Berlin,
de San Francisco à Rome, de nouveaux positionnements se sont mis en place,
tandis que les mammonites renonçaient au politiquement correct, et ils se sont
retournés contre les immigrés.
Un officiel juif haut placé, Stephen Steinlight, directeur des National
Affairs au Comité juif américain (7), a appelé franchement les juifs “à ne
tenir aucun compte du politiquement correct et à ne pas craindre de risquer de
bousculer les vieux, et nouveaux, amis et alliés”. A moins que les juifs ne
s’opposent à l’immigration dit Steinlight, “le pouvoir politique juif
diminuera. Nos privilèges, succès et pouvoir actuels ne nous mettent pas à
l’abri des processus historiques. Nous sommes face à un énorme enjeu et nous ne
pouvons pas envisager la perte du pouvoir avec satisfaction” Afin de protéger
leurs privilèges, les juifs devraient décourager l'immigration non-juive et
saper la maigre influence des immigrés, puisque “les immigrés non-européens ne
nourrissent pas de sentiment de culpabilité et regardent les juifs seulement
comme les plus privilégiés et les plus puissants des Blancs américains”. Les
Blancs américains sont dociles et obéissants, mais les immigrés du monde
musulman, qu’ils soient musulmans ou chrétiens orthodoxes, n'acceptent pas le
privilège juif comme une norme.
Steinlich exprime de la haine pour les Latinos, “qui battent nos meilleurs
membres du Congrès”, mais la plus grande hostilité de ce porte-parole de la
judaïté est braquée sur les musulmans et sur les chrétiens orientaux, des
immigrés qui menacent “notre pouvoir politique disproportionné”. Il proposait
d'employer “le pouvoir juif concentré d'une manière disproportionnée à
Hollywood, à la télévision et dans l'industrie de l'information” de façon à
“diviser et à conquérir” diverses communautés d'Américains.
Steinlight dresse un autoportrait d'un Américain judéo-nazi : “On m'a
enseigné qu'Israël est ma vraie patrie. Plus tacitement et inconsciemment on
m'a enseigné la supériorité de mon peuple sur les Gentils. On nous a enseigné à
considérer les non-Juifs comme des étrangers indignes de confiance, et à
considérer que la principale division dans le monde était entre ‘nous’ et
‘eux’”.
La politique de “division et de conquête” a été mise en oeuvre en Europe
par l'intermédiaire de la publication et de la promotion des écrits racistes
d’Oriana Falacci. Prenez ses écrits, substituez “juifs” à “musulmans”, publiez
cela et vous vous retrouverez en prison pour cinq ans pour incitation à la
haine raciale. Remettez en place le mot “musulman” et riez pendant tout le
chemin qui vous mène jusqu'à la banque.
Pour Falacci les musulmans sont des “fripouilles avec un turban ou un
keffieh”.
Le boucher de Sabra et de Chatila, de Kibbie et de Jenine, est “le
personnage tragique et shakespearien Sharon”. Shakespeare compte effectivement
des personnages de ce type dans ses pièces, mais habituellement ils n'ont pas
de nom, on les appelle juste “meurtrier de deuxième ordre”. Oriana regrette que
“personne ne puisse empêcher un Mustapha ou un Mohammed de s'inscrire dans une
université (quelque chose qui j'espère changera)”. En effet, laissons-les faire
la vaisselle comme dans son Israël bien aimé. Elle blasphème sur Jésus Christ
et fait référence à “un juif sans qui les prêtres seraient tous au chômage”
(peut-être Judas?). Sa narration de l'histoire est aussi pervertie que l’est
celle du présent. Elle écrit : “Je trouve cela scandaleux que presque toute la
gauche oublie la contribution apportée par les juifs à la lutte contre le
fascisme”. On pourrait ajouter, “mais la présente droite fasciste d'Italie
n'oublie pas la contribution apportée par les juifs à la cause du fascisme”. En
effet de nombreux Juifs italiens soutinrent avec ardeur le fascisme mussolinien
dès le tout début. Trois martyrs sur cinq du fascisme étaient juifs et il y eut
des ministres juifs dans les gouvernements de Mussolini. Les dirigeants
sionistes, y compris le mentor de Sharon, Jabotinsky, adoraient les fascistes
italiens et maintenant, le parti néo-fasciste d'Italie est un bon ami de Sharon
et de l'Etat d'Israël.
Les juifs éclairés, combattants d'hier contre le racisme, soutiennent
maintenant cette ligne judéo-nazie. Un professeur juif libéral m’a fait
parvenir son article avec une introduction disant : “Ce qu'Oriana Fallaci
dit à propos des dirigeants islamiques ouvre les yeux. C'est un vrai appel
prophétique adressé à l'Occident. Si nous ne réalisons pas d'où vient le
danger, il en sera fini de nous”. Oui, cela en effet nous ouvre les yeux. Cela
devrait ouvrir les yeux à tous sur la nouvelle idée développée par des Maîtres
du Discours : “vous pouvez être un raciste vis-à-vis de n'importe qui, tant que
vous êtes comme il faut avec les juifs”.
Ce concept a été clairement expliqué par Alexandre Chancellor du Guardian
(8) dans son panégyrique du dirigeant d'extrême droite hollandais Pim Fortuyn
intitulé avec justesse “Ni Blanc, ni Noir”. Le saint défunt “ne fut jamais
suspecté d'antisémitisme. L'islam était son grand ennemi et il soutenait Israël
dans sa guerre contre les Palestiniens”. Cela fait de cet ennemi des immigrés
un type bien même pour le libéral Guardian. J'espère que The Guardian
nous fournira aussi d'autres portraits de saints. Et à propos, qu’en est-il de
Jack l'Eventreur ? Il ne fut, lui non plus, jamais soupçonné d'antisémitisme.
Ni Mussolini, ni Franco, ne l'étaient non plus. Comme Albert Lindeman (9)
l’a démontré d'une façon convaincante, Adolf Hitler était unique dans son rejet
des Juifs. Les autres fascistes, et plus particulièrement Mussolini, essayaient
de persuader Hitler de se dégager de ce combat contre les Juifs. Le
judéo-nazisme proposé par Steinlight, prêché par Oriana Falacci, illustré par
Ariel Sharon, accepté par The Guardian, est la proposition gagnante,
celle que les Maîtres du Discours tentent maintenant d'instiller dans notre
monde. Ce n’est pas par hasard qu’une délégation du gouvernement israélien
participait dernièrement à une réunion d’un groupe de député européens
d'extrême droite à Bruxelles.
Nous sommes à un moment compliqué et décisif dans l'histoire des forces
nationalistes européennes et américaines. Il y a une génération, on les
poussait à combattre le communisme et à la fin les deux antagonistes se sont
retrouvés eux-mêmes presque anéantis. Maintenant, les mêmes forces selon le
principe de “divide et impera” essayent de les monter contre les immigrés du
monde musulman, de façon à préserver “le pouvoir et des privilèges sans
précédent pour la communauté juive américaine”. Les mammonites ont des outils
puissants : les médias et les universités, le système politique et les
affaires. Il est un moment où les ennemis des années passées, les leaders des
nationalistes et des immigrés devraient se rencontrer et mettre au point une
stratégie commune, pour le bien être général et contre les privilèges.
“Le Prince de l’univers peut pervertir toute idée du Seigneur; mais le
Seigneur peut transformer l'idée de Satan en une chose merveilleuse” (10).
(Je présente ici mes excuses à l’islam et aux musulmans. Je vis dans le Dar
al-Islam, le monde islamique, et je ressens chaque jour son humanité
merveilleuse et sa tolérance).
Partie 6
Guerriers et gynécée
16 décembre 2001
Par les temps qui courent, en Occident, il ne fait pas bon être musulman.
Il n'y fait pas bon, non plus, être PRIS pour un musulman. J'en ai fait
l'expérience lors d'un déplacement (en avion...) aux Etats-Unis. C'est bien à
moi, en effet, (j'ai le type méditerranéen : moustache, etc.) qu'un officier
des douanes américaines a demandé si je lisais beaucoup le Coran.
Un papier d'emballage de chewing-gum, orné d'une caricature, l'a sans doute
amené à penser que j'étais susceptible, conformément à des instructions reçues,
de me mettre, dans un premier temps, à faire la prière dans l'avion, puis -
selon toute vraisemblance - de proclamer qu'Allah est le plus grand
("Allah Akbar") et, enfin, d'aller attaquer l'équipage.
Vous, vous préparez un sale coup, trancha-t-il.
J'étais abasourdi. Nos frères palestiniens et nous, Israéliens, sommes très
semblables physiquement. Souvent, on me prend pour un Palestinien, des deux
côtés. Mais je ne m'attendais pas à ce que les services américains de l'immigration
se mettent à singer la police israélienne des frontières !
J'avoue que l'idée de déclarer tout simplement "je ne suis pas
musulman" m'a traversé l'esprit. Mais cela ne me m'aurait pas semblé très
digne. En 1940, au Danemark sous occupation, les Allemands avaient ordonné aux
juifs de porter l'étoile jaune. Le roi du Danemark en porta une lui-même, afin
de marquer sa solidarité avec les sujets juifs de la couronne danoise.
Allais-je, échouant à cette épreuve de simple humanité, protester de mon
origine non-musulmane et garantie kascher ? J'aurais eu l'impression de
sacrifier un musulman à ma place. Je tentai le compromis :
- Non, je ne lis pas beaucoup le Coran.
L'officier Gomez (une armoire à glace basanée) n’en resta pas là :
- Mais... vous lisez le Coran ?
- Oui, mais seulement à l'occasion... (je persistais).
Cette
réponse pusillanime causa ma perte : on me fouilla, on m'insulta, tous mes
objets personnels furent examinés sous toutes les coutures.
Peu importait l'affront personnel. Je pensais à l'histoire de Pierre
Bezukhov, personnage de la noblesse russe dans Guerre et Paix, de
Tolstoï, qui, en 1812, dans Moscou occupée, se voit barrer le passage par un
soldat français. "Que s'imagine-t-il, ce soldat ; qu'il peut arrêter mon
âme immortelle ?" pensa Bezukhov, avant d'éclater de rire. Saint
François d'Assise avait éprouvé, quant à lui, une jubilation encore plus
intense après qu'un monastère lui eût fermé la porte au nez, par une nuit particulièrement
pluvieuse et glaciale. "Un peu d'humiliation de temps à autres, voilà qui
est excellent pour l'âme", avait-il expliqué à son acolyte, un certain
saint Bernard.
Ce qui me dérangeait vraiment était le constat que l'islam se trouve en
position d'accusé dans l'aire culturelle judéo-américaine. Dans les journaux
américains et sur internet, les débats théologiques sont de nouveau en vogue,
la vindicte y fait rage, après une accalmie de quelque huit siècles, plus
'subtile' que jamais. Même de bons amis des musulmans se mettent à douter, la
machine à laver les cerveaux ayant commencé à produire ses effets détestables.
L'islam est accusé d'être une croyance servant de couverture au djihad, cette
prétendue guerre permanente contre les infidèles, ainsi qu'à l'intolérance et à
la cruauté, et de fournir une 'justification' théologique au terrorisme. Mais
les allégations accusatrices ne se cantonnent pas au domaine politique.
Les Croisés quasi-illettrés du douzième siècle accusaient les musulmans de
se livrer à des bacchanales devant leur divinité, Baphomet (sans doute le nom
déformé du Prophète). La dernière en date des attaques frontales contre
l'islam, dans l'opinion publique américaine, n'est pas exempte de résonances
sexuelles assez cocasses. Les appels à transformer l'Afghanistan, l'Irak, la
Syrie et la Palestine en autant d'enfers, sous des déluges de bombes, sont
généralement chargés de lourdes allusions outragées aux excès sexuels supposés
du Prophète et du soupçon non fondé que les musulmans rudoieraient
systématiquement leurs sœurs en humanité.
L'amour du Prophète pour sa jeune épouse, Aïcha, plonge l'Amérique dans la
consternation. Et cela, près de cinquante ans après la levée par la Cour
Suprême de l'interdit frappant le roman Lolita, de Vladimir Nabokov, ode
aux amours pédérastes. Pour les prudes accusateurs, peu importe que Mohammed -
que la paix soit sur Lui - ait été amoureux de la demoiselle, comme elle
l'était de lui. Eux savent, mieux que quiconque, ce qui est bon pour tout un
chacun. Si le Prophète avait jeté son dévolu sur un garçon de l'âge d’Aïcha, on
peut imaginer que la crainte d'être accusé d'homophobie aurait atténué quelque
peu les critiques. Mais il se trouve que le Prophète avait des goûts
catholiques.
Ayant été un modeste étudiant du Talmud, à Jaffa, je me lèverai pour
prendre sa défense, au nom de nos traditions juives. Loin d'avoir été un
pêcheur, Mohammed - que la paix soit sur Lui - s'est comporté en accord avec la
lettre et l'esprit de notre sainte foi. Le Jacob de la Bible tomba amoureux de
Rachel, lorsqu’elle avait sept ans, et il engendra, avec elle, une lignée de
saints au nombre desquels figure Marie, mère de Dieu.
Le Talmud stipule que l'âge admis du mariage est, pour les filles, de trois
ans et un jour. Cela nous vaut cette dispute, digne de Boccace, qui se tint à
Séphoris, en Galilée. Justine, princesse romaine, fille de l'empereur Sévère,
lui-même fils d'Antoine, demanda au rabbin Judah Princeps, autorité spirituelle
et juridique suprême des Juifs dans la période post-biblique, quel était l'âge
légal du mariage et du concubinage.
- Trois ans et un jour, avait répondu le rabbin.
- Quel est l'âge légal pour la conception, persista la jeune princesse
romaine.
- Neuf ans[98], répondit le rabbin.
Ça
alors ; j'ai été mariée à six ans, et j'ai accouché à sept, pensa-t-elle,
morose. J’ai donc gâché trois précieuses années de ma jeunesse ?
L'épouse de Mohammed, Aïcha, avait perdu, quant à elle, six années de sa
jeunesse, puisqu'elle avait été mariée à l'âge de neuf ans. Ainsi, le Prophète
fit montre d'une grande sagesse, toujours en parfaite conformité avec nos
enseignements juifs. Nos saints rabbins autorisaient les mariages très
précoces, mais ils n'étaient pas absolument certains que des filles de trois
ans eussent été suffisamment matures. Ils enseignaient que les prosélytes et
les pédophiles ne faisaient que retarder la venue du Messie attendu et
l'avènement du Royaume des Cieux.
Qui sont les pédophiles, dans ce contexte? s'interroge le Talmud. Il ne
peut s'agir que de personnes ayant un comportement légitime, mais réprouvé. Par
conséquent, il ne saurait s'agir des sodomites, puisque ceux-ci méritent d'être
lapidés à mort, ni des onanistes, qui méritent de périr noyés. Il s'agissait,
par conséquent, de ceux qui épousent des filles avant qu'elles aient atteint
l'âge nubile, c'est-à-dire neuf ans. Ainsi, le Prophète est au-dessus de tout
soupçon, à cet égard, si l'on s'en réfère à nos textes juifs.
Il avait plusieurs épouses, persiflent ses contempteurs. Soit. La loi juive
ne nous permet-elle pas d'avoir autant d'épouses que nous pouvons en avoir ?
Aujourd'hui, un musulman doit se contenter de quatre épouses (en ce bas monde).
Mais nous, les juifs, nous n'avons pas de telles restrictions.
La coutume supposée barbare qu'ont les musulmans de voiler les femmes et de
les tenir à l'abri des regards concupiscents de l'étranger est insupportable à
leurs détracteurs. Un lecteur accro au Washington Post pourrait aisément
penser que si les Etats-Unis ont attaqué l'Afghanistan, c'était juste pour
faire tomber le voile, sous l'impact des bombes. En guise de premier fruit de
la victoire américaine en Afghanistan, CNN a fait un reportage sur un marché de
films pornographiques dans Kaboul en ruines.
Là encore, notre loi juive est clairement du côté des talibans. Un sage
talmudique, le rabbin Isaac, professait : "si un homme regarde le
petit doigt d'une femme, c'est comme s'il regardait son
vous-savez-quoi ! " (à ne pas confondre avec Vous-savez-qui
d'Harry Potter). Rabbi Hisda avait déclaré, l’œil allumé, que la jambe d'une
femme représente aussi une incitation non négligeable. Rabbi Sheshet
surenchérit, rappelant qu'il en va de même quant à la chevelure de la femme.
C'est pourquoi les femmes juives pieuses portent une perruque. Maître dans
l'art d'avoir le dernier mot, Samuel l'avait encore surpassé en déclarant que
la voix même de la femme est un facteur d'incitation sexuelle, comme le disent
les Saintes Ecritures : "Douce est ta voix". Ce débat fut conclu
par la sentence "kvod bat ha-melech pnima", ce qui signifie :
"une femme juive qui se respecte doit rester à la maison", ce qui est
finalement très proche de l’opinion des talibans.
Les ennemis de l'islam n'oseraient jamais s'en prendre à nos croyances
juives bien que tous les traits de l'islam qu'ils affirment abhorrer y soient
contenus. Cela ne concerne pas les seuls sujets sexuels. Le djihad n'est rien
d'autre que la traduction arabe du concept juif de "Milhemet Mitzva",
la Guerre Ordonnée (ou Prédestinée). Toutefois, dans le djihad, il est interdit
de tuer des civils, tandis que dans la milhemet mitsva, on vous
l'ordonne. Ouvrez votre Pentateuque et vous trouverez facilement les
prescriptions en la matière. Le Messager - que la Paix soit sur Lui - a
considérablement assoupli son Message.
Si
vous pensez que l'islam est intolérant, laissez-moi vous citer l'histoire
écrite par ‘le parfait sage et excellent médecin R. Samuel Sholem, à
Constantinople, capitale du Grand Roi, notre souverain, le Sultan Soliman le
Magnifique’, au sujet du rabbin Gaon Isaac Campanton (mort en 1463), grand
rabbin de la communauté castillane, la communauté juive la plus éclairée de
tous les temps. Je le cite : «le grand rabbin, l'honorable R. Isaac Campanton
fit brûler le rabbin Samuel Sarsa sur le bûcher. (Pourquoi ?) Des rabbins
s'étaient assemblés afin d'annoncer les bans d'un mariage. Ils avaient lu :
"en l'année tant depuis la Création du monde", ce sur quoi ce pauvre
Sarsa s'était passé les doigts dans la barbe et avait fait allusion au fait que
(pour lui) le monde existait depuis des temps immémoriaux. Le rabbin Campanton
s'était alors levé d'un bond, s'exclamant : "comment, le bûcher n'est pas
encore allumé ? Que l'on se dépêche de le faire ! ". Ils condamnèrent le
rabbin Sarsa à mourir sur le bûcher pour avoir douté du dogme qui voulait que
le monde eût été créé depuis 5000 ans. Et le rabbin Sarsa mourut sur le
bûcher.»
Si vous pensez que l'islam est la cause du terrorisme musulman, sachez que
le judaïsme est sans doute la raison du terrorisme juif. Jusqu'à présent, les
musulmans n’ont réussi à assassiner qu’un ministre israélien. Du temps où les
juifs s'occupaient de terreur privée (par opposition à la terreur d’Etat), mes saints
ancêtres ont assassiné deux Tsars de Russie et toute une collection de
ministres d'Etat, de personnages officiels, d'ambassadeurs et d'hommes d’Etat
britanniques, allemands, suédois, russes et arabes. A ce jour, le record battu
par le terrorisme juif n'a pas été remis en cause et, en tant que juif et fier
de l'être, je récuse les vains efforts déployés pour confisquer aux juifs leur
coupe du monde d'assassinats et la remettre aux musulmans ou à qui que ce soit
d’autre.
En Amérique, les Juifs ne sauraient mal faire, et quiconque pense le
contraire est immédiatement traité d'antisémite. En démontrant l'origine juive
des prétendues tares de l'Islam, nous avons du même coup démontré que les
contempteurs de l'Islam sont des antisémites et probablement des révisionnistes
niant l'holocauste. Quiconque en douterait n'a qu'à lire le Washington Post
du 27 novembre. La tribune qu'y écrit l'ex-directeur de la CIA James Woolsey
est illustrée d'un de ces portraits hystériques et maintes fois retouchés du
sémite bestial et démoniaque ; une sorte de sauvage cruel au teint sombre et
aux lèvres charnues. Le journal nazi Der Sturmer l'aurait apprécié. Le
contenu de l'article n'aurait pas dépareillé, lui non plus, avec Der Sturmer.
Woolsey, dans sa tribune au titre orwellien, "Objectif : démocratie",
plaide en faveur de la "destruction des défenses antiaériennes et de
frappes sur les forces terrestres en Irak, comme nous l'avons fait en
Afghanistan."
Le grand dramaturge russe Anton Tchekhov a défini une sorte de loi scénique
: s'il y a un fusil accroché au mur à l'acte I, ce fusil doit tirer à l'acte
III. La vie imite le théâtre ou, comme l'a dit Shakespeare, "ce monde
n'est rien d'autre qu'une vaste scène". Le fusil de l'antisémitisme a
tiré, comme prévu, mais contre de vrais sémites : les Arabes. Curieusement, on
trouve parmi les nouveaux antisémites beaucoup de gens portant des noms juifs,
ou connus pour avoir un faible pour les juifs. Comment cela se peut-il ?
Voilà qui nous ramène aux maximes de nos sages, dans lesquelles il est tant
question de pédophiles et de prosélytes. La religion juive est extrêmement
circonspecte, en matière de prosélytisme. "Les prosélytes sont comparables
à la gale sur la tête d'Israël", enseignait le rabbin Helbo. Et les pratiques
actuelles corroborent son avis éclairé. Le judaïsme est trop compliqué pour
être assimilé à l'âge adulte. En effet, les gens nés et élevés en Juifs
religieux ont eu le temps de se faire à l'idée qu'ils sont le ‘peuple élu’, et
cela ne leur fait ni chaud, ni froid. Mais les néophytes, eux, en ont la tête
qui tourne, rien que d'y penser.
Rien d'étonnant à cela. L'authentique aristocrate anglais Tonny Benn défend
les droits des gens ordinaires, tandis que Conrad Blacks, parvenu récemment
anobli, se fait le chantre de l'oppression des Européens et des Musulmans
(qu'il met dans un même sac) à longueur de colonnes, dans ses nombreux
journaux. Certains des pires racistes d'Hébron, cette place forte de
l'apartheid israélien, ne sont en réalité que des prosélytes qui ont pris un
peu trop au pied de la lettre certaines idées téméraires piochées dans la
Bible. On en veut pour preuve le nazi américain, 'gentil' converti au judaïsme
sous le nom d'Eli Hazeev (le loup), qui a fini assassiné par les maquisards
palestiniens, ou encore, le docteur Andrew Mathis, ce fléau du cyberespace,
qui, récemment converti, a entrepris de se faire le héraut de sa version (toute
personnelle) du judaïsme sur plusieurs sites Internet. Certains nouveaux-juifs
ne savent pas que le judaïsme est une religion profondément interprétée et
commentée, dans laquelle aucun mot de la Bible ne peut (à coup sûr) être
supposé signifier ce qu’il semble dire.
Un lecteur m'a envoyé une lettre embarrassante. Il écrit : "ma
sœur, convertie au judaïsme il y a plusieurs années (alors que nous sommes des
WASP) a disjoncté. L'autre soir, alors que je lui demandais de cesser un
instant de jeter l’anathème sur les Arabes, juste le temps qu'il lui fallait
pour me citer un seul exemple, pris n'importe quand dans l'histoire, où Israël
aurait bien pu faire quelque chose... quoi que ce soit... de mal (en lui
faisant remarquer que la paix n'est pas possible dès lors que l'un des
partenaires pense qu'il est absolument parfait, et que la partie adverse est
entièrement mauvaise), la seule réponse qu'elle trouva fut, "les dommages
collatéraux..." c'est-à-dire le bombardement non intentionnel de civils,
alors qu’une cible légitime était l'objectif visé. Ma sœur est très active au
sein de la communauté juive de St. Louis, et sans doute est-elle
susceptible de porter atteinte aux dernières chances - aussi minces
soient-elles - de faire la paix."
Oui, le rabbin Helbo avait bien raison de se méfier. Les vrais juifs
savaient bien qu'ils vivaient dans le monde réel, et ils laissaient leurs
fantaisies pour le shabbath. Ils restaient humbles, étudiaient le Talmud et ne
tentaient pas de trouver des équivalents modernes à Amalek ou à la Génisse
Rousse, ni de reconquérir la Terre sainte par la violence ou par la ruse. Ils
ne prêchaient pas, non plus, la haine des gentils. Ils savaient : ces idées-là,
il fallait absolument ne jamais y toucher, comme les fichiers cachés du
logiciel Windows. Si elles sont là, c'est pour des raisons historiques, et
personne ne devrait aller y mettre son nez. Les néophytes, eux, n'ont pas cette
humilité.
Ce n'est pas une question de race. Les néophytes, qu'ils soient juifs
ou gentils d'origine, sont également inaccessibles à la raison. C'est pourquoi
les fous furieux néo-conservateurs
d'Amérique, les non-juifs inconditionnels d'Israël comme Jeanne
Kirkpatrick et les juifs laïcs comme l'infâme Podgoretz, le mentor de la
précédente (de la revue Commentary), poussent sans relâche à la
destruction du monde musulman et empoisonnent l'âme des Américains. L'islam est
une forme du christianisme particulièrement proche des juifs. Tandis que
l'Eglise orientale orthodoxe était soumise à l'influence grecque et que les
catholiques relevaient du monde romain, l'islam a replacé les concepts du
christianisme dans le contexte sémitique. Le Prophète - que la paix soit sur
Lui - a confirmé les concepts juifs de strict monothéisme, de crainte des
représentations imagées, de protection des femmes, et il les a intégrés au
message universel du Christ et des apôtres. Si les vils ennemis de l'Islam
passent tant de leur temps à le salir, c'est parce qu'ils redoutent et envient
son esprit intact, la bravoure de ses combattants et la chasteté de ses jeunes
filles.
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[Cet essai traite d’un nouveau phénomène, la participation active du
mouvement juif organisé dans la propagande raciste anti-immigrants. C'est une
partie de la discussion au sujet de la nouvelle alliance des Juifs et de la
droite, et de l’urgent besoin que nous avons d'une approche plus créative et
plus prudente des forces de l'extrême droite.]
Un spectre hante l'Occident, un sceptre qui n'était pas venu depuis belle
lurette. Exorcisé il y a longtemps, il était emprisonné dans un noir
laboratoire comme un virus mortel, attendant son heure. Maintenant, comme
Israël s'abaisse à commettre encore plus de crimes, ses partisans ont brisé les
scellés et effacé le pentagramme magique.
Pendant plus d'un millénaire, nous, Juifs, étions rattachés dans l'esprit
populaire européen à l'empoisonnement des puits, cela à la grande contrariété
de nos ancêtres. Maintenant, les mensonges du passé deviennent des réalités,
puisque certains sombres esprits transposent les contes d'autrefois dans la
réalité d'aujourd'hui.
Abba Kovner, un dirigeant socialiste (?) juif, essaya d'empoisonner les
sources du Rhin. Certains avaient rêvé d'exterminer des millions d'enfants, de
femmes et d’hommes allemands. Il reçut la potion nécessaire pour cela d'un
homme qui devint ensuite le Président d'Israël et qui jamais ne le regretta, ni
le nia. Sa couardise de dernière minute (ou fut-ce un miracle?) sauva le cœur
de l'Europe. (Vous pouvez lire à ce sujet sa biographie, sans remords et sans
honte, écrite avec amour par l’historienne
israélienne Anita Shapira.).
Cela se produisit il y a un demi siècle, mais maintenant, une nouvelle
sorte de poison coule à flot à travers les tentacules sionistes depuis les
sources d'Europe et d'Amérique du Nord. Dans le quotidien canadien National
Post (27 août, 2002), publié par Israël Asper, un grand ami de mon pays,
Daniel Pipes et Lars Hedegaard ont publié un article au titre séduisant :
“L’extrémisme musulman : le Danemark en avait assez”.
A en juger par son contenu, le Canada a cessé d’appliquer ses « lois
sur la haine » qui interdisent expressément la promotion de la haine de
communautés ethniques et religieuses. Le tandem Pipes et Lars Hedegaard écrit
en effet : “En majorité musulmans les immigrés constituent 5% de la population
mais consomment jusqu'à 40% des dépenses sociales… Les musulmans ne sont que 4%
des 5,4 millions d’habitants du Danemark mais représentent la majorité des violeurs emprisonnés dans le
pays, une question particulièrement brûlante étant donné que pratiquement
toutes les victimes féminines sont des non-musulmanes. »
« Ils volent notre argent et violent nos filles », - ce concept
fut appliqué avec succès dans le passé, notamment par Adolf Hitler et son Mein
Kampf, contre les juifs. Maintenant la puissante machine de propagande
juive, ce conglomérat mondial de magnats des médias, de journalistes
obéissants, de professeurs d'université pleins de déférence, en fait la
promotion. Hitler ou Staline n'avaient jamais eu un pareil réseau à leur
disposition. La potion de haine est concoctée par le professeur Lewis, multipliée
par Pipes le journaliste, publiée par Israël Asper, le propriétaire de presque
tous les médias canadiens et de notre Jerusalem Post. Elle circule et
passe par Conrad Black en Angleterre et Mort Zuckerman aux USA en
direction d'innombrables propriétaires
de média et éditeurs dans le monde entier.
Cette puissante machine étale l'image alarmante digne du Ku Klux Klan d'un
violeur à peau sombre lubriquement embusqué, à l’affût des jeunes filles
aryennes à la peau blanche et aux cheveux d'or du Danemark. Copiée dans le
grand film muet Griffith, qui vénérait le KKK, Naissance d’une nation (The
Nation is Born) cette image raciste ouvre un nouveau film : Les
Hommes en noir II (Men in Black II) : un grand nègre avec un grand
couteau, de grandes dents et un grand pénis attaque une innocente femme blanche
dans le parc. Le film était produit par le créateur de La Liste de Schindler,
la triste histoire des juifs persécutés.
Pourtant, il y a une différence entre Pipes, Zuckerman, Asper, Black et les
racistes ordinaires d'autrefois. Le dictateur allemand ou le Klan Wizard
étaient des hommes sincères, qui haïssaient, vraiment et de tout leur cœur, les
Juifs. Pipes et ses proches n'ont pas de sentiment de haine spéciale envers les
Noirs ou les Musulmans. Pour eux il n'y a pas de différence entre un Musulman
et un Chrétien. Ils produisent leur potion de haine pour d'autres, en
préparation du grand assaut contre la Terre sainte.
Tandis que les usines de propagande fabriquent leur production de haine,
leurs victimes potentielles se disputent encore entre elles. Steven Salaita, un
jeune étudiant palestinien d'Oklahoma né en Amérique, écrit[99] sur le site yellowtimes.org : “Pour la
première fois dans ma vie, j'étais dégoûté de recevoir des messages de soutien
au peuple palestinien”. Pourquoi ? Parce qu'ils étaient envoyés par des
“idéologues de droite” ; comme “nombre de racistes d'extrême droite, David
Duke, le plus en vue parmi eux, invoque maintenant la conduite d'Israël comme
une ‘preuve’ inhérente de la dépravation juive”.
Il serait plus juste de dire que l'argument principal de ces
« idéologues de droite » s’articule comme suit :
1. Il y a une grande proximité entre la conduite des Juifs de Palestine et
la conduite des Juifs ailleurs.
2. Les horreurs commises par des Juifs en Palestine et soutenues par des
Juifs de la Diaspora, prouvent l’existence de la capacité de nuisance des
politiques, pratique et idéologie juives.
3. Les Juifs représentent une idéologie et une théologie dangereuses,
répulsives et destructrices (pour les autres) et celles-ci devraient être
contenues et neutralisées.
4. Idéalement, le peuple d'origine juive devrait être amené à voir la
lumière et à quitter son chemin erroné; il devrait devenir
« non-Juif ».
Bien que le point fondamental (le n° 3) soit une notion désagréable (pour
beaucoup de Juifs), c'est un discours non-raciste vieux comme le monde. Ce
n'est pas un discours de droite non plus, puisque cette opinion était partagée
par Karl Marx et Léon Trotski, Théodor Herzl et Ber Borochov, St Paul et Martin
Luther. Les sionistes furent en première ligne pour nier la “bonté de la
Juiverie”. Un socialiste français de premier plan, Proudhon, percevait les
Juifs comme les soutiens de l'Etat moderne bureaucratique et centralisé. Marx
appelait à libérer l'humanité des Juifs et à dé-judaïser les Juifs.
Si Salaita désire trouver l’expression d’un rejet total des Juifs comme
idéologie, il n'a pas besoin de se tourner vers David Duke. Il pourrait
consulter un livre intitulé The Jewish Question : Marxist Interpretation,
par Abram Léon, un jeune disciple de Trotski, qui périt dans le camp
d'Auschwitz. Léon (je suis reconnaissant à Noam Chomsky de m’avoir fait connaître cet auteur) appelait les Juifs,
“un peuple- classe”, historiquement habitué à l'usure et à l'exploitation des
autres. Un homme d'origine juive pouvait toujours quitter les
« Juifs » et rejoindre l'humanité, écrivait Léon.
Salaita note que les “sites web extrémistes postent des articles critiques
vis-à-vis d'Israël tirés de publications respectables dont beaucoup sont
d’auteurs juifs” et il conclut, “les organisations prônant la haine des Juifs
sont si fortes qu'elles veulent employer des voix juives de façon à promouvoir
leur programme. Leur naïveté est aussi frappante que leur stupidité”. C'est un
raisonnement inattendu et non-garanti. Les sites web utilisent plutôt des textes
d’auteurs d'origine juive qui rejettent l'approche juive et ainsi ils prouvent
qu’ils ne sont pas racistes.
Salaita rejette la possibilité de lien entre la conduite juive en Palestine
et la conduite juive ailleurs. L'apartheid établi par les Juifs en Israël n'est
pas lié selon son opinion à la politique, à l’idéologie et à la pratique des
Juifs ailleurs. Ce point de vue douteux est extrêmement confortable pour les
Juifs en Amérique. Ils peuvent soutenir Sharon et conserver leurs ailes d'ange.
Peut-être est-ce le jeune Salaita qui est naïf dans son désir de séparer le
guerre en Palestine de la confrontation ailleurs ?
L'article de Pipes dont nous avons traité plus haut est une preuve de la
futilité de ce désir. La guerre pour la Palestine est devenue une guerre
globale, la Troisième Guerre mondiale et dans cette guerre, la communauté juive
organisée est du côté des méchants. Elle emploie maintenant la malfaisante arme
de la haine raciale, essayant de soulever les Européens contre les Noirs et les
Musulmans partout, de l'Alabama à la Tchétchénie, de Copenhague à Kaboul. Ils
faut s’opposer à cela et vaincre, sinon elle empoisonnera les puits spirituels.
Nous ne devrions pas permettre à notre adversaire de renforcer le Noir contre
le Blanc ou le Chrétien contre le Musulman. Au lieu de discuter de
l'antisémitisme de Duke, nous devrions discuter de l'anti-gentilisme, de la
haine du goy, si évidente dans les médias possédés par les Juifs. Si nous
réussissons, les communautés juives à l'extérieur accorderont plus d'attention
à leur propre bonheur et baisseront la garde sur la question de la Palestine.
Notre guerre n'est pas une guerre totale. Malgré les remarques puériles de
Salaita, aucune épée de nettoyage ethnique, aucune menace d'annihilation
physique n'est suspendue au-dessus de la tête des Juifs. Les Chrétiens et les
Musulmans souhaitaient toujours amener leurs frères juifs à la lumière, hors de
leurs sombres erreurs. On devait montrer aux ennemis du Christ l'erreur qu’ils
professaient, non les persécuter ; telle était l'approche traditionnelle
de l'Eglise. Même après l'horrible holocauste des Chrétiens palestiniens
effectué par la main des Juifs en 614, les souverains chrétiens conservèrent
l'amour chrétien fraternel pour les Juifs égarés et ne les punirent pas.
Ce fut aussi l'approche des Musulmans. Malgré beaucoup de confrontation et
de trouble, “les tribus juives Qaynuqua et Nadir coopérèrent avec le Prophète
Mahomet et les Juifs de Khaydar s’y prêtèrent, après qu'il eut pris l'oasis en
628 ( il se maria avec la fille d'un des chefs de Nadir)”, me rappelle un
lecteur de Virginie. Plus tard, les Juifs collaborèrent joyeusement avec les
armées arabes conquérantes en Syrie, en Afrique du Nord et en Espagne, sachant
que les Arabes leur accorderaient une plus grande tolérance et protection que
leurs précédents souverains.
Les juifs et les
non-Juifs pourront vivre ensemble dans la joie, après que la tendance à la
suprématie juive aura été vaincue. Cependant, jusqu'à ce que cela soit achevé,
nous, les amis de la Palestine, chercherons la compréhension et la coopération
avec tous les alliés possibles, noirs, blancs, rouges, verts ou arc-en-ciel,
car ceux qui cherchent la paix sont bénis.
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[Les ministres des affaires étrangères des Etats
islamiques organisèrent un colloque sur le terrorisme à Kuala Lumpur, cité
tropicale bouillonnante et futuriste des Malais hospitaliers ; j’y
assistais en tant qu’observateur, et voici la conférence que je ne prononçai
pas.]
"Ma
femme a été violée par un Martien" Tel était l’un des titres favoris et
fréquents dans les années cinquante lorsque, le pouvoir n'étant pas encore
aussi concentré qu'il ne l'est maintenant, les journalistes se complaisaient
dans les histoires extraordinaires. Le temps passant, la véracité des faiseurs
d'opinion n'a pas changé, mais leur perversité s'est considérablement
développée. Des millions d'articles de journaux et d'informations télévisées
admettent comme un postulat que le terrorisme islamique est l'ultime fléau de
l'humanité. Il n’est pas étonnant, Vos Excellences, que vos réflexes défensifs
l'emportent sur votre bon sens, et que vous récusiez, expliquiez ou justifiez
le terrorisme islamique par la persécution des Palestiniens par un Etat
d'Israël ségrégationniste, ou par le blocus infligé à l'Irak par les Etats-Unis
et la colonisation de l'Arabie Saoudite. Vous fournissez quelques excellentes
raisons, mais en tant que professionnel je vous dirai qu'on parvient toujours à
trouver de bonnes raisons, même pour le viol d’une femme au foyer par un
Martien.
Pris par ce souci de trouver une explication vous oubliez de vous poser la
première question qui serait celle d'un scientifique : Cela existe-t-il ?
Peut-on parler d'un phénomène réel appelé terrorisme islamique ? Certes,
il y a une certaine panique et les médias y trouvent leur compte. Mais une
rumeur est-elle une preuve ? Au XVIIIe siècle, le bon peuple de
Salem en Nouvelle Angleterre est parti en croisade contre les sorcières.
Quiconque eût mis en doute l'alliance de femmes avec le Diable aurait été banni
et accusé d'être un suppôt de Satan. Durant des siècles courait une calomnie
contre les juifs, supposés consommer le sang d'enfants chrétiens à l'occasion
de leur fête de Pâques. Des centaines de livres ont été publiés traitant de ce
sujet, et on vénère encore en Angleterre un saint enfant martyr, victime
supposée de cette pratique.
Maintenant nous n'attachons plus foi à cette stupide croyance. Il serait
temps d'en faire de même avec cette nouvelle chasse aux sorcières, aux buveurs
de sang que l'on désigne par Terrorisme Islamique.
De mon point de vue, cette menace est perçue de la même manière que la
Conspiration Juive ou le Péril Jaune. Il existe actuellement dans le monde des
mouvements de guérilla, dispersés et sans rapport entre eux, ceux des Basques
(ETA), du Sud-Liban (Hezbollah), des Corses et de Mindanao (Sud-Philippines),
des Irlandais et des Colombiens, des Tigres Tamoul au Sri Lanka, de l’UNITA en
Angola et du Hamas en Palestine. Il n'y a aucune raison d’en sélectionner
quelques-uns au fallacieux motif de leur appartenance religieuse et de les
prétendre affiliés au réseau du Terrorisme Islamique.
Les peuples du Sud-Liban, des Philippines du sud, de Corse, du Pays Basque
ou de Palestine ont leurs griefs légitimes, mais leur relation à la religion
n'est qu'une manière de les étiqueter. De la même façon on pourrait décrire le
conflit entre l'Iran et l'Irak comme une guerre entre Sunnites et Chiites, mais
nous savons pertinemment que le facteur religieux n'a pas été déterminant pour
Saddam Hussein ni pour les dirigeants iraniens.
Pratiquement nulle part, il n'a pu être constaté qu'une organisation
terroriste islamique ait eu pour objectif de combat l'institution d'un Etat
islamique. Avant l'effondrement du communisme, les Palestiniens s'appuyaient de
préférence sur une idéologie de gauche pour lutter contre leurs oppresseurs.
Parmi leurs dirigeants une place d'honneur revenait au chrétien Georges Habach.
Le mouvement Hamas de Palestine s'est développé avec l'autorisation expresse de
l'Etat séparatiste sioniste alors que le Fatah non religieux était interdit.
Ainsi le sentiment d'oppression ressenti par les Palestiniens a été canalisé
par les Juifs en direction du mouvement à dominante religieuse.
Les combattants du Hezbollah au Liban ont lutté contre l'occupation par
Israël et les Américains et non pour établir un pouvoir islamique. Il en est de
même pour les Républicains irlandais, qui ne sont pas connus pour leurs
croyances islamiques. Les Tchétchènes continuent leur guerre bicentenaire
contre la domination russe, faisant temporairement alliance avec l'Amérique,
l'Allemagne et la Turquie. L'explosion de buildings à Moscou, attribuée aux
Tchétchènes, a en réalité été le fait d'un citoyen israélien M. Anatoly Chubaï,
ce qui a été révélé le mois dernier par un autre citoyen israélien, le Docteur
Boris Berezovsky.
Peut-on
détecter les ‘terroristes musulmans’ de cette façon ? Certainement pas. L'IRA a
fait éclater des bombes dans les Pubs londoniens longtemps avant que le Hamas
ne découvre les cafés de Tel Aviv. Les Tigres Tamoul, organisation
non-musulmane, entraînés par le Mossad israélien, sont les premiers parmi les
pratiquants d'attentats-suicides. Il n'y a pas là la moindre trace d'un
prétendu terrorisme islamique, jusqu'à ce qu'on en arrive au Onze septembre et
que le Président Bush proclame son existence et celle de la conspiration
musulmane mondiale d'Al Qaïda.
Les auteurs de l'attentat du onze septembre nous sont toujours inconnus. La
découverte immédiate du passeport intact de l'un des pirates sur le lieu même
du crash pourrait être considérée comme l'un des plus spectaculaires miracles
de tous les temps, bien plus encore que celui de Daniel dans la fournaise.
Cette antique fournaise babylonienne ne produisait sans doute pas d'aussi
hautes températures que le combustible des avions à réaction. Un cours de
pilotage en arabe dans le coffre d'une voiture, des bandes magnétiques
inaudibles et quelques ‘preuves’ exhibées à la hâte, font paraître les procès
de Moscou, en 1937, comme des modèles de justice incorruptible. Les prisonniers
de guerre afghans ont été tenus à l'écart des curieux, dans les limbes de Guantanamo,
de crainte qu'ils ne révèlent le plus grand des secrets, celui de leur
innocence.
D'autre part, des preuves s'accumulent d'une connivence israélienne. Des
messages d'alerte sur le réseau israélien ODIGO ont été envoyés aux Israéliens
de Manhattan, en temps réel, lorsque les avions ont décollé de leurs aéroports.
Dans chacun de ces aéroports utilisés par les pirates de l'air, la compagnie
israélienne ICTS assurait la sécurité. Des compagnies financières juives ont
vendu, à perte, leurs actions dans les assurances, comme si elles avaient
connaissance du drame qui allait se jouer.
Israël a tiré le meilleur parti possible des événements du onze septembre :
les massacres actuels dans les villes palestiniennes sont présentés comme
"actes de guerre contre le terrorisme".
Les pays musulmans voisins d'Israël ont été réduits à la passivité par la menace américaine. La destruction de l'Afghanistan a fait monter le seuil de sensibilité à l'horreur et a rendu possible l'invasion actuelle des villes palestiniennes. Peut-être cela n'est-il pas suffisant pour poser un verdict, mais on peut en dire de même quant à la responsabilité d'Al Qaïda. Il n'y a pas de terrorisme islamique, mais il y a une terreur israélo-américaine contre Dar al Islam. Vous n'avez pas péché, mais on a péché contre vous. Ainsi, lorsque le Président Bush et les médias vous questionnent : "Que faites-vous à propos de la terreur islamique ? Je vous suggère, Excellences, de répondre, une réponse bien juive, "De quelle terreur s'agit-il ?"
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Halloween à Bali
16 octobre 2002
[Ce texte déconstruit un peu plus le
concept de terreur islamique.]
Absolument rien ne laissait prévoir
l’attentat de Bali. Aucun groupe terroriste ne l’a revendiqué, ce qui ne fait
que renforcer le caractère aberrant du carnage. Le président Bush a ‘parié’ que
l’explosion avait quelque chose à voir avec Al Qaïda, et il a demandé que l’on
passe l’Indonésie au peigne fin pour y retrouver des musulmans. C’est une
chance qu’il n’ait jamais entendu parler de l’Atlantide, car il aurait
certainement accusé les incontournables terroristes musulmans d’avoir envoyé
par le fond ce continent imaginaire disparu. Trêve de plaisanterie. Une
information importante m’est parvenue de Londres, et cette information nous
permet d’y voir un peu plus clair dans l’obscurité qui entoure cet attentat.
La semaine passée, l’un des hommes les
plus puissants de notre époque, un Russe milliardaire et magnat des médias,
plutôt exubérant, Boris Berezovsky – l’homme qui a assis Vladimir Poutine sur
le trône et s’est ensuite fâché avec le président russe – a donné une longue
interview[100] au principal hebdomadaire russe
d’opposition, Zavtra, depuis son exil londonien. Extrêmement croustillant
pour les personnes qui s’intéressent à la Russie, cet article recèle aussi une
clé du mystère de Bali.
Il
y a trois ans, la Russie fut secouée par d’énormes explosions criminelles. Des
immeubles d’habitation entiers, à Moscou et dans d’autres villes, furent
soufflés par un explosif extrêmement puissant, le RDX (appelé aussi Hexogen, en
Russie et en Allemagne). Ces immeubles avaient été la cible de terroristes, et
les attentats avaient causé un nombre de victimes très élevé. Immédiatement, on
soupçonna les terroristes tchétchènes d’être à l’origine de ces attentats, qui
tinrent lieu de casus belli pour déclencher la guerre en Tchétchénie. Le
peuple russe était horrifié et terrorisé : il apporta un soutien total à la
répression militaire russe, extrêmement sanglante. La ville de Grozny fut
écrasée sous les bombes et abondamment mitraillée ; la Tchétchénie fut envahie,
des milliers de civils furent tués, tandis qu’à Moscou, deux changements
d’importance se produisaient. Tout d’abord la guerre de vengeance permit
l’accession de Vladimir Poutine au poste de président de la Russie et le
renforcement des positions pro-américaines dans l’ex-URSS. Le deuxième
changement d’importance fut le fait que la Russie tourna le dos au monde
musulman, après un millénaire de coexistence pacifique, devenant un partenaire
de la guerre contre le terrorisme, orchestrée par Israël et dirigée par les
Etats-Unis.
Dans son interview d’il y a huit jours,
Berezovsky affirme que ce sont en réalité deux équipes différentes qui ont
œuvré à l’élection de Poutine. Tandis qu’il dirigeait en personne l’une de ces
deux équipes par l’intermédiaire de sa chaîne de télévision privée, la seconde
recourait quant à elle à des méthodes musclées. Berezovsky cite le président du
parlement russe, Gennady Seleznyov, qui a informé son assemblée d’une terrible
explosion survenue le 13 septembre 1999 dans la petite ville russe de
Volgodonsk. Il s’agit là du phénomène de prophétie le plus intéressant de
l’histoire récente, puisque l’explosion de Volgodonsk ne s’est produite que
trois jours après, soit le 16 septembre.
Au cours de son interview londonienne, on
demanda à Berezovsky comment il expliquait l’incroyable amateurisme des auteurs
de l’attentat. "Vous savez, les services de sécurité ne sont pas aussi professionnels
qu’ils voudraient nous le faire croire", répondit-il. "Il ne sont pas
unis, non plus. A l’intérieur même des différents services de sécurité, il y a
plusieurs groupes servant différentes structures de pouvoir. Ils ont fait état
de l’attentat avant qu’il ne se produise, et cela a révélé la vérité".
A Ryazan, des habitants attentifs
découvrirent des sacs bourrés de RDX dans les caves de leur immeuble, et ils
appelèrent la police. Celle-ci emmena les sacs, mais prétendit qu’il ne
s’agissait que de sacs remplis de sucre en poudre et déposés là par les
services de sécurité afin de tester la vigilance de la population. Berezovsky
affirme, quant à lui, qu’il s’agissait bien de RDX, avec des détonateurs tout
ce qu’il y a de plus réels.
A Moscou, les journalistes établissent un
lien entre la ‘deuxième équipe’ et un ténor de la politique russe, Anatoly
Chubaï, l’homme responsable des vastes campagnes de privatisation qui ont fait
de lui et de ses obligés des gens immensément riches, et de millions d’autres
Russes des indigents immensément pauvres. Grand ami d’Israël, Chubaï a soutenu
le grand virage pro-israélien de la politique russe.
Les révélations de Boris Berezovsky
arrivent à point nommé, au moment où l’on inventorie les corps des touristes
australiens tués à Bali. Est-ce pure coïncidence si notre Premier ministre,
Ariel Sharon, a commencé sa carrière en faisant sauter cinquante maisons de
Palestiniens et en ensevelissant leurs occupants sous les décombres, à Qibya,
(il y a déjà longtemps ; cela se passait en 1953) ? Est-ce pure coïncidence si
toute une série d’attentats, de Moscou en 1999, jusqu’à Bali, en 2002, en
passant par New York en 2001, relèvent d’une même technique, visant à
terroriser et à horrifier la population de sorte qu’elle soutienne les plans
israélo-américains ? Est-ce pure coïncidence si les médias totalement infestés
par le sionisme ont repris à leur compte les failles patentes des versions
officielles de ces attentats, à commencer par la ‘prophétie’ unique en son
genre de Gennady Seleznyev, pour continuer avec les mises en garde du site
Internet ODIGO aux quelques Israéliens qui auraient dû se trouver dans les
tours jumelles de Manhattan un certain 11 septembre ?
Une chose est sure : l’étiquette
‘islamique’ attachée en hâte par Bush et Sharon à l’attentat de Bali est une
diffamation révoltante à l’encontre d’un milliard de musulmans. Le ‘terrorisme
islamique’ n’existe qu’aux yeux de ceux qui veulent bien y croire. L’IRA
catholique faisait sauter les pubs londoniens bien avant que le Hamas ne
découvre les cafés de Tel Aviv. Les Tigres Tamouls, une organisation hindouiste
extrémiste entraînée par le Mossad israélien, sont les champions du monde en
matière d’attentats suicides. Les terroristes français de l’OAS ont fait sauter
des Algériens ainsi que des Français opposés à la colonisation. Le plus gros
attentat terroriste en Palestine fut – et demeure – la destruction à la bombe
de l’hôtel King David à Jérusalem, perpétrée par un juif, le Premier ministre
israélien Menahem Begin. Apparemment, les gens qui froncent les sourcils à
toute évocation des crimes, du terrorisme et du génocide perpétrés par des
juifs n’hésitent pas à faire de l’islam le fantôme de Halloween, cette année.
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Le Sultan et le Satan islamique
Le Sultan est bon, ce sont ses vizirs qui sont mauvais. Cette pensée a
consolé bien des malheureux au long de l’histoire humaine. Malheureux comme
nous sommes, nous nous sommes bercés d’espoirs tout à fait vains en une
intervention étasunienne en Palestine, et nous avons consolidé le mythe des
Etats-Unis comme gendarme sévère mais honnête. Même si le Jour de Deir Yassine
est devenu Deir Yassine-Tous-les-Jours, nos espoirs n’ont pas flanché. "Un
véritable test pour la présidence de Bush", a écrit Robert Fisk dans The
Independent. "Pas de temps à perdre", a repris en écho Helena
Cobban dans le Christian Science Monitor. Mais la visite du Secrétaire
d’Etat américain n’a apporté aucun répit aux Palestiniens, pas même une
accalmie dans l’offensive israélienne.
Le brillant Norman Finkelstein nous l’a rappelé : "Le problème
avec l’administration Bush, nous répète-t-on, est qu’il s’engage insuffisamment
dans les affaires du Proche-Orient, et la mission de Colin Powell est de
combler cette lacune. Mais qui a donné à Israël le feu vert pour commettre les
massacres ? Qui a fourni les F-16 et les hélicoptères Apache à
Israël ? Qui a mis son veto aux résolutions du Conseil de Sécurité qui
réclamaient des inspecteurs internationaux pour superviser la réduction de la
violence ? Et qui s’est borné à bloquer la proposition de la principale
responsable des droits de l’homme aux Nations Unies, Mary Robinson, d’envoyer
tout simplement une équipe pour mener une enquête dans les territoires
palestiniens ? Considérons ce scénario. A et B sont tous deux accusés de
meurtre. Il est prouvé qu’A a fourni à B l’arme du crime, qu’A a donné à B le
signal de l’action, et qu’A a empêché les témoins de répondre aux cris des
victimes. Le verdict serait-il qu’A n’était pas suffisamment engagé ou bien
qu’A était tout aussi coupable du meurtre que B? "
Il a raison. Il est temps de cesser de rêver tout éveillé au bon Sultan. Si
un blocage mental vous empêche de mettre en doute ses bonnes intentions, vous
avez le droit de penser qu’il est l’otage de mauvais eunuques comme tant de
dirigeants l’ont été par le passé. Au-delà de nos regrets et de notre chagrin,
nous devrions entrer en action. Après tout, les politiques des Etats-Unis au
Proche-Orient ne sont pas de l’ordre de la météo dont tout le monde se plaint,
mais contre laquelle on ne peut rien. Pouvons-nous y faire quelque chose, si
les manifestations et les pétitions n’ont aucun effet ?
La réponse est oui, et il ne s’agit pas de Djihad ou de Croisade. Robert
Jensen de l’Université du Texas a écrit : "Aujourd’hui j’ai aidé à
tuer un Palestinien. Si vous payez des impôts au gouvernement étasunien, vous
en avez fait autant"[101]. Il voulait dire que l’argent des
contribuables américains sert à armer Israël et à tuer les Palestiniens. Que
Jensen se rassure : le
contribuable américain est innocent. La responsabilité est plus large :
c’est nous tous qui payons le carnage, les cinq milliards de personnes qui ne
résidons pas aux Etats-Unis.
Tous les jours nous transférons cinq milliards de dollars aux Etats-Unis
pour garantir aux dirigeants de ce pays le style de vie auquel ils sont
habitués, et aussi pour massacrer autant de Palestiniens qu’ils l’estiment
utile. Un dollar par jour, qui vient de chacun de nous, Européens et Africains,
Chinois et Japonais, Russes et Arabes. Ces chiffres troublants ont été publiés
par l’hebdomadaire anglais The Economist. Nous le faisons parce que
depuis 1972 les Etats-Unis se sont arrogé le droit d’imprimer autant de dollars
qu’ils veulent, et nous souscrivons à cette fiction selon laquelle un petit
bout de papier vert est un équivalent de notre travail et de biens à la valeur
mondialement reconnus.
En
fait, le dollar américain n’a pas de couverture. C’est un chèque rédigé par un
aigrefin insolvable, bon à encadrer et à accrocher au mur. Depuis que les
Américains fabriquent autant de dollars qu’ils en ont besoin, il n’y a rien
d’étonnant à ce qu’il y ait une super-puissance et que tous les autres, nous
soyons ses débiteurs. Ce n’est pas un secret : le courageux Fidel Castro
le dit dans chaque conférence internationale, ce qui lui vaut l’hostilité
renouvelée des Etats-Unis.
Les magiciens étasuniens de la finance, Greenspan, et les autres nous
jouent un tour bien connu des tricheurs et qui s’appelle la pyramide. Des
escrocs locaux ont fait cette entourloupe dans de nombreux pays,
particulièrement en Albanie et en Russie. En général cela finit par un
effondrement catastrophique. Le jeu néo-conservateur judéo-américain diffère en
vertu de son échelle, qui est globale. En dehors de cet aspect, c’est la même
pyramide. 90% de toutes les transactions financières sont des transactions
spéculatives, écrit Noam Chomsky. La pyramide repose sur un lavage de cerveau,
une propagande massive pour encourager la consommation et l’expansion. Les gens
ordinaires, aux Etats- Unis et chez leurs alliés, n’en tirent rien de
bon : en Angleterre la pauvreté parmi les enfants s’est multipliée par
trois depuis que Margaret Thatcher est parvenue au pouvoir. Aux Etats-Unis, il
y a des millions d’enfants sans toit. Les Américains, les Anglais, les
Allemands sont profondément endettés, comme le sont les pays du Tiers Monde.
Le dollar américain est parvenu à remplacer l’or, parce qu’il offrait un
taux d’intérêt fixe et attirant. Le taux d’intérêt est devenu un appât pour
l’humanité ; il a donné lieu au fardeau de la dette, il a appauvri les
Etats et les personnes physiques, et a créé cette horrible aberration de la
globalisation. Ce n’est pas par hasard que Sam Bronfman, le contrebandier du
temps de la prohibition, le fondateur de la puissante dynastie des Bronfman et
le père du Président du Congrès juif mondial, lorsqu’on lui demanda quelle
était l’invention la plus importante pour l’humanité, répondit sans
hésiter : le taux d’intérêt[102].
Ce fut la deuxième chute de l’humanité. Adam fut tenté par la pomme, nous
avons été tentés par le taux d’intérêt fixe sur le dollar, l’équivalent moderne
de l’usure démodée. Au temps jadis, l’Eglise, dite anti-sémite, condamna
l’usure en tant qu’activité exclusivement juive, mais maintenant, l’usure est ouverte
à tous. Chacun est un partenaire, dans les termes de Milo Minderbinder, le
personnage du Catch-22 d’Heller. Mais il y a une escroquerie dans les
clauses du Catch-22 : vous ne pouvez pas empocher vos gains et vous
retirer pour en jouir ; vous êtes tenus de continuer à jouer.
Le dollar n’est plus une monnaie ; c’est une licence, comme celle de
Microsoft, ou une patente délivrée par une compagnie pharmaceutique. Chaque
fois que les dirigeants américains le décident, ils peuvent geler les dépôts d’un
pays rebelle. L’Iran a vu ses dépôts gelés, ainsi que la Libye et l’Irak ;
les Saoudiens vont certainement souffrir le même sort à partir du moment où ils
feront objection à la politique américaine. Voici une devinette pour Bilbo
Baggins : qu’est-ce qui est surévalué, malsain, verdâtre, et que les
crétins veulent absolument posséder ?
Pendant les derniers jours de la guerre dans le Sud-Est asiatique, je
descendais le Mékong sur une lente jonque, en compagnie de divers journalistes,
aventuriers, paysans du coin, cochons et poulets. Le bateau était fréquemment
arrêté, fouillé et taxé par les bandes en guerre mais il poursuivait sans hâte
sa route depuis la capitale royale de Luang Prabang vers Vientiane. Dans un
village assoupi composé de vingt huttes et de trois éléphants, où nous nous
étions arrêtés pour la nuit, je m’aventurai dans un magasin chinois. En face de
moi, un guérillero du Pathet Lao sombre et ombrageux, aux sandales découpées
dans du caoutchouc de pneu style Ho Chi Minh et avec un fusil d’assaut AK dans
le dos, finissait ses modestes achats et payait avec des billets étranges. Je
reconnus le modèle haut en couleurs ; c’était la monnaie du Pathet Lao. Quand
le soldat sortit, je pris quelques billets du Pathet Lao que l’on m’avait
rendus comme monnaie sur le bateau et je demandai au marchand un paquet de
cigarettes. Le Chinois ne bougea pas. "Mais je vous ai vu accepter cette
monnaie", protestai-je. Il me répondit avec ces sages paroles dignes de
Lao-Tseu : "seulement si les clients sont armés".
Le dollar US est encore accepté par la communauté mondiale qui a peur, et
voilà pourquoi le budget militaire étasunien grossit tous les ans. Voilà
pourquoi le royaume érémitique de Corée du Nord, et l’Iran, et l’Irak, sont
devenus l’axe du mal ; ils n’en veulent pas, du dollar. Mais la peur est
mauvaise conseillère. L’effondrement de la pyramide est imminent. La
dégringolade a commencé en août 2001, comme The Economist en a prévenu
ses lecteurs le 25 août 2001 et, sans l’intervention opportune de quelques
inconnus le 11 septembre 2001, le dollar n’aurait plus de valeur maintenant que
pour les numismates. Mais la Troisième Guerre mondiale ne peut guère que
retarder l’achèvement du processus.
Une prudence rigoureuse et leur intérêt bien compris ont amené les
dirigeants sages à se retirer de l’aire dollarisée. Les pays européens ont
lancé l’euro, le yen japonais est monté en flèche. Mais leur projet de
remplacer du papier par du papier tout en maintenant le taux d’intérêt est
forcément défectueux. Dans une perspective révolutionnaire, le docteur
Mahathir, Premier ministre de la Malaisie prospère, propose de revenir à l’or
et à l’argent, plus exactement à l’idée du dinar islamique garanti sur l’or,
comme monnaie de réserve à taux d’intérêt zéro valable pour le monde entier. Sa
grande idée pour desserrer la double emprise de ‘dollar et endettement’ mérite
d’être comparée à la réforme de Solon, le sage légendaire d’Athènes, qui avait
annulé les dettes, vaincu l’oligarchie, et rendu la terre et la liberté au peuple.
Si c’était appliqué, cela mettrait fin à la souffrance des Palestiniens et à
celles du Tiers Monde en général. Le dollar US s’effondrerait aussi vite qu’en
1929, et avec lui, le soutien des Etats-Unis à Israël de même que vos dettes.
Que tout ceci ne soit pas pris comme une attaque contre l’Amérique. Les
Américains ordinaires récupéreraient leurs logements confisqués par les
banques, dans la mesure où les hypothèques disparaîtraient. Le fardeau de la
dette ne pèserait plus sur l’échine du peuple. Oui, George Soros et Mark Rich
s’en iraient pointer au chômage, avec bien d’autres partisans ardents d’Israël.
Mais cela ne serait pas un grand malheur ; ils seront bien trop occupés, pour
semer la zizanie, s’ils ont à gagner leur vie.
Voilà la réponse à la question : comment pouvons-nous aider les
Palestiniens. Demandez aux dirigeants de vos pays respectifs de faire la
démarche judicieuse de retirer leurs avoirs et leurs capitaux des banques
américaines et de la sphère du dollar. Cela serait plus efficace que le Djihad
et la Croisade, plus humain et radical que le suicide kamikaze.
L’idée du Dr Mahathir m’a plu. Le dinar d’or nous propulserait dans un
monde nouveau, un monde à taux d’intérêt zéro, le monde débarrassé de l’usure,
il contribuerait à la réconciliation de la société. Marx apprécierait l’ironie
de l’histoire : que la dévastation juive en Palestine ne puisse être
arrêtée que par le rejet du partenariat dans un système usuraire appelé dollar.
On ne saurait évacuer les considérations religieuses de nos décisions
pratiques. Le dinar dit islamique compléterait le système bancaire lié à la
performance. C’est ce qu’on appelle actuellement ‘le système bancaire
islamique’, mais il fut pratiqué par la très catholique Venise pendant des
siècles avant l’apparition de l’usure. Sur ce point, comme sur tant d’autres,
Dar al-Islam et la Chrétienté ne diffèrent pas. L’Eglise a interdit le taux
d’intérêt fixe jusqu’à la folie funeste de Jean Calvin, et le grand réformateur
religieux, le prophète Mahomet, a renforcé les interdictions[103].
La loi juive a interdit aux juifs de faire payer des intérêts à leurs
‘frères’ (les autres juifs), mais recommandait d’en exiger de la part des
‘étrangers’ (les non-juifs). Saint Ambroise comprenait les implications de
cette approche quand il écrivait : "Pratiquez l’usure sur celui à qui
vous voulez du mal. Prélevez-la sur celui dont vous pensez qu'il ne serait pas
criminel de le mettre à mort"[104]. Voilà pourquoi, quand ils accepteront la
maxime de saint Thomas d’Aquin : "il n’y a pas d’étrangers", et
qu’ils considéreront les non-juifs, les Palestiniens et les autres comme leurs
frères et leurs voisins, alors enfin, les juifs auront la paix en Palestine et
ailleurs.
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Prends l’oseille et tire-toi !
12 août 2002
Voyager, voilà qui vous ouvre l’esprit. C’est merveilleux, de parcourir
notre belle Terre, de la France à la Norvège, de la Chine à la Russie, de
l’Afrique à l’Amérique Latine, en jouissant de sa variété et de son
hospitalité. La profession de journaliste vous donne la chance immense de
découvrir le monde. Parfois, vous finissez par faire attention à une
coïncidence intéressante. Cela peut vous arriver à Marseille, en vous baladant
en suivant un quai du Vieux Port, ou bien en Bretagne, à Lorient, port de
pêche, au Guatemala ou au Nicaragua, comme à Milan, la capitale de la mode
italienne, à Naples ou à Shanghai, dans le port russe d’Arkhangelsk, sur la mer
Blanche, au centre de la Chine, à Berlin ou à Hambourg, dans les défilés de
l’Hindu Kuch, à Tokyo comme à Bagdad, à Manille ou à La Havane… Tout d’un coup,
vous vous faites la remarque que tous ces endroits si divers et exotiques ont
quelque chose en commun - ils ont tous été bombardés par les Anglais et
les Yankees. Voilà des mecs qui voient du pays, pour sûr ! "Tra-la-la,
Aujourd’hui, nous pilonnons l’Afghanistan, demain, le reste… " Voilà ce
qu’on chante dans l’Air Force, ou quelque chose dans le genre.
Les raisons varient. Ils ont bombardé la Chine sous prétexte que les
Chinois - ces bornés de Chinois - ne voulaient pas leur acheter leur opium. La
Colombie, c’est parce qu’elle leur vendait de la drogue ! Les Russes et les
Vietnamiens ont dégusté, parce qu’ils étaient cocos ; les Cambodgiens parce
qu’ils étaient là ; les Allemands et les Français, parce qu’ils offensaient les
juifs ; les Irakiens, pour des questions de gros sous et le Soudan, par erreur.
Aujourd’hui, nous avons un avant-goût de leur prochaine campagne, offerte
par le Washington Post[105]. Les hommes en charge des Etats-Unis - je
veux dire les vrais balèzes, pas le nigaud de la Maison Blanche - conspirent
pour effacer l’Irak de la carte, en continuant avec l’Arabie saoudite et en
parachevant le boulot avec l’Egypte. Ces informations ont été gentiment
révélées par un stratège au nom tellement américain de Murawiec, infiltré au
Pentagone par l’un des lascars aux manettes, le Secrétaire du Defence Policy
Board, Richard N. Perle. Ce faucon juif, ami de Sharon, sioniste zélé, doit
être considéré comme le véritable auteur du projet préconisant l’investissement
des puits de pétrole saoudiens, le transfert de La Mecque et de Médine sous
juridiction jordanienne et la confiscation des dépôts bancaires saoudiens.
Qu’ont fait les Saoudiens ? Ils ont simulé l’étonnement, tandis que les
éditorialistes américains[106] s’efforçaient de mettre la pédale douce à
cette histoire, tout en se roulant par terre
de rire. On ne peut nier que ce soit très drôle. Des affirmations
idiotes du style, "les guerres ont depuis toujours été la principale
production du monde arabe", prennent en effet un relief tout particulier
lorsqu’elles sont prononcées par l’un des hérauts du culte judéo-américain,
probablement l’homme le plus violent et le plus belliqueux qu’on n’ait jamais
vu depuis Genghis Khan. La question téléphonée de Murawiec, "qu’est-ce que
le monde arabe a produit, si d’aventure il a produit quelque chose ? " m’a
remémoré Flatto-Sharon, un banquier véreux, lequel, ayant fui au nez et à la
barbe de la police française, vint se réfugier en Israël, y soudoya des
électeurs, fut élu au Parlement, et de là, eut le culot de demander à Yitzhak
Rabin, avec son hébreu de grand débutant, ce qu’il avait fait pour l’Etat
d’Israël ? ("ma ata asita bishvil hamedina ? ") Cette répartie flattonienne est
restée dans les annales des blagues israéliennes.
Mais cela ne m’a jamais ni étonné, ni amusé. Le désir de piller et de tuer
des Arabes se donne certes couramment libre cours dans les cercles juifs. Mais
ces derniers temps, ça en devient gênant. Les biens des Palestiniens ont été
pillés voilà des décennies ; leurs terres et leurs maisons ont été confisquées
et revendues. Si tuer des Palestiniens peut agréer au dieu de la vengeance,
cela n’est pas une activité rentable. Pressurer les restes est un processus
trop lent, pour le goût de gens très affairés et accoutumés au cours du Nasdaq.
Il semble que l’Irak soit une cible tentante, pour un massacre à grande
échelle, et dans le magazine prestigieux Jewish World Review (Revue du
monde juif)[107], Jonah Goldberg, un éditorialiste juif
américain, vocifère : "Bagdad doit être détruite ! L’Amérique doit faire
la guerre à l’Irak, même si cela doit mettre en danger la vie d’Irakiens et
d’Américains innocents". Même si, comme chacun sait, la vie ou la mort
d’un Goy ne saurait susciter la moindre objection, bombarder l’Irak ne saurait
s’avérer rentable.
Les richesses de la Péninsule arabe font de l’œil aux Juifs, tant elles
représentent un supplice de Tantale, à la portée qu’elles sont des tanks
Merkava de ‘Tsahal’. Cette tentation a été très bien décrite dans le Los
Angeles Times[108] par un universitaire juif américain, le
professeur David D. Perlmutter :
"Je fais un rêve éveillé. Si seulement !… Si en 1948, en 1956, en 1967
ou en 1973, Israël avait agi ne serait-ce qu’un tout petit peu à la manière du
Troisième Reich, aujourd’hui, le pétrole du Golfe appartiendrait aux Juifs, et
non aux cheiks". On croyait que le brut saoudien filait aux Etats-Unis.
Pourquoi un professeur américain verrait-il quelque chose de mal à cela ? Mais
il faut savoir que le Juif américain moyen place sa judéité très au-dessus de
son ‘américanité’. Comme le fait remarquer le spirituel Joe Sobran,
"jadis, on me considérait ‘antisémite’ parce que j’accusais les Juifs
américains de ‘double loyauté’. Aujourd’hui, c’est complètement dépassé. Double
loyauté… Ne me faites pas rire ! La double loyauté serait un progrès,
comparée à leur dévotion exclusive à leurs intérêts
nationaux ! "
Pour faire du rêve éveillé de Perlemutter une réalité, des voix juives
habituellement totalement divergentes, s’unissent, entre extrême droite et
diverses nuances de la gauche. Si Richard Perle est à la droite de la droite,
Justin Raimondo a recensé notamment l’ex-gauchiste David Horowitz, qui appelle
de ses vœux une guerre totale contre le monde arabe, ainsi que Stephen
Schwartz, ex-trostkiste devenu l’un des grands théoriciens de l’école du
"Riyad égale le noyau du mal". Même Lenni Brenner, un trotskiste
antisioniste dont j’admire la plume déliée et le style enjoué, a décidé de se
joindre aux croisés des ‘Etats Honnis’. Il a même appelé à une croisade des
femmes contre l’Arabie saoudite.
Les médias aux capitaux juifs ont monté en épingle ces manières de voir les
choses. Une journaliste juive, Miss Slavin, a écrit dans USA Today[109] que l’analyste juif Max Singer (l’un des
fondateurs du très conservateur Hudson Institutes, qui n’a jamais mis les pieds
en Arabie saoudite mais est toujours fourré en Israël), suggérait aux officiels
du Pentagone de démanteler ce royaume. Les opinions de M. Singer sont de la
roupie de sansonnet, mais elles ont bénéficié d’une couverture médiatique qui a
été déniée à bien des analyses de valeur. Aucun article d’un Arabo-américain,
appelant au démantèlement d’Israël, juste pour faire l’équilibre, par exemple.
Tout semble indiquer que les Juifs organisés ont les Saoudiens dans le
collimateur de leur arme suprême : les ‘mass media’.
Cela nous laisse en proie à une interrogation difficile. Pourquoi certains
milieux américains, dont les Juifs, veulent-ils détruire l’Arabie saoudite, qui
reste, malgré tout, l’alliée fidèle des Etats-Unis et représente un pouvoir
modéré dans son contexte régional ? Question subsidiaire : que peut-on
faire, à ce sujet ?
Les optimistes avancent qu’il s’agit seulement d’une menace, de guerre
psychologique, de pression exercée sur le royaume saoudien. Les raisons de
cette pression peuvent s’expliquer par le besoin que les compagnies pétrolières
américaines ont de faire rentrer les Saoudiens dans le rang et d’exiger d’eux
qu’ils augmentent leur production. Ou alors, autre explication : l’armée
américaine a besoin des bases aériennes saoudiennes pour attaquer l’Irak, et
les Arabes ne sont pas assez empressés.
Mais je ne suis pas si sûr, personnellement, qu’il s’agisse seulement d’une
menace en l’air. Nous vivons dans le sillage d’un effondrement du dollar, qui
se poursuit, et donc aussi de l’effondrement d’une pyramide financière édifiée
sur des fondations américaines. Cela a commencé en août 2001, cela a causé les
attentats du 11 septembre, tentative pour ralentir l’effondrement, et cela
continue, en s’accélérant comme une boule de neige dévalant la pente. Les
Saoudiens ont beaucoup trop de réserves financières en dollars. L’annulation
(le ‘gel’, disent-ils) de leurs capitaux en dollars ralentirait l’effondrement,
des milliards de dollars disparaissant des places financières. Alors que
l’injection de papier monnaie crée de l’inflation, son évaporation entraînera
une pression déflationniste, à la hausse, sur le cours du dollar. En bref, pour
Wall Street, geler les capitaux saoudiens serait une riche idée : pourquoi, à
votre avis, gèle-t-on les capitaux iraniens et irakiens ?
Les gouvernants saoudiens ont probablement encore suffisamment de temps
devant eux pour s’y opposer, en suivant le conseil de Woody Allen :
"prends l’oseille et tire-toi ! " Ils devraient retirer leurs avoirs
de la zone dollar en voie d’implosion, et les placer en euros, en yens, ou en
or. La grande idée d’un dinar or islamique, proposée par le brillant Premier
ministre de la Malaisie, le Dr Mahathir, devrait être activée sans plus
attendre. Les Saoudiens ont beaucoup à apprendre du Dr Mahathir qui a réussi à
faire de son pays misérable tirant ses maigres revenus de la production d’huile
et de caoutchouc, et déchiré par des conflits internes, une terre prospère où
règnent la concorde nationale et la stabilité économique. Les Malais ont
remporté le grand chelem : leurs communautés immigrées sont parfaitement
intégrées, elles jouissent de droits égaux et ne représentent aucune menace
pour le groupe ethnique indigène majoritaire. Ils développent des industries de
haute technologie, aident les associations humanitaires, assurent les
prestations sociales ; il n’y a aucune discrimination, pas de gens pauvres ni
de nécessiteux. Ils ne dépendent pas des Etats-Unis, ne prêtent pas leur
terrain à l’usage de bases militaires américaines, n’investissent pas aux
Etats-Unis, et cela ne les empêche nullement de rester en bons termes avec
Washington. En suivant la voie tracée par la Malaisie, l’Arabie saoudite
remédierait à sa vulnérabilité.
Hélas, cela ne diminuerait en rien l’appétit des Juifs pour le pétrole
arabe, ni l’hostilité des organisations juives envers Ryad. Les gouvernants
saoudiens sont inconfortablement conscients de la menace, mais ils en ont
interprété le contexte de manière erronée. Ils ont accepté pour argent comptant
le faux billet de trois dollars de ‘l’Israël en quête de paix’. C’est pourquoi
le prince Abdallah a tenté de séduire Israël, avec son fameux plan de paix.
C’est aussi la raison pour laquelle le soutien du royaume saoudien à la cause
palestinienne reste plutôt symbolique. Les gouvernants saoudiens ont reçu de
leurs mentors américains l’assurance que ceux-ci leur ont confié qu’Israël ne
pousserait pas à la destruction de la maison des Saoud si les Saoudiens se
tenaient comme il faut, c’est-à-dire s’ils se tenaient soigneusement à l’écart
du problème palestinien.
Aujourd’hui,
les Saoudiens se retrouvent confrontés à une réalité désagréable. Israël n’est
désormais plus un petit pays du Proche-Orient ; Israël est l’un des éléments
avancés d’une force internationale agressive : les suprématistes juifs et
ceux-ci ont tellement de bonnes raisons d’en finir avec l’Arabie saoudite :
- Ce pays prospère et bien armé doit être mis à genoux pour qu’Israël
puisse procéder à la phase ultérieure, primordiale : s’emparer des magnifiques
mosquées omeyyades de Jérusalem, et les détruire.
- Les Saoudiens ont trop d’argent, trop de pétrole et trop peu d’amis. Cette combinaison avait entraîné la chute du Koweït, mais les Etats-Unis avaient bombardé l’Irak afin de réinstaller l’émir du Koweït sur son trône. Washington ne répétera certainement pas l’exploit lorsque les champs pétrolifères saoudiens seront tombés aux mains des Israéliens.
- Ce véritable Viagra qu’est la finance saoudienne ne pourrait que
revigorer le flasque Dow Jones.
Il y a encore une autre raison. La conscience juive a été empoisonnée par
de doux rêves de vengeance prises sur des défaites remontant très loin dans le
passé. Les érudits juifs classiques des XIXe et XXe
siècles ont trompé leurs auditoires : bien loin de leur exposer l’histoire
juive telle qu’elle s’est passée, ils en ont inventé une version idéalisée et
falsifiée – celle d’un passé idyllique, de vieilles rancunes, de torts
immérités et d’aspirations à la revanche. Leurs lecteurs ont avalé ces
constructions imaginaires et sont donc devenus, en grandissant, des
nationalistes acharnés. Les juifs contemporains sont victimes de la propagande
nationaliste, ils sont mal orientés et désorientés ; on leur a inculqué le
désir de redresser le tort mythique (dont auraient pâti leurs lointains
ancêtres).
L’Etat juif a été créé afin de défaire les résultats sensibles de la
victoire romaine de l’an 70 après Jésus-Christ, et aujourd’hui, une nouvelle
idée flotte dans l’air – celle d’annuler les résultats mal vécus de la victoire
du Prophète Mahomet sur les tribus juives[110] et de placer la péninsule arabe sous la
domination juive. Jointe au désir de mettre à bas le christianisme triomphant,
cette mentalité archaïque causera, c’est inévitable, des remous supplémentaires
– dont il n’est nul besoin – dans le monde.
Cette mentalité me rappelle Sweeney Todd, le barbier démoniaque d’une
comédie musicale d’horreur, à la fin des années 1970. "Sweeney Todd a
servi le Dieu ombrageux et vengeur, et il a foulé des chemins que peu d’hommes
avant lui ont foulé" : en l’occurrence, il avait transformé ses
clients en farce savoureuse pour des vol-au-vent, manière pour lui de se venger
du juge qui lui avait fait du tort.
Les Saoudiens doivent agir tant qu’il en est encore temps.
- Ils doivent repenser leurs relations avec les Palestiniens, et les
traiter comme leur première ligne de défense, et non pas comme des cousins dans
la mouise. Sans les Palestiniens, l’Arabie saoudite tomberait dès demain.
- Plus d’argent et d’efforts doivent être dépensés afin de développer un
discours public aux Etats-Unis et en Europe, comme Edward Said ne cesse d’y
exhorter les Arabes.
-
Nous devons lutter contre le penchant pour l’archaïsme, chez les juifs, et
promouvoir un état d’esprit différent, une atmosphère de compréhension mutuelle
et de fraternité. Bien que cela ne s’enseigne pas dans les écoles juives, le
Prophète Mahomet a remporté ses batailles non pas seulement à la pointe de
l’épée, mais aussi en ralliant des juifs dans des dispositions d’esprit
similaires aux siennes à la bannière de l’islam. Les nouveaux convertis, les
juifs partisans d’Allah et de son Messager, ont combattu sous la bannière verte
de l’islam, sur tous les champs de bataille, depuis Yarmouk jusqu’au Caire.
- Les juifs honnêtes sont légion, en Israël et aux Etats-Unis, et rien ne
justifie la confrontation entre descendants d’Abraham. Mais l’âme errante de
Sweeney Todd doit être exorcisée.
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Partie 7
La troisième colombe
Dans le film inspiré de l'un des romans de la saga des mammouths de Jean
Auel, Le Clan de l'ours des cavernes, on a un aperçu de la vie sexuelle
des hommes du Paléolithique, présents sur Terre il y a quelques trente-cinq
mille ans. Apparemment, chaque fois qu'un homme de Neandertal avait l'esprit à
la bagatelle, il n’avait pas besoin d’apporter des fleurs ou d’organiser un
dîner en tête-à-tête. Il lui suffisait de faire un certain signe de la main et
l'élue se soumettait immédiatement à son désir, sans autre forme de procès.
De nos jours, le signe exigeant la soumission est encore d'actualité.
Chaque fois que des gens discutent de ce qui a été fait au nom des Juifs par
Sharon ou Abe Foxman, par exemple, dès l'instant où le débat commence à
déraper, l'un des dirigeants de la communauté prononce le mot magique
‘antisémitisme’ et comme si un sort nous était jeté, nous nous inclinons
sur-le-champ. Comment ne pas s'étonner que des hommes et des femmes adultes,
n'ayant jamais subi personnellement un quelconque préjudice au cours de leur
existence, continuent de réagir à ce signe magique, tels la petite Ayla dans le
roman d'Auel.
Nombreux sont les juifs qui éprouvent un sentiment de nausée face à la
machine de l'establishment juif officiel et de son antenne israélienne.
Dirigé par un assassin de masse notoire, le gouvernement israélien commet des
crimes de guerre tous les jours. Sièges, famine organisée et exécutions
sommaires absolument sans précédent, relèvent désormais de la routine. Il n'y a
plus lieu de s'alarmer devant les bombardements, le mitraillage ni le pilonnage
de civils. Beaucoup de juifs en sont témoins et seraient prêts à le dire en
‘petit comité’. Ils lisent les informations en provenance d'Israël avec
résignation et dégoût, comme un Anglais de l’époque victorienne frissonnait en
apprenant les exploits sanglants de ses compatriotes dans une colonie
lointaine.
Les chefs de la communauté juive américaine ne valent pas mieux que les
dirigeants d'Israël. Ils soutiennent inconditionnellement les criminels
israéliens et autres criminels juifs, de Sharon à Gusinsky, le magnat de la
presse en Russie. Abe Foxman, animateur de la Ligue contre la diffamation[111] prépare des dossiers compromettants,
enregistre par micros cachés des conversations téléphoniques et viole la vie
privée de nombreux Américains. Elie Wiesel et ses acolytes nous bassinent d'une
voix bêlante de leur pharisaïsme à la petite semaine. Conrad Black et autres
individus du même acabit prennent des positions moralement indéfendables en
soutenant des monstres tels que le tortionnaire chilien, Augusto Pinochet, et
Henry Kissinger, l'exterminateur des Cambodgiens.
Mais dès que nous osons protester nous voyons le signe d'Ayla et nous nous
soumettons. Si personne n'en parle ouvertement, nous le murmurons entre nous :
"Chut ! Cela va provoquer de l'antisémitisme ! " Nous n'y pouvons
rien, c'est trop profondément ancré. Tels des enfants gâtés, nous considérons
toute critique comme une manifestation de haine. Nous avons osé nous rebeller
contre des souverains mais nous ne saurions contester les dirigeants qui se
sont imposés à nous, car "cela engendrerait l'antisémitisme ".
Accusé d'avoir touché cent mille dollars de la Fondation Marc Rich, Abe
Foxman a fait le signe d'Ayla dans le New York Times (du 21 mars 2001),
en proclamant que "l'antisémitisme est une maladie dont nous observons les
symptômes, preuve d'une grave épidémie à New York". Mais son coup a fait
long feu. Le rabbin du mouvement Toward Tradition réplique qu'il est
"coupé de la réalité", et qu’il n’est qu’un "profiteur de
l'antisémitisme". Ce rabbin fait observer que la Ligue contre la
diffamation est financée par ses ‘contributeurs’ proportionnellement à la dose
d'antisémitisme qu'elle suscite[112].
Pour prouver son ouverture d'esprit, le Guardian (28 mars 2001) a
publié une page de chroniques et de commentaires répondant aux éditoriaux,
signée par un certain Simon Sebag Montefiore, qui a déclaré "qu'en privé,
les militants les plus énergiques appartenant à la presse qui prennent parti
contre Israël sont des antisémites virulents". Ce monsieur décrit ces
journalistes et autres personnalités britanniques comme "des chiens poussant
l'ours dans ses derniers retranchements". Par ‘chien’, il faut entendre
Lord Gilmour et par ‘ours’, Conrad Black.
Sebag Montefiore s'élève tout particulièrement contre "les
implications les plus douteuses selon lesquelles Israël copierait le comportement
des Allemands, ce qui est pratiquement aussi grave que de nier
l'holocauste". Disons que c'est une question de normes. Il y a des années,
un écrivain israélien a remarqué que les Juifs mesurent leurs actions à l'aune
des nazis et concluent immanquablement qu'eux-mêmes sont des "occupants
bons et bienveillants". Peut-être que même ces normes ‘généreuses’ ont été
mises de côté. Assurément, le chapitre de l'occupation nazie en Pologne est
bien pire que les trente-quatre ans de régime militaire israélien dans les
Territoires occupés. Mais l'occupation de la France par les nazis a
probablement été plus douce pour les Français que l'occupation israélienne des
Territoires palestiniens et, fort heureusement, beaucoup plus courte. Sous le
régime de Vichy, la vie quotidienne était probablement meilleure que dans la
bande de Gaza prétendue ‘autonome’.
Montefiore apaise les craintes des Britanniques en assurant que "son
objectif n'est pas de lancer une chasse aux sorcières mais simplement de mettre
les gens honnêtes en garde contre le désastre qui les guette". Cette
opération publicitaire, sans doute financée par Black, avait vraisemblablement
pour objectif de terroriser les juifs britanniques au point de les forcer à
soutenir le général Sharon.
Ce jeu n’est pas réservé à la droite. Amnon Rubinstein, homme de gauche,
demande à ses compatriotes de lutter contre le danger de l'antisémitisme. Pour
lui, ce fléau s'est notamment manifesté lorsque la Grèce a traduit en justice
un escroc juif qui sévissait à la Bourse, quelque Milken ou autre Mark Rich
local. Selon Rubinstein, les juifs doivent être soustraits à toute persécution
et tous les juifs se doivent de soutenir les escrocs lorsqu'ils sont juifs. Uri
Avnery, militant israélien pour la paix appartenant à l'association Gush
Shalom, appelle les Arabes à lutter contre l'antisémitisme car, dit-il,
"c'est l'antisémitisme qui a amené un million de Juifs russes en
Israël". Il aurait pu ajouter que l'antisémitisme a aussi amené un
demi-million de travailleurs immigrés chinois dans le pays.
Pour vous tranquilliser l'esprit, je vais vous donner mon témoignage
personnel. Enfant du baby-boom un peu sur le retour, j'ai voyagé dans le monde
entier, vécu parmi les Russes et les Palestiniens, les Allemands et les Suédois,
les Anglais et les Japonais, les Indiens et les Africains. Et, à la lumière de
toute cette expérience, je puis affirmer que l'antisémitisme n'existe plus. Un
Juif peut se promener librement dans n'importe quelle cité humaine, il est
partout en sécurité à condition de venir en ami. Le préjugé contre les juifs a
disparu. Bien sûr, vous trouverez toujours quelqu'un qui hait les juifs mais il
y a bien plus de gens qui haïssent les Polonais ou les Irlandais, ou ont un
compte à régler avec les WASPs. Le risque de rencontrer quelqu'un qui hait les
Arabes ou les Noirs ou les Asiatiques est bien plus grand. J'ai rencontré bien
des gens marqués du sceau de l'infamie pour ‘antisémitisme’. Or, ces prétendus
antisémites protestent contre la politique menée par les associations juives,
l'alliance douteuse de Sharon et d'Abe Foxman, de Gusinski et de Mark Rich, de
Conrad Black et de William Safire. Je suis entièrement d'accord avec eux car,
en la matière, il ne s’agit pas de préjugé.
Les ‘pros’ de la lutte contre l'antisémitisme le savent très bien. Leur
véritable objectif n'est pas de combattre ce sentiment mais de terroriser les
juifs ordinaires pour les amener à se soumettre. C'est la raison pour laquelle
les ‘piliers’ de la communauté juive les financent généreusement. Du coup, ils
rapportent la moindre insulte, en la grossissant dix fois. L'industrie
de l'Holocauste n'est qu'une filiale de la Manufacture de l'antisémitisme,
qui joue sur les deux tableaux : elle soutire de l'argent aux Gentils et
contraint les Juifs à obéir aux dirigeants de la communauté.
En 1991, lorsque les scuds irakiens atterrirent en Israël et que les
sirènes d'alarme retentirent pour annoncer la guerre chimique, une douzaine
d'Israéliens sont morts étouffés par leur masque à gaz. Dehors, pourtant, point
de gaz mortel, mais l'air frais et parfumé des collines de Judée. Pour rien au
monde ils ne l'auraient respiré, craignant de périr à l'instant même où ils
ôteraient leur masque. Ils ont préféré l'asphyxie. C'est là le paradigme de
l'existence des Juifs dans le monde contemporain, où la peur rôde dans l'ombre.
Quand Noé a lâché la première colombe de l'Arche, elle a dû revenir mais la
deuxième a rapporté un rameau d'olivier. Quant à la troisième, elle n'est pas
revenue. Elle a compris que le déluge était terminé et que plus rien ne
l’obligeait à retourner dans l'Arche, où l'air était irrespirable. Eh bien, je
suis votre troisième colombe ! Vous pouvez ôter vos masques. Dehors, l'air est
parfaitement sain. Les eaux du Déluge se sont retirées. Allez, sortez
accueillir la race humaine, vos frères et sœurs.
Nous tous, Juifs ou Gentils, avons les mêmes ennemis et les mêmes amis. Nos
ennemis sont ceux qui nous repoussent vers le ghetto de la haine contre les
Goys, car qui hait les Juifs n'est que l'image inversée de celui qui hait les
Goys. Quelques générations à peine nous séparent du monde étouffant où vivait
la communauté juive traditionaliste. Les nostalgiques n'ont qu'à faire un saut
à Brooklyn.
Parlant de son enfance[113], Yossi Klein Halevi, journaliste
israélo-américain a écrit : "Nous vivions en lisière de Borough Park.
Au-delà de notre enclave de Brooklyn, [...] il y avait des Italiens, des
Portoricains et des Scandinaves. Ils ne nous inspiraient aucune curiosité,
uniquement de la peur. Nous les considérions tous comme des membres du même
groupe ethnique : celui des gens qui haïssent les Juifs. Nous les appelions des
Goyim, mot hébreu qui signifie littéralement ‘les nations’ mais auquel
nous donnions le sens d’ennemi. Nous vivions dans un monde clos uniquement juif
[...]. Si nous l'avions pu, nous aurions clos Borough Park de douves [...]
Borough Park s'intéressait à ce qui se passait à l’intérieur de ses limites et
franchissait d'un bond les quartiers chrétiens pour ne s'intéresser qu'aux
autres enclaves juives comme si les seules parties civilisées du monde étaient
juives et que le reste était habité par des créatures enragées, capables à tout
moment de se livrer à la violence sans la moindre provocation. ‘Le monde’
n'existait que dans la mesure où il avait des conséquences pour les Juifs. Les
Juifs et ‘le monde’ ne pouvaient pas coexister. Au mieux, nous pouvions nous
supporter, mais de loin. Certaines de nos lois religieuses semblaient faites
non pas pour nous rapprocher de Dieu mais pour nous séparer des Goys et,
moi-même, j'acceptais cette scission comme si elle allait de soi".
Il faut bien savoir qu'Halevi parle du New York actuel, qui compte une
importante population juive, et non de quelque ville du Moyen âge. Il ne faut
pas non plus s'étonner qu'après avoir subi ce lavage de cerveau dans son
enfance, Halevi soit devenu militant du groupe nazi de la haine contre les
Goys, la Ligue pour la défense juive (Jewish Defence League) de Meyer Kahane.
Il s'est repenti depuis mais, aujourd'hui encore, ce correspondant du New
Republic en Israël soutient les colons qui se comportent comme si seules
les parties juives de la Palestine étaient civilisées, le reste étant peuplé de
"créatures enragées, capables à tout moment de se livrer à la violence
sans la moindre provocation". Si l'on retourne quelques générations en
arrière, tous les juifs vivaient dans des enclaves de ce type et obéissaient
servilement aux juifs les plus riches et les plus instruits, qui fondaient leur
pouvoir sur le népotisme et la peur atavique de l'antisémitisme. Depuis, l'aristocratie
juive s'est adaptée à la nouvelle situation mais continue d'attiser cette peur
pour pouvoir nous contrôler.
Le ‘soutien mutuel’ que prône la communauté juive est immoral. Quand un
Irlandais ou un Italien se rend coupable de vol, il va en prison ; le
prêtre de sa paroisse pouvant très bien lui faire parvenir une friandise pour
Noël. Mais quand c'est un juif influent qui vole, que ce soit Vladimir Gusinski
ou Mark
Rich, la communauté juive exige son impunité. Si un Etat juif commet des
crimes de guerre, la communauté juive le soutient sans réserve. Pour une
communauté ethnique, c'est là un comportement anormal, un vestige honteux de
l'époque où nous avions l'habitude de traiter avec le monde extérieur comme si
nous appartenions à quelque guilde médiévale.
Aidons-nous les uns les autres à vaincre cette tendance à la soumission,
cette tendance à tout accepter. Tout homme a le droit de protester contre les
menées homicides des dirigeants de son pays sans pour autant être accusé de
trahison. C'est ainsi que Mark Twain a protesté contre l'intervention des
Etats-Unis aux Philippines. C'est également la position qu'a prise Thoreau
pendant la guerre pour le Texas. Ce fut aussi la position adoptée par Alexandre
Soljenitsyne, Thomas Mann et Berthold Brecht. Les Juifs devraient pouvoir les
imiter sans difficultés car leurs dirigeants, illégitimes, n'ont pas de pouvoir
véritable sur eux. Il n’ont pour toute arme que l'intimidation.
En continuant à nous battre contre le spectre de l'antisémitisme nous
évitons soigneusement le véritable problème. Pendant la Deuxième Guerre
mondiale, Ilia Ehrenbourg, célèbre grand écrivain russe juif, a, dans un
moment de colère furieuse, appelé ses concitoyens (dans les pages de la Pravda)
à "éradiquer la vermine allemande". Staline le rappela à l'ordre :
"Les nazis s'en iront comme ils sont venus, mais le peuple allemand, lui,
demeurera." La propagande allemande a fait ses choux gras du discours
plein de haine d'Ilia Ehrenbourg,
en s'efforçant de dissimuler le fait que le problème n'était pas la remarque
anti-allemande de l'écrivain juif mais les crimes de guerre de l'Allemagne. De
la même façon, le problème actuel ne relève pas du mythe de
l'antisémitisme ; il s'agit bel et bien de crimes de guerre perpétrés par
Israël avec la complicité des Etats-Unis.
L'antisémitisme est l'arme des brigands, disait Lénine dans les années
1920, en écho à une remarque de l'écrivain anglais Samuel Johnson. Comme de
nombreux versets de la Bible, cette phrase garde tout son sens aujourd'hui,
dans un contexte différent. L'antisémitisme est toujours l'arme des brigands
mais, désormais, la plupart de ces brigands sont juifs.
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[Cette Lettre à une amie britannique fut
adressée à Deborah Maccoby, journaliste à la BBC, et publiée début 2002. Ce
courrier parle du sentiment des Juifs qui ont été offensés par ma façon peu
flatteuse de faire référence aux Juifs.]
Dans l’un de mes articles, j’ai dit d’un savant
juif britannique, M Hiyam Maccoby, qu’il était un ‘nationaliste juif’. Sa
fille, Deborah Maccoby, de Londres, une correspondante et une amie, a relevé le
défi et récusé ‘l’image du Dr Maccoby complètement déformée’.
"On n’a pas le droit de le décrire comme un
nationaliste juif de droite. Dans les années 70, il était l’un des signataires
d’une lettre au Times défendant la solution fédérale pour le problème
israélo-palestinien. Il est aujourd’hui partisan de la solution des deux
Etats. Son point de vue est très proche de celui d’Amos Oz, qui est loin d’être
un nationaliste juif de droite", écrit-elle.
Il est utile d’apprendre que le grand savant juif
britannique, Dr Maccoby, ne fait pas partie de la droite du nationalisme juif.
Mais est-ce vraiment une bonne chose ? Il aimerait que les Gentils de Palestine
aient leur Etat séparé, démilitarisé pour toujours, découpé en plusieurs
parcelles disjointes, ses frontières gardées en permanence par son voisin
l’Etat juif, ses journaux et ses programmes de T.V censurés par les Juifs et
ses lieux saints sous contrôle juif. Il ne restituerait jamais les propriétés
confisquées aux Gentils en 1948 et en 1967, probablement pas même les terres
volées l’année dernière. En d’autres termes, le Dr Maccoby défend la création
d’un ghetto pour Goys, réparti sur de petites parcelles de leur pays (souvent
et très justement appelées bantoustans).
Transposons son idée dans la réalité britannique.
Comment qualifier un homme prônant la création d’un Etat juif séparé à Golders
Green (quartier périphérique de Londres), le transfert de tous les Juifs
britanniques dans cet Etat, la confiscation de toutes les propriétés juives en
dehors de Golders Green, et, bien entendu, la perte de la citoyenneté pour les
Juifs en Grande Bretagne ? Pourrait-on dire de lui qu’il est de droite ? Oh
oui. Qu’il est un original, un cinglé ? Absolument. Un malade nazi ?
Probablement. Il serait certainement très à droite de n’importe quel parti
britannique, à la droite même du Parti National et du Front National. Mais en
politique juive, un tel homme ne serait même pas de droite, il serait un modéré.
Sans le vouloir, vous avez mis le doigt sur le
problème central de la communauté juive en Angleterre (et aux Etats-Unis). Si
les opinions que je viens de décrire sont ‘modérées’, pour la communauté, c’est
que la communauté a besoin d’un psychanalyste. Et, probablement, un programme
de ‘dé-nazification’ ferait encore mieux l’affaire, puisque, comme vous le
dites si bien, ces opinions sont effectivement considérées comme modérées,
parmi les Juifs. Pour vous montrer que je ne souhaite pas blesser vos sentiments
filiaux, je vous avouerai que ma propre mère considère les opinions de votre
père comme étant de gauche et défaitistes. Elle voudrait que les Gentils soient
tous déportés ou tués. Comme de nombreux Juifs israéliens, elle appelle de ses
vœux un Hitler juif.
Il semble que la communauté juive nourrisse de
sombres pensées. Je ne sais pas si ces pensées sont produites par le conflit en
Palestine, ou si le conflit en Palestine ne fait que les rendre manifestes. Si
leur désir pour la Palestine leur détraque l’esprit, les Juifs devraient
abandonner la Palestine et sauver leurs âmes. Que ma main droite m’abandonne,
si j’abandonne Jérusalem, a dit le rabbin Judah ha-Levy, mais il vaut mieux que
tu perdes une main plutôt que de laisser ton corps entier rejoindre l’enfer, a
répondu l’Evangile.
Si le conflit en Palestine n’a fait que révéler ces pensées au grand jour, la société britannique devrait limiter l’influence de la communauté malade jusqu’à ce que celle-ci soit guérie. Ce serait se bercer d’illusions et se cacher la vérité que de croire que les opinions juives sur la question palestino-israélienne n’influencent pas la vision que l’on a du monde. La prééminence et l’influence de la communauté juive malade dans votre pays est source de troubles graves dans ce monde déjà troublé. Que Conrad Black, cet ogre mangeur d’homme, ce pilier des Tories, ami de Pinochet, Sharon et Thatcher, époux de Barbara Amiel, propriétaire du Telegraph et de nombreux autres journaux, soit élevé au rang de pair du royaume, est une preuve de l’étendue et de la nature infectieuse de la maladie.
Et les travaillistes ? Un autre Lord récemment ‘adoubé’, Michael Levy alias le vicomte de Reading, ami de Sharon, est l’éminence grise qui se cache derrière le nouveau chef des travaillistes, Premier ministre de Grande Bretagne et représentant plénipotentiaire des Etats-Unis, Tony Blair.
Sioniste fervent, Levy est l’homme qui a fait de Tony Blair le Premier ministre de l’Angleterre. Il a déniché le jeune et fougueux Tony, organisé sa campagne électorale et lui a remis les rênes du pouvoir (Levy a beaucoup appris de Bronfman, qui a été la cheville ouvrière de l’élection de Clinton à la Maison Blanche). Par la suite, Levy a été l’envoyé spécial de Blair au Proche-Orient, mais le ministre des Affaires Etrangères, Robin Cook, a fait échouer la tentative de Levy consistant à re-sioniser la politique britannique. Il a même refusé de donner au nouveau chevalier Michael Levy un bureau et un secrétariat au Foreign Office. C’était un manque de perspicacité de la part de Cook, qui avait déjà agacé les Israéliens en d’autres occasions. Après la ré-élection de Blair, Cook s’est fait virer et Levy est monté en grade.
Les conséquences de tout cela sont visibles à la BBC. L’intrépide Robert Fisk de The Independent a rapporté, le 4 août 2001, que "l’administration de la BBC a interdit à son personnel de parler d’assassinats en faisant référence à la politique israélienne qui consiste à tuer les résistants. Pour les reporters de la BBC, la consigne est claire : dorénavant, ils doivent employer le même euphémisme qu’Israël et appeler cela des ‘exécutions ciblées’". Robert Fisk en a conclu que c’était dû à la ‘pression diplomatique’ d’Israël. C’est probablement l’impression que l’on a depuis Beyrouth, mais si Fisk tentait de vérifier son hypothèse à Londres, il trouverait une autre source d’influence, la communauté juive britannique et ses membres éminents dans les deux principaux partis.
Nous avons le témoin idéal du racisme inhérent à la communauté juive ; il s’agit d’Andrea Dworkin, écrivain féministe et excellente personne, qui a écrit :
"J’étais déjà dans la force de l’âge lorsque j’ai réalisé que j’avais été éduquée de façon à avoir un préjugé contre les Arabes et que ce préjugé n’était pas anodin. On m’a enseigné que les Arabes étaient irrémédiablement mauvais. Au cours des ans, j’ai appris que les Israéliens torturaient les prisonniers palestiniens ; j’ai connu des journalistes israéliens qui tronquaient volontairement l’information pour ne pas ‘heurter’ l’Etat juif. De par mes positions progressistes j’étais constamment en conflit avec la communauté juive, y compris ma famille, ainsi que de nombreux amis et féministes juifs. Je ne crois pas que les Juifs américains qui ont été éduqués comme moi, soient libérés de ce préjugé. On nous l’inculquait alors que nous étions enfants et cela a aidé le gouvernement israélien à justifier à nos yeux ce qu’il a fait aux Palestiniens. Nous avons été aveuglés, pas seulement par notre besoin de soutenir Israël ou notre fidélité aux Juifs, mais aussi par un réel et profond préjugé contre les Palestiniens, qui équivaut à de la haine raciste."
En fait, les fruits de ce racisme sont la guerre et le génocide. Dave Edwards a écrit la semaine dernière dans Znet :
« Nous vivons dans un monde où Tony Blair peut marteler que "rien ne peut justifier le meurtre de civils", alors que c’est exactement ce que font les B52 en Afghanistan, à ce moment précis. Jamais le racisme profond et inconscient de la société occidentale n’est apparu aussi ouvertement. Et cette croyance est à son tour inspirée, je le crains, par une conception réellement meurtrière : que nos hommes, femmes et enfants sont tout de même plus importants, plus précieux, plus totalement humains, que leurs hommes, femmes et enfants ».
Cette conception meurtrière ne vous rappelle rien ? N’aurait-elle pas ses origines dans l’idée d’élection, de préférence, rejetée par le Christ mais conservée par notre communauté juive ? Cela ne vous rappelle-t-il pas la maxime, “la vie d’une centaine de Gentils ne vaut pas l’ongle de l’orteil d’un Juif” ? Elle a été proclamée par rabbi Yaakov Perrin, le 27 février 1994 et citée par le New York Times du 28 février 1994. Elle a été répétée par rabbi Yitzhak Ginzburg, l’un des chefs de file des cabalistes, et mise en pratique par ‘la tactique des représailles’ d’Ariel Sharon.
Pensez-vous que l’influence accrue de la communauté juive coïncide accidentellement avec ce déchaînement du racisme, les bombardements en Afghanistan, la destruction sans fin de l’Irak, et le champ libre laissé à Israël pour appliquer les méthodes nazies en Palestine ?
Remarquons une autre coïncidence. Parmi les pays industrialisés, c’est l’Etat juif qui a le plus grand écart entre les dix pour cent des revenus les plus riches et les classes moyennes. Les directeurs de banques gagnent 10.000 dollars nets par mois ; les travailleurs juifs de l’industrie et du secteur tertiaire gagnent jusqu’à 1.250 dollars par mois ; les Gentils du pays gagnent à peu près 1.200 dollars par an. Pensez-vous que l’influence accrue de la communauté juive coïncide accidentellement avec la montée en flèche de l’écart social en Angleterre et aux Etats-Unis, les deux pays suivants dans l’échelle ?
Vous n’avez pas à vous sentir accusée, car je ne vous accuse pas. Nous ne choisissons pas le lieu de notre naissance. Vous auriez pu naître dans la famille d’un Junker prussien, un fervent partisan du Troisième Reich. J’aurais pu naître dans la famille des cannibales qui ont mangé le Capitaine Cook.
Cependant, les enfants des Junkers et des
cannibales qui ont eu l’opportunité de connaître d’autres alternatives morales,
peuvent faire leur choix : rester attachés à la famille et aux traditions de la
communauté, ou bien rejeter les errements de leurs pères et embrasser la voie
de l’humanité. Nous ne sommes pas Choisis, c’est à nous de Choisir. Voilà le
message que Jésus donnait, et que votre père respecté n’a pas compris.
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Déconstruction de la judéité
13 janvier 2002
Chers amis,
Cette fois, je vous fais part d’une nouvelle réaction,
d’un universitaire français, le professeur N., à un article publié dans le
quotidien La Presse, de Montréal, au sujet d’une de mes conférences au
Canada.
Les citations soulignées sont tirées de la lettre du
professeur N. (il m’a demandé de ne pas la rendre publique, sinon je l’aurais
retranscrite dans son intégralité). Elle aborde certaines questions très
importantes, et j’espère que cela vous intéressera.
Cher Monsieur Shamir,
J’espère que vous ne m’en voudrez pas pour
mes propos quelque peu brutaux. Mon intention, en vous écrivant n’est ni de
vous heurter, ni de vous offenser...
Cher professeur,
J’ai eu grand plaisir à lire votre honorée. Comme on
le dit souvent, les critiques d’un honnête homme sont préférables aux
flatteries d’un sot. Mais ne dit-on pas aussi : envoyez un homme intelligent
sur les roses, si nécessaire, il vous en saura gré. C’est dans cet esprit que
je lis vos commentaires et que j’y réponds.
Lorsque j’ai découvert, en parcourant le
forum de discussion ‘togethernet’ (sur internet) que vous étiez un juif russe,
les bras m’en sont tombés. Comment donc est-il possible qu’un juif russe et le
parent d’un officier SS puissent partager la même position sur l’Etat
d’Israël ?
Quelqu’un peut être le descendant d’un officier SS,
cela ne m’effraie pas. Les pères ont mangé les raisins verts, etc. Mon oncle
Daniel était le chef du NKVD (la Sécurité d’Etat) à Vilnius, après la guerre
et, d’après les Lithuaniens, il s’est rendu responsable de beaucoup
d’exécutions et de déportations. Ils prononçaient son nom avec la même horreur
qu’un juif prononcerait le nom d’Eichmann. Mais j’ai de lui le souvenir d’un
homme gentil et très cultivé (il était diplômé en architecture de l’Université
de Bruxelles). J’aime son fils. J’aime ses petits-enfants. Mon premier amour
fut pour une jeune fille russe ; elle était la fille du kapo d’un camp
de travail de Staline. J’ai servi, dans l’armée israélienne, sous les ordres
directs d’un certain Ariel Sharon. Mon camarade de régiment a abattu des
prisonniers désarmés ; il croyait que je ne le voyais pas. Aucun doute
là-dessus, les nazis étaient horribles. Mais je pense qu’il ne faudrait pas les
diaboliser au point d’exclure jusqu’à leurs enfants de tout commerce. Je me demande
une chose : si les nazis avaient laissé les juifs tranquilles, aurions-nous les
mêmes sentiments à leur égard ? S’ils avaient maltraité, disons, (uniquement)
les Biélorusses, les Polonais, les Lithuaniens ? Je n’en suis pas si sûr. John
Sack a écrit sur un homme du NKVD, juif, accusé d’exécutions en masse. Les
Polonais avaient demandé son extradition, mais Israël les envoya balader de
deux mots : ‘des clous’. Pour moi, les juifs et les non-juifs sont exactement
les mêmes ; nous sommes tous les fils d’Adam. C’est pourquoi je suis totalement
incapable d’avoir des sentiments différents vis-à-vis d’un tueur de juifs et
d’un tueur juif.
Par-dessus le marché, vous comparez la
politique des gens au pouvoir dans votre pays, avec celle des nazis... Et alors
? Vous aussi, vous vous exprimez bien à partir d’une position partagée par des
idéologues nazis et des activistes nazis ?
Ma position est à l’opposé de ce que vous dites. Les
nazis allemands croyaient en la supériorité de (l’ensemble de) leur race, alors
que les suprématistes juifs croient en leur supériorité (à eux). Moi, je
rejette toute supériorité, qu’elle soit de race, de croyance, de nationalité,
etc. Alors que la dispute entre nazis et juifs était de décider qui était
l’Elu, moi, je rejette les deux prétentions. Si je rejette la revendication du
trône par les Bourbons, cela fait-il de moi un bonapartiste ?
Votre crédibilité est nulle.
‘Crédibilité’ n’est pas un terme neutre. La
‘crédibilité’ est décernée par les Maîtres du Discours : les universitaires
chantres des divers gouvernements, le New York Times, et ses équivalents
ailleurs dans le monde. C’est tout un système qui accorde, ou non, la
‘crédibilité’. Naturellement, je ne suis pas l’heureux titulaire de cette
‘crédibilité’ patentée, et je ne la recherche aucunement. Je combats les
Maîtres du Discours, pour la liberté de parole.
Pour être ‘crédible’, il faut faire attention à ne pas
dépasser la ligne (imposée). J’ai cessé d’être ‘crédible’ en 1990, lorsque
j’étais journaliste à Moscou. Mes collègues, correspondants de journaux
occidentaux en poste à Moscou, écrivaient des tas d’articles sur
l’antisémitisme grandissant, sur les pogroms annoncés et sur le parti
(d’extrême droite) Pamyat. J’ai trouvé, pour ma part, que les membres de
l’effrayante conspiration Pamyat se comptaient sur les doigts de la main, qu’il
n’y avait ni antisémitisme ni, encore moins, de pogroms en Russie, mais
beaucoup de vent brassé par les services secrets israéliens. J’ai perdu ma
‘crédibilité’, parce que je n’ai pas imité les journaux occidentaux qui
faisaient leurs gros titres de l’antisémitisme russe et des pogroms soi-disant
menaçants. En réalité, il n’y avait ni pogroms ni aucune forme de persécution.
La Russie était (elle l’est encore) gouvernée par des Premiers ministres juifs,
et Israël est sans doute devenu le modèle à suivre pour les Russes (au
pouvoir), à voir ce qu’ils font en Tchétchénie.
J’étais prêt à vous accorder le bénéfice du
doute, vous n’étiez pas censé savoir que l’un des participants à votre groupe
de discussion était un antisémite notoire...
Cela ne m’aurait effrayé en rien, pour deux raisons.
Premièrement, on pourrait trouver à redire aux ‘antisémites invétérés’, qui
n’ont fait en définitive qu’encourager un discours juif anti-gentil
particulièrement détestable, mais il n’y en a plus ; ils ont complètement
disparu. A l’heure actuelle, les ‘antisémites’ sont les gens qui ont quelque
chose contre le particularisme juif ou une influence juive excessive. Ils ne
haïssent pas les Juifs en tant que tels. Devrions-nous mettre à l’index
Dostoïevsky et T.S. Elliott, André Gide et Jean Genet, Toynbee et
Gumilev ? Ils sont très souvent qualifiés ‘d’antisémites notoires’, mais
leur rejet du particularisme juif (ou, si vous préférez, des ‘spécificités
nationales juives’) n’était pas une question de ‘préjugé’. Le particularisme
juif doit être équilibré par d’autres systèmes de valeurs, car c’est bien un
manque d’équilibre et de mesure qui est à l’origine de la situation tragique du
monde, aujourd’hui.
La seconde raison est plus importante. Le succès des
sionistes s’est construit sur leur collusion avec les antisémites. Le Jacques
Soustelle de l’OAS, le Lord Balfour de la Déclaration, le Pat Robertson de la
Majorité chrétienne (Christian Majority) n’aiment pas les juifs, ils n’en sont
pas moins entichés d’Israël. Des antisémites notoires ont sympathisé avec les
sionistes, et vice-versa. De cette union est issu un rejeton monstrueux : les
amants évangéliques d’Israël, qui aspirent à l’Armageddon. Nous devons
absolument briser la fascination sioniste.
Vous pensez que nous devons, nous les
Juifs, cesser d’exister en tant que nation indépendante.
Nous devons choisir. Anciennement, les juifs ne
prétendaient pas être autre chose que des Juifs ; tandis que certains Juifs, de
nos jours, veulent conserver leur dualité. Toutefois, vous ne pouvez pas manger
un gâteau et continuer à avoir ce gâteau, éternellement. Tant qu’il existe un
Etat juif, il est urgent de sérier nos priorités. Pour moi, un juif français
est français, un juif russe est russe. Nous pourrions parachever l’œuvre,
interrompue, d’émancipation, et nous intégrer dans nos sociétés respectives.
Avoir des origines juives serait aussi respectable que d’avoir des origines
irlandaises, bien que ça n’apporte pas beaucoup d’avantages, à en juger par mes
amis irlandais. L’alternative est trop effroyable à envisager.
Vous dites que notre seul salut est d’être
asservis, dominés, tyrannisés, dispersés.
Non, non et encore non ! Notre seul salut est dans
l’égalité. Abandonnez cette approche manichéenne. Il est possible de vivre
égaux et non pas, nécessairement, opposés entre dominants et dominés.
La Bible hébraïque est un héritage humain
produit par différents auteurs. Comment pouvez vous avoir si peu d’égards pour
ces gens qui ont médité, se sont colletés à toutes sortes de problèmes
existentiels, et qui ont transmis le fruit de leur méditation à la postérité ?
Le fait que les Juifs aient survécu, à travers tous ces siècles de persécution
agissante et virulente en Europe et dans le monde musulman devrait vous donner
une indication sur la capacité de notre tradition à assurer la survie et à
surmonter les vicissitudes.
Vous faites de quatre questions une seule, mais je
vais démêler l’écheveau. J’aime la Bible, comme sans doute toute personne
parlant l’hébreu. C’est un livre complexe, et ce n’est pas un sujet dont on
puisse parler légèrement. Il renferme aussi bien une merveilleuse poésie qu’un
poison dangereux. Ce poison a trouvé son contrepoison dans le Nouveau
Testament, et dans le Coran, etc. Quiconque boirait ce poison pur serait
susceptible de commettre de nombreux crimes, y compris le génocide. Au deuxième
siècle, Markion rejetait ce poison avec horreur et il déclarait que le dieu des
Juifs était Satan. Au XXe siècle, les marxistes firent à peu près la
même chose. Pour ma part, je dirai ceci : l’Ancien Testament devrait être
considéré comme un magnifique sabre effilé, et traité avec d’infinies
précautions.
Aujourd’hui, notre religion juive est autre chose.
Elle n’est pas basée sur la Bible hébraïque, mais sur la Mishna et le Talmud.
Ce sont là deux ouvrages littéraires passionnants, eux aussi. Personnellement,
j’en suis friand. Mais j’ai conscience de leurs failles morales. Ils ont été
écrits en réaction au christianisme, à partir de la fin du premier siècle après
Jésus-Christ. Ils ont rempli leur fonction, et ils ont pratiquement perdu toute
validité, aujourd’hui. Cela n’a pas beaucoup de sens de discuter de ce sujet.
La persévérance des juifs, c’est encore autre chose.
Votre approche se fonde sur une mauvaise interprétation du passé juif. Bien
sûr, nous aimons à répéter que nous avons été persécutés et humiliés. Mais ne
prenez pas ces propos pour argent comptant. N’oubliez pas ceci : les Juifs appartenaient
- et appartiennent toujours - aux classes privilégiées. Abram Leon, un jeune
marxiste juif, mort à Auschwitz (vous connaissez sans doute le livre qu’il a
écrit, puisqu’il a été traduit en français, avec une préface de Maxime
Rodinson), a établi qu’un noble polonais qui aurait voulu devenir usurier,
aurait été obligé de se convertir au judaïsme, tandis qu’un juif désireux
d’intégrer l’aristocratie terrienne aurait absolument dû se convertir, au
préalable, au christianisme. Le choix n’était pas évident, beaucoup plus pour
des raisons pratiques qu’en raison de considérations religieuses.
La judéité n’est pas un phénomène basé sur la
religion. En Espagne, des crypto-juifs ont vécu comme des chrétiens (en
apparence) pendant quatre siècles, mais en conservant leur particularisme et
leurs domaines réservés corporatistes. Aujourd’hui, la majorité des juifs, en
Israël autant qu’ailleurs, ne sont absolument pas religieux. La judéité, c’est
affaire d’exclusivisme et de privilèges.
On pourrait tout aussi bien présenter l’histoire de
l’aristocratie française comme une histoire faite de ‘persécutions virulentes
et en actes’. Il y a tellement d’aristocrates qui ont été guillotinés, à partir
de 1793. (Plusieurs siècles auparavant) beaucoup d’entre eux sont morts sur les
champs de batailles, à Crécy ou à Poitiers. Il n’en reste pas moins que
l’histoire des nobles n’est pas faite que de souffrances, ils jouissaient aussi
de nombreux privilèges. Mais, si les nobles ont perdu leurs privilèges, les
juifs ne renoncent pas aux leurs.
Les Israéliens font une lecture erronée de
leur propre tradition religieuse.
Cher professeur, c’est possible. Mais il est
aussi possible que vous essayiez aimablement de ré-interpréter la tradition de
la religion juive selon vos propres vues humanistes. Je me souviens comment,
voici plusieurs années, Hanan Porath, le leader charismatique du Mafdal,
m’affirmait qu’il n’y avait pas de gerim (étrangers pouvant être traités
en voisins) de nos jours. Par une supercherie légale, toutes les bonnes dispositions
de la Bible semblent concerner les Juifs exclusivement, dans l’esprit des Juifs
réels, mes contemporains. Peut-il en être différemment ? Oui, mais alors
ce sera le christianisme ou l’islam. Le judaïsme est basé sur la séparation
entre ceux qui sont élus et les autres. C’est une façon de voir les choses,
mais c’est vraiment trop destructeur pour le monde.
Parfois je pense que le mode de vie juif a gagné il y
a quelques deux cents ans, quand les autres parties de la société occidentale
ont décidé de devenir bourgeoises , de se comporter comme les Juifs. Le
mode juif est assez tentant : il permet d’ignorer le ‘bien commun’ de la
société dans laquelle on vit. Vous me direz que ce n’est pas une
nouveauté ; c’est ce que fait n’importe quel escroc ou criminel. La
différence réside dans la stabilité morale, dans le véritable renforcement de
la morale intérieure. Un escroc n’offre pas un modèle de mode de vie, car son
manque de morale l’amène à sa perte. Mais le mode juif nous permet d’agir comme
des escrocs tout en conservant une grande valeur morale.
Votre conférence à McGill m’a confirmé dans
mon intuition qu’en dépit de votre faconde vous êtes un juif égaré, qui a perdu
de vue sa propre tradition, et qui avance à tâtons dans le noir. Votre
intervention m’a finalement poussé à réagir et à vous écrire. Vous êtes en
train de détruire, de déchirer en morceaux ce que les dirigeants israéliens de
la précédente génération ont essayé d’édifier. Votre conférence à McGill était
symptomatique de votre œuvre de déconstruction. Le grand historien anglais
Arnold Toynbee, dont j’admire la profondeur de vue sur maints sujets, n’était
pas indemne, malheureusement, de traces d’antisémitisme et d’antisionisme. Il
voyait dans le judaïsme une ‘fossilisation’ et remettait en cause l’existence
même de l’Etat d’Israël. Le 31 janvier 1961, cette même université, McGill,
avait organisé un débat public entre Toynbee et Yaacov Herzog, ambassadeur
d’Israël au Canada, sur l’essence de l’histoire juive et ‘l’identité morale’ de
l’Etat d’Israël. Aujourd’hui, Toynbee incarne ce à quoi vous aspirez : amener
les Anglo-américains à abandonner leur engagement envers Israël, à cesser de le
soutenir économiquement et militairement. J’ai bien peur que vous ne
réussissiez. Les vents du changement semblent, en effet, en train de se lever.
Si cela advient, tous les Saddam du monde élimineront tant Israël que l’Europe
et l’Occident ‘chrétien’ (bien que nous ne soyons plus chrétiens depuis le XIXe
siècle) de la surface du globe. Vous pouvez en être certain. Je ne suis pas
surpris que vous soyez venu à McGill, précisément. Vous êtes bien trop avisé
pour ne pas profiter de ce précédent historique.
Cher professeur, vous êtes trop gentil. Le personnage
central des Récits d’Ise, grande fresque poétique japonaise du IXe siècle,
compare sa dulcinée - une paysanne - à un pin. Il veut dire, ce faisant, d’une
manière allusive, qu’elle est frustre comme un arbre. Mais il se trouve
qu’elle, elle adore les pins et la comparaison la flatte. Au risque de sembler
me méprendre, comme cette paysanne nippone, j’admire tellement Toynbee que je
ne peux que répéter : merci, professeur, vous me flattez.
Oui, en effet : l’entente entre les Anglo-américains
et les Juifs doit cesser. Ces deux exclusivismes sont entrés dans une résonance
qui pourrait bien mettre à notre univers un terme prématuré. Un chat est
adorable, tant qu’il n’a pas atteint la taille d’un tigre. Les Anglo-américains
ont conclu un pacte qui leur a apporté la prospérité. Mais aujourd’hui, ils
doivent le payer très cher. Cette prospérité a été acquise grâce à une pyramide
de surévaluation du dollar et de spéculation financière. En effet, 90 % des
transactions financières, aux Etats-Unis, sont de nature spéculative. Pour
couvrir ce montage financier pyramidal, les Anglo-américains intimident le
monde entier avec leurs armes de destruction massive. Les gens comme vous et
moi, en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis, n’en retirent aucun avantage, loin
de là. En Angleterre, les enfants vivant au-dessous du seuil de pauvreté sont
trois fois plus nombreux qu’au jour où Margaret Thatcher a accédé au pouvoir.
Aux Etats-Unis, il y a des millions d’enfants mal nourris et sans abri. De
nombreux Juifs américains poussent à la roue pour la destruction de la patrie
d’Abraham, l’Irak. Voilà quels sont, entre autres, les résultats de cette
alliance.
Arnold Toynbee ne pouvait prévoir, en 1961, que
seulement quelques années plus tard, le ‘fossile’ reprendrait vie, trop de vie.
Il n’assista pas au film de science-fiction Alien, dans lequel un
fossile congelé devient une source de danger apocalyptique. Les penseurs juifs
qui étaient ses contemporains pensaient, eux aussi, que la juiverie était
engagée sur la voie de sa disparition. Il ne s’agissait que d’une condition
préalable pour l’émancipation, après tout. Mais ce n’est pas du tout ce qui
s’est passé.
Pour moi, il faut que cela advienne. Cela ne pourra
être que bénéfique pour les descendants des juifs, et pour l’ensemble de
l’humanité. Jacques Derrida, un descendant des crypto-juifs espagnols, a
introduit en France le concept de déconstruction. Aujourd’hui, il est grand
temps d’amener la déconstruction chez nous et de déconstruire la judéité.
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Les jumelles de Madame Klein
jeudi 2 mai 2002
Les jumelles, c’est bien pratique. Généralement, on s’en sert pour observer
des objets éloignés. Mais certains s’y entendent pour les prendre à l’envers et
transformer un objet tout proche et menaçant en une petite chose insignifiante,
dans le lointain. Cette manœuvre, relevant de l’enfantillage, a été adoptée par
Naomi Klein, auteur du best-seller No Logo, dans une lettre au quotidien
de Toronto (Canada), The Globe and Mail[114]. Sous sa plume magique, le groupe le plus
puissant de toute l’Amérique du Nord, propriétaire de la quasi-totalité des
médias canadiens et américains et d’un patrimoine immobilier quasi illimité, a
été métamorphosé en une poignée de juifs terrorisés, venus trouver refuge dans
quelque synagogue reléguée, pour y sauver leur peau. Il faut un certain temps
avant de réaliser qu’elle écrit à propos de gens que nous connaissons, qui
vivent à l’époque où nous vivons, et non de quelque événement survenu au Moyen
Age.
Madame Klein écrit : "La plupart des juifs ont tellement peur qu’ils
sont prêts aujourd’hui à faire tout et n’importe quoi afin de défendre la
politique d’Israël". La seconde partie de sa phrase est vraie. Nous savons
que la plupart des Juifs sont prêts à absolument tout pour défendre, soutenir
et faire la promotion de l’épuration ethnique en Palestine. Ils sont prêts à le
faire en permanence. Ils ont voué aux gémonies Paul Wolfowitz, le plus
sanguinaire de l’équipe de choc néo-libérale, parce qu’il n’était pas
suffisamment assoiffé de sang. En général, dans les synagogues, on considère
que Sharon est un peu trop gentil pour sa fonction, qu’il est en quelque sorte
une sorte de gauchiste de l’ombre. La peur n’a rien à voir dans tout
cela ; aujourd’hui, les Juifs n’ont rien à craindre. Ils disent et font ce
qu’ils veulent, sans avoir à jeter un coup d’œil en arrière. La tradition juive
interdit de maltraiter les Goys, mais seulement dans la mesure où ce mauvais
traitement pourrait faire ricochet et mettre un Juif en danger. Apparemment,
aujourd’hui, les Juifs ne se sentent absolument pas menacés.
Il y a quelques jours, je suis allé à une réunion de solidarité juive, à
Brighton Beach, près de New York. Les Juifs y honoraient Yvet Lieberman, un
ministre israélien qui a quitté le gouvernement Sharon en protestation contre
l’approche libérale de Sharon. Ils ont claqué un fric monstrueux, dressé des
écrans géants et établi des liaisons satellites afin de proclamer leurs
sentiments de manière non équivoque. Mais ce n’est pas la peine d’aller dans
une réunion publique : ouvrez un journal juif, depuis le quotidien israélien Haaretz
jusqu’à l’hebdomadaire américain Jewish Week, et un flot de haine
absolue vous sautera à la figure.
Cela n’est pas nouveau : il y a dix ans, Danni Rubinstein, journaliste
libéral israélien, se plaignait du fait que les juifs américains soutenaient
invariablement les forces nationalistes les plus extrémistes en Israël. Les
juifs américains ne font pas exception ; les juifs d’Angleterre et de
Russie passent leur temps à braire pour réclamer du sang goy, eux aussi.
Apologiste avertie, Madame Klein préfère expliquer cet encouragement criminel
et coupable au meurtre de masse par leur ‘peur’. Elle aurait fait une
excellente avocate, à Nuremberg. En effet, qui n’a pas peur ? Comme l’a écrit
le Dr Nolte, les atrocités nazies ont été causées par la peur du communisme
russe. Les atrocités des communistes ont été causées par leur peur de
l’agression impérialiste, etc. En d’autres termes, la peur n’est pas une
excuse. S’ils ont peur, ils peuvent aller consulter leur psy, au lieu de
soutenir un génocide.
Madame Klein élabore un syllogisme : les juifs soutiennent Sharon parce
qu’ils ont peur. Donc, luttons contre l’antisémitisme, et le problème sera résolu.
Hélas, sa conclusion est aussi faible que sa prémisse. Sharon n’utilise pas la
peur des juifs, il mobilise le chauvinisme juif, et notamment celui de Madame
Klein. Dans son livre No Logo, elle nous dit que son action politique a
commencé avec la défense des riches juifs qui étaient sous-représentés dans les
conseils d’administration de leurs sociétés. Cela s’est terminé par la défense
des partisans de Sharon. Aujourd’hui, la plupart des Juifs parlent d’une seule
voix, depuis la ‘gauche’ de Naomi Klein jusqu’à la ‘droite’ de Barbara Amiel.
Pour eux, il n’y a ni gauche, ni droite. Il n’existe que les intérêts ethniques
des Juifs.
Madame Klein brasse beaucoup de vent au sujet de quelques synagogues
endommagées. Nous n’avons pas entendu d’elle ni de ses amis un mot de
protestation contre le siège de l’Eglise de la Nativité à Bethléem, ni contre
la destruction de l’ancestrale Grande Mosquée de Naplouse. Pas un mot !
J’imagine ce qui se passerait si une synagogue était assiégée et si ses
occupants mouraient de faim et sous les tirs, comme à Bethleem. Mme Klein exige
de nous que nous nous occupions de synagogues. Les synagogues sont utilisées
pour collecter de l’argent pour financer l’offensive de Sharon. C’est en
général dans des synagogues que Netanyahou et autres monstres font leurs
discours à leurs fidèles. Alors que les églises et les mosquées sont détruites
par la guerre, il faudrait que les synagogues soient en paix ? Les synagogues
sont loin d’être neutres, et Mme Klein l’admet : "dans la synagogue de mon
quartier", écrit-elle, "l’inscription, sur la porte, dit : ‘Soutenez
Israël... aujourd’hui plus que jamais’."
Et voilà qu’aujourd’hui - après le massacre de Jenine, après l’attaque
contre Bethleem, après la destruction massive de Ramallah et d’Hébron, ils
veulent soutenir Israël plus que jamais. Sans leur soutien, Sharon serait
totalement incapable de commettre ses atrocités. Sans leur soutien, Israël
reprendrait sa taille normale. A mon avis, ces gens ne doivent pas être
protégés, comme s’il s’agissait d’un petit groupe minuscule de dévots. Ces gens
extrêmement puissants et influents doivent être traités avec une rigueur
extrême.
Il n’y a aucun danger d’agression raciste contre des juifs pacifiques, et
c’est heureux. Le niveau actuel de mariages mixtes et de rapports sociaux
(intercommunautaires) exclut une telle possibilité. Même Jean-Marie Le Pen a un
gendre juif, Samuel Maréchal, et il est très ami avec un juif, Jean-Claude
Martinez. Tant Maréchal que Martinez sont des membres éminents du Front National.
Mais l’Etat juif extra-territorial, l’extension outre-mer d’Israël, doit être
montré du doigt car il permet de perpétrer des atrocités.
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L’étrange argument de Jared Israël
Les Maîtres du Discours ne seraient pas ce qu’ils sont s’ils ne recouraient pas
à la ruse. Nombreux sont les gens qui en arrivent à la conclusion que les
médias, les experts et les hommes politiques les trompent. Fort bien. Mais la
réalité vraie, quelle est-elle ? Les Maîtres du Discours fournissent un vaste
choix de pièges et d’explications trompeuses de la réalité – des explications
toujours, à la fois, partiellement vraies et partiellement fausses. Seule une
lecture très attentive peut nous permettre de remarquer le traquenard.
Le site Emperor’s Clothes[115] a toutes les qualités requises pour
passer pour oppositionnel : on y fait force objections à la politique actuelle
de l’administration Bush. On peut éventuellement y désapprouver l’arrogance
israélienne. On y dénonce très judicieusement certains des mensonges injectés
dans les médias et dans le discours des hommes politiques américains. Mais ce
n’est que très rarement que les propos tenus sur ce site reflètent son
véritable projet politique. Une lettre d’un lecteur, un M. Golub, a attiré mon
attention sur l’un de ses nombreux pièges.
Un échange récent d’observations[116] entre l’un des éditorialistes les plus
actifs d’Emperor’s Clothes et un lecteur, nous donne l’opportunité
unique de voir à quel point l’opposition de ce site est truquée. Ce lecteur
demandait à Jared Israël s’il ne voyait pas un lien entre les bruits de bottes
à Washington et le lobby juif aux Etats-Unis.
Et la voix prétendument oppositionnelle de démentir aussitôt l’ ‘allégation’
:
"Je connais beaucoup de juifs, et je puis vous dire, en ce qui concerne
Israël, que la plupart d’entre eux sont convaincus que les conséquences des
attentats du onze septembre ont rendu les choses beaucoup plus difficiles pour
ce pays. La plupart des juifs américains ne veulent pas d’une guerre avec
l’Irak. "
Si vous avalez ça, demain, on vous vendra le pont de Brooklyn ! La plupart des
juifs qui comptent, aux Etats-Unis, poussent à l’Apocalypse. Parmi eux, Richard
Perle, secrétaire du panel de la politique de défense au Pentagone, ancien
employé d’une entreprise d’armements israélienne (Soltam) ; le grand partisan
de cette guerre, Paul Wolfowitz, vice-secrétaire à la défense ; Douglas Feith,
sioniste de choc et représentant de commerce d’un fabriquant d’armes israélien
; Dov Zakheim, sous-secrétaire à la défense ; Edward Luttwak, du groupe des
études de sécurité nationale au département de la défense, au Pentagone ; Lewis
Libby, chef de cabinet du vice-président Dick Cheney et avocat de l’escroc Mark
Rich ; Robert Satloff, expert auprès du Conseil national de défense et
directeur exécutif de la boîte à idées du lobby israélien : le Washington
Institute for Near East Policy ; Elliott Abrams, expert auprès du Conseil
national de sécurité ; et bien d’autres encore… Il y a certainement des juifs
qui sont contre la guerre, (aux Etats-Unis), mais on ne les entend pas.
Je ne vous livre pas, là, des informations classées ‘défense’, diffusées par
d’obscurs sites Internet. Un juif honnête, Philip Weiss, reconnaît, dans le
quotidien New York Observer[117] :
"Les juifs et la droite ont conclu une alliance – sacrée ou non,
c’est une autre question – et ensemble, ils poussent à la guerre".
"Qu’en est-il de la propension naturelle des juifs au libéralisme ?",
demande ensuite Weiss, qui répond immédiatement :
"les libéraux ont gagné de l’autorité
dans le débat politique. Le refus des juifs américains libéraux d’adopter une
position qui leur soit propre a mis la gauche américaine dans le désarroi. Le
libéralisme américain tire sa force, depuis toujours, des juifs. Les juifs
libéraux évoquent souvent, en privé, le Moyen-Orient, en reconnaissant
l’absence de charisme du gouvernement israélien et le désespoir des
Palestiniens. Mais, généralement, ils ne souhaitent pas que ces questions
soient abordées publiquement avec d’autres citoyens américains (non juifs). Le
discours juif à usage interne est devenu terriblement raciste. Ainsi, The
Jewish Press a publié un pamphlet contre ‘L’épidémie des mariages
judéo-arabes’", conclut-il.
Voilà pour le premier mensonge de Jared Israël. Mais il ne s’arrête pas là. Il
doit encore dissuader ses lecteurs de penser que ce sont bien Israël et les
juifs américains qui poussent à la guerre.
Dans un petit bijou de désinformation, il écrit : "Rien ne serait pire,
pour Israël, qu’une guerre au Moyen-Orient. Israël, en effet, est un petit
pays, aux frontières difficiles à défendre, cerné par des pays dominés par
l’islam et dont la population est près de cinquante fois plus importante. Pour
Israël, la pire des choses serait une guerre en Irak, qui ne pourrait
qu’attiser les flammes du fanatisme musulman, lequel se retournerait très vite
contre lui. Si les Etats-Unis et l’Angleterre attaquent… c’est Israël qui
paiera les pots cassés…"
Bien. Israël est, concédons-le, ‘cerné par des pays dominés par l’islam’, mais
ce ‘petit pays’ qu’est Israël, non content
de posséder le troisième arsenal nucléaire au monde, est totalement soutenu par
‘un pays dominé’ par les juifs qui – voyez comme le hasard fait bien les choses
– se trouve être, aussi, l’hyperpuissance mondiale unique ! Lorsqu’il affirme
qu’une guerre contre l’Irak serait pour Israël le pire des scénarios, Jared
Israël pense sans doute à un autre Israël que celui que nous connaissons… En
effet, tous les hommes politiques israéliens importants, ses premiers
ministres, ses ministres de la défense, ses porte-parole – officiels comme
officieux – appellent à la guerre (contre l’Irak), tant publiquement qu’en
privé. Victor Ostrovsky[118], ancien agent du Mossad, a demandé à ses
supérieurs pourquoi ils déployaient une telle énergie afin de causer une guerre
entre les Etats-Unis et l’Irak. On lui a répondu que c’était parce qu’Israël
n’avait pas le personnel et les avions gros-porteurs nécessaires !… Les toutes
premières déclarations d’Ehoud Barak et de Bibi Nétanyahou, immédiatement après
les attentats du onze septembre, furent pour demander la destruction de l’Irak
(prochains pays sur la liste : l’Iran et la Libye…) Sans relâche, Ariel Sharon
pousse les Américains à la guerre. S’il est allé, tout récemment, à Moscou,
c’est uniquement dans le but de tenter de convaincre le président Poutine de se
joindre à la meute.
Bien entendu, la guerre va à l’encontre des véritables intérêts des juifs
vivant en Israël. Mais nous n’avons pas voix au chapitre : nos politiciens sont
totalement intégrés à l’establishment judéo-américain. Ils sont financés par
les juifs américains. Bref, c’est au son des violons des juifs américains que
nos dirigeants dansent. Nos intérêts bien compris n’émergeront – s’ils émergent
un jour – que le jour où les juifs américains auront perdu leur ascendant sur
le discours politique aux Etats-Unis.
Le troisième mensonge développé par Jared Israël franchit un degré
supplémentaire dans l’effronterie : "Les Etats-Unis et l’Angleterre
attaquent… Israël paie les pots cassés" : quelle absurdité ! Israël ne
paie jamais. Quoi qu’il se passe – redéploiement de l’armée israélienne,
attaques violentes contre les Palestiniens, construction de nouvelles colonies
dans les Territoires occupés, assassinats d’enfants palestiniens – ce sont
toujours les citoyens américains et européens qui raquent. Ils ont financé le
retrait israélien du Liban et d’une partie du Golan (syrien). Aujourd’hui, ils
paient les vivres destinés aux Palestiniens qui risquent de connaître la
famine, et ils paieront tout ‘accord de paix’ qu’Israël voudra bien daigner
parapher.
Lorsque les activistes du « camp de la paix » israélien suggère l’idée de
compensation versée aux réfugiés palestiniens, ils ne proposent jamais de payer
les terrains et les maisons volées où ils habitent : leur condition est, en
permanence, la même : "tout sera remboursé par la communauté
internationale" ! Les factures d’Israël ne sont pas honorées non plus par
les juifs américains : ils ne sont pas complètement idiots ! Non, voilà ce que
font les juifs américains : ils paient les hommes politiques de leur choix, ou
bien ils les menacent de les faire tomber définitivement dans les oubliettes de
la politique, si d’aventure ils avaient le mauvais goût de refuser de faire
casquer les goys américains. Et si, malgré toute leur bonne volonté, des
considérations politiques les obligent à y renoncer, alors les juifs américains
trouvent le moyen de contraindre les goys allemands et suisses à payer la note.
Comment le lecteur peut-il prendre connaissance du projet politique réel d’un
menteur effronté ? Il y a quelques indices révélateurs : d’abord, le menteur
effronté va rapidement traiter un peu tout le monde de ‘nazi’, depuis les
frères Dulles jusqu’à votre humble serviteur. Il va invoquer l’Holocauste à
tout bout de champ. Poussé dans ses derniers retranchements, il vous fera le
coup de la ‘théorie du complot’. Ainsi, Jared Israël répond à son interlocuteur
: "si vous voyez un complot dans le fait qu’Ari Fleischer[119]
est juif, pourquoi le fait que je sois moi-même juif n’attirerait-il pas
automatiquement les soupçons sur ma personne ? " Eh bien, c’est exactement
ce qu’on a dit lorsque toutes les lumières de l’Amérique juive et de l’Etat
d’Israël – depuis Foxman jusqu’à Barak – sont allés supplier Bill Clinton
d’absoudre leur vieux copain (escroc d’envergure mondiale) Mark Rich. Norman
Finkelstein, un écrivain américain juif qui voit clairement les choses, a fait
observer : "Lorsque les juifs en vue agissent de concert, devons-nous
fermer les yeux, désespérés, et nous lamenter en pleurnichant : ‘Oh non ! Ça en
peut pas être vrai ! Sinon, on va encore être accusés d’être des tenants de la
« théorie du complot’ !" Pour dire les choses très simplement : oui,
Monsieur Jared Israël, vous faites partie du complot judéo-sioniste ! Je vous
accuse de fournir aux instigateurs juifs de la guerre contre l’Irak le
camouflage dont ils ont désespérément besoin !
Que le site Emperor’s Clothes fasse campagne contre la guerre, voilà qui
est fort bien. Qu’il ne soutienne pas l’effort de guerre du lobby juif, voilà
qui est excellent. Mais tout ça ne vaut pas un clou si l’on n’y dénonce pas les
véritables instigateurs de la guerre annoncée. Ce n’est certainement pas le
grand dadais de la Maison Blanche, ni même le Pentagone. Non. C’est
l’establishment juif – les juifs avec lesquels il faut compter – qui poussent à
la guerre, avec la connivence des libéraux, lesquels se taisent. Le seul espoir
qui nous reste, c’est un brillant philosophe canadien -juif-, Michael Neumann,
qui l’a magnifiquement exprimé :
"Tôt ou tard, les grands hommes blancs d’Amérique prendront conscience de
leurs intérêts véritables : alors, il se chercheront une nouvelle équipe de
scribouilleurs de discours et autres mandarins. Ce jour là, les juifs seront
passés de mode".
[Une réponse au rabbin Michael Lerner, qui a
protesté contre la résolution assimilant le sionisme au racisme[120].]
I
Cher rabbin Lerner
La lecture de votre lettre provoque en moi un
malaise croissant. Il est bon que vous stigmatisiez le racisme juif. Il est
louable que vous condamniez la violation des droits humains en Palestine.
J’apprécie vos positions et regrette que vous receviez des menaces de la part
de Juifs crapuleux.
En vous opposant aux actes de ceux que vous
considérez comme votre propre peuple, vous avez pénétré dans un territoire de
haute moralité, habité par des dissidents de tous horizons et de tous pays, aux
côtés de Thomas Mann et de Bertolt Brecht, aux côtés de Soljenitsyne et de
Bukowsky, aux côtés des Français courageux qui condamnaient la guerre d’Algérie
et des Américains hautement estimables qui partaient pour Hanoi durant la
guerre du Vietnam. Vous êtes parmi ceux qui préfèrent la cause de l’humanité à
l’esprit de chapelle du chauvinisme. Vous représentez un exemple pour de
nombreux Juifs conscients. Bref, le Tikkun[121]
et vous, faites un travail extraordinaire.
II
Mais pour l’amour de Dieu, ne dilapidez pas ainsi
votre capital moral. Ne poussez pas les gens à douter de votre sincérité. Vos
ennemis vont vous faire passer pour un cheval de Troie introduit dans le camp
assiégé des chercheurs d’harmonie. Ils vont dire que vos discours contre la
cruauté israélienne n’étaient que tromperies tactiques, puisque à la première
occasion vous vous êtes rangé aux côtés d’Israël et que vous avez semé le
désarroi dans nos rangs.
Cette année, des hommes et des femmes remarquables
sont venus de leurs lointains pays jusqu’à Beit Jala, faubourg de Bethléem,
pour servir de boucliers humains contre d’éventuels bombardements israéliens.
Nous les félicitons d’avoir brandi si dignement l’étendard de l’humanisme et
d’avoir sauvé des vies. Ne vous transformez pas en bouclier humain pour
défendre le racisme d’Israël contre une résolution de l’ONU. Cela ne ferait que
vous couvrir d’un ridicule bien mérité.
Le temps viendra peut-être où il vous faudra
défendre le peuple d’Israël, où vous serez appelé à jouer le rôle de bouclier
humain contre de véritables armes de destruction. Mais ce n’est pas demain la
veille.
Notre aïeul et modèle, Abraham, a demandé grâce
pour Sodome lorsque Dieu a voulu la détruire. Mais si Abraham plaidait contre
la condamnation de Sodome par l’ONU, il est probable que Dieu ne le
consulterait plus, même à la veille de l’Apocalypse.
Prenons l’exemple de Joe Slovo, le grand
Sud-Africain d’origine juive. Il était l’ami de tous les Sud-Africains, et en
tant que membre de l’ANC (l’équivalent pour eux de l’OLP), il a pu œuvrer à la
réconciliation sur les ruines de l’apartheid. En aurait-il été capable s’il
s’était opposé aux condamnations de l’Afrique du Sud par l’ONU ? De fait,
il soutenait la résistance armée (‘les actes terroristes’) des opprimés contre
les oppresseurs. Tandis que vous vous êtes arrêté en chemin, sur les positions
du Parti Progressiste d’Afrique du Sud.
Considérons maintenant John Brown, votre héros
américain. Il a rejoint les Noirs, il s’est battu pour leur liberté (et celle
de tout le monde). Dans notre contexte, il prendrait une kalachnikov pour
défendre les barricades de Jénine et de Beit Jala, ou il lancerait un raid sur
Tel Aviv. Et justement, un Américain d’origine juive soutenait John Brown,
comme l’a relaté Lenni Brenner.
A cette échelle, nous ne sommes que des modérés
parmi les abolitionnistes de salon et les progressistes bêlants. Nous n’avons
toujours pas embrassé du fond du cœur l’idée d’un destin unique et commun pour
la population de Palestine, et en fait, pour la population de toute la planète.
Vous connaissez la formule juive, "Il agit
comme Zimri et veut la récompense de Pinchas". C’est un chutzpah[122]
d’agir comme un Confédéré libéral et d’exiger la récompense d’un John Brown.
III
La proposition qui condamne Israël pour sa
politique raciste est juste et modérée, tandis que votre raisonnement est trop
fallacieux pour permettre même qu’on en discute. Vous reprenez la vieille
propagande sioniste, et vous la camouflez à l’aide de termes plus modernes,
mais cela reste le même appel à l’unicité et l’exclusivité juives. Sur le plan
historique, votre raisonnement est inacceptable.
L’idée de ‘rectifier 1800 ans d’histoire’ est une bêtise.
Cela permettrait aux druides du Pays de Galles d’expulser des îles britanniques
la majorité des Anglais, pour des vacances éternelles dans les forêts de Saxe,
sur les dunes du Danemark et les plages de Normandie. Plus sûrement encore,
cela autoriserait les Amérindiens à réclamer et à s’octroyer votre belle
maison, avec sa vue splendide sur la baie de San Francisco. Laissez une
rectification de si grande envergure pour le jour où Il gravira Lui-même le
Mont des Oliviers.
L’idée que la souffrance des Juifs est par essence
unique au monde, n’est qu’une autre façon de réclamer, abusivement, le ‘titre’
de ‘peuple élu’. Tous les peuples de la Terre ont énormément souffert, et
nombreux sont ceux qui souffrent encore. Cela ne justifie rien.
Les Huguenots de France ont subi la nuit de la
saint Barthélémy, mais cela ne justifie pas l’apartheid qu’ils ont contribué à
installer en Afrique du Sud.
Les Allemands ont enduré les iniquités de
Versailles et de Dresde, mais cela ne justifie pas la politique d’extermination
des nazis.
Les Hutus du Rwanda et du Burundi ont souffert
sous le joug des Tutsi, mais cela ne justifie pas le génocide.
IV
L’humanité devrait s’occuper de façon prioritaire
d’Israël, du sionisme et du chauvinisme juif, sans craindre l’accusation d’avoir
deux poids, deux mesures. Ce n’est pas seulement en raison de la souffrance des
Palestiniens. C’est aussi parce que les Juifs ont une grande influence aux
Etats-Unis, en Europe et en Russie. Dans la société de ces pays, les
descendants des Juifs occupent des positions importantes, et leur opinion a
plus d’impact sur la marche du monde que l’opinion des Hutus ou des Khmers, par
exemple. Voilà la réalité. A mesure que le poison de l’exclusion et de la
séparation se répand dans les sphères du pouvoir, le monde est poussé sur les
voies de la globalisation, de la destruction de la nature, et du darwinisme
social ; vers l’ère sinistre des maîtres et des esclaves.
En tant que rabbin, votre place est en première
ligne dans cette guerre pour sauver l’âme des Juifs. Aidez-les à rejoindre le
Tikkun, cette rédemption mythique de l’âme, par un exorcisme complet de
l’esprit arrogant des ‘élus’. Souvenez-vous de ce vers démodé, Hosech shivto
sone bno, il n’y a pas de rédemption sans châtiment. La condamnation organisée
du racisme juif n’est qu’un doux châtiment, et il devrait être accepté
avec amour.
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Le rabbin
Michael Lerner a publié une lettre qui contient une tentative pour imputer la
culpabilité collective résultant d’un crime individuel à l’ensemble des
Palestiniens, et pour faire retomber sur les victimes le blâme pour le sang
versé. Le crime de Metzer, un crime révoltant commis par un individu dérangé,
est présenté par Michael Lerner comme un acte politique d’Arafat, de portée
nationale pour les Palestiniens. Encore mieux, il s’agirait d’un “acte de
terrorisme palestinien”. C’est un mensonge inacceptable. Si nous faisions
allusion au meurtre, hier, de deux nourrissons palestiniens à Khan Yunes en
termes de “meurtre juif d’enfants” ou même aux escroqueries de Mark Rich comme
d’une “fraude juive”, nul doute que le rabbin Lerner appellerait cela de
l’antisémitisme. C’est pourquoi il faut condamner sa lettre comme incitation à
la haine raciale.
Le criminel dérangé de Metzer a agi seul, et son acte a suscité l’horreur
autant chez les Juifs que chez les Palestiniens. Si un jour on le capture, il
sera certainement puni. De l’autre côté, les assassins des enfants palestiniens
de Khan Yunes sont en liberté ; ils sont protégés et l’Etat juif pardonne
leurs crimes. Quand une petite fille palestinienne a été assassinée par un
fanatique juif près de Naplouse, le témoin appelé par la défense, le rabbin
Yitzhak Ginzburg, a déclaré qu’un juif peut tuer un goy en toute impunité.
C’est son opinion qui a prévalu : pratiquement aucun des juifs qui ont tué
trois cents enfants innocents en Palestine n’a été traduit en justice. Himi
Shusha, l’enfant palestinien de Husan, a été assassiné par le colon Narum
Korman sous les yeux du village tout entier, mais le juge juif Ruth Orr a
envoyé Naun Korman l’assassin d’enfants faire six mois de travaux d’utilité
publique à la maison de retraite.
Les amis de la Palestine ne s’abaisseront pas au niveau de feue le Premier
ministre Golda Meir, qui s’écriait : “Je ne peux pas pardonner aux
Palestiniens de nous forcer à tuer leurs enfants”. Nous n’allons pas mentir
autant que le Premier ministre David Ben Gurion qui tenta d’imputer le massacre
de Deir Yassine à des éléments arabes incontrôlés” ; et le massacre de
Sharon à Qibya aux proches des “victimes de la terreur arabe”. Nous ne suivrons
pas Madeleine Albright qui considérait que le meurtre d’enfants iraquiens était
parfaitement valable. Non, nous invitons à envoyer à la Cour pénale internationale
tous les assassins juifs d’enfants palestiniens.
Le rabbin Lerner devrait tenir compte d’une lettre récente à Haaretz,
de la part de Mme. Miriam Reik, qui a écrit :
“Le meurtre d’enfants devient routinier. Israel est unique à bien des égards.
C’est le seul pays au monde où un enfant qui jette un caillou est considéré
comme ayant commis le crime le plus grave, de sorte qu’un soldat peut lui tirer
dessus en toute impunité, sans qu’on lui pose de questions. Haaretz a
rapporté la mort hier de Mohammed Ali Zeiz, 15 ans, par balle dans ces mêmes
conditions, sans commentaire. Nous avons tous entendu parler de douzaines
d’incidents semblables, qui ont amené Amnesty International à caractériser le
conflit en cours comme une situation où la vie des enfants est traitée avec “la
plus grande indifférence”, ce qui rejoint les cyniques protestations
d’innocence des Forces de défense israéliennes. Mais c’est aussi un triste
indice de la détérioration générale des normes en Israël, que Haaretz
puisse rapporter des incidents semblables, régulièrement, sans un commentaire
éditorial. Je suppose que tout peut se transformer en routine. Miriam M. Reik,
professeur.
Le rabbin Lerner écrit : “Il n’y a jamais d’équivalence entre l’acte
d’un meurtrier et d’un autre ». Il a tout à fait raison. Voilà pourquoi,
tandis que nous pleurons les morts de Khan Yunes et de Metzer, nous observons
la profonde différence entre un crime commis par un homme isolé et l’acte d’un
meurtrier d’enfant pardonné et commandité par l’Etat juif.
Partie 8
18 juillet 2002
Faut-il que la situation soit grave pour qu’une femme s’élance ainsi vers
la ligne de feu ? La nature fait qu’une femme ne s’expose pas de la sorte si
son pays et les siens ne sont pas en réel danger. Mais lorsqu’elle le fait,
elle donne aux hommes une grande leçon de courage viril.
C’est alors que la France était sur la voie de la disparition qu’une jeune
bergère du nom de Jeanne d’Arc se ceignit d’une lourde épée et prit la tête de
la fine fleur de la noblesse française pour prendre d’assaut les fortifications
d’Orléans. C’est alors que les villes de l’Espagne républicaine étaient
dévastées par les bombardements de la Luftwaffe nazie qu’une femme, Dolores
Ibarruri - La Pasionaria - lança ce cri à son peuple : “Plutôt mourir debout
que vivre à genoux !”. En 1990, alors que Mikhail Gorbachev conduisait son pays
au désastre et à la désintégration, un an àpeine avant que la richesse de la
Russie finisse dilapidée dans une orgie de privatisations, une seule personne
osa élever la voix contre le dictateur, au Parlement. C’était l’indomptable
Sashie Umalatov, députée des montagnes de la Tchétchénie.
Et voilà qu’est le venu le tour, pour les Etats-Unis, de sentir sur leur visage
le souffle vivifiant du vent de l’éternité. Il leur est venu d’une direction
inattendue. Le peuple américain pris en otage est tombé entre les mains de
quelques hommes aux poches débordantes de dollars et au cœur empli d’une
cupidité insatiable. Depuis des millénaires, jamais les disparités de revenus,
d’éducation et de moyens d’existence n’avaient été aussi criantes à l’intérieur
d’un même pays. La richesse de cette nation pourrait assurer à chaque Américain
une éducation superbe, des soins médicaux parfaits, une enfance heureuse, une
vieillesse sereine, un logement assuré et du temps libre permettant à tout un
chacun d’ouvrir son esprit à de nouvelles idées et à de vieux amis. L’Amérique
pourrait être en route sur la voie d’un Age d’Or de bonheur universellement partagé
et de sagesse.
Mais voilà : il se trouve une poignée d’hommes pour pressurer la nation
américaine afin d’ajouter encore un autre milliard de dollars à ce qu’ils ont
amassé dans leurs coffres. Ils ne reculeraient pas devant la destruction des
Etats-Unis pourvu qu’ils puissent satisfaire leur cupidité sans fond.
Adorateurs de Mammon, ils sont totalement exempts de compassion pour les gens
au milieu desquels ils vivent. Ils considèrent que les gens qui les entourent
n’appartiennent pas à leur “espèce”. Leur seule manière de faire preuve de
compassion, c’est d’envoyer du fric en Israël. Sur cinq dollars payés par le
contribuable américain, quatre finissent dans les coffres de l’Etat juif. Rien
ne semble pouvoir les arrêter : les hommes politiques ont peur d’eux, alors ils
lèvent la main servilement, puis signent l’engagement d’envoyer encore plus de
dollars aux généraux israéliens. Le soutien à Israël ne saurait passer pour une
politique étrangère. Ce dont il s’agit, c’est bel et bien d’un contrat avec les
mammonites, et ce genre de contrats, c’est avec du sang qu’on les signe. Du
sang palestinien. Mais une femme a refusé de signer le pacte. Une seule femme.
Cette femme, c’est Cynthia McKinney, sénatrice de Géorgie. Elle a osé dire non.
Quatre cent membres du Congrès, préférant l’avancement de leur propre
carrière à l’intérêt de leur pays, ont signé l’engagement américain vis-à-vis
d’Israël. Les ancêtres de Cynthia étaient des esclaves, dans sa Géorgie natale.
Mais elle n’en est pas moins l’une des rares personnes libres - on les compte
sur les doigts de la main - au Congrès américain. Comme nous, Israéliens,
aimions à le répéter au sujet de notre Golda Meir, dans cette assemblée, “elle
est le seul homme véritable”. Elle est une femme noire, mais elle est l’homme
le plus impeccablement blanc de tous ces gens-là, auraient dit les Américains
avant l’avènement de l’Ere du Politiquement Correct. Elle sait depuis fort
longtemps que les milliards de dollars d’aide alloués à Israël sont soustraits
aux plus pauvres d’entre les nécessiteux, aux Etats-Unis : les membres de sa
propre communauté, afro-américaine. Par son geste, elle a voulu affirmer la
souveraineté du peuple et du Congrès des Etats-Unis, face à une servilité
générale vis-à-vis du lobby juif.
Elle n’est pas seule. Une autre sénatrice afro-américaine, la magnifique
Barbara Lee, s’est trouvé seule pour voter contre la boucherie américaine en
Afghanistan ; John Conyers, Jessie Jackson Junior et Maxime Waters ont apporté
leur soutien à la cause palestinienne à de multiples occasions. Et puis encore
ce Ron Paul, du Texas, qui a voté contre la résolution unanime du parlement
d’envoyer des voeux obséquieux[123]
au général Sharon ! Nick Rahall, John Sununu, David Bonior, eux non plus, n’ont
pas plié.
Cynthia a simplement dénoncé un peu plus ouvertement le mal. Elle a déclaré
ceci : “Nombreux sont les membres du Congrès désireux d’être libres. J’en fais
partie. Je voulais être libre et voter en conscience, mais on m’a fait
comprendre que si je ne signais pas l’engagement de notre pays à soutenir la
supériorité militaire d’Israël, je ne pourrais plus (jamais) prétendre à aucun
budget. Alors, bien entendu, je n’ai pas signé l’engagement en question et,
comme de juste, je n’ai obtenu aucun budget. J’ai souffert en silence, année
après année, parce que je refusais de signer cet engagement. Puis, comme une
esclave qui aurait trouvé un moyen de racheter sa liberté... je me suis trouvé
un boulot. Je voulais être libre... Libre de voter au Congrès des Etats-Unis
comme je le jugeais bon. En conscience, et non comme on voulait me le dicter”[124].
Aujourd’hui, elle est candidate à la réélection, mais ses chances sont bien
minces, car les sbires du redoutable AIPAC, fer de lance de la communauté
juive, la tiennent dans leur collimateur. Ils ne veulent voir aucun
congressiste libre et indépendant sur la colline du Capitole. Ils utilisent
leur énorme puissance financière et leur réseau d’influence dans les médias et
les universités afin d’étouffer toute parole libre. Ils ont réussi à évincer
Earl Hilliard, un autre congressiste noir, qui ne s’était pas incliné devant
Sharon, et maintenant, ils veulent se payer Cynthia. S’ils y parviennent, la
cause de la liberté subira un terrible revers. Si c’est elle qui l’emporte, le
mythe de l’omnipotence juive sera atomisé, et l’Amérique se tournera vers des
jours meilleurs, tant il est vrai que le soutien ou le rejet de l’Israël
ségrégationniste en dit long sur le programme véritable d’un candidat aux
élections américaines.
Cynthia n’est pas “contre les juifs” : il y a de très braves gens d’origine
juive. Tandis que la communauté juive organisée mène une politique
prodigieusement infâme, il y a des gens sortis du rang, qui sont les “héritiers
du (véritable) Israël”. Rejetés par la communauté - qu’eux-mêmes rejettent -
ils sont partisans de l’intégration tant aux Etats-Unis qu’en Palestine.
Certains parmi eux ont manifesté leur soutien à la campagne de Cynthia ; c’est
d’ailleurs l’un de ces “outsiders” qui gère sa campagne. A travers eux
s’accomplit la promesse faite par Dieu à Abraham : “Vous serez bénis par tous
les peuples”.
Je ne suis pas certain, par contre, que le Rabbin Michael Lerner, le directeur
de Tikkun, un “mensuel juif progressiste” de Californie sera béni, quant
à lui. Ce rabbin a exprimé son soutien à Cynthia McKinney, mais en exigeant en
retour que l’on “appelle à ce qu’Israël se voie accorder soit l’admission au
sein de l’OTAN soit un pacte de défense mutuelle avec les Etats-Unis”... Un
“soutien” de ce genre, voilà qui annule tout le reste! Comme si le soutien
militaire et politique des Etats-Unis à l’état raciste juif ne suffisait pas,
Lerner veut l’inscrire dans la loi. Cynthia a dénoncé publiquement l’hégémonie
du lobby sioniste, elle a fustigé l’“Israël connexion”. Lerner, lui, propose de
parachever la réalisation des objectifs du lobby sioniste tout en prétendant
les combattre. Cette forme de ruse sophistiquée n’est pas rare chez les
crypto-sionistes, qui agissent à la manière d’agents d’infiltration à
l’extérieur de leur propre milieu, et Lerner a déjà rempli une mission
similaire pour le compte des sionistes durant la Conférence de Durban. La
prochaine fois, sans doute luttera-t-il contre l’héroïnomanie en exigeant que
l’héroïne soit en vente libre dans toutes les boutiques...
Cynthia et d’autres membres du Congrès devraient accepter ses offres de service
pour ce qu’elles valent, mais rejeter son exigence de pot-de-vin politique en
faveur des sionistes. La voix de Cynthia n’est pas une voix de discorde entre
Blancs et Noirs, ni entre démocrates et républicains, ni non plus entre gauche
et droite. Au nom du peuple américain, elle s’élève contre des menées
étrangères. Elle est cette femme du Congrès qui a osé évoquer les marins
américains du navire de guerre USS Liberty, massacrés par les mitrailleuses
lourdes et les missiles israéliens[125].
Elle a rappelé à son auditoire le geste héroïque de Farris Odeh, le valeureux
enfant palestinien qui avait fait face à un tank israélien, et qui a été
assassiné. Elle s’élève contre l’avidité des grands trusts. Elle défend la
nature, jugée indéfiniment expansible et exploitable par les Râpetout.
Cette femme au nom tiré des poèmes d’amour de Properce, le poète latin,
infiniment délicat, qui se qualifiait lui-même de “pâle chevalier esclave de sa
Cynthie courroucée”, incarne l’Amérique, elle est un pur produit de l’esprit de
l’Amérique. Ce grand pays refuse de mourir. Dans des moments comme ceux-là, la
terre réclame à ses fils et à ses filles de s’élancer vers la ligne de feu.
Cynthia a entendu l’appel. Le soutien à Cynthia est l’ultime preuve d’amour que
l’on puisse apporter à l’Amérique, et de confiance en l’avenir de ce grand pays
au sein de la famille des nations, en tant que nation égale et amicale, et non
en tant que sicaire de la religion de l’Avidité. Il est primordial de se
rassembler autour d’elle, comme les nobles de France s’étaient ralliés à Jeanne
d’Arc. Qui que vous soyez - descendant d’esclaves africains ou d’immigrés
musulmans, fils de la Confédération ou fille de la Révolution américaine, juif
amoureux de la liberté ou chrétien régénéré - le temps est venu de vous unir.
Autour de Cynthia. Pour l’Amérique.
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Le système du bipartisme, aux Etats-Unis, est mort. Il a perdu la confiance
des gens ; les électeurs sont de moins en moins nombreux à se diriger vers
les isoloirs - le choix offert étant toujours un mauvais choix. Le dernier glas
du système bipartisan a été sonné par la défaite de la congressiste Cynthia
McKinney, représentant la Géorgie aux primaires du parti démocrate.
Dans ces primaires du parti démocrate, on lui a dressé une embuscade, ses
ennemis ayant fait venir des milliers d’électeurs républicains afin qu’ils
votent contre Cynthia. Ces républicains avaient-ils été aveuglés, tel saint
Paul sur le chemin de Damas ? Alexander Cockburn, de la revue électronique
Counterpoint a une autre interprétation : “Des Niagaras d’argent
juif sont tombés en pluie sur les opposants à Cynthia McKinney, tandis que des
tombereaux de fumier étaient déversés sur sa tête, dans les quotidiens Washington Post et Atlanta
Constitution (dont les propriétaires et les rédacteurs en chef sont juifs)
”.
“Cynthia n’est pas la première victime afro-américaine du lobby
juif » : Earl Hilliard, le premier membre de couleur à avoir été élu
au Congrès en Alabama après la Reconstruction, a été battu par “ une avalanche
de fric provenant des organisations juives américaines à la limite de la
légalité”, écrit Cockburn, pour « en avoir appelé à un peu plus d’équité
au Moyen-Orient”.
La déduction de Cockburn est rejetée par Stephen Zunes[126],
lequel insiste pour dire que ce sont les forces favorables à la guerre qui ont
battu Cynthia.
“Des milliers de Républicains
conservateurs ont participé à la primaire démocrate dans le seul but de battre
l’une des avocates les plus énergiques des droits civiques, des travailleurs et
de l’environnement, au Congrès, et aussi un retentissant pourfendeur au sein de
cette assemblée à l’égard du président George W. Bush. Ces républicains ont été
particulièrement indignés par la critique de Cynthia McKinney contre la ‘guerre antiterroriste’ du Président Bush.
Les principaux donateurs de Majette comportent un nombre conséquent de grands
mécènes républicains et très peu de noms habituellement associés à
l’appartenance à la communauté juive”, a écrit Zunes dans un article justement
intitulé : “ Ne faites pas retomber la faute de la déroute de Cynthia
McKinney sur les Juifs”.
Le brillant Edward Herman[127]
rejette quant à lui la conclusion à laquelle Zunes est parvenu, en reliant la
défaite de Cynthia à celle de Hilliard, un autre Noir membre du Congrès, qui
avait osé se mesurer au lobby juif :
“Le point commun entre ces deux élections a été la haine [des
juifs] contre ces Noirs qui osent contrer leur politique. Les immixtions [du
lobby juif] dans les élections en Alabama et en Géorgie et son succès dans
l’élimination de Hilliard et de McKinney représentent incontestablement une
forme d’abus d’influence sur les électeurs noirs, par le recours à l’argent
plus qu’au moyen de manipulations illégales ou que par la coercition, et il
faut absolument s’y opposer, sans répit”.
Dans ce polar politique, nous sommes confrontés à l’embarras du choix entre
deux coupables potentiels : le lobby juif et le parti pro-guerre.
Examinons un peu les noms des protagonistes. Le débauchage a été organisé par
des gens tels John Podhoretz, David Horowitz, Jonah Goldberg, du National
Review Magazine de William F. Buckley. Ce sont les mêmes qui avaient
inspiré Newt Gingrich et l’ex-porte parole de l’Assemblée, bras droit de
Richard Perle du Conseil National Consultatif de la Défense (National Defense
Advisory Council) – alias la coterie de Wolfowitz. Gingrich, un Géorgien, s’est
chargé des basses œuvres. Ils s’en sont tirés sans être inquiétés grâce à la
connivence du parti démocrate. Le gouverneur Roy Barnes, un démocrate, était en
rapport étroit avec Gingrich.
Nous en étions réduits à la situation inconfortable d’un conducteur ivre,
qui voit absolument tout en double. Le lobby juif, c’est en tous points le
parti pro-guerre, gang très uni constitué de juifs suprématistes et de leurs
alliés néo-conservateurs non juifs. En 1990, Joe Sobran a établi la liste des
commentateurs qui prenaient constamment la défense d’Israël : Podhoretz,
Rosenthal, Dershowitz, Martin Peretz, George Will, Mortimer Zuckerman, Morton
Kondracke, Jeanne Kirkpatrick, Kenneth Adelman, Amos Permutter, Eric Breindal,
Cal Thomas, Max Lerner, Ben Wattenberg, Charles Krauthammer, William Safire,
Fred Barnes… Aujourd’hui, tous ces gens-là sont des chauds partisans du parti
pro-guerre.
Bill White[128]
a suivi l’évolution des ‘sympathiques’ membres de la liste de Sobran :
“Non seulement ces noms nous sont encore familiers aujourd’hui - ils sont au
pouvoir, après s’être faufilés dans l’administration Bush en se cachant
derrière le rideau. Aujourd’hui, l’Amérique ne se préoccupe plus de
l’infiltration israélienne dans le gouvernement. Non : aujourd’hui, le
gouvernement américain est carrément un comptoir colonial de l’Etat terroriste
sioniste. Norman Podhoretz, bien entendu, est encore le cochon impérialiste
fauteur de guerre de toujours. David Frum, aujourd’hui, écrit les discours dont
George le Second abuse pour nous entraîner dans la guerre. [C’est lui qui a eu
le coup de génie de l’Axe du mal]. Alan Dershowitz, aujourd’hui, c’est le type
qui est capable (pour reprendre les mots de la chaîne de télévision CBS) ‘de
déclarer à notre correspondant, Mike Wallace, que la torture est inévitable’”
[et qui fait la promotion du racisme].
Ainsi, tant les républicains que les démocrates apparaissent infiltrés.
C’est tellement vrai qu’avec Gore comme président, la guerre contre l’Irak
commencerait même plus tôt qu’avec Bush. La place des deux vieux partis
républicain et démocrate est désormais occupée par deux nouveaux partis :
le parti de la paix et le parti de la guerre.
Le parti de la paix veut maintenir l’Amérique à l’écart et à l’abri des
aventures extérieures, revitaliser l’économie, améliorer l’existence des
Américains ordinaires. Un porte-parole de la paix, l’écrivain Gore Vidal, a
exhorté à renforcer les valeurs républicaines et à rejeter les ambitions
impérialistes.
Le parti de la guerre, lui, veut transformer les Etats-Unis en machine de guerre d’intérêts étrangers, détruire l’Irak, s’emparer de l’Arabie saoudite, remodeler entièrement le Moyen-Orient et faire d’Israël le nouveau centre du monde. Le lobby juif est désormais la force agissante au sein du Parti de la guerre. Et nous sommes très loin d’une préoccupation sincère des juifs américains pour leurs coreligionnaires au Moyen-Orient.
Dieu sait s’il y a suffisamment de juifs, au parti de la paix, aussi. Noam
Chomsky, Howard Zinn et bien d’autres soutiennent la paix et rejettent la
Troisième Guerre mondiale. Mais la communauté juive organisée (“les Juifs”, par
opposition aux “juifs”) ont opté pour la guerre, dans l’espoir de faire de
l’Etat juif la force la plus puissante dans la politique mondiale. Ils ont
demandé à tout politicien de leur jurer fidélité, de leur promettre
d’obtempérer aux injonctions du lobby juif, non seulement en ce qui concerne la
question relativement marginale (pour des Américains) de la Palestine, mais
aussi la question, centrale, du pouvoir aux Etats-Unis. Cynthia a refusé.
Et, par conséquent, Cynthia est devenue une cible pour le parti de la
guerre/lobby juif, car elle était loyale, entêtée, décidée, honnête et affable.
Loyale, elle considérait sa loyauté envers ses électeurs, les gens simples de
Géorgie, comme un dû. Têtue, Cynthia n’aurait jamais professé un soutien
aveugle à Israël. Honnête, elle n’aurait jamais pris des sous dans les poches
de ses électeurs pour les envoyer à Tel-Aviv. Femme affable, elle n’aurait jamais
envoyé les jeunes hommes de Géorgie à la mort dans les vallées de l’Irak et les
déserts de l’Arabie, théâtre de la Troisième Guerre mondiale qui rôde. Pour une
Afro-Américaine, cela ne tient pas debout, de mettre en danger son pays dans
une guerre pour les beaux yeux d’un Etat dont le symbole se résume à une
barrière de fils de fer barbelés autour de son ghetto natal. Cela ne rime à
rien, non plus, pour d’autres candidats, à moins qu’ils n’aient vendu leur âme
au diable pour accéder au pouvoir, ou qu’ils soient simplement des vendus.
L’erreur de Cynthia a été de faire confiance aux Démocrates. Elle aurait
mieux fait d’être candidate indépendante. Les deux ‘vieux partis’ sont devenus
hors jeu, en ne s’appuyant plus que sur une force unique : le réseau médiatique
monocorde des soutiens à Israël. Il faut leur opposer une force novatrice,
pacifiste, rejetant l’impérialisme et basée sur une vision renouvelée. Grâce au
Ciel, les gens sont de plus en plus fatigués du système piégé du bipartisme. Il
est grand temps de changer les schèmes politiques, de former de nouvelles
alliances et de rejeter les rivalités et les haines dépassées : en tout premier
lieu, les conflits interethniques.
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Diviser pour régner
I
Cynthia McKinney, représentante de la Géorgie au Congrès, a été éliminée
par le lobby juif, parce qu’elle ne voulait pas promettre d’apporter un soutien
aveugle à l'Etat juif. Le soutien aveugle à Israël est un serment de fidélité
moderne, une promesse donnée par un politicien d'obéir aux instructions du
lobby juif, pas seulement à propos de la question marginale [pour les
Américains] de la Palestine, mais au sujet de la question centrale du pouvoir
aux Etats-Unis. Ce pouvoir ne pourrait pas être s’il n’avait quelques soutiens
dans la communauté noire.
Un haut responsable juif, Stephen Steinlight, directeur des affaires
nationales au Comité juif américain[129],
appelait franchement les juifs à maintenir “nos actuels privilèges, succès et
pouvoir politique” en sapant la maigre influence des Noirs, des Latinos et des
autres Non-Blancs, puisque ceux-ci “ne nourrissent pas de sentiment de
culpabilité et voient les Juifs seulement comme les plus privilégiés et les
plus puissants des Américains blancs”. Il proposait d'employer pour cela “la
puissance juive concentrée d'une manière disproportionnée à Hollywood, à la TV
et dans les nouvelles industries” afin de “diviser et de conquérir“ les diverses
communautés d'Américains.
Ce principe de “diviser pour régner” était au centre du long “rapport
privilégié” entre les Noirs et les Juifs. Celle-ci commença dans les années
1950 et 1960, quand les juifs américains étaient les plus importants et les plus
puissants amis des Noirs. Deux tiers des Freedom Riders, ces jeunes gens du
Nord, qui descendirent dans le Sud pour réveiller les Noirs, étaient des juifs[130].
Cela ressemble à un conte de fée, car, de nos jours, les politiques des
communautés juives sont tout sauf égalitaires. Mais, avant 1968, les activistes
juifs conseillèrent les Noirs du Sud dans leur combat pour leurs droits
civiques et troublèrent le calme des campus. Ils étaient soutenus par de
surprenants alliés : la crème de la communauté juive, les banquiers de New
York et les propriétaires des médias.
C'était une alliance inattendue, car dans le passé les Juifs avaient été
d'importants trafiquants d'esclaves. Aux Antilles, la traite des noirs avait
été entre les mains des juifs depuis le seizième siècle. Les Juifs des
Etats-Unis utilisaient leurs relations dans les Antilles et amenaient les
esclaves noirs dans les plantations du Sud. Un dirigeant juif important, Rabbi
Isaac Mayer Wise, s'opposa à Lincoln et lutta pour le droit “d'acheter et de
vendre des sauvages noirs”[131].
On a souvent dit que la tradition juive défend la dignité et l'égalité humaine,
mais Maïmonide, la plus grande autorité juive, rejetait l'humanité des Noirs et
approuvait l'esclavage[132].
Le soutien juif aux droits des Noirs peut être compris comme un mouvement
tactique opéré pour promouvoir les intérêts juifs en utilisant la colère et
l'énergie des Noirs. A cette période, les Juifs était encore un corps social
séparé, extérieur aux élites traditionnelles, c’était une “élite pari” selon
les termes de Lenni Brenner. Face à l'assaut des Noirs, mené par des activistes
juifs, les vieilles élites furent forcées d'ouvrir leurs portes aux juifs. Une
fois accomplie l'intégration de l'élite juive dans la nouvelle élite de
l'Amérique, l'activisme des Juifs cessa. La révolution de 1968 était trahie.
Les journaux juifs libéraux comme le New York Times commencèrent à prêcher un
nouveau programme : le mélange vivifiant du néo-libéralisme et de la suprématie
juive. Les activistes disparurent dans le monde des affaires et ouvrirent des
magasins d'ameublement, comme s'ils étaient satisfaits d'avoir établi la
“méritocratie”, la pierre fondatrice du Nouvel ordre mondial.
Les fantassins noirs de la révolution perdirent leurs partenaires, pire,
ils furent attaqués par leurs alliés d'hier. Martin Luther King fut assassiné
quand son mouvement pour l'égalité et l'intégration des Noirs alla trop loin;
aussi loin que les riches faubourgs juifs. Quand les Noirs commencèrent à
emménager dans les quartiers privilégiés du Nord, King fut tué et le mouvement
des droits civils fut ralenti. Les faubourgs restèrent Juifs; les Noirs
restèrent dans leur ghetto ; cela m'a été raconté par un important juif
américain qui participa aux événements.
Lenni Brenner date la volte-face juive de 1967, quand les enseignants et
les hommes de loi les plus connus de la communauté juive de New York
s’opposèrent à l’égalité scolaire et professionnelle[133].
“Ces nègres ne peuvent donc pas s’empêcher de fourrer leurs sales pattes de
cueilleurs de coton dans notre fromage”, c’est lui qui l’a dit.
Un étranger à la communauté pourrait s’imaginer que nous, juifs, nous
sommes des professionnels du double-jeu; que nous prêchions les droits des
Noirs mais que nous planifiions juste de les utiliser pour promouvoir notre
propre programme. Je ne suis pas un étranger à la communauté et une telle
duplicité relèverait de la fiction romanesque. Les jeunes juifs activistes de
l'Amérique d'avant 1968 étaient des gens sincères, mais leur réussite fut en
partie due au soutien de leurs parents, des établissements bancaires juifs et
de l'élite des médias. Quand l'élite changea son fusil d’épaule, les
révolutionnaires furent perdus, comme des soldats abandonnés par leurs
commandants à l’intérieur des lignes ennemies. Ce fut un drame pour beaucoup
d'entre eux. Une petite fraction des forces progressives juives survécut au
changement, mais elle ne fut plus renforcée par des jeunes membres de la
communauté. Après 1968, les nouveaux juifs jeunes et dynamiques furent envoyés
par leurs parents en Israël, jusque là un lieu éloigné de peu d'importance.
On a souvent dit que la grande et impressionnante victoire des forces
israéliennes dans la guerre des Six Jours de 1967 est à l’origine de ce retour
au sionisme. Mais cette affirmation (formulée par Norman Finkelstein et
d'autres) ne résiste pas à un examen critique. En 1956, Israël avait déjà
remporté une victoire qui n’était pas moins spectaculaire, mais les juifs
américains ne s'y étaient pas intéressés. En 1968, il se retournèrent vers
Israël pour une raison très différente : le sionisme était promu comme une
cause de substitution pour les jeunes juifs activistes afin de les éloigner de
la cause révolutionnaire.
La trahison de la cause de l'égalité par l'élite juive a été une étape
mesure rationnelle. Une Révolution est semblable à un mariage : les gens s'y
engagent pour différentes raisons. Chaque fois que les élites traditionnelles
sont vaincues, les élites montantes vivent un grand moment. La trahison
(Thermidor, selon les termes de la Révolution française) est une réponse
bourgeoise normale à une révolution réussie qui va trop loin. L'élite juive
n'avait rien à faire des Noirs, de l'égalité ou du “Flower Power”, mais
elle s’en était servi pour saper la structure traditionnelle de la société.
Incidemment, ce tournant à 180° fit dérailler le vieil antisémitisme qui avait de fortes racines de droite. Les antisémites considéraient d'habitude les juifs comme des crypto-communistes, mais, après 1970, ce fut ahurissant. L’extrême gauche comprenait beaucoup de juifs avant 1968 et elle ne comprenait pas pourquoi la communauté juive, jusqu’alors amicale, la poussait dans le vide. Maintenant seulement, avec le remplacement des générations, les lamentations ont été remplacées par la colère.
“Le sort de la population juive américaine changea, passant de débuts
modestes à la position actuelle qui combine richesse, pouvoir et influence”, a
écrit Anton Baumgartner[134], qui demande : “Quand s’est produit le virage
décisif ? Quand et comment la bourgeoisie juive est-elle parvenue à pénétrer
dans l'establishment en grande partie antisémite et spécialement, dans son
saint des saints, dans la capitale de la haute finance : Wall Street ?
Quel rôle y a joué le mouvement des droits civiques des années 1960, dont le New
York Times était le porte-parole, qui fit la promotion non seulement des
droits des Noirs mais aussi de ceux des banquiers juifs (‘l’ironie de
l'histoire’) ? ”
La volte-face devint bientôt évidente, les Juifs dénonçant la “discrimination positive”, diffamant les activistes noirs indépendants et subornant les autres. En 1978, le Conseiller national pour la sécurité, Zbigniew Brzezinsky, rédigeait un memo secret confidentiel, le NSC-46, appelant à combattre le mouvement noir aux Etats-Unis puisque les Afro-américains s'opposaient à la suprématie juive. Cet appel fut entendu et les gangs armés de la communauté juive, la Ligue de défense juive cibla, assassina et piégea les dirigeants noirs. C’est ce que McKinney expliquait à ses partisans... Le FBI était de connivence avec la JDL, comme il l’est encore, car, alors que ce gang terroriste se comporte partout en hors la loi, il opère librement aux Etats-Unis et en Israël.
Andy Young, le diplomate noir le plus prometteur, fut limogé et sa carrière
définitivement interrompue quand il osa montrer de l'indépendance d'esprit. Son
sort fut partagé par la suite par de nombreux autres jusqu'à Cynthia, puisque
les anges gardiens juifs maintenaient les Noirs sous leur contrôle. Il n’est
pas surprenant que les Afro-américains aient perdu leurs positions, tandis que
celles des juifs américains, leurs anciens alliés, se consolidaient
régulièrement.
L'année dernière, j’ai visité Atlanta, la ville natale de Cynthia. C'est
une mégalopolis moderne sans âme, composée de tours de bureaux et de l'habituelle
banlieue étendue dont les quartiers sont plutôt ethniquement homogènes. Aucun
esprit de Scarlet O'Hara ou de son compagnon noir ne hantait les lieux. J'étais
l'invité de l'université Emory, supposée être la meilleure de l'Etat. Je venais
pour prêcher l'idée de l'intégration des Juifs et des Palestiniens dans la
Terre sainte. Les organisations d'étudiants juifs n'étaient pas d'accord pour
l'intégration et appelaient au boycott. Elles offrirent de régler tous les
frais, il fallait juste annuler la conférence et étouffer mon message.
Finalement, la conférence eut lieu, mais mes frais de voyage ne m’ont toujours
pas été payés par Emory.
A Atlanta, je vis le vrai bénéficiaire de la grande lutte pour la
libération des Noirs. Après le “bussing”[135]
et les bagarres avec le KKK, après de nombreuses pertes pour les Noirs, les
étudiants juifs constituent quarante pour cent de l'effectif d'Emory, alors que
les Noirs, qui sont majoritaires dans la population d'Atlanta n’y sont que les
10 % que prévoient les statuts de l’Université. Les étudiants juifs ne vont pas
à l'Université en sortant des “écoles intégrées” que leurs pères et oncles
avaient exigé : ils vont dans de superbes écoles privées où l’on met en pratique la ségrégation raciale.
Les Noirs ne font pas concurrence aux Juifs dans les universités, loin de
là, il sont plutôt les locataires préférés des prisons gérées par le privé et à
but lucratif. Tandis que le pourcentage des étudiants juifs a augmenté dans les
universités, “le nombre des Noirs en prison a été multiplié par cinq”, rapporte
le New York Times[136]
et il y a “plus de Noirs derrière les barreaux qu'il y en a d'inscrits dans
l’enseignement supérieur ”. Il y a vingt ans, il y avait cent cinquante mille
prisonniers noirs et un demi million d'étudiants noirs. Maintenant huit cent
mille noirs sont en prison et seulement six cent mille sont inscrits dans les
grandes écoles et les universités.
Les Noirs commencent à comprendre qu'ils sont bafoués. The Black
Commentator[137]
résume ainsi le sentiment de nombreux Afro-américains :
“La défaite électorale de la Représentante
Cynthia McKinney signe la fin de tout ‘rapport privilégié’ entre les
Afro-américains et le courant principal de la communauté juive américaine. La
rupture finale a couvé pendant longtemps. Les attaques sans relâche menées
contre la discrimination positive en faveur des minorités, menées par la
tendance dominante de la communauté juive commencèrent, dans les années
soixante-dix, à mettre à mal les relations entre les Noirs et les Juifs. Mais
quand la relation est vraiment rompue, les deux parties le savent.
Les organisations du courant dominant de
la communauté juive américaine sont tombées sous l'influence de racistes de
droite à la fois en Israël et aux Etats-Unis. Elles ont agi de concert avec la
droite chrétienne dure pour saper la cohésion politique et l’indépendance
noire. Elles facilitent les carrières de certains Noirs pour contrecarrer les
aspirations authentiques du peuple. Leur conduite est celle d'un ennemi. Ces
organisations agissent avec une arrogance cruelle et gratuite. Elles se vantent
et paradent, et savourent leur puissance en intervenant dans la politique de la
communauté noire. Elles ont menti, sali et conspiré pour imposer leurs propres
candidats au peuple noir. Le quasi silence de la gauche juive sur tout cela est
épouvantable. Pour nous, cela signifie soit de la couardise, soit la
capitulation devant les racistes de la communauté”.
Cette réflexion est partiellement erronée, le “rapport privilégié” entre
les Noirs et les Juifs était mort[138]
depuis longtemps, mais l’annonce de ce décès avait été prématurée. Et voilà que
maintenant, la direction de la communauté juive, dans un changement brusque de
politique, a décidé de soutenir le racisme.
Les Afro-américains devraient penser à de nouveaux modes d'action
politique, se chercher de nouveaux alliés et prouver leur capacité à agir
indépendamment. La débâcle de Cynthia montre que deux partis officiels établis n'offrent
pas de solution. Ils prennent les Noirs comme faisant partie du décor.
Heureusement, les peuples sont de plus en plus fatigués du système piégé des
deux partis. Il est temps de changer les modèles, de former de nouvelles
alliances et de rejeter les vieilles rivalités et les vieilles haines. Le
peuple du Sud, les Noirs, les Blancs, les Indiens d'Amérique, les immigrés,
doivent vivre ensemble et décider du futur du Sud. Une bonne part des conflits
inter-communautaires est importée de New York dans le but de “diviser pour
règner”. Les groupes les plus extrêmes, du KKK aux Black Panthers, ont des
relations dans les mêmes cercles.
Il y a quelques jours, le New York Times[139]
faisait une campagne de promotion inhabituelle pour le pasteur raciste Matt
Hale, “le plus effrayant marchand de haine en Amérique”. Francis Boyle, homme
de loi bien connu et ami de la Palestine, répondit à ce compte rendu : “Hale
n'était rien de plus qu'un bigot et un raciste de troisième ordre du centre de
l'Illinois, jusqu'à ce que Dershowitz vienne et donne délibérément à Hale des
dizaines de millions de dollars de publicité gratuite dans les nouveaux médias
afin de promouvoir sa violente haine raciale contre les Noirs, les Juifs, les Asiatiques
et maintenant les Latinos et les Indiens d'Amérique. L’ADL soutient elle aussi
Hale”.
Le peuple du Sud devrait comprendre qui attise les divisions du passé et
qui les rejette. L'approche conflictuelle ne mène nulle part et il est bon que
l’on soit prêt à passer de la désunion à la coopération. L'héritage de
l'esclavage ne doit pas conduire à une confrontation éternelle. Les paysans
russes furent libérés de leur servage en 1861, presque en même temps que le
furent les Noirs. Cependant, maintenant, un descendant de serf russe ne ressent
aucune animosité vis-à-vis d’un descendant d'un propriétaire russe et vice
versa.
Les médias du parti de la guerre et les centres de fabrication de
l'opinion, en démonisant activement tous les secteurs de la population du Sud,
constituent un obstacle à la coexistence pacifique. Ils présentent les Blancs
comme des suprématistes, des racistes, des individus enclins au lynchage. Ils
présentent les Noirs comme des criminels, des paresseux, des fainéants. Ils
présentent les immigrés comme des partisans fanatiques d'Oussama Ben Laden.
Cependant à Atlanta, les gens du pays qui chérissent l'héritage des Etats
Confédérés avaient compris leurs vrais intérêts et ils soutenaient activement
Cynthia.
La mémoire des Etats Confédérés ne doit pas
diviser ; elle pourrait être au contraire unificatrice, car il y eut aussi
beaucoup de Noirs et d'Amérindiens dans l'armée vaincue. Tout le monde sait que
les soi-disant Blancs et Noirs du Sud sont souvent frères ou cousins. Cette
division pourrait devenir aussi hors de propos que la division entre Yaman et
Kais parmi les Arabes. La guerre civile a ruinée le Sud pour de nombreuses
années; elle n'a pas apporté le bonheur ni aux Noirs, ni aux Blancs du pays.
Son souvenir maintient le Sud divisé, tandis que le pouvoir a échappé au
peuple. Cependant, les habitants du Sud de toutes teintes de peau peuvent vivre
ensemble dans le respect mutuel et arracher l'aiguillon du “Diviser pour
régner”.
-------------
Cette solution, suggérée en 425 avant Jésus-Christ, est toujours
d’actualité. J’ai signé un traité de paix séparée avec tous mes voisins au
Moyen-Orient. En ce qui me concerne, les enfants de Syrie peuvent venir nager
dans le Lac de Tibériade et les enfants palestiniens sont les bienvenus dans
les parcs d’attractions de Tel Aviv ; pendant que moi-même j’irai siroter
un arak libanais au café Bardaouni de Ramallah. Les réfugiés à Gaza peuvent
revenir sur les champs qu’ils possédaient avant 1948 et négocier directement
avec les quelques juifs polonais âgés qui ont ‘privatisé’ leurs terres.
Ne me mêlez pas à vos histoires. En Israël, il n’y a plus aucune terre qui
appartienne à tout le monde. Chaque mètre carré de terrain, chaque goutte
d’eau, ont été soigneusement privatisés. Bien. Maintenant, laissez donc les heureux
nouveaux propriétaires payer pour absolument tout ce dont ils ont besoin, y
compris les nouveaux systèmes de défense, les dépenses militaires, les
fortifications et autres bricoles tellement nécessaires. Lorsqu’ils verront la
note, ils opteront peut-être pour une nouvelle chaise longue confortable et une
paix séparée…
[En Israël], le démantèlement à grande échelle de la propriété collective
et le bradage des restes de socialisme doivent être menés à leur terme. Il est
grand temps d’introduire plus de néolibéralisme pointilleux dans notre vie
quotidienne. Tandis qu’un nombre croissant d’Israéliens au chômage prennent la
mauvaise habitude de voler de la nourriture dans les hôpitaux publics, l’Armée
continue à obtenir tout ce qu’elle demande, sur un claquement de doigts. Le
socialisme un peu brouillon doit prendre fin. Si les généraux veulent un
nouveau supersonique, qu’ils se cotisent et qu’ils aillent s’en payer un, sur
le marché libre, sans subventions gouvernementales. Sharon peut échanger ses
moutons contre les joujoux dernier cri et sophistiqués de Douglas McDonnell. Si
ses moutons ne suffisent pas, puis-je lui donner ce sage conseil de feue ma
grand-mère : “si tu n’as pas d’argent … n’achète pas d’armes, un point,
c’est tout !”
Le même conseil irait très bien aussi à nos amis et alliés américains. Ils
ont fait le calcul : la guerre en Irak leur coûtera 800 milliards de
dollars. A mon avis, avant que le peuple américain ne découvre que cette guerre
va leur coûter au moins le double en paiement différé de Richard Perle et
autres agents d’influence sionistes fauteurs de guerre, ils feraient mieux de
ne pas trop s’activer. Et d’ailleurs, je leur conseillerais aussi de ne plus
accepter les chèques !
Un autre conseil, plus judicieux encore : concluez une paix séparée,
et si Sharon vous convoque, répondez-lui ce que, personnellement, je lui
réponds :
“Général, si vraiment vous voulez la guerre, faites-la tout seul. Et ne
nous convoquez pas. C’est nous, qui vous convoquerons, lorsque nous aurons
besoin de vous ! ”
Une blague juive raconte l’histoire d’un petit garçon qui n’avait jamais
dit un mot malgré tous les efforts des médecins. Un jour, alors qu’il avait
atteint l’âge tendre de dix ans, il laissa tomber sa cuiller en
s’écriant : “ La soupe est trop salée ! ”. Ses parents abasourdis lui
demandèrent pourquoi il s’était tu pendant tant d’années, et l’enfant
répondit : “Jusqu’à maintenant, il n’y avait rien à redire”.
Voilà l’histoire de l’apparition subite d’Israël Shamir dans les médias de
langue anglaise. Cet intellectuel de pointe, russo-israélien, écrivain,
traducteur et journaliste, était bien connu de ses lecteurs russes,
principalement par ses livres Le pin et l’olivier, et Voyages à
travers le Japon, ainsi que par ses traductions de James Joyce, Homère et
Agnon en russe, sa langue natale. Il n’écrivait pas en anglais, jusqu’en
janvier 2001, lorsque les attaques israéliennes contre les Palestiniens
l’obligèrent à laisser de côté la littérature pour se tourner vers la politique.
Ses articles ont commencé à paraître sur internet, ont été repris sur plusieurs
sites et imprimés par de nombreux journaux et magazines, le tout en plusieurs
langues. Par son usage du web, Shamir a prouvé qu’une parole libératrice peut
venir à bout de toute censure.
Originaire de Novossibirsk, en Sibérie, il est le petit-fils d’un
professeur de mathématiques et descend d’un rabbin de Tibériade en
Palestine ; il a fait des études de mathématiques et de droit à la prestigieuse école de l’Académie
des Sciences et à l’université de
Novossibirsk. En 1969, il choisit de s’installer en Israël et sert dans les
troupes de parachutistes, prenant part aux combats de la guerre de 1973. Après
son service militaire, il reprend ses études de droit à l’Université Hébraïque
de Jérusalem, mais renonce au
barreau au profit du journalisme et de
l’écriture. Il fait ses premières armes à Israel Radio, puis travaille comme
journaliste indépendant. Il est amené à couvrir le Viet-nam, le Laos et le
Cambodge dans la dernière étape de la guerre dans le Sud-Est asiatique. En
1975, Shamir rejoint la BBC et déménage à Londres. En 1977-79 il écrit pour le
quotidien israélien Maariv et des journaux japonais. Lors d’un séjour à
Tokyo, il avait rédigé Voyages avec mon fils, son premier livre, et
traduit un certain nombre de classiques japonais.
De retour en Israël en 1980, Shamir écrit pour les quotidiens israéliens Haaretz
et Al Hamishmar, et il est le porte-parole du Parti socialiste israélien
(Mapam). Il a traduit les ouvrages de SY Agnon, le seul écrivain israélien qui
ait eu un Prix Nobel, de l’hébreu vers le russe. Sa traduction a été publiée et
rééditée plusieurs fois tant en Israël qu’en Russie. Il a également traduit des
morceaux choisis de l’Ulysse de Joyce, qui ont été bien accueillis par
les éditeurs de Moscou, de Tel Aviv, de New York et d’Austin (Texas). Sa
traduction de Les guerres arabo-israéliennes par le Président Herzog,
est parue à Londres. Son ouvrage le plus populaire Le pin et l’olivier,
une histoire de la Palestine/Israël, est parue en 1988. La couverture est
illustrée par Nabil Anani, peintre de Ramallah.
Quand éclate la première Intifada,
Shamir avait quitté Israël pour la Russie, et c’est là-bas qu’il couvre les
événements des turbulentes années 1991-1993. Depuis Moscou, il envoyait des
reportages à Haaretz, mais il en fut radié après avoir fait paraître un
article où il se montrait favorable au retour des réfugiés palestiniens et où
il appelait à la reconstruction de leurs villages en ruines. Il a écrit en
outre pour divers journaux et revues littéraires, tant en Israël qu’en Russie,
dont le quotidien Pravda et l’hebdomadaire Zavtra. Il a également
présenté une nouvelle traduction de l’Odyssée à Saint-Pétersbourg, en
2000. Son projet suivant était de traduire le manuscrit médiéval du Talmud
hébraïque en russe.
En réponse au déclenchement de la deuxième Intifada palestinienne, Shamir a
cessé son activité littéraire pour se remettre au journalisme. Tandis que la
discussion s’éternise autour de la ‘solution des deux États’ Shamir est aux
côtés d’Edward Saïd pour défendre l’unification de Palestine et Israël autour
du mot d’ordre ‘Un citoyen, un vote, un État’. Ses essais les plus récents
circulent largement sur internet et sont actuellement repris sur de nombreux
sites très visités. A chaque nouvel article, Shamir s’avère le champion d’un
type de journalisme qui reflète à la fois les aspirations des Israéliens et des
Palestiniens.
Il a cinquante ans, il habite à Jaffa, et il est le père de deux garçons.
Ce livre a été écrit grâce aux efforts de bien des gens. Je dois beaucoup à
Noam Chomsky et à Norman Finkelstein, à Michael Neumann et à Edward Hermann, à
Marc Ellis et à Edward Saïd pour leur soutien, leurs conseils et leurs
encouragements. Albert Lindemann, Kevin McDonald, William Dalrymple, et les
regrettés Leon Gumilev et Vadim Kozhinov m’ont fourni la perspective historique
décisive. Mes chers amis et combattants Hans Olav Brendberg et Knut Bergem de
Norvège, Miguel Martinez, Suzanne Scheidt et Roberto Gianmarco d’Italie, Paul
Badde d’Allemagne, Marcel Charbonnier, Maria Poumier, Xavier Lavaud, Brigitte
Faoder, Christian Chantegrel, Sophie Cretaux et Tristan Mordrel en France,
Istvan Lovas en Hongrie, Anton Baumgarten en Russie, Bob Green, Miriam Reik,
Eugenie Trone, John Williams, Rina Anabtawi, Ahmad Amr, Jennifer Loewenstein
aux Etats-Unis, ont été des interlocuteurs précieux, qui ont traduit mes
articles et corrigé mes bêtises à l’occasion. Les universitaires israéliens
Paul Wexler et Israel Yosef Yuval m’ont fourni l’exemple brillant de l’audace
intellectuelle. Je remercie le père Atallah Hanna de l’Eglise orthodoxe et le
père Raed de l’Eglise catholique pour leur camaraderie. Le manuscrit a été mis
en forme par Sophie Johnson en Australie, à qui je dois toute ma
reconnaissance. Il y a beaucoup de gens que je voudrais remercier mais dans le
climat politique actuel leurs noms doivent rester au secret dans ma mémoire.
Les idées qui sous-tendent ce livre sont nées de discussions avec Alice
Shamir, mon amie, ma compagne et ma lumière spirituelle. Mon fils Jonathan a
mis certaines de ces idées en action en venant défendre l’église de la
Nativité. La raison qui m’a fait écrire ce livre, ce sont mes amis palestiniens
et israéliens, gens de la ville et paysans. Ma source ultime d’inspiration aura
été la terre unique de Palestine et ses saints protecteurs.
Israel Adam Shamir
[1] voir mon article "Doute et Certitude".
[2] publié par Harpers Magazine, octobre 2001. http://www.harpers.org/online/gaza_diary/?pg=3D1
[3] Ha'Aretz, 27.01.2002.
[4] Guardian, 06.03.2002.
[5] Voir le site du Department for Jewish Zionist Education. Il écrit : Nombreux sont les juifs, particulièrement les plus croyants, en Israël même et parmi leurs appuis à l’étranger, qui continuent à adhérer à l’éthique traditionnelle juive que d’autres juifs voudraient ignorer ou rejeter. Ainsi le rabbin Yitzhak Guinzburg du Tombeau de Joseph à Naplouse/Schechem a répondu, lorsque certains de ses élèves furent soupçonnés du meurtre d’une fillette arabe : « le sang juif n’est pas le même que celui d’un goy ». Et le rabbin Ido Elba : « Selon la Thora, nous sommes dans une situation de pikuah nefesh (une vie à sauver) en temps de guerre, et dans une situation de ce genre on a le droit de tuer n’importe quel gentil ». Enfin le rabbin Yisrael Ariel a écrit en 1982 que « Beyrouth fait partie du territoire d’Israël… nos dirigeants auraient dû pénétrer au Liban sans hésitation, et les tuer tous, un par un. Il n’en serait pas même resté le souvenir. » Les étudiants de la yeshiva chantent habituellement « Mort aux Arabes », sur CNN.Les pratiques de vol et de corruption de la part de dirigeants religieux, récemment révélées lors de procès en Israël et ailleurs posent à nouveau la question du rapport entre le judaïsme et l’éthique.
[6] 8 août 2001.
[8] 27 janvier 2002
[9] L’holocauste revu et corrigé, 12 mars 2002
[10] Editeur : Harper Collins Publishers, 1997. ISBN 0 00 6547745 - http://www.fireandwater.com
[11] Elle est aussi l’épouse et la ‘maîtresse à penser’ de Conrad Black, le magnat de la presse qui encense Pinochet (ndt).
[12] 14 décembre 1993.
[13] Gittim, 56b-57a.
[14] Journaliste au quotidien britannique The Independent (ndt).
[15] BAR, 1996, v 22 No 2.
[16] ‘La vengeance fut plus forte que l’avarice des Juifs’, in ‘‘Modern Historians and the Persian Conquest of Jerusalem in 614’’, Jewish Social Studies volume 4, n°2, Indiana University.
[17] 22 avril 2001.
[18] Here and there in the Land of Israel.
[19] 21 novembre 2000.
[20] Haaretz, 28 avril 2001.
[21] Washington Post, 20 avril 2001.
[22] premier jour de l'invasion allemande en Union Soviétique (ndt)
[23] "Libère mon peuple", hymne biblique des esclaves noirs américains luttant pour la liberté encore à cette époque d'apartheid (ndt).
[24] Zionist Organization of America.
[26] Lundi 11 mars 2002.
[27] « le travail rendra les Gentils libres ». Allusion à la fameuse phrase d'Hitler : « Arbeit Macht Frei » inscrite au dessus de la porte du camp de transit de Terezin, par exemple (ndt).
[28] "Jérusalem est dans mon cœur", New York Times, 25 janvier 2001.
[29] Tess d'Uberville est un roman désespéré où l’héroïne rêve d’appartenir à la famille noble de son village.
[30] Ce fut la guerre de Crimée, 1854-1855 (ndt).
[31] « Grand oiseau coureur de l’île Maurice, incapable de voler, exterminé par l’homme au XVIIIème siècle » (Le Petit Robert).
[32] Israeli Internal Security Service.
[33] 15 décembre 2000.
[35] American Israel Public Affairs Committee. Lobby pro-israélien aux USA (ndt).
[36] 22 janvier 2001.
[37] 16 mars 2001.
[38] Dans le patois israélien, on appelle les suprématistes juifs la “droite”, tandis que les modérés nationaux sont dits de “gauche”, quoique cette répartition n’ait aucun rapport avec leur statut social.
[40] mot yiddish signifiant sale, impure. Souvent employé en référence aux non-juives, jugées hostilesn(ndt).
[41] European Jewry, Oxford, 1985.
[43] Mary Dejevsky, Washington ; 18 juin 2001.
[44]Traduction française : La Fabrique, Paris, 2001. l’auteur distingue « l’holocauste », l’événement historique, et « l’Holocauste », la construction idéologique.
[45] Platon est mon ami, mais la vérité est une plus grande amie(ndt).
[46] La fabrique de l’opinion publique, Paris, Le Serpent à plumes, 2003(ndt).
[47] Arthur Koestler, La Treizième Tribu(ndt).
[48] Léon Gumilev, La Russie et la Grande Steppe (en russe, ndt).
[49] Jeu de mots sur ‘oil’, qui en anglais signifie aussi bien huile que pétrole (ndt).
[50] Palestine Papers, Seeds of Conflict, compiled and annotated by Doreen Ingrams, éd. John Murray, Londres, 1972, p. 77.
[51] éd. Henry Holt, New York, 2001; p. 36.
[52] P. 33.
[53] Esau’s Tears, publié par Cambridge University Press.
[54] P. 302.
[55] P. 417.
[56] PRO.CAB. 27/24, cité par Palestine Papers.
[57] C20/3 , cité par Palestine Papers.
[58] [Revue du monde juif] : "Debating War Against Iraq", par Jonah Goldberg, in Jewish World Review,17 juillet 2002 - http://www.jewishworldreview.com/cols/jonah.html
[59] 7 avril 2002.
[60] poussée vers l'est des armées allemandes (ndt).
[61] Two Nations in your Womb, Tel Aviv, 2000, Alma/Am Oved, ISBN 965-13-1428-1.
[62] CNN, 9 novembre 2001.
[63] 9 décembre 2001.
[64] Rich Lowry, directeur de la National Review, à Howard Kurtz (Washington Post, 9 janvier 2001).
[65] Voir http://www.johnsack.com .
[66] 2 juillet 2001.
[67] Voir “La troisième colombe”
[68] Dans la Bible (Exode 18) il est fait référence à la nouvelle génération de juifs qui n’avaient pas entendu parler de Joseph et Pharaon, c’est à dire des raisonnements de leurs ancêtres (ndt).
[69] “The Israeli-Arab War”, New Left Review, 23 juin 1967.
[70] http://www.chicagotribune.com/news/opinion/perspective/chi-0204070422apr07.s
[71] 7 avril 2002.
[72] Variante orthographique de Landoi ou Landau.
[73] Entretien avec l’auteur.
[74] New York Observer, 22 janvier 2001.
[75] 16 juin 2001.
[76] “Blaming America”, SundayTimes, édition irlandaise.
[77] The Guardian, 15 septembre 2001.
[78] http://www.arutzsheva.org
[79] Cité par David Pidcock.
[80] "A Horseless
Rider, The Protocols of The Elders of Sion & Imported Bigotry", par
Qais S. Saleh, CounterPunch, 13 septembre 2002.
http://www.counterpunch.com/saleh1112.html
plus de détail sur : http://abcnews.go.com/sections/world/DailyNews/egypt021121_TV.html
[81] http://books.guardian.co.uk/review/story/0,12084,775668,00.html
[82] Cide Hamete Benengeli, pour reprendre l’orthographe de Cervantès.
[83] Nom de plume de François Rabelais.
[84] texte ‘osé’ d’Apulée (ndt).
[85] Alexander Solzhenitsyn, Evrei v SSSR i v budushei Rossii, 2001 (en russe).
[86] Belzébuth (ndt).
[87] Ce sont les beatnicks chevelus qui parcouraient les Etats-Unis sur leurs Harley-Davidson, (ndt).
[88] Réglementation d’exception mise en vigueur aux Etats-Unis à la suite des attentats du 11 septembre 2001 (ndt).
[89] Pluto Press, 1999.
[90] A qui profite le crime (ndt).
[91] dans une interview publiée dans New York World, 17 février 1921.
[92] Données fournies par Kevin McDonald, de l’Université de Californie.
[93] Seumas Milne, « L'accusation d'antisémitisme
est utilisée pour défendre la répression. La fin de l'occupation israélienne
bénéficierait aux juifs et aux musulmans en Europe », The Guardian,
9 mai 2002 :
Depuis la Révolution
française, les destins du peuple juif et de la gauche ont été étroitement liés.
L'appel de la gauche à une justice sociale et aux droits universels créèrent un
lien naturel avec un peuple longtemps persécuté et exclu par l'établissement
chrétien européen.
Depuis l'époque de Marx,
les juifs jouaient un rôle central dans toutes les nuances de la gauche. Ils
étaient fortement représentés parmi les dirigeants de la Révolution russe –
d'où la dénonciation par Hitler du communisme comme « une conspiration
judéo-bolchevique » – et dans la résistance clandestine aux nazis conduite
par la gauche. Ce fut l'Armée rouge qui libéra le camp de la mort d'Auschwitz.
En Angleterre, ce fut la gauche qui défendit le East End juif de Londres des
fascistes en 1930. Dans le monde arabe, les juifs jouèrent un rôle crucial dans
la construction des partis politiques de gauche. Et malgré la modification de
la composition sociale de nombreuses communautés juives, les juifs restent
actifs d'une manière disproportionnée dans les mouvements politiques progressistes – y compris dans
les groupes de solidarité pro-palestiniens - partout dans le monde.
Mais maintenant la gauche
se trouve accusée d'antisémitisme à cause de son opposition à l'occupation
militaire israélienne et à la dépossession continuelle des Palestiniens. Comme
l'Intifada palestinienne et la répression israélienne font rage, les
commentateurs de droite et les chefs religieux ont affirmé que la gauche est
coupable de « préjugés anti-juifs », de duplicité envers Israël et
même de singer les textes antisémites du Moyen-Age par ses dénonciations des
massacres israéliens. Le rabbin en chef de l'Angleterre, Jonathan Sacks, a
élargi l'attaque aux médias et a assimilé toute interrogation sur la légitimité
d'Israël à « la remise en question du droit du peuple juif à exister d'une
manière collective ». Aux Etats-Unis, la dénonciation des positions de la
gauche vis-à-vis d’Israël a été étendue pour inclure tout le courant dominant
du système politique européen.
Il n’y a pas de doute
qu'il y a eu une croissance de l'anti-sémitisme en Europe, particulièrement
depuis l'effondrement du communisme européen, il y a plus d'une décennie. Cette
tendance s'est accélérée depuis le démarrage de la seconde Intifada et
l'élection d'Ariel Sharon comme Premier ministre d'Israël. En Angleterre, les
attaques physiques ont augmenté d'une manière significative – même si elles
restent bien moindres que les attaques contre les Noirs, les Asiatiques et les
Musulmans - et récemment une synagogue londonienne a été profanée. Avec
l'extrême droite en progression sur tout le continent, il n’est pas surprenant
qu'une communauté à peine séparée par deux générations du génocide le plus
dévastateur de l'humanité se sente assiégée – une perception qui est rehaussée
par les atrocités commises contre des civils en Israël, telle que l'attaque
suicide à Rishon Letzion.
Il n’y a pas de doute que
certains éléments de la gauche ont conclu de la richesse et de la position de
la communauté juive britannique que le cancer social de l'antisémitisme est
moins dangereux que d'autres formes de racisme. Les cimetières d’Europe sont
pourtant un rappel permanent qu'il n'en est rien. La gauche n’est certainement
pas immunisée vis-à-vis des courants racistes ayant cours dans la société ; et
elle a besoin de mettre au clair la frontière séparant l’anti-sionisme et
l’antisémitisme, cela en prenant en compte les sensibilités juives dans la
manière dont elle fait campagne pour la justice au Moyen-Orient.
Mais rien de cela ne
justifie en rien l’accusation selon laquelle le soutien de la gauche ou des
libéraux aux droits des Palestiniens serait lié, je ne sais comment, au racisme
anti-juif renaissant ; c’est une insulte absurde qui est elle-même
employée comme une justification de la guerre brutale que mène Israël dans les
territoires occupés. De toute évidence, c’est l'extrême droite, la
traditionnelle source du poison antisémite, qui a été la seule responsable des
attaques sur des objectifs musulmans et juifs en Europe. Il n’y a pas de doute
que la violence de la frange islamiste fasse peser aussi une menace. Mais, pas
même dans la plus sauvage rodomontade des partisans d'Israël, il n’a jamais été
suggéré qu'un groupe quelconque de la gauche pourrait avoir eu quelque chose à
voir avec, disons, les violences contre les pratiquants de la synagogue du Parc
de Finsbury. Ce n’est pas non plus des articles hostiles dans la presse qui
alimentent la critique d'Israël, mais ce qui se passe actuellement sur le
terrain à Bethléem, à Naplouse et à Ramallah.
La réalité est que,
contrairement aux affirmations des partisans d'Israël, son existence comme Etat
n'est nullement en danger. De même, il n’“est pas seul” comme certain
l’affirment, puisque sa sécurité est garantie par l'Etat le plus puissant au
monde.
Il y a, cependant, une
menace présente et réelle pour les Palestiniens, leurs droits nationaux et même
pour leur présence dans ce qui leur est laissé de la Palestine. Les preuves de
sérieuses violations de la convention de Genève - des crimes de guerre -
commises sur la rive occidentale du Jourdain ont été recueillies par les
organisations des droits de l'homme dans les dernières semaines. Mais Israël a
pu faire, avec impunité, obstruction à l'équipe d'enquêteurs chargée de Jénine
par le Conseil de sécurité des Nations Unies. Refuser de reconnaître ces faits
bruts est déjà une preuve d’un racisme anti-arabe et d'islamophobie, deux
attitudes que l’on rencontre plus fréquemment dans les rues d'Europe que
l'antisémitisme, et qui sont plus acceptables dans notre société policée. Pour
la gauche, ignorer une telle oppression serait une trahison. Souvenons-nous des
mots du chef Zapatiste Marcos : « Je suis un Juif en Allemagne, un
Palestinien en Israël ».
La semaine dernière, Dick
Amey, le dirigeant républicain à la Chambre des représentants aux Etats-Unis et
un allié clef de Bush, demandait à Israël d'annexer les territoires occupés et
d’expulser les habitants palestiniens. En d'autres termes, il proposait un
nettoyage ethnique de la population arabe. Cette remarque souleva peu de
commentaires, mais arrivant à un moment où 40 % de la population israélienne,
ainsi que des ministres du cabinet, soutiennent ouvertement un tel
« transfert », cela ne peut être pris que comme un encouragement par
les éléments les plus extrêmes de l'establishment israélien. Le nettoyage
ethnique n'est pas naturellement quelque chose de nouveau pour Israël, dont les
forces organisèrent par deux fois déjà des expulsions à grande échelle de
Palestiniens, en 1948 et en 1967 –comme le relatent les dossiers et les
mémoires des dirigeants israéliens de l'époque– pour s’assurer une majorité
juive dans les territoires sous son contrôle. Mais les réfugiés issus de ce
processus restent au cœur du conflit. C'est la tragédie du projet sioniste que
l'autodétermination juive ne puisse être réalisée qu'aux dépens d'un autre
peuple.
Un accord sur deux Etats est maintenant la seule façon d'assurer la paix dans le futur prévisible. Mais pour qu'un tel accord tienne, il devra y avoir un revirement vis-à-vis de ce nettoyage ethnique historique. Ceux qui insistent sur le fait qu'il ne peut y avoir d'interrogation sur la légitimité de l'Etat dans sa forme actuelle –avec des lois discriminatoires donnant un “droit au retour” pour les juifs de n'importe où dans le monde, tandis qu’on le refuse aux Palestiniens expulsés par la force– ne prennent pas position contre le racisme, mais font plutôt le contraire. Ils ne rendent pas non plus service à Israël. Les derniers attentats suicides ont démontré la faillite de la stratégie de Sharon pour démanteler l'infrastructure de la terreur. Ce qui est indispensable c’est plutôt une stratégie de démantèlement de l’infrastructure de l’occupation. Non seulement cela ouvre le chemin vers la paix au Moyen-Orient, mais cela pourrait aussi créer les conditions en Europe pour les musulmans et les juifs de réaliser leurs intérêts communs. (s.milne@guardian.co.uk)
[94] Deutsch-Franzosische Jahrbucher, 1844.
[95] Chomsky, Profit Over People, Seven Stories Press, 1999, page 8.
[96] Article, en italien : Corriere della Sera, du samedi 29 septembre 2001.
[97] Odyssée, IV.
[98] Douze ans, selon certaines interprétations.
[100] http://zavtra.ru/cgi//veil//data/zavtra/02/464/21.html
[101] Houston Chronicle, http://www.chron.com/cs/CDA/story.hts/editorial/outlook/1351792
[102] Haaretz, 20 novembre 1998, Musaf, p. 36.
[103] Sourate 2, 275-280.
[104] Citation communiquée par David Pidcock.
[105] "Un briefing dépeint les Saoudiens comme des ennemis. Un ultimatum soumis en urgence au quartier général du Pentagone" [ Briefing depicting Saudis as Enemies, Ultimatum Urged To Pentagon Board], par Thomas E. Ricks, Washington Post, mardi 6 août 2002.
[106] "Le point de vue
qui a fait trembler le Pentagone. Le larouchiste transfuge qui conseille
l’establishment de la défense américaine au sujet de l’Arabie saoudite"
[The PowerPoint That Rocked the Pentagon, The LaRouchie defector who’s advising
the defense establishment on Saudi Arabia], par Jack Shafer.
Voir aussi : « S’en prendre aux Saoudiens » « Les gros intérêts pétroliers se joignent aux ‘neocons’ et à un ‘transfuge’ de LaRouche » [Going After the Saudis. Big Oil Joins up With the Neocons A. S. and LaRouche ‘defector’], par Justin Raimondo, 9 août 2002 http://www.antiwar.com/justin/justincol.html
[107] « Débats autour de la guerre contre l’Irak » [Debating War Against Iraq], par Jonah Goldberg, in Jewish World Review, 17 juillet 2002 http://www.jewishworldreview.com/cols/jonah.html
[108] 7 avril 2002.
[109] « Des arguments anti-saoudiens, entendus vendredi 9 août 2002 » [Anti-Saudi arguments get heard Friday, Aug 9, 2002], par Barbara Slavin, USA Today, publié par le haut dirigeant juif Mort Zuckerman.
[110] Les tribus Qaïnuqa’, Khuraïza et Khaïbar, dans l’Arabie préislamique (i.e. antérieurement à 627 avant J.C.)
[111] ADL (Anti Defamation League), ndt.
[113] In Memoirs of a jewish extremist, 1995.
[114] "De vieilles haines, alimentées par la peur" par Naomi Klein in The Globe and Mail du mercredi 24 avril 2002.
[115] « Le roi est nu » (ndt).
[118] « The Other Side of Deception : A Rogue Agent Exposes the Mossad’s Secret Agenda », 1995.
[119] le porte-parole de la Maison Blanche (ndt).
[120] À la Conférence mondiale contre le racisme de Durban Du 31 août au 7 septembre 2001 (ndt).
[121] Bimensuel dirigé par le rabbin Lerner (ndt).
[122] Mot yiddish à connotations complexes : arrogance, insulte, humour (ndt).
[123] de joyeux anniversaire (ndt) !
[124] discours au ADC Chapter, San Francisco, 22 mai 2001.
[125] L’USS Liberty, un navire de guerre américain qui croisait au large de la côte moyen-orientale de la Méditerranée, aurait pu déceler les préparatifs ultra-secrets d’attaque israélienne en 1967. “Pour plus de sûreté” (on ne sait jamais...), l’état-major israélien décida le 8 juin, de faire bombarder ce bâtiment d’une flotte pourtant amie, après l’avoir fait survoler pendant plusieurs heures par son aviation. Ce bombardement fit 34 morts et 171 blessés parmi les marins américains (réduisant le bateau à l’état d’épave criblée de trous d’obus, treuillée jusqu’au port de La Valette (île de Malte). Le gouvernement israélien, en dépit des heures de survol et de l’intention délibérée, voulut faire croire à l’“erreur technique” (il invoqua une méprise, prétendant viser un bateau égyptien, lequel s’avéra être un rafiot qui transportait... des chevaux !) Quant au gouvernement américain, face à ce “Tsahal boulot”, il “passa l’éponge”, fidèle à lui-même... (voir : http://ussliberty.org) (ndt).
[126] “Don’t Blame the Jews for Cynthia McKinney’s Defeat”, 26 août 2002.
[127] “A Reply to Stephen Zune’s on the Jews and Cynthia Mckinney’s Defeat, 27 août 2002, sur CommonDreams.org.
[128] “The Purge of Joe Sobran and the Axis of Evil: How Letting the Neo-Cons Gain Control Has Brought the Nation to the Brink of War” (Comment le fait de laisser les néo-conservateurs étendre leur contrôle a amené la nation au bord de la guerre), sur hhtp://www.overthrow.com .
[130] Arthur Liebman, Jews and th Left, cité par Lenni Brener dans Jews in America Today, p. 227.
[131] Hertzberg, Jews in America.
[132] Vous ne trouverez pas ces paroles de Maïmonide dans la traduction anglaise, elles ont été supprimées par les éditeurs juifs américains, mais elles sont toujours présentes dans la version en hébreu. Cité par Israël Shahak dans 3000 Years of Jewish Religion.
[133] The Jews in America, Saki books, London.
[134] Left.ru Magazine.
[135] Des mesures de “carte scolaire” pour favoirser la mixité sociale amenèrent la plupart des écoliers à emprunter des transports collectifs qui les sortaient de leurs quartiers ségrégationnistes.
[136] New York Times, 28 août 2002, “Study finds Big Increase in Black Men as Inmates Since 1980 » byr Fox Butterfield.
[138] Jonathan Kaufmann, Broken Alliance: the Turbulent Times between Blacks ans Jews in America, Charles Scribner’s Sons, 1988.
[139] 30 août 2002, article de Nicholas D. Kristof.