Des « diffamations sanglantes » à vous glacer le sang 
[Une histoire pour l’été]
par Israel Shamir, 20.07.2003



La canicule met à rude epreuve ceux qui ne beneficient pas d’air
conditionne. Lorsque le thermometre s’affole, atteignant des quarante degres
et plus (ou des valeurs a trois chiffres, pour les adeptes de la graduation
Fahrenheit), l’humanite marque le pas et elle s’enquiert de trouver son
salut en se refugiant dans des lieux ombrages et – si possible – frais. Des
parents quittent les villes, emmenant leurs enfants a la plage. Des couples
bon chic bon genre s’acheminent vers les montagnes. Mais la recette la plus
sophistiquee pour se defendre contre l’inconfort cause par la sueur qui vous
fait coller les vetements a la peau, ce sont les Japonais, toujours tres
inventifs, qui l’ont decouverte. Par les nuits d’ete les plus caniculaires,
ils forment des petits groupes, et ils se racontent des histoires d’horreur
a faire dresser les cheveux sur la tete, ce qui leur envoie d’agreables
frissons le long de la colonne vertebrale et leur donne la chair de poule,
bien qu’ils aient souvent une peau d’ivoire. En juillet, tous les cinemas de
Tokyo passent les grands classiques de l’horreur, depuis Kwaidan et sa
flopee de fantomes jusqu’a Godzilla exercant sa terrible vengeance sur New
York. Apres des films pareils, les Japonais sont (un peu) plus armes pour
affronter bravement la chaleur suffocante…
 
 

Cet ete, l’exemple japonais a fait un emule en la personne de David
Aaronovitch, dans l’hebdomadaire britannique Observer. Afin de glacer
(charitablement) le sang de ses lecteurs anglais, il a eu recours a la «
Diffamation Sanglante », cette histoire recurrente de juifs enlevant des
enfants chretiens, les tuant et « utilisant leur sang pour des rituels
esoteriques ». « L’Angleterre, aux douzieme et treizieme siecles, a connu
une flambee de ces fantasmagories, et de nombreux juifs ont perdu la vie a
cause d’elles », a-t-il notamment ecrit, feignant ensuite de s’interroger :
« Alors, dites-moi ce qu’une diffamation sanglante peut bien fabriquer dans
un editorial du venerable quotidien egyptien a grand tirage Al-Ahram, ou
encore dans un livre ecrit par le ministre syrien de la Defense, ainsi que
dans des sermons radiodiffuses depuis certaines mosquees de Palestine ? »
Apres quoi, Aaronovitch nous explique que « la diffamation sanglante en
question est celle de l’affaire des disparitions de Damas, en 1840, dans
laquelle plusieurs juifs (dont un certain David Harari) ont « avoue » aux
autorites ottomanes – bien entendu, sous la torture – avoir kidnappe un
pretre et en avoir utilise le sang pour leur rituel. »
 
 

Le pretre assassine a Damas etait loin d’un enfant, mais il en faudrait plus
pour arreter Aaronovitch. Il ne sait absolument rien de cette affaire, mais
cela n’a pas l’air de l’arreter non plus. C’est simple : IL  SAIT – Un juif
ne peut qu’etre innocent.
 
 

Aaronovitch n’est pas seul dans son cas. Jackie Yakubowsky, en Suede, et une
plethore de ses clones, de New York a Moscou, rappellent a leurs lecteurs
les infamies de Damas. Si vous effectuez une recherche sur Internet, vous
trouverez cette expression de « diffamation sanglante », utilisee d’
abondance des lors qu’un ecrivain juif est irrite par une accusation portee
contre un juif. Qu’il s’agisse d’un Marc Rich soustrayant au fisc des
milliards d’impots, d’un George Soros mettant la Malaisie sur la paille, d’
un Ariel Sharon accuse de massacre de masse devant un tribunal belge ou
encore de Muhammad al-Durra, tire comme un lapin sous les yeux de millions
de telespectateurs, nous avons affaire, a chaque fois, a un cas de «
Diffamation Sanglante ». Aujourd’hui, il n’est plus necessaire qu’il y ait
des enfants et du sang. Des que les juifs n’aiment pas un truc, c’est de l’
« antisemitisme ». Cela, on le sait. Mais si une accusation vraiment genante
est formulee, la meilleure defense consiste a lever vos yeux vers le ciel et
a vous exclamer : « Mais, c’est de la Diffamation Sanglante ! » Exercice :
Devant la glace, essayez d’imiter la mimique de Shimon Peres apres la
condamnation mondiale du massacre de Jenine.
 
 

«Diffamation Sanglante ! », voila le cri de guerre juif, a l’instar du «
Montjoie Saint-Denis ! » des Croises francais et du « St George for merry
England ! » des chevaliers anglais. Des qu’il est profere, les juifs sont
mobilises, prets a l’action, tandis que les Gentils, horrifies par l’
accusation, restent meduses.
 
 

Le tribut des enfants palestiniens tues par Tsahal ayant atteint plusieurs
centaines et ayant commence a attirer l’attention des organisations
internationales, l’epouvantail de la Diffamation Sanglante, ultime defense
des assassins, fut promptement ressorti du hangar. Cela a aide, meme si le
chef du Shabak, les services secrets israeliens, n’a pu s’empecher de se
demander, au cours d’une interview televisee diffusee a une heure de grande
ecoute, pourquoi autant d’enfants etaient assassines sans raison par les
soldats israeliens ?
 
 

Cette expression terrifiante peut aussi etre utilisee contre des juifs
desobeissants, notez bien. Apres qu’Edward Herman, auteur de Manifacturing
Consent [1] (La fabrique du consensus), ait ecrit ceci : « Le puissant lobby
pro-israelien aux Etats-Unis promeut les interets d’Israel en favorisant l’
accroissement des aides et de la protection americaine a ce pays, ainsi,
actuellement, qu’en faisant pression en faveur d’une guerre contre l’Irak,
qui servira a son tour les interets israeliens. Ce lobby n’a pas seulement
contribue a controler le debat mediatique et a transformer le Congres
americain en territoire occupe par Israel, il a veille a ce que de nombreux
officiels a la loyaute duplice occupent des postes strategiques dans l’
administration Bush… », un realisateur de cinema americain, juif, David
Rubinson m’a ecrit, qualifiant ces propos d’Herman de « summum de la
Diffamation Sanglante ». Mes allusions personnelles aux enfants palestiniens
assassines ont ete qualifiees de « Diffamation Sanglante » par le Jerusalem
Post, un quotidien d’extreme droite publie par Conrad Black.
 
 

L’utilisation frequente et tendancieuse de cette categorisation horrifiante
(a cote d’ « antisemitisme » et de « protocoles des Sages de Sion ») a
entraine une certaine depreciation de sa valeur faciale, mais elle n’en est
pas moins encore fort importante. Vous ne pouvez jamais, au grand jamais,
considerer qu’il puisse y avoir un fond de verite dans la Diffamation
Sanglante, cette accusation de meurtres rituels d’enfants. A moins que ? Une
Diffamation Sanglante a ete diffusee, recemment, par l’Observer, ce meme
hebdomadaire qui avait publie les propos d’Aaronovitch, et pourtant, rien ne
s’est passe. Voici l’extrait :
 
 

‘Torso boy’ was sacrificed

by Martin Bright and Paul Harris

A boy whose mutilated torso was discovered floating in the Thames in London
was brought to Britain as a slave and sacrificed in an African ‘religious’
ritual intended to bring good luck to his killers.

Genetic tests on the boy – found last September with his head and limbs
removed and wearing orange shorts – point to West African origin.

Further analysis of stomach contents and bone chemistry show the child, aged
between four and seven, whom police have named Adam, could not have been
brought up in London. Detectives are now working on the theory that he was
bought as a slave in West Africa and smuggled to Britain solely to be
killed.

Experts of African religion consulted by police believe Adam may have been
sacrificed to one of 400 “Orisha” or ancestor gods of the Yoruba people,
Nigeria’s second largest ethnic group. Oshun, a Yoruba river goddess, is
associated with orange, the colour of the shorts that were put on Adam’s
body 24 hours after he was killed in a bizarre addition to the ritual.

>From analysis of his clothing police believe Adam may have arrived in London
from Germany. His fate shocked the West African community in Britain. The
vice-chairman of the African Caribbean Development association, Temi
Olusanya, said: “This crime cannot be tolerated in African religions. Murder
is murder”. The Observer.
 
 
 
 

Alors, je vous ai fait peur, pas vrai ? Eh bien, non : pas tout suite, l’
extrait… Maintenant, la, voila. Vous avez repris votre souffle ? Vous etes
detendu ? Bon… Dans le passage en question, ce sont les Noirs, qui
commettent des meurtres rituels, pas les juifs ! A-t-on entendu une
quelconque protestation ? Dans le roman Farewell, My Lovely [Adieu, mon
amour], de Raymond Chandler, un paparazzo entre sur le theatre d’un crime,
litteralement couvert de sang. Apprenant de la bouche d’un policier que la
boucherie a ete perpetree par des habitants de Harlem, s’exclame : « Ah ca,
ca saute aux yeux ! » avant de s’eloigner en voiture. Pour quelque raison
obscure, on ne qualifie pas une accusation de meurtre rituel impute a des
Noirs de « Diffamation Sanglante », de meme qu’un genocide perpetre contre
des Noirs ou des Armeniens ne saurait etre qualifie d’ « Holocauste ».
 
 

« Si les Palestiniens etaient des Noirs, Israel serait un Etat paria,
assujetti a des sanctions economiques imposees par les Etats-Unis », a ecrit
The Observer dans un editorial apres l’eclatement de la deuxieme Intifada.
Oh que non ! Si les Palestiniens etaient des Noirs (quelques-uns d’entre
eux, au demeurant, en sont), l’esclavage serait retabli aux Etats-Unis et la
maxime du grand sage juif Maimonide [2] « Les Noirs ne sont pas des etres
humains » serait inscrite en lettres d’or sur les dollars americains. Et il
est de fait qu’en cent soixante ans d’existence le Liberia, cet  « Israel »
afro-americain, a recu des Etats-Unis moins d’aide que le « Liberia » juif,
Israel, en percoit en un mois.
 
 

Pourquoi l’accusation de meurtre rituel portee contre des Noirs est-elle
prise autant a la legere, tandis qu’une accusation formulee a l’encontre d’
un juif cree des vagues dans les consciences ? Pouvons-nous considerer une
accusation formulee contre des juifs de la meme maniere sereine, detachee et
pragmatique dont The Observer et Scotland Yard ont considere une accusation
de meme nature portee contre des Noirs ? Si ce n’est pas le cas, alors :
notre anti-racisme autoproclame ne vaut pas un clou !
 
 

La Diffamation Sanglante, les juifs n’ont rien contre, a l’occasion. Les
parents palestiniens sont constamment accuses par des scribouillards juifs
de sacrifier rituellement leurs propres enfants en les exposant a la furie
« (o combien) justifiable » des soldats israeliens. Dans un article intitule
Child Sacrifice, Palestinian Style [Sacrifice d’enfant, a la mode
palestinienne], un certain Reuven Koret remarque, dans Capitalism Magazine
du 13 novembre 2002 : [3] : « Les Palestiniens sacrifient desormais leurs
propres fils et filles pour des raisons politiques, comme en un rituel
sacre. » Le Jerusalem Post a decrit [4] « des parents et des dirigeants
palestiniens (qui) envoient, fiers d’eux, des enfants mourir dans des
attaques contre Israel et ont recours, tout aussi bien, a des attentats
ciblant des enfants israeliens », tandis que la particulierement maligne
Cynthia Ozick a ose ecrire : « Mais l’invention societale palestinienne la
plus ingenieusement barbare, laissant loin derriere toute autre innovation
imaginative, consiste a recruter des enfants palestiniens qu’on envoie se
faire exploser dans le but de detruire le plus grand nombre possible de
juifs dans les endroits accessibles les plus bondes possible. » Pour quelque
raison inconnue, pratiquement aucun lecteur juif [5] n’a ecrit a ces
publications afin de protester contre la « diffamation sanglante » qu’ils
formulaient, ni contre « la mise en cause globale de l’ensemble d’une
communaute, stigmatisee de maniere ignoble afin de diffuser la haine et d’
attiser l’animosite raciale jusqu’a la porter au degre du meurtre et du
massacre », pour reprendre les termes de la protestation formulee par David
Rubinson contre les articles de Herman, et les miens. Apparemment, on peut
accuser une communaute entiere, des lors que cette communaute n’est pas
juive. La diffamation sanglante ne pose aucun probleme, des lors que les
juifs sont les accusateurs, et non les accuses.
 
 

Neanmoins, voyez-vous, c’est la croyance dans les meurtres rituels juifs (et
non pas palestiniens) qui s’est repandue historiquement et qui persiste
aujourd’hui. L’ancienne Jewish Encyclopaedia (Vol. III, p. 266) enumere les
cas suivants, en commencant par William de Norwich : cinq au douzieme siecle
; quinze au treizieme ; dix au quatorzieme ; seize au quinzieme ; treize au
seizieme ; huit au dix-septieme ; quinze au dix-huitieme et trente-neuf au
dix-neuvieme siecle. Le comput s’arrete en 1900. Total : cent treize
meurtres rituels. Il y a eu encore plus de cas au vingtieme siecle [6].
Quelle est la raison de cette croyance ? Y aurait-il eu une conspiration d’
ampleur mondiale – persistant au cours des siecles – de surcroit, visant a
impliquer des juifs innocents dans des crimes haineux, ou y a-t-il
reellement un crime derriere ces accusations ?
 
 
 
 

II
 
 

L’intrepide Professeur Israel Yuval, de l’Universite Hebraique de Jerusalem,
s’est attaque a cette question, dans un ouvrage fondateur [7], disponible en
hebreu. Sa traduction anglaise aurait du paraitre il y a quelques annees aux
Presses de l’Universite de Californie, mais, pour un certain nombre de
raisons, elle n’est pas encore disponible. C’est certainement pure
coincidence, si certains universitaires juifs americains ont formule des
objections contre la publication de ce livre et ont appele a ce qu’il soit
« efface de la conscience publique »…

Yuval a decouvert qu’il y a eu des cas irrefutables d’assassinat d’enfant
derriere ces Diffamations Sanglantes. Durant la Premiere Croisade, des gens
impatients ont tente de baptiser par la force des juifs de la vallee du Rhin
afin de sauver leur ame du culte satanique de la haine, car c’est ainsi qu’
ils consideraient le judaisme. Leur refus d’etre baptises fut considere
comme un attachement borne a Satan : pour des gens pre-modernes, notre
indifference religieuse actuelle etait totalement inacceptable. Ils voyaient
un lien direct entre la foi et le comportement, et ils ressentaient la
necessite d’une foi partagee, afin d’unifier la communion des croyants. Un
juif residant en permanence dans un pays chretien creait une situation
compliquee : il etait libere du devoir de l’amour fraternel et pouvait se
comporter de maniere antisociale (ce qu’il faisait frequemment) en
pratiquant, par exemple, l’usure et la sorcellerie. Les chretiens etaient
particulierement outres par la coutume tres respectee par les juifs de
maudire les Gentils. Chaque jour, les juifs demandaient a Dieu de tuer, de
detruire, d’humilier, d’exterminer, d’affamer, de diffamer, d’empaler… les
chretiens, de faire tomber sur eux sa Divine Vengeance et de couvrir le
manteau de Dieu du sang des goyim. Le livre d’Israel Yuval offre au lecteur
une riche selection de maledictions a vous glacer le sang [A lire par temps
de canicule… ndt].
 
 

Les Croises n’etaient pas racistes. Ils ne pensaient pas que les juifs
fussent irremissiblement mauvais, mais ils rejetaient l’ideologie de la
haine et de la vengeance que les maledictions juives exprimaient. Ils
avaient egalement peur de ces maledictions, au moins autant que les juifs.
(Dans l’Israel moderne, maudire quelqu’un est considere comme un delit
passible de prison). En realite, pour les juifs comme pour les chretiens de
l’epoque, les maledictions n’etaient pas de simples propos offensants
imbeciles. Les maledictions etaient des armes – puissantes. Les Croises
donnaient le choix aux juifs entre l’expulsion et la conversion ; c’etait la
l’equivalent archaique de notre traitement psychologique moderne destine aux
adeptes des sectes totalitaires. A l’epoque, on baptisait de force les
Slaves et les Scandinaves, par exemple, et il etait evident pour tout le
monde que les juifs vivant en terre chretienne devaient etre baptises, eux
aussi.
 
 

Toutefois, les juifs ne prenaient pas a la legere la tentative de les faire
passer dans le Nouvel Israel. Lorsque le « danger » du bapteme devenait
imminent, beaucoup d’entre eux assassinaient leurs propres enfants et se
suicidaient. Ceci est amplement atteste : les chroniqueurs juifs et
chretiens de cette epoque decrivent longuement ces evenements, les juifs
glorifiant ce comportement a la mode de [la ferme de] Waco, les chretiens le
condamnant. Assassinaient-ils les enfants afin de les sauver des griffes du
Christ-demon ? Eh bien, pas exactement. Cela aurait deja ete, en soi,
suffisamment affreux, mais la realite etait pire. Le crime etait perpetre a
la maniere d’un abattage rituel, suivi de libations du sang de la victime.
En effet, les juifs ashkenazes croyaient fermement que le sang juif repandu
avait la vertu magique d’appeler la Vengeance Divine sur la tete des
Gentils. D’autres utilisaient le sang de la victime en expiation. A Mayence
(Mainz), Yitzhak ben David, le chef de la communaute juive, amena ses jeunes
enfants a la synagogue, les egorgea, puis il repandit leur sang sur l’Arche,
en proclamant : « Que ce sang d’agneau innocent soit en expiation de mes
peches. » Cela s’est passe deux jours apres des heurts avec les chretiens,
aucun danger n’etant plus a redouter.
 
 

L’image de juifs tuant des enfants pour des motifs cultuels eut un impact
enorme sur les peuples chretiens d’Europe. Ce comportement n’etait en rien
comparable au martyre chretien. Alors que les martyrs chretiens permettaient
que d’autres les tuassent au nom de leur foi, jamais aucun d’entre eux ne s’
est suicide, ni a fortiori n’a assassine ses enfants, ou ceux de quelqu’un d
’autre, a cette sublime fin. Cela contribua a imposer une image de cruaute
et d’impitoyable durete des juifs. Au fil des ans, les circonstances exactes
qui avaient entoure les assassinats d’enfants furent oubliees, mais l’image
d’un juif tuant des enfants resta inscrite dans la psyche europeenne. (Yuval
reprend la these de Robert Graves [http://www.robertgraves.org], qui
expliqua bien des traditions de l’Eglise par la lecture erronee qu’elle fit
au cours des siecles d’images remontant a un lointain passe). Cela fut a l’
origine de l’idee voulant que les juifs trucidassent des enfants chretiens,
alors qu’en realite, les juifs assassinaient leurs propres enfants, nous
explique le Professeur Yuval.
 
 

Et il est de fait que les accusations de crime rituel apparurent peu de
temps apres que des enfants eurent ete assassines en Allemagne. Yuval evoque
ces accusations avec horreur, passant a cote d’un point essentiel : un
assassinat rituel d’enfant est un assassinat rituel d’enfant. Si des juifs
ont pu commettre ce crime haineux a Mayence et a Worms, et si d’autres juifs
ont pu exalter ce crime, le transformant en comportement exemplaire, jusque
dans des ouvrages historiques publies en Israel dans les annees 1950,
peut-on encore s’indigner et etre horrifie par des accusations de crimes
similaires perpetres a Norwich ou a Blois, ou encore a Damas et a Kiev ? Si
Yuval pense qu’un juif peut utiliser seulement du sang juif pour des
libations destinees a reveiller Adonai [la furie de Jehovah], il n’en reste
pas moins que, dans certains cas, l’enfant kidnappe etait circoncis juste
avant d’etre assassine, c’est-a-dire qu’on l’avait auparavant « transforme
en enfant juif ». Quant a l’expiation des peches, meme le sang d’un agneau
aurait fait l’affaire.
 
 

De nombreux recits medievaux de juifs tuant leurs enfants parce qu’ils
etaient entres dans une eglise ou parce qu’ils avaient manifeste le desir d’
etre baptises n’ont rien de particulierement etonnant, lorsqu’on sait que
les parents et la famille plus eloignee de juifs convertis portaient le
grand deuil de ceux-ci. Encore au vingtieme siecle, le doux Tevye le
Laitier, heros idealise du Violon sur le Toit de Sholem Aleichem, prend le
deuil de sa fille baptisee. Le rite de deuil pour une personne encore
vivante est un rite magique destine a tuer cette personne. Des gens
intimement convaincus des pouvoirs de la magie pouvaient en mourir, comme
nous l’explique Frazer dans son enorme encyclopedie des croyances
populaires. Si vous etes capable d’essayer de tuer quelqu’un par la magie,
pourquoi reculeriez-vous devant des methodes plus classiques pour ce faire ?
 
 

Sur une periode de huit siecles, les juifs ont ete convaincus de plus de
cent cas de meurtre rituel et d’offrande de sang. C’est raisonnable, si nous
tenons present a l’esprit le nombre de maniaques religieux. Sans doute toute
autre communaute religieuse de taille comparable aurait produit un nombre
approchant de deviants dans le style d’un Gilles de Rais [marechal de
France, au quinzieme siecle] ou d’un Comorre le Maudit [un chef breton du
sixieme siecle]. Il serait bien etrange que tous ces cas ressortissent eux
aussi a la « diffamation ». Le concept des pouvoirs magiques du sang etait
profondement ancre dans la pensee juive. Le sang etait utilise, nous l’avons
vu, pour des libations et des expiations.
 
 

Bien sur, il s’agissait du sang d’un agneau. Mais, dans l’affaire de
Mayence, c’est du sang d’enfant qui a ete utilise, en l’occurrence. Dans le
monde chretien, certaines personnes pratiquaient la magie noire, accompagnee
de sacrifices humains, au cours d’un rituel « chretien » perverti. Ils
remplacaient par du sang humain le vin de la communion, qui est le sang du
Christ, lui-meme sang de l’Agneau Pascal. Peut-on raisonnablement penser que
les juifs n’ont jamais vu naitre chez eux de magiciens ni de sorciers
capables d’utiliser du sang humain afin de laver les peches ou de hater le
Salut ?
 
 
 
 

III
 
 

Par ailleurs, le rapport etabli entre les sacrifices de sang et les matzot
de la Paque ou l’homentash de Purim releve tout simplement de la croyance
populaire : le mysticisme inherent a la notion de libations pouvait etre mal
interprete par des gens simples. Yuval voit dans ces fantasmes une
combinatoire de differentes traditions, de surcroit, mal interpretees.
 
 

Les juifs haissaient de tout leur c?ur la chretiente et ils organisaient
plusieurs ceremonies magiques visant le Christ et la chretiente, au moment
de Paques, de Purim et de la Paque (juive). Ils confectionnaient des
figurines qu’ils attachaient a une croix, et ils les brulaient ou ils les
mutilaient de differentes manieres ; ils desacralisaient des hosties et
parodiaient la communion. La coutume consistant a eliminer toute trace de
ferment (levain), observee par les juifs au matin de la Paque, entendait
aussi symboliser l’eradication des goyim, et a y conduire magiquement, ecrit
Yuval.
 
 

A l’occasion, les juifs tuaient des pretres et des nonnes. Les prieres de la
Paque regorgeaient d’allusions anti-chretiennes, dont certaines ont survecu
jusqu’a ce jour, notamment le Shepoch Hamatha, une priere appelant la
vengeance de Dieu sur les goyim, et le Aleinu Leshabeyach, qui decrit le
Christ et Sa (sainte) Mere dans les termes les plus blasphematoires qui
soient.
 
 

Les chretiens ont associe mentalement ces phenomenes, ecrit Yuval. Si les
juifs haissent le Christ et les chretiens, profanent des hosties et ont ete
vus parfois en train de tuer rituellement leurs propres enfants, les
chretiens devaient penser que, sans doute, les juifs assassinaient itou les
enfants des autres, au moment de Paques ou de la Paque, nous explique-t-il.
Nenmoins, Yuval pense que, meme si les faits motivant cette deduction
etaient exacts, la conclusion, en revanche, ne l’etait pas. Les juifs ne
mettaient pas de sang dans  leurs matzots, conclut-il.
 
 

Toutefois, la croyance en l’utilisation de sang humain par les juifs pour la
confection de leurs matzots (pain azyme, ndt) peut s’expliquer de maniere
plus satisfaisante si l’on tient compte de l’intensite de la haine
generalisee des juifs envers les chretiens. Dans les rites de la Paque
juive, un petit morceau de pain sans levain – Afikoman – symbolisait l’
Agneau Pascal. Au debut du repas (Seder) de la Paque, on le tenait cache. On
peut imaginer qu’un mystique ait pu donner un sens litteral a la metaphore
de l’Afikoman en tant qu’Agneau Pascal. Cela a ete affirme par de nombreux
juifs qui ont quitte le bercail et qui ont rejoint l’Eglise. Ils ont aussi
temoigne du fait que l’afikoman etait cuit separement et en grand secret.
Certains parmi eux expliquerent que du sang n’etait certes pas ajoute
directement a la pate de ce pain pascal, mais brule, et que les cendres de
ce sang etaient utilisees au cours d’un rituel evoquant la purification de
la Genisse Rousse.
 
 

Pour Israel Yuval, qui est un juif observant, tout temoignage d’un converti
est « suspect » et « douteux », mais discrediter les temoignages de tout
non-juif, voila qui releve d’une tradition juive ancestrale. De la meme
maniere, les « Nouveaux Historiens » israeliens n’ont fait que confirmer les
informations auxquelles leurs collegues palestiniens etaient parvenus. Mais
la confirmation, par eux, des horreurs de 1948 eut un impact considerable en
Occident, car les recherches effectuees par des non-juifs etaient
considerees « suspectes » et « douteuses » par un discours occidental soumis
a l’emprise juive. Pour des non-racistes, il n’y a aucune raison de douter
du temoignage donne par un non-juif ou un ex-juif. D’ailleurs, si l’
objection opposee a des convertis devait etre fondee sur le rejet en soi des
renegats, on devrait rejeter les arguments avances par les auteurs du Zero
et l’Infini [Darkness at Noon] (Arthur Koestler) et de La Catalogne libre
[Homage to Catalonia] (George Orwell), ou meme ceux notre David Aaronovitch,
car tous ont renie leur foi communiste pour adopter un autre credo.
 
 

Les convertis savaient de quoi ils parlaient, et Yuval le confirme. Ainsi,
un converti de Norwich a explique que « les juifs croient que, sans verser
du sang humain, ils ne peuvent recouvrer leur pays et leur liberte. » C’est
la, pour Yuval, une interpretation correcte de l’idee ashkenaze de Vengeance
en tant que voie vers le Salut. « Les juifs croyaient effectivement que leur
Salut dependait de l’Extermination des Gentils », ecrit-il. Certes, ils
esperaient que Dieu et/ou leur Messie se chargerait de faire le boulot. Mais
cette restriction peut-elle servir d’alibi ?
 
 

Si j’espere et prie Dieu que Pierre tue mon ennemi Paul, et que Paul est
effectivement trouve assassine, mes espoirs et mes prieres ne seront-ils pas
la cause de fortes presomptions a mon egard, plutot qu’un alibi en beton ?
« Oh, non, il esperait que Pierre ferait sa fete a Paul… Donc, ce n’est
certainement pas lui qui a fait le coup ? »
 
 

Cela me rappelle une replique immortelle chez Raymond Chandler [8]. Marlowe,
son detective prive, decouvre sur le lieu d’un crime un mouchoir orne d’
initiales non denuees de signification. Le suspect – en l’occurrence, la
suspecte – une jeune femme tres distinguee, tres intime avec la victime,
rejette les soupcons de Marlowe avec indignation. Marlowe s’exclame,
ironiquement : « Ce bout de chiffon porte vos initiales. De plus, l’a trouve
sous l’oreiller de la victime… Mais ce torchon empeste le parfum de santal a
bon marche, et vous n’acheteriez pour rien au monde un parfum bas de gamme.
Et il ne vous viendrait jamais a l’idee de mettre vos mouchoirs sous l’
oreiller d’un mecton. Donc, vous n’etes pour rien dans cette histoire ! Vous
ne trouvez pas que c’est un peu tire par les cheveux, comme explication ? »
 
 
 
 

IV
 
 

Le dernier debat autour des sacrifices rituels s’est tenu, il y a un peu
moins d’un siecle. En 1911, a Kiev (aujourd’hui capitale de l’Ukraine, a l’
epoque, il s’agissait d’une ville importante des provinces de l’Empire
russe), Andrew, un ecolier d’une ecole religieuse, age de douze ans, fut
assassine de maniere horrible et inedite. On releva quarante sept blessures
sur son cadavre. Il avait ete vide de son sang, et il avait ete baillonne.
Il semble que ce crime ait revetu un caractere rituel, comme celui de Torso
boy, en Angleterre [jeune Africain victime d’un crime, dont le cadavre a ete
retrouve flottant sur la Tamise, a Londres], de nos jours. Cela pouvait etre
l’?uvre d’un sataniste, d’un fanatique ou de tout autre obsede. Pouvait-il s
’agir d’un juif ? Oui. Le meurtrier aurait-il pu etre pousse par quelque
deformation particuliere de la religion juive ? Nous avons vu que la reponse
est : « oui ».
 
 

Toutefois, quatre cents rabbins envoyerent une lettre ouverte aux autorites
et au tribunal, rejetant la possibilite meme d’une telle sceleratesse.
 
 

Dans un paroxysme d’hysterie, la Russie se divisa entre ceux qui croyaient
aux meurtres rituels et ceux qui n’y croyaient pas. Les journaux liberaux
retinrent la these philosemite : un juif ne saurait tuer qui que ce soit.
Certainement pas, en tous les cas, de maniere rituelle. Le Tsar, avise, s’
enquit de savoir comment les quatre cents rabbins pouvaient etre tellement
surs de ce qu’ils avancaient. Il souleva un point fondamental.
 
 

Il n’y a nul crime que des Russes, des Anglais, des Americains, des Francais
ou des Chinois, ou encore, des chretiens, des musulmans ou des bouddhistes
jugeassent leurs compatriotes ou leurs coreligionnaires incapables de
commettre. Nous savons que les hommes sont tout aussi capables des plus
hautes inspirations que de la plus vile cruaute. Les sacrifices humains ont
existe dans toutes les nations, meme chez les Grecs (Iphigenie) et chez les
Hebreux (Jephte). Toutefois, les juifs, dont la religion comporte l’
obligation religieuse du genocide (Amalek), le devoir religieux de maudire
les Gentils, et qui ont effectivement pratique le meurtre rituel d’enfants
(quand bien meme ce fussent les leurs propres), etaient disposes a se porter
garants de leurs coreligionnaires, co-membres de la tribu d’Israel : des
juifs ne pouvaient avoir fait cela. Ce degre extraordinaire de solidarite
tribale placait les juifs dans une categorie autre. Pour ainsi dire,
hors-concours. Non pas une nation, non pas une religion, mais un syndicat de
protection mutuelle.
 
 

« Il s’agit la d’une accusation portee contre l’ensemble du peuple juif »,
avaient ecrit les rabbins. C’etait un mensonge : seul, un homme etait
accuse, et son innocence finit par etre prouvee. Mais l’approche des rabbins
etait utile, tactiquement : des masses de juifs, depuis New York jusqu’a
Moscou, s’etaient mobilises, prets a defendre Beyliss. L’opinion liberale en
Russie, en Europe et en Amerique leur apportait son soutien.
 
 

Un seul homme de renom, Vassili Rosanov [9], non-conformiste brillant,
poete, ecrivain et theologien, naguere tombe dans l’oubli mais a nouveau
tres populaire dans la Russie post-sovietique, etait convaincu qu’Andrew
avait ete martyrise par des juifs, quand bien meme il ne s’agit pas de
Beyliss en personne. (L’intelligentsia russe, de ce fait l’ostracisa).
Auparavant philosemite pur sucre (il envisagea meme de se convertir au
judaisme), il fut bouleverse par le sort horrifiant du jeune Andrew et
ulcere par le fait qu’aucun des defenseurs de Beyliss ne se preoccupait le
moins du monde de cet enfant assassine dans des circonstances horribles. Il
ecrivit un memoire tres interessant [10], dans lequel il s’efforce de
demontrer que les juifs ont effectivement pratique des sacrifices humains.
 
 

Il s’etait initie a la cabale, avait mis les blessures d’Andrew sous la
forme de schemas dignes de son contemporain Alistair Crawley, et il cite
force passages de l’Ancien Testament, du Talmud et meme du Nouveau
Testament, faisant allusion au sang. Dans ses conclusions, il fait reference
a la coutume juive de sucer du sang du membre circoncis (des bebes) et aux
rituels juifs d’abattage des animaux de boucherie (aujourd’hui interdits
dans certains pays europeens). Son intuition la plus interessante est tout a
fait surprenante, meme pour le chretien dechu qu’il etait : il considere que
le judaisme biblique ancien, precurseur du christianisme, connaissait et
pratiquait les sacrifices humains ; car, sinon, (raisonne-t-il), le Christ
ne se serait pas offert Lui-meme en victime pour le sacrifice supreme.
Rosanov voit dans Isaie, 53 [il fut transperce a cause de nos peches,
etc…] – non pas une prophetie de la Passion du Christ, mais la description d
’un sacrifice humain reel pratique dans le Temple de Jerusalem. Le rite
pratique dans le Temple dedie a Jehovah a Jerusalem, etait effectivement
extremement sanglant et la Mishna evoque des rivieres de sang s’ecoulant
depuis son autel. Cela fut condamne par les prophetes, qui avaient fini par
faire du Temple une survivance anachronique, a l’epoque de sa destruction. C
’est la, probablement, la raison pour laquelle ce temple n’a pas ete
reconstruit. Toutefois, les hypotheses de Rosanov, qu’elles soient ou non
fondees, ne repondent en rien a la question des sacrifices humains au
vingtieme siecle.
 
 

Une chose est sure : on peut trouver de nombreuses citations, dans la Bible,
dans le Talmud est dans des ouvrages cabalistiques plus recents, plaidant en
faveur de l’existence des sacrifices humains. Dahl, un Danois auteur, au
dix-neuvieme siecle, d’un court traite de criminologie, fait reference a
Nombres 23:24 « … il boit le sang de ses victimes… » ainsi qu’a plusieurs
autres versets. Nous sommes mieux equipes, pour ce genre de recherche, que
les contemporains de William de Norwich ou d’Andrew de Kiev, car nous
disposons de meilleurs textes de reference. Ainsi, par exemple, en 1913, les
experts n’auraient pas pu trouver la citation suivante, du Talmud [11] : «
Il est bon de transpercer un jeune garcon goy, meme un jour de Kippour, si
le Kippour tombe un jour de shabat. Pourquoi « transpercer », au lieu d’ «
egorger » ? Parce que l’egorgement exige une benediction, alors qu’on peut
transpercer a sa guise sans qu’il soit necessaire de prononcer la moindre
benediction ». Aujourd’hui, nous disposons de ce texte imprime, dans de
nouvelles editions publiees en Israel. Il est convenu de considerer ce genre
de citation comme une preuve de la haine exageree des sages talmudistes
vis-a-vis des gens ordinaires. Mais il pourrait se faire qu’un jour un
mystique ou un praticien de la magie noire, y ait vu des instructions pour
le sacrifice du Yom Kippour, les kapparoth.
 
 

Toutefois, cela ne prouve en rien que ces cas etaient nombreux, ni que cette
tradition etait largement repandue. De plus, les chercheurs qui ont etudie
ce phenomene et qui ont ete amenes a en admettre la realite objective, ont
conclu que ces cas etaient rares, et qu’ils demeuraient inconnus de la
grande majorite des juifs.
 
 

Rosanov se trompait, tout autant que les rabbins. Rien ne leur permettait a
ceux-ci de denier a priori la possibilite qu’un crime ait pu etre perpetre
par un juif. Ils avaient tort, lorsqu’ils clamaient que « tous les juifs »
etaient ainsi mis en accusation. Rosanov n’avait quant a lui aucun motif a
etre aussi peremptoire qu’eux. Mais Rosanov n’avait nul motif a faire des
sacrifices humains la pierre angulaire du judaisme. Toutefois, confronte au
front uni du philosemitisme, il a laisse sa nature pugilistique prendre le
dessus sur son bon fond. Nous devons rejeter son attitude, injuste et pleine
de prejuges. En realite, l’idee de sacrifice humain et de sang verse en
expiation est bien connue des chretiens comme des juifs ; ainsi, le meurtre
rituel perpetre sur la personne d’Andrew pouvait tout aussi bien avoir ete
le fait de personne(s) de culture juive, comme de personne(s) de culture
non-juive.
 
 

Dans le meilleur des cas, le livre de Rosanov pourrait inciter un mystique
juif a s’essayer au meurtre rituel et aux libations vampiroides. Mais les
juifs y virent une attaque contre l’ensemble des juifs. Les defenseurs de
Beyliss tenterent de circonvenir l’un des temoins essentiels au proces, Vera
Cheberiak. On lui offrit un enorme pot de vin par l’intermediaire d’un
avocat qui avoua l’avoir rencontree de sa propre initiative, dans des
circonstances douteuses. Les propres enfants de Vera Cheberiak avaient ete
tues par « des inconnus ». En 1919, apres la victoire des Bolcheviques, elle
fut arretee et maltraitee par les commissaires juifs de la Tcheka de Kiev.
Elle refusa de revenir sur ses declarations, reaffirma qu’elle avait dit la
verite. Mais elle fut executee, apres un « proces » expedie en quarante
minutes [12]. En ce meme an de grace 1919, le ministere sovietique de l’
Education reunit une commission afin d’etablir la verite definitive au sujet
des crimes rituels. Simon Dubnov, un historien juif, a participe a cette
commission, composee de quatre juifs et de quatre chretiens. Dans ses
memoires, il ecrit : « Les membres russes (de la commission) n’ont pas exclu
la possibilite qu’une secte juive secrete ait pu pratiquer des violences
rituelles. Les membres juifs, pour leur part, etaient absolument certains
que c’etait totalement impossible. »
 
 

Alexander Etkind, un contemporain, juif, russe, specialiste des religions et
auteur d’un ouvrage faisant autorite sur les sectes en Russie, a ecrit dans
la revue qu’il dirige [13] : « Aujourd’hui, nous pouvons etre plus ouverts.
Je ne considere pas comme impossible qu’il ait pu y avoir, chez les juifs,
une secte cruelle et secrete. J’ai etudie les sectes en Russie, certaines d’
entre elles peuvent a juste titre etre qualifiees de sanguinaires,
vicieuses, meurtrieres. Je n’ai pas connaissance de l’existence d’une / de
secte(s) juive(s) de cette nature, mais je ne saurais en exclure l’existence
a priori. Apparemment, mes sentiments sont plus proches de ceux des membres
russes de la commission que de ceux de ses membres juifs. »
 
 

Dans la longue histoire des etudes consacrees a l’accusation de crime
rituel, c’est l’observation la plus avisee qui ait jamais ete faite.
Alexander Etkind a raison, tandis que David Aaronovitch a tort. Yitzhak
Ginzburg, un cabbaliste et mystique juif celebre, chef de la Yeshiva Od
Yosef Hai, en Israel, en a apporte la confirmation en declarant, recemment,
a la presse americaine : « Un juif est autorise a extraire le foie d’un goy
s’il en a besoin, car la vie d’un juif a plus de valeur que la vie d’un goy,
de la meme maniere que la vie d’un goy est plus precieuse que celle d’un
animal ». Des gens qui pensent cela font-ils un quelconque distinguo un
sacrifice animal et un sacrifice humain ?
 
 
 
 

V
 
 

La question des meurtres rituels divise l’humanite, mais il ne s’agit pas d’
une division opposant les juifs aux gentils, et reciproquement. La division
reelle est tout aussi tranchee : d’un cote, les philosemites, les juifs et
les gentils qui excluent a priori la possibilite d’une quelconque
culpabilite juive. Meme s’ils trouvent un cadavre et un juif muni d’un
couteau ensanglante a cote, ils s’exclameraient : « Ah non, s’il vous plait,
pas encore une Diffamation Sanglante ! ». De l’autre, les gens normaux,
juifs et gentils, qui prennent en consideration toutes les circonstances de
chaque cas, sans prejuges, comme le propose Alexander Etkind. Un philosemite
est quelqu’un qui exclut toute possibilite qu’un meurtre cruel ou rituel ait
pu etre commis par un juif ; c’est un raciste naif, dans le meilleur des
cas. M. Aaronovitch ne cherche pas a se renseigner sur le cas des
disparitions de Damas. Le meurtre a eu lieu en 1840, il y a si longtemps !
Il se contente de presumer qu’un juif ne peut pas etre coupable. Point
final.
 
 

Les suspects de Damas furent tortures. Par consequent, leur temoignage est
invalide, ecrit Aaronovitch. La torture est un grand mal. Mais en Israel,
les suspects de « crimes terroristes » sont invariablement tortures. D’apres
Amnesty International et d’autres institutions de defense des droits
humains, des dizaines de milliers de Palestiniens, dont des enfants, ont ete
tortures dans les caves du Shabak. Neanmoins, il n’est jamais venu a l’idee
d’Aaronovitch de mettre en doute les aveux arraches par les tortionnaires
israeliens.
 
 

La victime du meurtre de Damas etait un pretre, et cela amene Aaronovitch a
classer l’affaire dans la rubrique de la « diffamation sanglante
antisemite ». Mais des pretres, des religieuses et des moines ont bel et
bien ete tues par des juifs. Des centaines ont ete egorges, en 610, a
Antioche, et des milliers, en 614, a Jerusalem. Des moines et des pretres se
font tuer, encore aujourd’hui, en Israel. Ainsi, il y a quelques annees, un
colon, Asher Rabo, a tue plusieurs moines a la hache apres quoi il a
eclabousse les murs de leur sang. Il a ete arrete par un moine du monastere
du Puits de Jacob, et un tribunal israelien l’a juge mentalement
irresponsable. Plus tard, deux religieuses russes furent assassinees a la
hache dans le monastere de Saint-Jean Baptiste. Pratiquement tous les
assassins de pretres et tous les profanateurs d’eglises et de mosquees ont
ete juges psychiquement deranges par les juges israeliens, mais leur
irresponsabilite psychique n’etait certes pas d’une nature ordinaire.
 
 

Aaronovitch presente l’affaire de Damas comme une « diffamation contre l’
ensemble des juifs ». Mais seul, un coupable a ete accuse du meurtre. Or,
cet accuse, Farhi, un juif de Damas, qui possedait « plus d’argent que la
Banque d’Angleterre », a ecrit un voyageur anglais, etait responsable du
tresor a Saint-Jean d’Acre. Si accuser un juif equivaut a les accuser tous,
il n’y a des lors plus aucune possibilite de corriger des fautes benignes en
prenant des mesures benignes.par des sanctions benignes.
 
 

En realite, les philosemites a la Aaronovitch ont cause des calamites
incroyables a l’humanite entiere, dont les juifs. Ils ont exclu a priori
tout possibilite que le Capitaine Dreyfus et Beyliss fussent coupables. Au
lieu de se tenir tranquilles et de laisser la justice faire son travail, ils
ont cree une hysterie collective en France et en Russie, et ils ont certes
fini par obtenir ainsi des acquittements, mais au prix de la perte totale de
confiance du peuple dans le systeme judiciaire de ces deux pays. Apres les
proces de Dreyfus et de Beyliss, les juifs se sont places au-dessus des
lois. Cela a cause le retour de manivelle des annees 1930, ainsi que le
retour de retour de manivelle auquel nous assistons de nos jours. Et cela
provoquera sans doute demain un retour de retour de retour de manivelle.
 
 

Dans un monde meilleur, les Dreyfusards et les Beylissistes seraient
condamnes pour mepris de la chose jugee, car leur axiome non-dit etait qu’«
un gentil ne saurait juger un juif ». On ne devrait ni croire, ni ne pas
croire, a priori, a la possibilite que des crimes rituels aient pu etre
commis. La capacite de l’homme a commettre des crimes est bien connue, et
des monstres comme le Docteur Hanibal Lector, dans le Silence des Agneaux,
peuvent bel et bien exister. Certains d’entre eux sont guides par leur
interpretation particuliere de la Sainte Bible. De nos jours, le president d
’une superpuissance a envoye ses troupes de choc attaquer un petit pays
affaibli, tuant des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants, parce qu’il
pensait que c’etait la ce que Dieu voulait. (Certes, il s’agissait du Dieu
Mammon, comme l’a fait observer avec a-propos un philosophe polonais [14].)
Il aurait mieux fait de siroter tranquillement le sang de quelque bebe.
 
 

Les juifs, de nos jours, savent rarement qu’ils sont supposes manger des
matzot pour la Paque, sans meme aller jusqu’a chercher la petite bete avec l
’afikoman. Benis sont-ils de n’avoir nulle idee de l’heritage trouble du
judaisme medieval. Neanmoins, de ces temps anciens, tout n’a pas disparu.
 
 

L’idee d’ecrire cet essai m’est venue tandis que je prenais connaissance du
decompte des enfants palestiniens massacres, qui ne faisait que croitre, de
jour en jour. Depuis le debut de la deuxieme Intifada, le 29 septembre 2000,
2 237 Palestiniens ont perdu la vie. Ce total inclut 430 enfants tues ; 228
avaient moins de quinze ans, et 202 avaient entre 15 et 17 ans. Cela depasse
le nombre de tous les enfants que les juifs sont accuses d’avoir assassines
depuis William de Norwich. Pourquoi nous preoccuper de ces vieilles
accusations poussiereuses, alors qu’un nouveau crime, irrefutable, vient –
est en train – d’etre commis ?
 
 

Parce que les nouveaux meurtriers ont beneficie du camouflage traditionnel.
Le systeme de l’etouffoir ne date pas d’hier, il a ete herite du Moyen Age,
de l’epoque ou les communautes juives etaient regies par la loi de l’omerta,
par le code du silence et de la loyaute absolue. Un systeme dans lequel un
criminel ne doit en aucun cas etre remis a la justice par un frere criminel.
Cette approche a fini par etre integree a la vie interne des communautes
juives. Elles ont meme adopte une insulte criminelle, celle de « moser »
(informateur), qui designe quiconque informe les autorites non-juives de
crimes perpetres par des juifs sur des non-juifs. Un tel moser est « ben
mavet » [hb. : enfant de la mort] : il merite – il doit – etre tue par n’
importe quel [15] juif, de preference a Purim ou a la Paque, mais le Yom
Kippur convient bien, aussi, comme jour, pour ce faire. Ainsi, par exemple,
un juif ayant eu a connaitre qu’un fanatique fou avait commis un (ou des)
meurtre(s) rituel(s) n’etait pas autorise, sous peine de mort, a informer
les autorites gentilles de ce crime. Cette attitude moyenageuse est encore
la, puisqu’elle a trouve une nouvelle vie dans le concept philosemite de l’
innocence des juifs a priori.
 
 

En d’autres termes, un philosemite qui rejette l’idee meme qu’un crime put
etre commis par un juif se fait l’instrument en puissance d’un crime.
Examinons a nouveau les coupures de presse de l’Observer. Pourquoi n’
ont-elles pas suscite une explosion d’indignation ? Cela signifie-t-il que
« nous ne pouvons pas comparer les juifs et les negros » ? Ou bien cela
signifie-t-il que les Noirs n’eprouvent aucun besoin pathologique et deprave
de defendre tous les autres Noirs [16], sans egard pour la gravite du crime
dont l’un d’entre eux a ete accuse ?
 
 

Et maintenant, le moment est venu de reveler le veritable crime sous-jacent
a ces allegations, car ce crime est encore perpetue de nos jours. Des
centaines de juifs avaient eu connaissance du plan satanique des «
Vengeurs » conduits par Abba Kovner, consistant a empoisonner des millions
de civils allemands innocents, hommes, femmes et enfants – et pourtant,
aucun d’entre eux n’a averti la police. Quant a tenter de s’y opposer, n’en
parlons meme pas… A un moindre degre de gravite, tout juste aujourd’hui, le
responsable de la communaute juive allemande a exprime son « soutien de tout
c?ur » au repoussant Michael Friedman, « cet homme qui a su faire de sa
judaite un outil tres utile », pour reprendre les termes du journaliste
Benny Zipper, du quotidien israelien Haaretz [17], lequel Friedman a ete
pince par la police en train de sniffer de la coke en compagnie de
prostituees ukrainiennes. Cette solidarite quasi-criminelle entre juifs –
consistant a defendre Sharon, a defendre Mark Rich, a defendre Michael
Friedman, et a donner refuge a n’importe quel malfaiteur s’il s’avere par
hasard etre juif ou « bon pour les juifs », - voila le crime reel que l’on
veut cacher derriere la Diffamation Sanglante, car ce crime a cause la mort
de centaines d’enfants palestiniens, dans le silence approbateur des
philosemites.
 
 
 
 

VI
 
 

Paradoxalement, cette tendance qu’ont les juifs a accorder refuge a toutes
sortes de criminels tient a leur vision du monde, diametralement opposee a
celle des chretiens. Le chiasme le plus profond entre le christianisme et le
judaisme ne se situe pas dans la zone glauque des sacrifices. Les juifs
croient au salut collectif, a la culpabilite collective et a l’innocence
collective, tandis que les chretiens croient au salut individuel, a la
culpabilite individuelle et a l’innocence individuelle. C’est pourquoi un
peche commis par un chretien est sans consequence pour les autres chretiens.
Un chretien est libere du peche par l’incarnation, la mort et la
resurrection du Christ, en vertu aussi de son propre bapteme et de sa propre
communion. Ainsi, aux yeux des chretiens, les juifs n’ont aucune culpabilite
collective.
 
 

Pour un juif, admettre qu’un seul juif put etre coupable entrainerait la
culpabilite de l’ensemble des juifs. C’est pourquoi, pour les juifs, tous
les chretiens (ou tous les Allemands, tous les Palestiniens, tous les… etc.)
sont coupables d’une offense commise par l’un ou quelques-uns d’entre eux. C
’est la raison pour laquelle des non-juifs sont toujours coupables, aux yeux
des juifs. Coupables, les Americains, parce que leurs peres n’ont pas
rassemble tous les juifs sur leur giron dans les annees 1930. Coupables, les
chretiens, parce que leurs ancetres n’aimaient pas se faire maudire et
maltraitaient parfois ceux qui les maudissaient (les juifs…).
 
 

Les Allemands et les Palestiniens, les Russes et les Francais : tout le
monde, absolument tout le monde a des torts envers les juifs, a leurs yeux.
 
 

De nos jours, l’idee de la responsabilite collective infecte la chretiente.
Les Allemands sont obsedes par leur sentiment de culpabilite, et dans une
apotheose de masochisme, ils achetent les degueulis de Goldhagen. L’Eglise
catholique est allee jusqu’a demander le pardon aux juifs. C’est bien, que
quelqu’un qui a mal fait aille demander le pardon de celui a qui il a porte
tort. Mais l’adoption du paradigme juif de la culpabilite collective est une
erreur de jugement, et c’est aussi une erreur theologique. Nous sommes
libres de toute culpabilite. L’Eglise est libre de toute culpabilite. Et les
juifs – les juifs d’aujourd’hui – sont libres de toute culpabilite, quoi que
leurs ancetres aient bien pu faire. Quand bien meme les juifs du Moyen Age
auraient rechauffe en leur sein une secte de tueurs d’enfants, les juifs –
ceux d’aujourd’hui – sont libres de toute culpabilite.
 
 

Maintenant, en une epoque ou l’evocation de la Diffamation Sanglante est
utilisee afin d’induire des sentiments de culpabilite chez les Europeens
contemporains, il faut bien le reconnaitre que les chretiens ont ete plutot
sympas vis-a-vis de la foule haineuse de mes ancetres. En permanence, ils
etaient prets a les recevoir en egaux, en freres et en s?urs bien-aimes.
Pensez-y : quotidiennement, les juifs souhaitaient que les chretiens tombent
raides morts, foudroyes, et les chretiens continuaient a vouloir que les
juifs viennent se joindre a eux et soient sauves. La generosite de l’Eglise
etait fabuleuse – meme des juifs qui avaient commis un crime cruel pouvaient
etre sauves, grace au bapteme.
 
 

J’y pense toujours, lorsque je lis les attaques de Goldhagen contre l’
Eglise, ou d’autres ecrits juifs condamnant l’Eglise pour « son
antisemitisme, qui a entraine l’holocauste ». La gratitude n’est pas le
point fort, dans le systeme juif des valeurs morales, force est de le
constater. En 1916, Weitzman  promit la reconnaissance eternelle des juifs
aux Anglais qui avaient envoye leurs soldats mourir a Gaza, a Beersheba, a
Jerusalem et a Megiddo pour la creation du foyer national juif. En 1940, l’
eternite avait sans doute pris fin, et les juifs commencerent a chasser et a
tuer le soldat britannique. Durant la Seconde guerre mondiale, les Russes
accueillirent tous les refugies juifs qui affluaient chez eux. Ils perdirent
des milliers de leurs soldats, et ils sauverent les juifs. En lieu et place
de gratitude, les juifs comparerent Staline a Hitler, evoquerent des
pogromes russes imaginaires et exigerent (avec succes) que des sanctions
soient imposees a la Russie. Les Maronites libanais s’etaient allies a
Israel, a seule fin qu’Israel les laisse tomber comme une brique brulante en
se retirant du Sud Liban. Mais l’ingratitude des juifs envers l’Eglise, c’
est le cas limite. Le pompon. Cela bat tous les records !
 
 

Les chretiens voyaient dans les juifs un peuple possede du demon, et les
juifs etaient reellement en proie a un demon – le demon de la haine. Ils ne
constituaient pas un groupe racial, mais un groupe ideologique et
theologique et, en renoncant a ses idees de haine, un juif pouvait rejoindre
la commune humanite. Les juifs etaient traites comme le sont les neonazis de
nos jours : on voyait en eux des creatures repoussantes et haineuses, a
eviter soigneusement, mais auxquelles il fallait pardonner pour peu qu’elles
renoncassent a leurs errements. Les juifs etaient accueillis, nombreux, dans
l’Eglise, et certains d’entre eux devinrent des saints, comme Sainte Therese
(d’Avila). D’autres devinrent eveques, d’autres encore devinrent nobles,
maitres d’ecoles, professeurs d’universite. Mais la chose la plus importante
qu’ils recevaient de l’Eglise, c’etait leur liberation totale de l’emprise
de l’esprit de la haine. Ils etaient liberes du doute qu’on les aimat, et
ils pouvaient, a leur tour, aimer les gens. Plus seulement les Elus. Non.
Desormais, ils pouvaient aimer tout le monde.
 
 
 
 

VII
 
 

Cependant, nous pouvons proposer une autre lecture, sans doute plus
pertinente encore, de la « diffamation sanglante », de l’accusation de
meurtre rituel. Les gens du peuple, pre-modernes, etaient naturellement
jungiens : ils avaient recours au mythe pour exprimer leurs pensees. Les
juifs medievaux etaient les precurseurs du capitalisme et de la
mondialisation – tendances qui allaient s’averer perilleuses pour les
enfants et pour les futurs hommes ordinaires. Ils etaient des usuriers, et
les usuriers « sucent le sang vital » de leurs debiteurs, meme dans le
langage moderne. Aussi l’accusation de sacrifice rituel representait-elle un
puissant « epouvantail », un avertissement metaphorique adresse a des
emprunteurs potentiels de se tenir aussi loin que possible des usuriers  et
de regarder avec une suspicion maximale le capitalisme bourgeonnant.
 
 

Nous utilisons, aujourd’hui encore, des epouvantails metaphoriques. Le
gouvernement pourrait dire : « Ne consommez pas de hachisch, car nous avons
fortement investi dans les vins et les liqueurs et, de plus, nous voulons
que vous vous distrayez en faisant du shopping, non en fumant des joints ».
Mais non : le gouvernement a recours a des photos illustrant les effets de l
’addiction a l’heroine, histoire de foutre les jetons au public : des
familles ravagees, des malades agonisants et des scenes de dereliction
sociale, resultant de l’usage des drogues. Le haschich, allez-vous me faire
remarquer a juste titre, ca n’est pas l’heroine. Mais si ont ne fout pas
suffisamment les jetons aux gens, les gens ne tiendront aucun compte de nos
avertissements, semblent penser les publicistes.
 
 

Les pauvres gens de l’ere pre-moderne n’avaient pu beneficier des
enseignements de Marx, et ils utilisaient le langage des mythes. Et il est
de fait que toutes les victimes des meurtres rituels appartenaient aux
classes plebeiennes, et que la croyance dans les meurtres rituels juifs
etait tres repandue chez les pauvres, qui furent les premiers a souffrir de
l’avenement du capitalisme. Par ailleurs, l’entourage du roi, la noblesse et
les classes superieures etaient generalement favorables aux juifs et
punissaient quiconque osait se plaindre de meurtres rituels. Dans certains
pas, ces plaintes etaient passibles de mort, tandis qu’en Russie, le Tsar
interdit par un Statut adopte en 1817 [18] jusqu’a la simple possibilite qu’
un meurtre rituel put avoir ete commis. On le sait : les classes
dirigeantes, quant a elles, ne redoutaient ni le capitalisme, ni l’usure.
 
 

Cependant, ce schema de mise en garde fonctionna jusqu’a ce que les
chretiens succombassent a la tentation de l’usure, en une epoque de
tolerance religieuse, ou « sucer le sang » cessa d’etre une occupation
exclusivement juive. Mme Bovary, ce personnage charmant et par trop humain
de Flaubert, finit ruinee par un usurier francais qui l’avait embobinee,
apaisant ses craintes par ces paroles rassurantes : « Vous savez, je ne suis
pas juif. » C’est alors que le vieux mythe effrayant, ayant perdu toute
pertinence, tomba en desuetude.
 
 

Le monde devint civilise, des communautes et des pays entiers se
retrouverent endettes et leurs citoyens – coinces entre les remboursements
de prets immobiliers et les credits a la consommation. Avec la victoire du
capitalisme et la deferlante de la mondialisation, les chances qu’avaient
les enfants du peuple de grandir, de trouver un vrai travail, digne, et de
vivre en paix dans leur maison, dans leur quartier, comme leurs parents
avant eux, ces chances piquerent du nez. Le grand danger, pour nos enfants,
aujourd’hui, ce n’est pas quelque juif rejete aux marges de la societe ; ce
sont les structures memes de cette societe. Voila qui appelle un mythe
conjurateur d’une autre nature.

Notes :
 
 

[1] Coedite avec Noam Chomsky
 
 

[2] More Nevochim, or Le Guide de l’Egare, 3:51 « Les Chinois et les Noirs
sont inferieurs aux etres humains, mais ils se situent au-dessus des
singes. »
 
 

[3] http://www.capmag.com/article.asp?ID=2110
 
 

[4] http://www.aish.com/Israel/articles/Targeting_Children.asp
 
 

[5] A ce sujet, nous devons garder a l’esprit l’importante exception de nos
merveilleux camarades juifs, qui soutiennent la cause de l’egalite en
Palestine
 
 

[6] Voir Medieval Sourcebook [References medievales]
http://www.fordham.edu/halsall/sbook.html pour plus de details. Ce document
en ligne propose des biographies des saints et des martyrs suivants :
William de Norwich, + 1144 ; Richard de Pontoise (ou de Paris), + 1179 ;
Herbert de Huntingdon, + 1180 - ; Dominique du Val, + 1250 ; Hugues de
Lincoln, + 1255 ; Werner d’Oberwesel, + 1287 ; Rudolf de Berne, + 1294 ;
Conrad de Weissensee, + 1303 : Louis (ou Ludwig) de Ravensburg + 1429 ;
Anderl de Rinn, + 1462 ; Simon de Trente, + 1475 et Lorenzino Sossio, +
1485.
 
 

[7] Two Nations in Thy Womb, or Perceptions of Jews and Christians [Deux
Nations en ton sein, ou Perceptions des juifs et des chretiens], Tel Aviv,
Am Oved 2000
 
 

[8] The Lady in the Lake
 
 

[9] http://www.reec.uiuc.edu/srl/Rozanov/rozanov_program.htm
 
 

[10] L’attitude des juifs devant l’odeur et le contact du sang, Moscou,
reedition 1998.
 
 

[11] Hesronot Shas, Pesahim mem tet 13 bet, Omar R Eliezer, am haaretz mutar
lenochro byom kipurim shehal lihiot beshabat. Omru lo talmidav, Rabbi, emor
« leshohto »! Omar lahen ze taun bracha, uze ein taun bracha.

[12] Memoires d’un Tchekiste, Prague 1925, cite d’apres Solzhenitsyn, 200
ans, I:451, 2000

[13] Kolo1klol Nr 1, Londres – Moscou, 2002

[14] Marek Glogoczowski

[15] Voir l’etude exhaustive dans l’ouvrage d’Israel Shahak et Norton
Medvinsky Jewish Fundamentalism in Israel [Le fondamentalisme juif en
Israel]. Ecrit rapidement et mal edite (par exemple, il designe l’Arche de
la synagogue par l’expression : « le placard sacre » !), cet ouvrage fournit
neanmoins la plupart des donnees utiles.

[16] Mis a part OJ [Simpson, ndt]

[17] Haaretz, 11 July 2003

[18] Le proces de Beyliss s’est tenu apres les reformes politiques de 1905,
qui avaient revoque les anciens « statuts », ce qui rendit ce proces
possible.
 
 

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