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Danny Le Bleu et Blanc

par Israël Shamir, 28.11.2003

 

Pour les gens de ma génération, le nom de Danny le Rouge – Daniel Cohn-Bendit – est associé à jamais à la glorieuse révolution de 1968, aux films La Chinoise de Godard et Zabriski Point d’Antonioni, au slogan «Il est interdit d’interdire » dans les facultés, aux cheveux longs des hippies, à la marijuana et à l’amour libre, aux barricades de Paris et de Berkeley, au doux vent de liberté qui souffla à travers les continents. Comme son grand prédécesseur, le Printemps des Nations de 1848, la révolution de 1968 échoua, mais elle transforma l’Europe et les Etats-Unis. Danny le Rouge fut un animateur de cette révolution, et une grande source d’inspiration pour tous ceux qui, comme nous, aspiraient à la liberté et à l’égalité.

Les années ont passé, et voilà notre Cohn-Bendit, devenu membre respecté du Parlement Européen où il représente le Parti Vert allemand, en visite à Jérusalem. Les temps ont changé, et Danny a changé, lui aussi, avec le temps. Et je ne parle pas que de son tour de taille… Il n’est pas sioniste, insiste-t-il. Il n’est pas antisioniste, non plus… Les juifs peuvent vivre en Europe, aussi, c’est possible… C’est bien : non, non ; ils ne sont pas obligés de déménager en Israël… Il soutient la création d’un Etat palestinien, dit-il ; il est contre l’occupation… Il a le sentiment que Sharon, lui aussi, est contre l’occupation – peut-être Sharon veut-il un Grand Israël légèrement plus grand ? Mais si peu… Le Mur, aussi inhumain soit-il, est la preuve tangible que Sharon a l’intention de limiter l’expansion israélienne…

Il nous parle de ses rencontres avec les gars, les « boys » - ses nouveaux amis: le parti de la Guerre à Washington. Perle et Wolfowitz l’ont mis dans la confidence de leurs projets pour le Moyen-Orient, nous dit-il. Ils veulent remettre l’Irak entre les mains d’un gouvernant hashémite, chasser les Palestiniens en Jordanie et y créer un Etat palestinien. Après quoi, les juifs disposeront de toute la Palestine. Ce sont ni plus, ni moins, des Bolchéviques, nous dit-il et, dans sa bouche, ce mot prend une connotation de juron. Lui, il a un autre plan, meilleur – bien meilleur: donner un Etat aux Palestiniens, intégrer Israël dans l’Otan et dans l’Union européenne. Faire en sorte que la Russie, la Chine, bref… tout le monde… apportent leur soutien à l’Etat juif, la meilleure (et d’ailleurs unique…) démocratie au Moyen-Orient. Si les Américains marchent, il se fait fort d’obtenir le soutien européen à l’occupation américaine en Irak, nous confie-t-il, madré. Même ses hôtes, les sionistes libéraux du mouvement La Paix, Maintenant, se tortillent sur leur siège, mal à l’aise.

Cohn-Bendit a le feeling : ça le fait ! Il a tellement de réalisations à son actif. Il a fait la promotion du démantèlement de la Yougoslavie. Il a soutenu les bombardements de l’Otan sur la Serbie, jusqu’à résipiscence. Mais la cause juive monopolise le plus clair de son temps et de ses efforts. Il est très fier de voir que l’Allemagne a fourni à Israël des sous-marins à capacité nucléaire aux frais du contribuable allemand. « Ce cadeau est le prix que les Allemands devaient payer, pour l’Holocauste », nous dit sans rire le parlementaire allemand. Pourquoi un million de victimes potentielles (très probablement arabes) devraient-elles représente la compensation désirée? N’est-il pas inquiet de voir l’Irak, ou la Syrie, devenir une cible pour les missiles nucléaires lançables depuis ces sous-marins? Je lui pose la question. Non, il n’est pas inquiet. Bon, eh bien, tant mieux ! Mais, pourtant, les maniaques criminels qui gouvernent aujourd’hui la Terre Sainte évoquent sans ambages la possibilité d’ « entraîner le monde entier derrière eux dans la destruction totale », comme l’a rapporté Martin van Creveld de l’Université Hébraïque? le coincé-je. Son pays pourrait aussi avoir à en souffri? Quel pays? demande Danny, candide… Né en France, parlementaire à Bruxelles et à Strasbourg, amoureux d’Israël, Danny, du coup, a oublié qu’il représente l’Allemagne! Un juif ne peut donc pas aimer son pays? Mais si! Pour peu qu’il sache lequel c’est!

Il faut dire que Danny ne pense pas qu’Israël ait toujours raison. On peut – sous certaines conditions – critiquer Israël. Ces conditions sont très rigoureuses et extraordinairement difficiles à remplir, il faut bien le dire. En mars 2002, un député au Bundestag, du parti de Cohn-Bendit, un immigrant syrien, Jamal Karsli, a exhorté l’Allemagne à cesser de fournir à Israël des armes de destruction massive et il a fait allusion à la « forte influence des juifs sur les médias allemands ». Cohn-Bendit et ses Parteigenossen (camarades de parti) le lynchèrent, pratiquement, pour « antisémitisme ». Leur attaque reçut le soutien de Michel Friedman, « le porte-parole juif le plus éloquent d’Allemagne ». C’était avant - il convient de le préciser – que cet ami très proche des prostituées biélorusses ne soit arrêté pour trafic de cocaïne…

N’avez-vous pas quelque scrupule, lui demandé-je, lorsque vous invoquez l’antisémitisme comme le font Bush et Ashcroft, Friedman et Foxman? Vous avez une attitude bolchévique, me rétorqua-t-il. « On devrait pouvoir exprimer une opinion, quand bien même cette opinion aurait déjà été exprimée par des gens parfaitement exécrables ». Bravo, Danny! Mais pourquoi n’y a-t-il pas pensé lorsqu’il a exclu Karsli de son Parti au motif qu’il aurait répété « le bobard nazi au sujet du contrôle exercé par les juifs »? Pourquoi cette brillante pensée ne l’a pas arrêté – ni d’ailleurs d’autres juifs – lorsqu’il faisait en permanence référence aux Protocoles des Sages de Sion, dans lesquels il voyait sa meilleure argumentation : si les Protocoles affirment que les juifs s’efforcent de contrôler les médias, alors personne n’est autorisé à remarquer la prise de contrôle rampante et constante des médias européens par des intérêts juifs. Pourquoi, dans ce cas, sa maxime « On devrait pouvoir exprimer une opinion, quand bien même cette opinion aurait déjà été exprimée par des gens parfaitement exécrables » ne s’applique-t-elle pas?

La raison, je vais vous la dire: c’est, qu’en règle générale, un juif est incapable d’appliquer l’impératif catégorique de Kant, qui veut qu’une loi, pour être valable, doit être universelle. Cela nous donne une bonne définition de ce qu’est un juif : « une personne incapable de porter un quelconque jugement moral objectif », car les anciens critères religieux ou ethniques, le moment opportun venu, et comme par enchantement, ne s’appliquent plus. Son jugement sera constamment différent, selon que l’objet sur lequel il porte sera bon pour les juifs, ou mauvais pour les juifs. Les armes de destruction massives sont mauvaises, mais uniquement quand ce sont des Gentils qui les détiennent. Entre des mains juives, elles sont belles et bonnes. Le nationalisme d’un goy : Mauvais. La dévotion à la cause juive : Bon. Des droits égaux pour les juifs et les non-juifs ? En Europe : Bon. En Palestine : Mauvais. Karsli était mauvais pour les juifs : par conséquent, il fallait qu’il dégage.

Viré du parti Vert par Cohn-Bendit, Karsli a rejoint le FDP de Juergen Moellemann, un homme politique allemand courageux, qui protestait contre le réarmement d’Israël et contre le contrôle juif sur les médias allemands. Cela n’a pas duré : Juergen Moellemann a connu un sort tragique. Amateur de parachutisme, manque de bol : ses deux parachutes ne se sont pas ouverts. [Presque au même moment, à Stockhom, Anna Lindh, ministre suédoise des Affaires étrangères, et qui soutenait avec constance la cause palestinienne, était assassinée.] La carrière politique de Karsli venait d’être tuée dans l’œuf.

La campagne de Cohn-Bendit contre les immigrés arabes en Europe ne faisait que commencer. Peu auparavant, la Commission européenne avait soumissionné un rapport sur l’antisémitisme en Europe. Un groupe de chercheurs sionistes se chargèrent de ce travail. Ils produisirent un rapport qui faisait retomber la responsabilité de l’antisémitisme sur des Sémites – plus précisément, sur les Arabes.

Leur suggestion était extravagante. L’Orient, hétérogène en matière de religions et d’ethnies, n’a jamais connu le racisme. Quiconque a ne serait-ce qu’une connaissance minimale des Arabes sait bien qu’ils n’ont aucun préjugé raciste à l’encontre des juifs. Dans le passé, comme l’a écrit David Shasha, un chercheur juif syrien, « les juifs et les autres minorités ethniques servaient dans l’administration islamique, en qualité de membres reconnus d’une société cultivée. Ils contribuaient, intimement, à l’évolution et au développement de cette société. » A l’heure actuelle, des dizaines de juifs – militants de la cause palestinienne – vivent chez des Arabes, depuis Rafah jusqu’à Jénine. Qu’il s’agisse de Norman Finkelstein ou encore de Jennifer Loewenstein, ils n’ont jamais ressenti la moindre animosité raciste à leur égard. Quant à moi, je me suis toujours senti parfaitement à l’aise au milieu des Arabes, qu’il s’agisse des Maghrébins de Marseille, des Saoudiens de Londres, des Egyptiens du Caire ou des Palestiniens, dans ma ville, Jaffa.

Mais pour arriver à la conclusion désirée, les chercheurs inclurent les activités anti-israéliennes dans leur champ d’étude, et ils parvinrent à la conclusion suivante : « Les musulmans et les activistes pro-palestiniens sont responsables de la montée de l’antisémitisme en Europe ». L’Observatoire européen du Racisme et de la Xénophobie fit ce qu’il fallait faire : il mit ce rapport dans un placard, au motif qu’il était « déformé par des partis pris anti-musulmans et le recours à des méthodes de recherche non déontologiques ». Bien loin de reconnaître leurs erreurs, les chercheurs allèrent se plaindre au quotidien israélien Ha’aretz : si les Européens avaient écarté leur rapport, c’était à cause de leur « excès dans le politiquement correct ».

Quand les juifs protestent-ils contre le politiquement correct? Uniquement lorsque cela gêne leur stigmatisation de l’Islam. Le chien de garde antiraciste européen a jugé « la focalisation sur des responsables d’actes antisémites uniquement musulmans et pro-palestiniens » éminemment provocatrice et susceptible de « provoquer une guerre civile en Europe ». Mais une guerre civile, en Europe, contre des millions d’Arabes et d’autres musulmans, c’est précisément l’un des objectifs des sionistes – cela fait partie de la Guerre à l’Islam conduite par les Etats-Unis. Le journal Ha’aretz a écrit:

« Lundi dernier, Daniel Cohn-Bendit, un des dirigeants du parti Vert au Parlement européen, a dénoncé énergiquement l’Observatoire européen du Racisme et de la Xénophobie, qui a mis l’étude au placard. « Ce qui est complètement dingue, c’est qu’ils ne voulaient pas poursuivre l’étude, parce qu’ils étaient effrayés à l’idée de froisser certaines susceptibilités musulmanes en Europe », a-t-il déclaré à la Radio israélienne. « C’est là une approche totalement folle et complètement erronée. » Cohn-Bendit, en visite en Israël, a déclaré que la décision de mettre le rapport au placard était une « très très grosse erreur » et que son parti ne manquerait pas de soulever cette question au Parlement européen, dès qu’il en aura l’occasion ».

Apparemment, Cohn-Bendit n’a pas peur de froisser la sensibilité musulmane, ni de causer une guerre civile. Qui s’en soucie? La propagande anti-arabe et anti-musulmane se déverse à pleins tuyaux des médias contrôlés par les juifs, en Europe. Pendant que Cohn-Bendit s’adressait aux étudiants de l’Université Hébraïque, à l’autre bout de Jérusalem, Ariel Sharon donnait l’occasion d’une photo-souvenir au dirigeant fasciste italien en visite en Israël, Gianfranco Fini. Le message était on ne peut plus clair : droite ou gauche, Verts ou Fascistes, tout le monde est le bienvenu dès lors qu’il s’agit d’entrer dans l’alliance pro-sioniste contre l’Islam.

En Allemagne, après le remerciement de Karsli et la mort prématurée de Moellemann, de timides groupes pro-palestiniens eurent encore plus peur qu’avant. Ils sont en permanence attaqués par la gauche et par la droite bien-pensantes. Le malaise de la psyché nationale allemande est parfaitement illustré par l’ascension d’une « gauche » pro-israélienne et anti-allemande. Leur héros, c’est « Bombardier » Harris, ce criminel de guerre auteur de massacres à grande échelle, qui rasa au sol de grandes cités allemandes entières, tuant des millions de civils, durant la Seconde guerre mondiale. Leur amour est voué tout entier aux juifs. Mon amie Ingrid K. (les amis allemands des Palestiniens ne peuvent dévoiler leur identité dans les médias) m’a écrit:

« Les activistes soi-disant « antifascistes » du mouvement anti-allemand Antifa vouent un culte à Harris le Bombardier. C’est un groupe de malfrats, dont la principale activité consiste à se comporter en hyper-sionistes, et à agresser les militants de gauche. Ils ont réussi à diviser la gauche déjà extrêmement réduite, en Allemagne, en concentrant tout sur l’ « antisemitismus » (On dirait que les Allemands cessent de penser, dès lors qu’il s’agit d’antisémitisme.) La gauche est tombée dans un triste état d’impuissance et de désorientation. Soutenir les Palestiniens représente une sorte de test en matière de courage politique, car quiconque le fait encourt le risque de se voir taxer d’antisémitisme».

L’Allemagne est un pays membre absolument indispensable à l’Europe. Avec la France, elle pourrait constituer une pierre d’achoppement pour les sionistes et les néoconservateurs. Son soutien est indispensable aux Palestiniens et aux Irakiens. Mais ce grand pays, patrie de Hegel et de Marx, de Beethoven et de Goethe, est malade, dès lors qu’il est représenté par des émules de Cohn-Bendit, un homme qui encourage l’affrontement entre les Allemands de naissance et les immigrés musulmans, qui fournit à Israël des armes de destruction massive qui lui permettront d’exercer à l’avenir un chantage envers l’Allemagne, qui est l’ami des ennemis américains et israéliens de la légalité internationale, qui veut faire taire la voix des pro-palestiniens, en Allemagne, au moyen de la diffamation à l’antisémitisme… Bref : un homme qui a préféré embrasser la cause juive, abandonnant celle qu’il soutenait naguère : la cause de la liberté et de l’égalité.


Manfred Stricker, Alsace
compte-rendu et opinion d'Israël Shamir sur la visite de Daniel Cohn-Bendit en Israël. Il faut reconnaître que Cohn-Bendit est adroit et connaît bien la règle de base d'un bon politicien démocrate : chez les propriétaires les loyers sont trop bas et chez les locataires ils sont trop élevés. Il faut avoir une bonne imagination pour trouver que le mur que fait construire Sharon prouve que celui-ci fixe une limite à l'expansion de l'Etat d'Israël.

L'éducation à la double éthique - une à la maison et une autre en-dehors - crée un handicap à vie pour la recherche et le traitement de la vérité. Et c'est même, fort probablement, un obstacle pour arriver au niveau de la culture européenne telle que les Européens l'ont hérité des Grecs.

Manfred Stricker

 

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