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A bord du Vaisseau Cablegate

Assange dans les entrailles de l’Empire

par Israel Shamir

on Counterpunch.com, 29 novembre 2010

http://counterpunch.com/shamir11292010.html

traduit de l’anglais par Marcel Charbonnier

 

 

Notre Neo pour de vrai a encore frappé ! Dans cette nouvelle livraison de Wiki-Matrix, l’intrépide Julian Assange part à l’assaut contre l’Empire, avec, à ses trousses, des généraux voraces du Pentagone, des agents dormants de la CIA et des féministes suédoises surexcitées.

 

Excusez-moi ; j’ai l’impression d’écrire une bande dessinée pour les adolescents, mais cette histoire a tellement de rebondissements et d’intrigues que cela me fait tourner la tête. Je n’avais jamais été aussi grisé depuis mes débuts d’écrivain antisioniste pourchassé et ostracisé. Un jour, j’avais été approché par un vénérable juif hassid ; instinctivement, j’avais eu un mouvement de recul instinctif, m’attendant au pire. Mais en lieu et place d’une condamnation, j’avais fait l’objet d’un déluge de bonne volonté, tandis qu’au même moment, un orchestre, tout proche, se mit à jouer une vieille chanson juive accompagnant les mariages. Cette bénédiction déjà ancienne m’avait comme catapulté à la manière d’une fusée, très haut et très loin du culte nationaliste contemporain de la force brutale, très loin dans une contrée où les anciennes traditions continuaient à avoir valeur et pertinence. Ou bien alors, c’était [notre nouveau] Clark Kent-Superman qui me refaisait le même effet ?

 

La génération du numérique préfère le Neo de Matrix à Superman, mais la dynamique est la même. Tandis que Neo erre dans le vaisseau spatial de Morpheus, il tombe sur un groupe de garçons charmants, terre-à-terre et avides d’action, qui se sont juré de détruire la Matrice. Durs comme l’acier et néanmoins parfaitement humains, ces jeunes hommes et ces jeunes femmes apprécient la camaraderie d’une troupe d’élite attendant le signal de l’attaque. Ils suivent leur chef pour la simple et bonne raison qu’il est le meilleur et le plus brillant. Récemment, j’ai ressenti le même esprit de corps en visitant un des repaires de WikiLeaks, quelque part en Europe. Cette confluence de hackers et de journalistes était rassemblée afin de préparer le lancement de ce que l’histoire allait connaître sous le nom de Cablegate, ou peut-être de Megaleaks.

 

Il y avait là Malena, du Brésil, Joseph, de Suède, Sara, de Nouvelle-Zélande, James d’Angleterre et nombre d’autres personnes non moins importantes et d’une valeur en rien inférieure, étendus sur des nattes et des sofas, leur ordinateur portable sur les genoux, les yeux fouaillant les entrailles de la Matrice. Des secrets et des messages confidentiels d’ambassades américaines (il y en a environ un quart de million) attendent d’être lâchés dans le cyberspace. Ils s’attaqueront au bas-ventre tendre de l’empire, à savoir ces auto-tromperies flatteuses qui entretiennent les armées impériales. Cela pourrait bien suffire à faire se retourner la vague dans la bataille pour le recouvrement de nos libertés en train de s’évaporer.

 

Ces sales petits télégrammes diplomatiques jettent une lumière crue sur la politique ténébreuse de l’Empire américain, sur ses méthodes pour collecter l’information, donner des ordres, subvertir des hommes politiques et dépouiller des nations. Mais avant de nous abandonner à un anti-américanisme aussi confortable que primaire, n’oublions jamais que cela (il s’agit peut-être de la plus importante révélation d’exactions criminelles de toute l’histoire) n’a été possible que parce que des Américains courageux et honnêtes étaient prêts à risquer leur vie ou leur intégrité physique pour faire fuiter la vérité.

 

La tension devient extrême, lorsque vous osez vous opposer au formidable pouvoir de la Matrice. Ces guerriers du cyberespace ont accepté de risquer leur vie pour nous. Survivront-ils au lancement des infos, ou bien certains clones malveillants vont-ils les cerner et les casser ? Quoi qu’il en soit, le moral est au beau fixe et le climat se prête à cette entreprise audacieuse : un ciel serein, un soleil resplendissant et des étoiles brillantes guident nos pas, durant ces nuits agitées. Quoi qu’il arrive, je serai à jamais reconnaissant pour ces jours, pour la compagnie de ces jeunes gens charmants, et pour l’inspiration de leur leader charismatique. On ne saurait ne pas admirer Julian Assange. Il est en permanence agréable, tranquille, gentil, et même un peu soumis ; comme le Tao, il dirige sans diriger, il donne des directives sans commander. Il n’élève jamais la voix ; il a à-peine besoin de parler, et le chemin devient clair. Notre Neo est guidé par l’idée de la transparence sociale. Une lumière puissante est la meilleure arme qui soit contre les conspirations.

 

Installé à bord du vaisseau Megaleaks, je feuillette les derniers rapports arrivés du front. Il semble y avoir trois thèmes principaux, tous étant centrés sur notre courageux héros Julian Assange. Il y a le thème du « traître » (qui entend peinturlurer l’empire globaliste de couleurs patriotiques), il y a le thème du « violeur » (par lequel une amante repoussée est vengée de notre héros qui a été incapable de trouver une capote anglaise au moment critique) et, enfin, il y a le thème du « complot sioniste » (qui est étrangement lié au thème du viol, une des accusatrices de Julian Assange ayant filé en Israël). Comme dans toute campagne de désinformation bien ficelée, tout le monde en prend pour son grade : les conservateurs peuvent monter à bord, grâce au thème de la trahison, les progressistes qui sont des fans du thème du viol, et des marginaux lunatiques peuvent être excités par un énième complot sioniste. Faisons de notre mieux pour libérer le nom réduit en esclavage de « Sion », dissocions [ce beau nom de l’idéal] de l’Etat de l’apartheid et replaçons-le là où il doit être : c’est le valeureux vaisseau Megaleaks et le centre de la scène de la vérité ; ce nom est tout simplement trop beau pour le laisser aux sionistes.

 

 

Les contenus des Megaleaks

 

La collection est constituée de 251 288 documents dont les dates se situent entre le 28 décembre 1966 et le 28 février 2010, provenant de 274 ambassades. Ces documents sont soit des télégrammes diplomatiques secrets envoyés aux Etats-Unis, soit des communiqués du Secrétariat d’Etat des Etats-Unis à destination de bases américaines. Ils montrent les ordres qui sont donnés à travers le monde, les renseignements que le Secrétariat d’Etat américain entend recueillir et l’information qu’il entend restituer, ce que les diplomates découvrent des pays où ils sont en poste, des comptes rendus détaillés de rencontres avec des membres de gouvernements étrangers et les opinions de l’expéditeur au sujet de ceux qu’il a pu personnellement rencontrer. Les 261 276 536 mots qui constituent ces télégrammes rempliraient, si on voulait les imprimer, 3 000 volumes. Ces télégrammes dépeignent avec beaucoup de clarté les tentacules du commandement et du contrôle du monde entier par les Etats-Unis.

 

Une première analyse révèle une mauvaise nouvelle et une bonne nouvelle. La mauvaise nouvelle revêt un caractère insidieux. Les fichiers montrent en effet l’infiltration par la politique américaine de la quasi-totalité des pays du monde, y compris des pays réputés neutres, comme la Suède ou la Suisse. Les ambassades américaines surveillent étroitement les pays qui les accueillent. Elles ont pénétré les médias, le commerce des armes, du pétrole, du renseignement et elles pratiquent le lobbying pour placer les firmes américaines au premier rang. Les télégrammes diplomatiques montrent que les Etats-Unis disposent d’ores et déjà d’un empire mondial.

 

Et maintenant, la bonne nouvelle : les Etats-Unis ne sont pas omnipotents. Les télégrammes montrent qu’ils se heurtent à de la résistance à tous les niveaux. Ils ne cessent de jouer des coudes, mais ils n’obtiennent pas toujours ce qu’ils voudraient. La Russie est relativement libre, ainsi que l’Iran et la Turquie ; même les pays européens les plus domestiqués ne se soumettent pas toujours d’une manière placide. Les télégrammes ajoutent à notre connaissance intime de l’opposition populaire au Royaume-Uni et aux Etats-Unis ; des magazines on-line tels que CounterPunch sont des phares dans un océan de purée de pois.

 

Les câbles diplomatiques révèlent des cas d’interférence éhontée. Beaucoup de ces cas les plus récents ont trait à l’Iran, qui est devenu une obsession pour les dirigeants américains. Ainsi, par exemple, juste avant le discours du Président Ahmadinejad devant l’Assemblée générale de l’Onu, le Département d’Etat a donné l’ordre aux Européens de quitter la salle lors d’une phrase-clé donnant le signal. De fait, les puissances européennes ont sauté au coup de sifflet US, ce jour-là, exactement de la même manière que les satellites soviétiques obéissants sautaient jadis aux coups de sifflet de Staline. Un seul pays a violé la consigne américaine : la Suède. Son représentant, terrifié, avait accidentellement laissé passer la phrase-clé, et il envoyait par gestes des messages de détresse frénétiques aux Américains, dans l’attente d’instructions ultérieures.

 

Prenez le petit pays pauvre qu’est le Tadjikistan, qui a tout simplement changé de maîtres. Il est censé être devenu « indépendant » en 1991, mais que s’est-il passé en réalité ? Aujourd’hui, les Tadjiks sautent aux coups de sifflet US exactement comme ils le faisaient aux ordres des Soviets. Un télégramme envoyé par l’ambassadeur US le dit sans détours : « les Etats-Unis ont appelé le président Rahmonov à limoger le chef du service de la lutte antidrogue, M. Mirzoev, et il s’est exécuté ». Qui tirera notre pauvre petit Tadjikistan des sales griffes de la Matrice ? L’ambassadeur nous donne un indice : « Nous pensons que la Russie exerce une pression constante et importante sur le Tadjikistan afin de réduire le rôle et la présence des Etats-Unis et de l’Occident. La pression de Moscou commence à faire sentir ses effets ».

 

Ou bien prenez l’Azerbaïdjan, où l’influence américaine a décliné et où le pouvoir d’Israël s’est accru à un point tel qu’un télégramme envoyé depuis l’ambassade US à Bakou compare les relations israélo-azéries à un iceberg dont seul un dixième émerge.

 

Il s’avère que la puissance de l’Amérique a atteint un sommet dans les années 1990, et qu’elle commence aujourd’hui à se désagréger peu à peu. Megaleaks est moins une cause qu’un symptôme de ce déclin. Avec un peu de chance, les gens de bonne volonté, dans le monde entier, peuvent œuvrer ensemble à détruire en douceur la machinerie de la domination étrangère. Les Américains sont ceux qui ont le moins tiré bénéfice de la politique violente et intrusive du globalisme. Des héros tels que Julian Assange nous conduisent vers un authentique contrôle local, et nous éloignent d’un réseau de complots du type de la Matrix américaine.

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