For One Democratic State
in the whole of Palestine (Israel)

FOR FULL EQUALITY OF NATIVE AND ADOPTIVE PALESTINIANS

FOR One Man, One Vote

Home


Search

Le retour de Vanunu

par Israël Adam Shamir
21.04.2004

The Return of Vanunu

Vanunus Rückkehr

El retorno de Vanunu

 

« Mordechai Vanunu affirme que nous n’avons pas besoin d’un Etat juif » (La presse)

La petite ville paisible d’Ashkelon, située au sud de Tel Aviv et au nord de Gaza, a été reconstruite en 1948 sur les ruines d’une cité palestinienne ancestrale. La blancheur de ses maisons et de sa plage lui donnent un air propret. Sa prison de haute sécurité, elle aussi, est badigeonnée de blanc, bien que ce lieu n’ait rien d’idyllique. Aujourd’hui, cette prison gérée par le Mossad a fait reparler d’Ashkelon aux actualités. Pour la première fois, depuis sa lointaine reconquête sur Saladin par Richard Cœur de Lion.
 


Vanunu receiving
eucharist.
 

Jusqu’à ce jour, Mordechai Vanunu est resté enterré vivant, dix-huit années interminables, dans sa cellule ultra-secrète Agaf 7, après avoir été kidnappé en Europe par des espions du Mossad et illégalement « importé » en Israël pour y être jugé et emprisonné. D’aucuns considèrent que son crime est double : non seulement il a défié l’Etat juif en révélant le secret de sa puissance nucléaire maléfique mais, par-dessus le marché, il s’est converti au christianisme. Pour ces « crimes », il a été maintenu en confinement solitaire, heure après heure, jour après jour, année après année, sous les yeux sans paupières des sbires du Mossad. Voilà qui aurait amplement suffi à détruire l’esprit d’un homme ordinaire, à le rendre complètement fou, comme le souhaitaient ses tourmenteurs. Mais ils échouèrent. Tant il est vrai que Vanunu n’avait absolument rien d’un homme ordinaire.

Né dans une famille ouvrière séfarade, dans l’aride désert du Néguev, Vanunu avait assisté à la persécution des indigènes palestiniens, et il ressentait pour eux de la compassion. La réprobation juive de cette compassion fraternelle – pour des goyim (quelle horreur !) – l’a amené à se convertir au christianisme. Il ne pouvait continuer à travailler à Dimona, cet endroit où Israël fabrique des armes de destruction massive. Rompant ouvertement le silence de l’omerta juive, il dénonça le mal, portant à la connaissance de ses concitoyens et du monde entier l’énorme arsenal nucléaire d’Israël, accumulé dans des stockages souterrains et menaçant la paix mondiale.

Tout chrétien est porteur de certaines qualités du Christ : certains témoins ont fait de Vanunu un martyr chrétien. Les juifs ne sont pas gens à pardonner, et ils ne pardonneront sans doute pas à cet homme qui a ainsi rompu son licol. Comme pour mieux rendre évidente pour tout le monde la dimension religieuse de son procès, les juges condamnèrent Vanunu à dix-huit ans de prison. Et alors, pourquoi « dix-huit », allez-vous demander ? Parce que « dix-huit » signifie « vivant », en hébreu. A l’instar des chrétiens porteurs d’un petit crucifix, beaucoup de juifs portent le signe « 18 », qui se lit « Chaï » (« vivant ») en pendentif autour du cou. TOP

A un policier qui lui demanda, un jour : « Savez-vous ce signifie cet insigne ? », Daniel McGowan de l’association Deir Yassin Remembered [Souvenez-vous de Deir Yassine] répondit : « Bien sûr : c’est la sentence que vous avez prononcé contre Vanunu ! »… 

Mais les dix-huit ans ont passé, et aujourd’hui, Vanunu est revenu à la vie. Dimanche, lorsque des colombes blanches s’envolèrent au-dessus de la prison blanche, tandis que la foule assemblée devant le portail aux lourds barreaux de fer de la prison d’Ashkelon entonnait des chants, ce fut un moment de joie intense, bien près d’évoquer la Résurrection. TOP

Vanunu s’approcha de la grille ; il en empoigna les barreaux, comme s’il voulût se libérer lui-même. Il  hissa son corps musclé à la force des poignets et nous regarda, nous, ses amis qui étions venus le voir sortir. Vivant ! Et il regarda aussi ses ennemis, ceux qui réclamaient sa mort.

Il n’y eut de sa part aucun sourire de prisonnier relâché made in Hollywood. Vanunu n’était plus, désormais, le timide agneau qu’il avait été, mais bien plutôt le Fils de l’Homme, celui qui a vu la mort et qui en est revenu. Son visage, sévère et déterminé, encadré par les barreaux de fer bleutés, évoquait celui du Christ brisant les Portes de l’Enfer, sur une icône ancienne.


Christ brisant les
Portes de l’Enfer
.

S’étant tourné vers les équipes des télévision, il leur parla. Il leur dit, d’abord dans son hébreu au fort accent séfarade, puis en anglais :

« J’ai une chose très importante à vous dire. Si j’ai souffert, ici, durant dix-huit années, c’est parce que je suis chrétien ; parce que j’ai adopté le christianisme et que j’ai été baptisé. Si j’avais été juif, je n’aurais pas souffert ainsi durant dix-huit années d’isolement complet. C’est uniquement parce que je suis chrétien… Vanunu Mordechaï vous dit que nous n’avons pas besoin d’un Etat juif. Vanunu Mordechai ne veut pas vivre en Israël, et il n’a pas besoin d’un Etat juif. Je suis un symbole de la volonté d’être libre. Personne ne peut détruire l’esprit humain. » TOP

La foule des juifs, brayant pour réclamer son sang, hurla : « A mort ! », comme dans le film de Mel Gibson. Ils brandissaient leurs pancartes proclamant : « A mort, le traître ! ». Mais leur proie leur échappa : immédiatement, une voiture emmena Mordechaï en lieu sûr, à l’abri dans le sanctuaire inviolable de la cathédrale Saint George, une église néogothique anglicane de Jérusalem Est, où le bon évêque Riah l’attendait.

Ainsi, Vanunu le confirma, par ses propres paroles et actes : le Christ est le symbole de la compassion pour nos frères humains, et donc pour la rébellion contre la loi juive. Il est le symbole de l’esprit humain invincible et participant de Dieu. Mordechaï, sans doute l’homme le plus courageux de notre temps, m’a rappelé que, comme l’a dit Saint Athanase : « Dieu s’est fait Homme afin que l’Homme puisse devenir Dieu ». J’ai alors pensé à mon ami Gilad Atzmon, allé (re)vivre à Londres, et à d’autres personnes de bonne volonté qui se sont, elles aussi, révoltées contre l’esprit archaïque de domination ; je me suis souvenu de débats interminables sur la question de savoir si le Christ a une pertinence, dans notre lutte pour la Palestine – débats auxquels Vanunu a apporté une réponse. Et combien éloquemment !

Quelques jours après l’arrestation de Vanunu, en 1986, j’écrivais, dans le journal socialiste Al-Hamishmar : « Vanunu a été mon espion personnel, car il m’a permis de glisser un œil dans les secrets de l’establishment sioniste ». Mais Vanunu nous est revenu, porteur d’un message encore bien plus important. Ce message, c’est celui de l’esprit. Voici deux décennies, il nous révéla les armes de nos ennemis. Aujourd’hui, il nous révèle quelle est notre arme secrète, dans la bataille pour la Palestine. Cette arme secrète – notre arme secrète – c’est le Christ. Et cette bataille continue, ne l’oublions pas : au moment même où les colombes blanches s’envolaient au-dessus de la prison, les tanks juifs bombardaient les villes de la bande de Gaza, à quelques kilomètres seulement de là, tuant des civils innocents. TOP

Vanunu a également révélé la complicité, dans le complot israélo-américain, des pseudo-chrétiens tant européens qu’américains. Vanunu nous a dit que s’il a été piégé non pas par le Mossad, mais par une femme agent de la CIA, c’est parce que ses révélations étaient extrêmement embarrassantes pour les Etats-Unis, ce pays qui a osé contraindre le monde entier à désarmer tout en fermant les yeux sur les installations nucléaires de Dimona. Et aujourd’hui encore, les autorités américaines ont juré « d’avoir Vanunu à l’œil », afin qu’il ne s’avise plus de les embêter. L’Italien Berlusconi, grand ami de Sharon et de Bush, n’a pas bougé le petit doigt afin d’apporter son aide à un homme kidnappé, pourtant, sur le territoire italien. Cette question devrait être soulevée, au cours de la campagne électorale aux Etats-Unis : il n’est pas trop tard, pour les Américains, de rejeter les complices des fauteurs de guerre sionistes.

Oui. Vanunu a raison : « Il est grand temps de mettre un terme à ce silence et à la coopération secrète de l’Occident – Etats-Unis, Canada et Europe – avec Israël, ces pays se rendant complices d’Israël dès lors qu’ils en partagent les secrets… »

Pour nous non plus, Israéliens, il n’est pas trop tard pour écouter cet homme et pour dire, avec lui : « Nous n’avons pas besoin d’un Etat juif. Ce dont nous avons besoin, c’est d’un état de compassion. » TOP

 

Home