Dialogue Shamir - Ignatiev
20 mars
2005;
traduction : "l'Omnivore Sobriquet" <omnivore.sobriquet@wanadoo.fr>
Notre bon ami Noël Ignatiev, l'un des éditeurs
du magazine Race Traitor ['Le Traître à sa Race', ndT], s'est
rendu en visite en Palestine, et nous avons pu avoir des
conversations longues et exhaustives. Par la suite Noël a rédigé
un 'compte-rendu non officiel' de son voyage, avec des
présentations de mes points de vue "discutables"(voir extraits à
la fin.) C'est une présentation fondamentalement juste et
bien-intentionnée; Noël devait justifier de ses contacts avec
moi auprès de ses camarades et l'a bien fait.
Comme toujours, quelques malentendus ont percé;
j'ai écrit cette correction pour vous présenter mes vues.
Cher Noël,
Merci pour votre long exposé de nos discussions.
Il fait probablement sens de mettre en valeur quelques points de
malentendus :
· Vous écrivez : « Shamir est pro-Noirs. Il
considère le peuple Noir comme constituant le pan le plus
progressiste de la société U.S. » L'ayant bien compris comme un
compliment venant de votre part, mon ami, je me dois cependant
de le rejeter. En fait, je ne m'inquiète pas trop pour les
Noirs, une minorité petite et particulière d'ex-esclaves qui ne
s'est pas intégrée complètement dans la société américaine
moyenne. Leur problème vous distrait plutôt, avec vos amis
américains, de la plus importante bataille à mener contre vos
élites du pouvoir. Au lieu de combattre le Pouvoir (vous pouvez
le décrire par le terme Capital, bien que ma vision soit
différente,) vous continuez à vous battre contre 'les racistes'.
C'est un problème de minorités, comme le problème des mariages
gay ou celui des souffrants du SIDA. Vous faites une erreur (de
bourgeois de gauche, en termes marxistes) en vous attachant à un
problème de minorités aux dépends de la lutte principale.
· Certainement, ces problèmes de minorités
varient des plus petits (comme la qualité du service dans une
station-essence), à celui bien plus vaste de la discrimination
raciale, mais problèmes de minorités ils demeurent pour votre
pays (au contraire de Palestine/Israël, où la discrimination et
l'inégalité sont un problème majeur). A mon sens, nous devons
changer la chose principale, briser le Pouvoir, rien de moins.
· Pas une seconde je ne crois que « le peuple
Noir constitue le pan le plus progressiste » ni que le Salut
viendra d'eux. Je ne suis ni 'pro- ni anti-Noirs'. J'admire
Cynthia McKinney, non pour sa négritude, mais parce qu'elle
s'est dressée avec courage pour la cause la plus juste. Je ne
suis pas sensibilisé au problème de la couleur; Je ne suis pas
même sûr que le problème d'assimilation d'ex-esclaves dans la
société américaine soit dû à leur couleur de peau, mais
peut-être plutôt à leur position sociale historiquement basse.
Assurément, des Africains noirs de haute condition m'ont dit
n'avoir vécu aucun traitement raciste aux USA. Nous avons
l'exemple des Buraku au Japon, qui ont constitué une minorité
sociale d'un statut extrêmement bas dans la société pré-Meiji,
et qui sont toujours discriminés au Japon - bien que racialement
impossibles à distinguer des autres Japonais. Puis il y a le
problème des Intouchables en Inde, qui ne sont pas si différents
racialement d'autres Indiens. De tels problèmes doivent être
soignés lentement et patiemment, en prenant en compte les
conditions locales. La discrimination devrait être interdite,
mais par la suite une société tend à évoluer lentement.
· Ceci est lié avec votre plus grande méprise :
« la meilleure étiquette pour les idées politiques [de shamir],
c'est national socialisme ». Bon, je ne suis pas horrifié par
votre suggestion. En fait, je vis dans un pays de National
Socialisme triomphant. Israël était un Etat national socialiste,
et possède encore des vestiges de ce régime, même si maintenant
sa tendance socialiste a pratiquement été défaite. Mais je
m'oppose au national socialisme israélien, et à tout autre NS
pour les raisons suivantes.
· Je partage avec les nationaux-socialistes la
croyance en l'existence 'd'unités organiques', mais je ne
considère pas la 'nation' comme le corps organique de base, ni
la 'race' comme l'élément bâtisseur, ni le 'sang' comme facteur
de définition. De mon point de vue, l'entité organique est une
unité territoriale bien plus petite que ne l'est la nation
actuelle. Par exemple, aux USA j'envisagerais la Nouvelle
Angleterre, le Dixie [ou Dixieland, les onze états du sud qui
furent les Confédérés ndT] ou le mid-West - comme corps
organiques. Je peux me tromper, peut-être des unités encore plus
petites - états, régions - sont aussi organiques dans votre
pays. En France, des provinces comme la Bretagne et la Provence
sont des corps organiques ; en Allemagne - la Bavière, la Saxe
et d'autres 'Länder' ('Pays').
· Le National Socialisme était un mouvement
quasi-Judaïque en ce qu'il préférait le 'sang' au 'sol'. Pour le
NS, un Allemand est un Allemand où qu'il vive, comme un Juif est
un Juif, pour les Juifs, même sur Mars. C'est pourquoi le NS
était un mouvement d'unification de tous les peuples
germanophones de la Volga à l'Alsace ; je m'élève et m'en tiens
à la complète individualité d'unités distinctes, contre Ein
Reich, ein Volk, et j'ai pour idéal, en fait, celui de l'Etat et
Révolution' [de Lénine].
Voilà pourquoi (et non pour cause de 'dilution
du sang', comme c'est le cas pour les NS), je suis opposé à la
migration entre entités organiques : par exemple, la migration
d'un Parisien vers et dans la Bretagne rurale est tout autant
nuisible que la migration d'un Noir de Virginie dans le Montana.
Votre problème racial est principalement un problème de
migration entre unités organiques.
· En quoi les 'unités organiques' sont-elles si
importantes ? Cela ne tient pas seulement à leur variété de
beautés et à la mosaïque imbriquée du monde. L'existence de la
Normandie ou du Nantucket a une valeur intrinsèque qui ne doit
pas être abandonnée contre la fausse monnaie du 'droit à la
libre circulation'. Mais la première raison est plus formidable
encore. Les êtres humains ont un vrai besoin d'unité, aussi vrai
que leur besoin d'union sexuelle. Cette unité, ou solidarité,
dans sa forme idéale est l'unité en Dieu, celle des gens unis en
l'Eglise. Mais afin de pouvoir fonctionner ensemble, les gens
devraient être façonnés par leur territoire aussi. Le territoire
n'est pas un espace vide, mais une unique unité de terrain, avec
son propre climat, son agriculture, sa flore et sa faune,
apprivoisée et sauvage.
Vivant ensemble sur une longue durée, les gens
d'une unité territoriale en arrivent à partager les mêmes
caractéristiques/qualités, et de la sorte sont capables
d'atteindre l'unité plus facilement et plus rapidement que dans
une société hétérogène. C'est pourquoi ils expriment de la
'xénophobie', c'est à dire le désir normal dans les sociétés
homogènes de n'avoir aucun étranger en leur sein qui ralentira
l'élan vers l'unité-en-Dieu.
· Dans la tradition juive, un étranger qui
accepte de dormir dans la même pièce qu'un couple marié est
considéré comme 'un tueur', parce qu'à cause de sa présence le
couple est forcé à s'abstenir d'union sexuelle.
Pareillement, nous devrions faire attention à ne
pas entraver l'union sacrée d'une unité organique en imposant
des idées et des paradigmes qui interfèrent avec elle. Par
exemple, un Juif sensibilisé au respect des droits civils, et
qui s'oppose à l'érection d'une scène de la Nativité sur une
propriété publique agit comme un étranger dormant dans la
chambre d'un couple marié.
· Les unités organiques ont des droits, comme
les êtres humains - ou même les entreprises - en ont. Dans le
paradigme néo-libéral, les sociétés humaines n'ont aucun droit,
seuls les individus et les entreprises ont des droits.
Probablement la seule exception tient dans les droits collectifs
des Juifs; et ceci nous oblige à porter plus d'attention sur la
centralité des Juifs dans l' Ordre Mondial Néo-Libéral.
['liberal' est à prendre autant au sens français que celui,
typiquement américain, de 'progressiste citoyen bobo' - ndT]
· Considérant ces unités 'organiques', leur
'xénophobie' n'est en rien différente d'un système immunitaire
biologique rejetant un corps étranger ou un implant.
Naturellement, les unités ont une certaine capacité à absorber
des éléments étrangers, mais cette capacité est limitée. La
migration intra-unitaire sape l'immunité et crée une sorte de
'syndrome d'immunodéficience acquise' qui entraîne la mort de
l'unité organique. Une unité morte est une unité qui n'a pas de
solidarité entre ses membres. Cela peut être constaté en termes
de fracture sociale ou par l'intensité de l'exploitation qui y
règene. Ce n'est pas par hasard si deux sociétés d'immigrants,
anti-indigènes - celle des Etats-Unis et d'Israël - affichent le
plus grand fossé social, parmi les pays développés, et les pires
conditions pour leurs travailleurs indigènes.
· La mort n'est pas éternelle; il y des forces
en action qui essayent de ramener une entité morte à la vie. Si
le bombardement par immigration en vient à cesser, ces forces
remporteront la victoire. Par exemple, Les Normands conquirent
l'Angleterre; ils tuèrent la vieille unité organique et créerent
une chimère à base de 'cheval et cavalier'. Mais
l'approvisionnement en vint à se tarir; et les Normands en
Angleterre furent en fin de compte absorbés, comme les Espagnols
en Irlande ou les Hugenots en Suède. En l'absence de migration
inter-régionales, les régions des USA auront une chance de
redevenir vivantes à nouveau - ceci si elles combattent
l'aliénation et promeuvent la solidarité.
· Economiquement, je me tiens au pôle opposé du
NS, car moi je soutiens le communisme comme la plus haute forme
de solidarité, une projection terrestre de l'Eglise. Le
communisme avec l'Eglise est invincible. En URSS, le Parti
essaya d'agir comme Eglise, avec quelque succès. Mais l'Eglise
sans Dieu est comme un coïtus interruptus, cela mène à la
frustration et la dislocation de l'union. Ainsi le communisme
athée, privé de Dieu, échoua, mais il n'est pas dit que le
communisme soit impossible. Il reviendra après s'être mis en
prise avec l'Eglise. Le National Socialisme fut encore plus
anti-Eglise et anti-Dieu que le Communisme ou le
Néo-Libéralisme. Pour moi, Dieu et l'Eglise ne sont pas de
rajouts que le rasoir d'Occam facilement désinstalle, mais les
éléments les plus importants de l'existence; de telle sorte que
je me dois en réalité de décliner le titre de National
Socialiste. Si une étiquette est nécessaire, celle de
"Communiste Local Chrétien" me conviendrait mieux.
· Cependant, même les couples heureux ont besoin
de quelque espace pour leurs individualités; pareillement, nous
pouvons accepter certaines dissensions individualistes,
dissension économique comprise (= libre entreprise) au-dedans
des communautés organiques. Le peuple devrait-être habilité à
mener quelque activité économique mineure, étant entendu que la
société retire aux plus riches l'excédent de leurs gains afin de
décourager la cupidité. Ainsi, je suis en faveur d'une taxation
extrêmement lourde (plus de cent pour cent) pour les opulents,
zéro taxation pour les gens ordinaires, et pour que les dettes
ne puissent être recouvrées par la force.
· Mon attitude envers les Juifs est assez
différente de celle du NS.
Alors que le NS se préoccupe de la 'race juive',
acceptant de ce fait pleinement l'auto appréciation juive, je
m'en tiens à la position Chrétienne-Orthodoxe et nie l'existence
d'une 'race juive', car personne n'est tenu d'être Juif. Je
rejette entièrement la 'tendance judaïque', c'est à dire, dans
les termes de Marx, anti-solidariste, antisociale tendance à «
tourner l'homme aliéné et la nature aliénée en objets
aliénables, vendables. » Le combat contre l'aliénation est le
plus important combat, dans ma vision ; et ici je suis Simone
Weil, qui était aussi anti-judaïque que possible. Mon attention
pour les 'unités organiques' est ce que Simone Weil nomme
'l'enracinement', le besoin de racines.
· Disant cela, je vois dans le combat contre le
privilège juif une importante direction dans le combat contre le
Pouvoir. Pour des raisons historiques, les Juifs sont devenus un
groupe dominant dans l'Ordre Mondial Néo-Libéral, comme en
témoignent aujourd'hui les pèlerinages massifs des dirigeants
mondiaux, dont Koffi Annan, vers le Musée de l'Holocauste. Comme
chaque Juif peut cesser d'être (= de se comporter en) juif, nous
sommes en guerre contre ceux qui n'utilisent pas cette
opportunité. Le combat pour « libérer les Juifs en libérant le
monde des Juifs », dans le texte de Marx, était une part
importante de l'idéologie de la Gauche ; cela devrait prendre un
nouveau départ, et non laissé au NS.
· Nous pouvons extraire le grain de la raison et
de la vérité de toute mauvaise idée. Derrière les descriptions
paranoïaques, sadiques des Turner Diairies [Carnets de Turner],
on peut voir le désir d'une société solidaire, où le peuple est
un. Mais dans l'univers sans dieu de Pierce, une telle unité ne
peut être réalisée que dans le meurtre de masse. Si Pierce avait
conscience de Dieu, il connaîtrait une autre voie pour atteindre
l'unité, qui est celle de la communion. Tandis que vous êtes
horrifiés par son racisme, je ressens de la compassion pour un
homme solitaire qui cherche la solidarité et ne sait pas où la
trouver. Sûrement ses rêves de 'journées de la potence' sont
plutôt révoltants - jusqu'à ce qu'on se rappelle les
révolutionnaires dont le rêve était de 'pendre le dernier roi
avec les tripes du dernier curé'.
· Il est possible que je sois moins horrifié par
les Carnets que vous ne l'êtes, car ma lecture est celle d'une
paraphrase d'un livre sioniste pour la jeunesse des années
1946-48. Remettez simplement les mots 'Britannique' à la place
de Système, et 'Arabes' à la place de Noirs, enlevez les
références à l'arme nucléaire et vous obtiendrez un texte juvéni
le israélien standard de cette époque. Les actes de terrorisme
se lisent comme les glorifications habituelles des attaques de
Lehi sur les postes de polices british et les souks arabes.
L'expulsion des Noirs et la joie de cet auteur à voir
travaillant aux champs un collectif purement blanc se lit comme
les carnets authentiques de Josef Weitz, à la tête du
Département de l'Agence Juive pour la colonisation : il se
félicitait de traverser les terres 'purifiées' (des Arabes) et
d'observer de purs juifs kibboutzim avec une joie similaire. De
sorte qu'une personne horrifiée par les "Carnets de Turner" et
collaborant quand même avec les Sionistes pourra être accusée de
duplicité, au mieux.
· J'espère avoir clarifié les points principaux
du malententendu.
en toute camaraderie,
Shamir
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Extrait du compte-rendu de Noël Ignatiev :
En décembre dernier j'avais envoyé à Shamir le
courrier suivant (édité afin d'éliminer répétition et références
personnelles) :
Votre proposition tenant la Russie de Staline
pour paradis des travailleurs est absurde. Les simples mentions
de Orwell et de Soljenitsyne devraient suffire à vous secouer
vers plus de réalité. La plus grande preuve du caractère du
régime Stalinien est dans la facilité avec laquelle les
Brejnéviens puis les gangsters prirent le pouvoir. Pendant
quarante ans Staline a fait la guerre aux travailleurs russes,
cassé leurs organisations, tuant ou déportant tout penseur
indépendant en leur sein, jusqu'à les épuiser et vider et
démoraliser, les marquant simplement à l'avance pour tout
'repreneur' (par exple Vlassov) qui leur offrirait quelque
espoir d'échappée.
Ma deuxième divergence avec vous porte sur
l'importance historique des Juifs. Même en imaginant qu'aucun
peuple tel que les Juifs n'ait jamais existé, le monde serait à
peu près comme tel il est. La société capitaliste du 19ème
siècle a amené avec elle la pauvreté, la maladie, et l'ignorance
parmi les esclaves de la paye en Europe et Amérique, sans parler
de la famine irlandaise, l'empoisonnement du peuple chinois par
l'opium, [et] la réduction de la population du Congo de dix
millions en quinze ans; mais personne n'a jamais envisagé une
main-mise juive sur le capital du 19ième siècle ni qu'il ait eu
un caractère néo-Judaïque. Dans « Le Capital » et les «
Grundrisse », Marx analyse et annonce le développement de la
société de son temps jusqu'au notre qu'il perçoit avec grande
acuité, et s'il n'est certainement pas tendre envers les Juifs
il n'empêche qu'il s'en passe fort bien en tant qu'objet
d'analyse. Même si tout Juif était un capitaliste et tout
capitaliste était un Juif, je demeurerais anti-capitaliste, et
non anti-Juifs, parce que le capital est une force conduisant la
planète à la destruction, et « le Juif » n'en st au maximum
qu'une personnification.
Je me souviens de quelqu'un vous reprochant
d'être trop modéré envers David Duke. Vous répliquiez que très
probablement,cette personne vous faisant ces reproches aurait
aisément toléré le suprématisme blanc de Duke, s'il n'était
aussi dirigé contre les Juifs. Dans ce cas, il s'agirait d' une
faute grave. Il serait également regrettable d' ignorer le
suprématisme de Duke en raison de son opposition aux Juifs.
Duke, la National Alliance, et autres avocats du White Power ne
sont pas de nos amis, tout anti-sionistes soient-ils...
Shamir n'a jamais répondu substantiellement à
cette lettre. Comme je m'y attendais, j'ai visité un hôte
charmant et chaleureux, je l'ai découvert en guide attentionné,
compagnon de voyage et capable de discuter savamment d'un large
éventail d'activités humaines, comprenant l'histoire, la
philosophie, la musique, le cinéma, la peinture et la sculpture,
et l'architecture et la physique et les sciences naturelles
aussi. Il apprécie la bonne chère et le bon vin et une bonne
blague. Il aime les femmes. Il est un bon partenaire en
conversation, sachant écouter comme contribuer - excepté quand
on en vient à certains domaines.
Je dois rapporter néanmoins ne pas avoir avancé
sur le moindre sujet évoqué dans ma lettre ou apparu au fil de
la conversation. Je vais maintenant présenter nos discussions.
1) Shamir sait son Marx, Les Manuscrits de 1844
inclus. Il prétendit avoir été influencé par les mouvements de
1968, et avoir travaillé en Russie avec des groupes comparables
au Praxis de Yougoslavie, Cahiers du communisme en France, ou
tout bien considéré nous-mêmes aux USA. Il m'a dit qu'il tenait
l' Etat et Révolution de Lénine comme son apport majeur. Lui
demandant comment il conciliait l'appréciation de tels écrits
avec son attitude positive envers Staline, il répondait que les
temps étaient différents alors, que Staline se trouvait face à
une situation difficile, qu'il avait consciencieusement essayé
d'élever le niveau culturel des travailleurs et paysans, ce qui
inclut l'accroissement de la part des personnes d'origines
paysannes ou prolétaires dans les institutions d'études
supérieures et tout spécialement au sein du Parti, que les
purges des années mi-trente étaient destinées à l'élimination
d'une couche de vieux bolcheviques (d'origine juive pour
beaucoup) qui en étaient arrivés à considérer l'Etat comme un
bien privé-propriété personnelle, et que la diffusion de la
brochure « L'Etat et Révolution » à des dizaines de millions
d'exemplaires était une marque de son dévouement à l'idéal d'une
démocratie prolétarienne. En réponse à mes remarques que Staline
avait surtout eu pour fonction historique d'industrialiser la
Russie, de venir à bout de l'illettrisme, d'émanciper les femmes
formellement, et en général d'amener les conditions nécessaires
finalement à l'accumulation capitaliste, et que les gangsters
d'aujourd'hui sont la progéniture aboutie [de l'oeuvre de
Staline], il m'accusa (sur le mode de l'humour) de lui rappeler
les Protocoles des Sages de Sion. A mes commentaires que je
n'avais pas lu ces Protocoles ni ne parlais de conspiration des
Juifs mais de la logique du développement capitaliste, pas de
réponse.
2) Shamir est d'une fermeté sans équivoque dans
ses écrits comme en conversation privée dans son opposition à ce
qu'il appelle l'idéologie judaïque et les intérêts juifs, et non
aux personnes d'origine juive. Il admire sincèrement Marx,
Trotsky, Rosa Luxemburg, Simone Weil, et autres d'origine juive
ayant refusé d'être identifié comme Juifs, et également Isaac
Deutscher, Chomsky et autres qui n'ont pas poussé si loin. Il
n'y a rien de raciste ou racial dans son attitude. Je suggérais
que les Juifs étaient au maximum un vecteur en Europe et
Nord-Amérique d'une idéologie qui aurait existé sans eux, et j'
amenais sur le tapis les cas de la Chine et du Japon, au
capitalisme sans Juifs. Et je lui disais que de s'en prendre «
aux Juifs » plutôt qu'au capital était dangereux en ce que cela
permettait de favoriser un secteur du capital (« productif »)
sur un autre (« spéculatif ».) Il admit que les Juifs ne
pouvaient être tenus pour responsables en Chine et au Japon. Et
il admit qu'il trouvait le capital d'industrie préférable à la
phase financière actuelle, qu'il identifie comme «néo-Judaïque.
» En considérant la réalité du global parasitisme actuel, la
tendance à préférer la précédente est compréhensible; dans le
cas de Shamir cela peut expliquer son évaluation positive du
régime de Staline, qui était tout à fait du type «productif.
»...
3) Nous avons eu nos discussions les plus
difficiles et acrimonieuses sur la blanchitude en Amérique.
Shamir est pro-Noir. Il considère le peuple Noir comme
constituant le pan le plus progressiste de la société U.S. Il a
publié des odes à Cynthia McKinney (la membre du Congrès
Afro-Américaine d'Atlanta ayant été défaite [un temps! ndT] par
L'AIPAC and co pour son opposition à la politique US au
Moyen-Orient.) Dans le même temps il estime que l'oppression
raciale n'est plus la politique de la classe dominante, et
qu'elle n'existe qu'en temps qu'héritage, incapable de faire
grand mal.
Il pense que nous donnons trop d'importance à la
couleur, et que nous devrions développer des programmes
représentant « la majorité », et non « les dix pour cent.» J'ai
avancé les arguments que vous pouvez imaginer, sans effet. Il
semble autant sourd sur le sujet que les gauchistes blancs qu'il
nous a fallu affronter pendant trente-cinq ans. Même après lui
avoir expliqué que notre but n'est pas dans un combat pour « les
dix pour cent », mais dans la confrontation avec la barrière
empêchant les travailleurs blancs de prendre conscience de leur
unité de classe, et qu'avec joie nous oublierions la couleur dès
que les travailleurs blancs l'auront de même fait, il m'accusa
avec le RT [Race Traitor, le Traître à sa Race] de ne nous
battre toujours que pour « une minorité.»
4) Quelques précisions : il voit la grande grève
des professeurs de 1968 comme une réponse à la tentative de
restructuration de la part de la classe dirigeante (« juive »)
utilisant l'exigence d'une « community control », la
reconnaissance des demandes communautaires, et énonce qu'au lieu
de soutenir ce 'community control 'des gens comme nous auraient
dû tâcher de trouver un point qui puisse unir Blancs et Noirs.
Il souligna que les Juifs ne mettent pas leurs enfants dans les
collèges publics urbains. Il ne fit pas plus référence au fait,
qu'il connaît pourtant, je le sais, que les Juifs constituaient
une majorité dans les syndicats des professeurs et la totalité
de leurs dirigeants. Malheureusement je l'ai laissé s'en tirer
sans avoir à s'expliquer sur ce paradoxe que le principal ennemi
des efforts « juifs » pour détruire les collèges publics était
la très « juive » Teachers' Union. Sont point de vue sur la
crise des bus d'écoles de Boston 73 était cohérente avec son
interprétation de la grève de New York, c'est à dire que la
classe dirigeante utilisa la revendication du transport scolaire
comme moyen de détruire les collèges et écoles publics, et qu'au
lieu de soutenir cela nous aurions dû rechercher un moyen d'unir
Noirs et Blancs.
5) Comme quiconque prenant l'histoire
sérieusement, Shamir la lit à l'envers: il a sa propre
interprétation de « Naissance d'une Nation, » caractérisant les
abolitionnistes américains comme précurseurs de l'impérialisme
US. J'ai essayé de lui donner une leçon d'histoire (il connaît
quelques travaux de DuBois, mais pas Black Reconstruction
[Reconstruction Noire]), décrivant les efforts des anciens
esclaves visant à réaliser une révolution à l'intérieur de la
révolution. J'ai concédé que les activités des esclaves et de
leurs alliésavaient débouché sur la victoire du capital
industriel, mais je lui disais que la responsabilité ne leur en
incombait pas mais qu'elle incombait à l'échec du prolétariat
blanc à reconnaître un mouvement ouvrier dès lors qu'il a la
peau noire.
Il écouta et dit, « Les temps ont changé depuis
lors, et la lutte pour l'égalité raciale n'a pas le même
potentiel que jadis. » Une position raisonnable, me disais-je,
et je me félicitais d'une petite percée, jusqu'au lendemain où
il décrivit Wendell Phillips comme l' « un de ceux toujours
prêts à partir défendre les esclaves par-delà les mers plutôt
que les prolétaires sous leurs nez » comme s'il n'avait pas
entendu un mot de ce que je lui avais dit.
5) Shamir s'oppose à l'immigration massive, sur
la base qu'elle est dommageable tant pour l'immigrant que pour
la société d'accueil. Son opposition n'est pas motivée par des
sentiments raciaux, et il n'est pas absolu : il croit qu'un
petit nombre de gens pénétrant une société de l'extérieur peut
être bénéfique. Pour prévenir des transferts de populations
massifs, il préconise une combinaison de transformations
économiques dans les pays du Sud et de restrictions en Europe et
Amérique du Nord. Lorsque j'exprimai mon opposition à son idée,
basée sur le fait que si les travailleurs d'Europe et d'Amérique
du Nord acceptaient de restreindre l'immigration alors ils ne
pourraient plus se constituer comme membres d'une classe
globale, et qu'ainsi il n'y aurait pas de transformation du Sud,
il m'accusa de n'attacher aucune importance aux cultures
traditionnelles. Je rejetai ce reproche, disant qu'avec lui
j'acquiéçais que les changements se produisent mieux quand ils
sont graduels, mais j'ajoutai que le mal créé par l'installation
de murs était bien supérieur à celui provoqué par leur
destruction... Tout comme Israël a fait plus que Hitler pour
détruire ce qu'il pouvait y avoir de quelque valeur dans la
culture Yiddish, l'exclusion des immigrants contribuerait plus
que leur admission sans entraves à la destruction de ce qu'il
pourrait y avoir de valeur dans la tradition américaine, dont
l'ouverture envers les nouveaux arrivants. Il écouta poliment
mais rajouta: « Non, vous n'attachez aucune valeur à la culture
traditionnelle ».
Charitablement, il ajouta qu'il devrait y avoir
de la place dans le monde pour mon opinion et celle de ceux qui
valorisaient la tradition par-dessus tout.
6) Shamir dit que puisque l'égalité raciale a
largement été atteinte, nous n'avons pas besoin de nous
embarrasser du passé de personnages comme David Duke, qui parle
plus à présent contre le sionisme et la guerre en Irak que
contre les Noirs comme par le passé. Il nous conseilla de
trouver un moyen de faire cause commune avec lui contre le
gouvernement fédéral. Je répondis que même s'il avait abandonné
explicitement son idée de suprématie blanche, et même si c'était
sincère de sa part, l'on devait nécessairement garder à l'esprit
que la solidarité blanche avait le potentiel, étant donné la
tradition américaine, d'une base de ralliement pour un
mouvement. Tant que l'économie se maintiendrait plus ou moins,
aucun mouvement suprématiste blanc explicite ne pouvait
constituer une menace bien consistante, mais que si le dollar
s'effondrait et entraînait avec lui la vie quotidienne des
Blancs ordinaires, il était probable que beaucoup chercheraient
à résoudre leurs problèmes sur le dos des Noirs, comme déjà par
le passé, génocide non exclu, et qu'il était envisageable qu'un
tel mouvement puisse arriver au pouvoir aux USA, seul ou avec la
collaboration d'un secteur du capital. Il appela ceci « pensée
Judaïque, » une prolongation de l'habitude des Juifs à se voir
en cible de persécutions. Ce fut l'autre occasion qui me porta à
la colère envers lui - m'accuser, moi, d'une « pensée Judaïque »
!
Je quittai Shamir en lui laissant des
exemplaires de '"apitalisme d'Etat et Révolution Mondiale",
"Race Traitor", et des discours de Wendell Phillips, et lui
enjoignis de lire les Carnets de Turner [Turner diaries], mais
ne suis pas optimiste. Sur la base de nos conversations et de
ses travaux publiés, je dirais que la meilleure étiquette à ses
idées politiques pourrait être le socialisme national[iste].
Pour les Américains éduqués par les films de Spielberg et les
images hollywoodiennes de nazis en monocles disant «
Nouzafvonlesmoyensdevfousfeereparleere », j'ajoute empressé que
le socialisme national d'aujourd'hui n'est pas le
National-Socialisme de 1933.
(de plus, les sympathies russes de Shamir
l'empêchent de s'identifier sans réserve à Hitler.) Les idées
politiques de Shamir ne sont pas les nôtres (si tant est que ces
'nôtres' puissent encore être tenues pour existantes), mais ne
sont pas non plus celles de la social-démocratie, du localisme
vert, du nationalisme tiers-mondiste, de l'anarchisme
individualiste, ou libertarisme, et je ne perçois pas en quoi le
socialisme national d'aujourd'hui serait plus dangereux
qu'aucune des étiquettes précédentes.
Dans une allocution récente devant la chambre
des Lords britannique, Shamir déclarait que celui qui soutient
Israël devrait s'excuser auprès de la Rhodésie et de l'Afrique
du Sud. Je suis d'accord avec lui, et de manière similaire je
dis qu'aucune personne maintenant des relations avec les 'Two
Staters' (tenants de la solution à deux Etats) ou bien avec les
protectionnistes s'opposant à l'ALENA (ou NAFTA: l'accord de
libre échange et de circulation des biens en Amérique du Nord)
ne peut alors trouver d'assise morale dans l'attaque qui est
portée contre moi lorsque je m'oppose à l'exclusion de Shamir
d'une organisation anti-sioniste.
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