Guerre et paix
Août 2002
Le système du bipartisme, aux Etats-Unis, est mort. Il a perdu
la confiance des gens ; les électeurs sont de moins en moins
nombreux à se diriger vers les isoloirs - le choix offert étant
toujours un mauvais choix. Le dernier glas du système bipartisan
a été sonné par la défaite de la congressiste Cynthia McKinney,
représentant la Géorgie aux primaires du parti démocrate.
Dans ces primaires du parti démocrate, on lui a dressé une
embuscade, ses ennemis ayant fait venir des milliers d’électeurs
républicains afin qu’ils votent contre Cynthia. Ces républicains
avaient-ils été aveuglés, tel saint Paul sur le chemin de
Damas ? Alexander Cockburn, de la revue électronique
Counterpoint a une autre interprétation : “Des Niagaras
d’argent juif sont tombés en pluie sur les opposants à Cynthia
McKinney, tandis que des tombereaux de fumier étaient déversés
sur sa tête, dans les quotidiens Washington Post et
Atlanta Constitution (dont les propriétaires et les
rédacteurs en chef sont juifs) ”.
“Cynthia n’est pas la première victime afro-américaine du lobby
juif » : Earl Hilliard, le premier membre de couleur à avoir été
élu au Congrès en Alabama après la Reconstruction, a été battu
par “ une avalanche de fric provenant des organisations juives
américaines à la limite de la légalité”, écrit Cockburn, pour
« en avoir appelé à un peu plus d’équité au Moyen-Orient”.
La déduction de Cockburn est rejetée par Stephen Zunes,
lequel insiste pour dire que ce sont les forces favorables à la
guerre qui ont battu Cynthia.
“Des milliers de Républicains conservateurs ont
participé à la primaire démocrate dans le seul but de battre
l’une des avocates les plus énergiques des droits civiques, des
travailleurs et de l’environnement, au Congrès, et aussi un
retentissant pourfendeur au sein de cette assemblée à l’égard du
président George W. Bush. Ces républicains ont été
particulièrement indignés par la critique de Cynthia McKinney
contre la ‘guerre antiterroriste’ du Président Bush. Les
principaux donateurs de Majette comportent un nombre conséquent
de grands mécènes républicains et très peu de noms
habituellement associés à l’appartenance à la communauté juive”,
a écrit Zunes dans un article justement intitulé : “ Ne faites
pas retomber la faute de la déroute de Cynthia McKinney sur les
Juifs”.
Le brillant Edward Herman
rejette quant à lui la conclusion à laquelle Zunes est parvenu,
en reliant la défaite de Cynthia à celle de Hilliard, un autre
Noir membre du Congrès, qui avait osé se mesurer au lobby juif :
“Le point commun entre ces deux élections a été
la haine [des juifs] contre ces Noirs qui osent contrer leur
politique. Les immixtions [du lobby juif] dans les élections en
Alabama et en Géorgie et son succès dans l’élimination de
Hilliard et de McKinney représentent incontestablement une forme
d’abus d’influence sur les électeurs noirs, par le recours à
l’argent plus qu’au moyen de manipulations illégales ou que par
la coercition, et il faut absolument s’y opposer, sans répit”.
Dans ce polar politique, nous sommes confrontés à l’embarras du
choix entre deux coupables potentiels : le lobby juif et le
parti pro-guerre. Examinons un peu les noms des protagonistes.
Le débauchage a été organisé par des gens tels John Podhoretz,
David Horowitz, Jonah Goldberg, du National Review Magazine
de William F. Buckley. Ce sont les mêmes qui avaient inspiré
Newt Gingrich et l’ex-porte parole de l’Assemblée, bras droit de
Richard Perle du Conseil National Consultatif de la Défense
(National Defense Advisory Council) – alias la coterie de
Wolfowitz. Gingrich, un Géorgien, s’est chargé des basses
œuvres. Ils s’en sont tirés sans être inquiétés grâce à la
connivence du parti démocrate. Le gouverneur Roy Barnes, un
démocrate, était en rapport étroit avec Gingrich.
Nous en étions réduits à la situation inconfortable d’un
conducteur ivre, qui voit absolument tout en double. Le lobby
juif, c’est en tous points le parti pro-guerre, gang très uni
constitué de juifs suprématistes et de leurs alliés
néo-conservateurs non juifs. En 1990, Joe Sobran a établi la
liste des commentateurs qui prenaient constamment la défense
d’Israël : Podhoretz, Rosenthal, Dershowitz, Martin Peretz,
George Will, Mortimer Zuckerman, Morton Kondracke, Jeanne
Kirkpatrick, Kenneth Adelman, Amos Permutter, Eric Breindal, Cal
Thomas, Max Lerner, Ben Wattenberg, Charles Krauthammer, William
Safire, Fred Barnes… Aujourd’hui, tous ces gens-là sont des
chauds partisans du parti pro-guerre.
Bill White
a suivi l’évolution des ‘sympathiques’ membres de la liste de
Sobran : “Non seulement ces noms nous sont encore familiers
aujourd’hui - ils sont au pouvoir, après s’être faufilés dans
l’administration Bush en se cachant derrière le rideau.
Aujourd’hui, l’Amérique ne se préoccupe plus de l’infiltration
israélienne dans le gouvernement. Non : aujourd’hui, le
gouvernement américain est carrément un comptoir colonial de
l’Etat terroriste sioniste. Norman Podhoretz, bien entendu, est
encore le cochon impérialiste fauteur de guerre de toujours.
David Frum, aujourd’hui, écrit les discours dont George le
Second abuse pour nous entraîner dans la guerre. [C’est lui qui
a eu le coup de génie de l’Axe du mal]. Alan Dershowitz,
aujourd’hui, c’est le type qui est capable (pour reprendre les
mots de la chaîne de télévision CBS) ‘de déclarer à notre
correspondant, Mike Wallace, que la torture est inévitable’” [et
qui fait la promotion du racisme].
Ainsi, tant les républicains que les démocrates apparaissent
infiltrés. C’est tellement vrai qu’avec Gore comme président, la
guerre contre l’Irak commencerait même plus tôt qu’avec Bush. La
place des deux vieux partis républicain et démocrate est
désormais occupée par deux nouveaux partis : le parti de la paix
et le parti de la guerre.
Le parti de la paix veut maintenir l’Amérique à l’écart et à
l’abri des aventures extérieures, revitaliser l’économie,
améliorer l’existence des Américains ordinaires. Un porte-parole
de la paix, l’écrivain Gore Vidal, a exhorté à renforcer les
valeurs républicaines et à rejeter les ambitions impérialistes.
Le parti de
la guerre, lui, veut transformer les Etats-Unis en machine de
guerre d’intérêts étrangers, détruire l’Irak, s’emparer de
l’Arabie saoudite, remodeler entièrement le Moyen-Orient et
faire d’Israël le nouveau centre du monde. Le lobby juif est
désormais la force agissante au sein du Parti de la guerre. Et
nous sommes très loin d’une préoccupation sincère des juifs
américains pour leurs coreligionnaires au Moyen-Orient.
Dieu sait s’il y a suffisamment de juifs, au parti de la paix,
aussi. Noam Chomsky, Howard Zinn et bien d’autres soutiennent la
paix et rejettent la Troisième Guerre mondiale. Mais la
communauté juive organisée (“les Juifs”, par opposition aux
“juifs”) ont opté pour la guerre, dans l’espoir de faire de
l’Etat juif la force la plus puissante dans la politique
mondiale. Ils ont demandé à tout politicien de leur jurer
fidélité, de leur promettre d’obtempérer aux injonctions du
lobby juif, non seulement en ce qui concerne la question
relativement marginale (pour des Américains) de la Palestine,
mais aussi la question, centrale, du pouvoir aux Etats-Unis.
Cynthia a refusé.
Et, par conséquent, Cynthia est devenue une cible pour le parti
de la guerre/lobby juif, car elle était loyale, entêtée,
décidée, honnête et affable. Loyale, elle considérait sa loyauté
envers ses électeurs, les gens simples de Géorgie, comme un dû.
Têtue, Cynthia n’aurait jamais professé un soutien aveugle à
Israël. Honnête, elle n’aurait jamais pris des sous dans les
poches de ses électeurs pour les envoyer à Tel-Aviv. Femme
affable, elle n’aurait jamais envoyé les jeunes hommes de
Géorgie à la mort dans les vallées de l’Irak et les déserts de
l’Arabie, théâtre de la Troisième Guerre mondiale qui rôde. Pour
une Afro-Américaine, cela ne tient pas debout, de mettre en
danger son pays dans une guerre pour les beaux yeux d’un Etat
dont le symbole se résume à une barrière de fils de fer barbelés
autour de son ghetto natal. Cela ne rime à rien, non plus, pour
d’autres candidats, à moins qu’ils n’aient vendu leur âme au
diable pour accéder au pouvoir, ou qu’ils soient simplement des
vendus.
L’erreur de Cynthia a été de faire confiance aux Démocrates.
Elle aurait mieux fait d’être candidate indépendante. Les deux
‘vieux partis’ sont devenus hors jeu, en ne s’appuyant plus que
sur une force unique : le réseau médiatique monocorde des
soutiens à Israël. Il faut leur opposer une force novatrice,
pacifiste, rejetant l’impérialisme et basée sur une vision
renouvelée. Grâce au Ciel, les gens sont de plus en plus
fatigués du système piégé du bipartisme. Il est grand temps de
changer les schèmes politiques, de former de nouvelles alliances
et de rejeter les rivalités et les haines dépassées : en tout
premier lieu, les conflits interethniques.
1.
« Dont blame the Jews for Cynthia McKinney’s Defeat », 26
août 2002.
2.
“A reply to Stephen Zune’s on the Jews and Cynthia
Mckinney’s Defeat, 27 août 2002, sur
www.commondreams.org
3.
“The Purge of Joe Sobran and the Axis of Evil: How letting
the Neo-cons Gail Control Has Brought the Nation to the
Brink of War” (Comment le fait de laisser les
néo-conservateurs étendre leur contrôle a amené la nation au
bord de la guerre), sur
http://overthrow.com
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