Coup de tonnerre dans un ciel d’été
par Israël Shamir
on Shamireader, 14 juillet 2008
shamireaders@yahoogroups.com
traduit de l’anglais par Marcel Charbonnier
Le coup de tonnerre dans un ciel serein que fut le véto russo-chinois sur la
question du Zimbabwe a mis fin à un interminable suspense : le transfert du
pouvoir, en Russie, est achevé ; l’illusion dont se berçait l’Occident, de
pouvoir n’en faire qu’à sa tête, c’est terminé.
En Russie, depuis l’élection du président Medvedev et le passage de
Vladimir Poutine au poste moins prestigieux de Premier ministre (et même,
quelque temps avant cela), la politique étrangère russe était une énigme.
Prévalait l’opinion très largement partagée selon laquelle M. Medvedev
adopterait une politique plus conciliante vis-à-vis des Etats-Unis et de
l’Occident, et même qu’il finirait par renoncer aux positions prises par son
puissant prédécesseur. La Russie étant le principale obstacle au rêve le plus
fou de Bush – conquérir l’Iran –, il ne s’agissait nullement, en l’occurrence,
d’une question théorique, et beaucoup d’observateurs, dans le monde entier (dont
le scripteur de ces lignes), observaient les initiatives de la Russie avec une
extrême appréhension.
Les derniers développements les ont tout-à-fait rassurés (ou, pour
certains, désillusionnés…) La Russie de Medvedev & Poutine est encore plus
indépendante et cohérente que la Russie telle que nous la connaissions l’année
dernière ! Le transfert du pouvoir était resté suspendu, tel un nuage noir, dans
les cieux russes, durant très longtemps, et ce n’est que maintenant, avec le
coup de tonnerre en plein mois de juillet qu’a représenté le véto russo-chinois
sur la question du Zimbabwe, que l’on sort de l’incertitude. Cela fut précédé
par un petit avertissement : la Russie exigea que l’on démantelât le Tribunal
pour la Yougoslavie, cet ultime vestige de la guerre menée par l’Otan contre ce
malheureux ci-devant indépendant des Balkans.
C’était là une exigence éminemment symbolique. La Yougoslavie fut,
en effet, l’arène d’un terrible crime, mais ce crime, ça n’était pas un
« génocide » inventé par l’Otan et bidouillé avec Photoshop. Les nombreuses
années de fonctionnement du Tribunal en question n’ont produit strictement
aucune preuve, les « fosses communes » et les « millions de victimes de
l’Holocauste bosniaque » s’avérant des vues de l’esprit. Non : le [véritable]
crime, ce fut l’intervention de l’Otan, l’embargo et les bombardements qui
aboutirent, en fin de compte, à la balkanisation des Balkans, et à des
souffrances infinies pour tous les habitants de cette région du monde. Le crime
avait été rendu possible par l’absence de la Russie de l’arène internationale.
Après 1991, brisées, appauvries, mentalement épuisées et spirituellement
colonisées, les républiques croupions nées de l’éclatement de l’URSS devinrent
des objets, et non plus des sujets, dans les relations internationales.
Avec ce trou noir géant, à la place de l’URSS, l’Occident pouvait
agir à sa guise, pour la première fois depuis 1920, et c’est ce qu’il fit, en
renouant avec ses politiques colonialo-impérialistes du XIXème siècle. Le viol
brutal de la Yougoslavie et la première guerre bushienne contre l’Irak furent
les deux paroxysmes des années 1990.
Mais, une fois encore, le peuple russe a prouvé sa résilience,
comme il l’avait fait après l’invasion allemande, en 1941. Dessaoulée de ses
sentiments initiaux, idiotement pro-américains, par les bombardements sur
Belgrade, la Russie a recouvré la place qui lui revient légitimement dans le
monde. Elle n’a pas approuvé l’agression anglo-américaine contre l’Irak, contre
l’Afghanistan, et (maintenant) contre l’Iran. Elle fournit des armes à Chavez.
Les dirigeants russes rencontrent très régulièrement le Hamas, le parti
palestinien le plus démonisé – bien que démocratiquement élu – qui soit. Grâce à
ses relations d’amitié avec la Chine, la Russie pourrait bien remodeler
entièrement les relations politiques mondiales…
Mais il est une région du monde, où les calamiteuses années 1990
continuaient à rôder : l’Afrique. Le Continent noir est dans une situation
terrible, et la résolution proposée par les Etats-Unis au sujet du Zimbabwe, si
par malheur elle avait été adoptée, aurait rendu cette situation encore bien
pire, en réitérant le fiasco somalien.
En Somalie, c’est le désastre : l’invasion éthiopienne sponsorisée
par les Etats-Unis a virtuellement entièrement détruit l’infrastructure
économique. Les Somaliens sont affamés, et un flot de réfugiés s’écoule sans
fin, de l’Afrique du Sud à la Suède. Les Ethiopiens ont envahi le pays alors que
les Somaliens se remettaient à peine de l’intervention américaine de la veille,
sous drapeau de l’Onu, et mettaient en place un pouvoir relativement stable de
corps constitués autonomes locaux, appelés les Tribunaux Islamiques. Cette
invasion éthiopienne – et le désastre qui s’en ensuivit – ne se serait pas
produite, sans la résolution du Conseil de Sécurité.
Salim Lone, éditorialiste du quotidien kényan Daily Nation, et
ex-porte-parole de la mission de l’Onu en Irak, a écrit :
« Les Etats-Unis ont imposé une résolution effroyable, en décembre
2007, affirmant que la situation en Somalie représentait une menace « pour la
paix et la sécurité internationales », et ils ont quasiment donné le feu vert à
l’Ethiopie, pour qu’elle envahisse ce pays. Cette résolution n’était pas très
différente, dans sa rédaction et dans son intention, de celle que
l’administration Bush vient d’échouer à imposer au bulldozer au Conseil de
Sécurité, au sujet du Zimbabwe. Malheureusement, pour la Somalie, ni la Russie,
ni la Chine, n’étaient intervenues, à l’époque, ce qui avait abouti à une
résolution outrageusement fallacieuse, ouvrant le pays à une invasion soutenue
par les Etats-Unis, entraînant des pertes inévitables, dont le déplacement de
millions de civils. »
Cette fois-ci, la Russie et la Chine se sont unies, imposant leur
véto à cette résolution, et soutenant l’opinion de la quasi-totalité des pays
africains et asiatiques, dont le voisin-même du Zimbabwe, l’Afrique du Sud. Pas
la peine d’être un expert ès-questions africaines pour bénir ce véto. Nous en
avions plus qu’assez des interventions néocoloniales, depuis l’ère Gorbatchev :
Irak, Panama, Nicaragua, Yougoslavie, Somalie, Erythrée, Congo, et que sais-je
encore ?...
Que ce raz-de-marée ait été brisé, au Zimbabwe, c’est une
excellente nouvelle. Le principe de la souveraineté a été défendu. Si,
aujourd’hui, les maîtres coloniaux étaient autorisés à vadrouiller au Zimbabwe,
demain, l’Iran suivrait, et tôt ou tard, Moscou et Pékin seraient assiégés.
Désormais, nous pouvons espérer que la Russie et la Chine vont utiliser leur
droit de veto plus souvent, et qu’elles stopperont toute tentative colonialiste,
qu’il s’agisse d’étrangler l’Irak ou d’écraser la Birmanie…
Pendant trop longtemps, la Russie et la Chine ont hésité à utiliser
leur droit de veto ; ce droit a été utilisé principalement par les Etats-Unis,
afin de servir les intérêts de son porte-avion proche-orientale, j’ai nommé
Israël. Désormais, les British et les Amerloques enragent de voir la Russie et
la Chine utiliser ce droit. Laissons-les crever de rage, découvrir que le monde
a changé, encore une fois, et se dessaouler de l’illusion que l’opportunité dont
ils bénéficiaient depuis 1990 serait éternelle, dont ils se berçaient.
Qu’est-ce qu’il se passait, au juste, au Zimbabwe ? En résumé : une
« révolution colorée » foireuse, comme celle que les Etats-Unis et le
Royaume-Uni ont instiguées en Ukraine et en Géorgie, et qu’ils ont échoué à
déclencher tout-à-fait en Birmanie et en Mongolie. Des forces pro-occidentales
tentèrent d’évincer le président légitime, Robert Mugabe. Mugabe a remporté les
élections, comme Milosevic en Yougoslavie, comme Yanukovich en Ukraine, ou comme
Haniéh en Palestine, mais l’Occident ne reconnaît jamais des élections, dès lors
que le résultat n’en est pas à son goût.
Stephen Gowans a écrit : « Au cœur du conflit, il y a un clash
entre deux droits : le droit des colons blancs à jouir des terres volées, contre
le droit des propriétaires légitimes à recouvrer leurs terres. » Ce n’est pas
tout-à-fait exact. Il ne s’agit pas d’une lutte Blancs contre Noirs. Les colons
blancs peuvent être un élément utile et important de l’économie nationale
zimbabwéenne, mais ils ont fait un mauvais choix.
Notre ami sud-africain Joh Domingo a expliqué la situation : « Il y
avait une opportunité, pour des fermiers blancs indépendants, d’utiliser leur
expérience et de se fondre dans le tissu de la société africaine, mais ils ont
choisi de se compromettre avec le gros agrobusiness, ainsi qu’avec
l’exploitation des ressources minières du Zimbabwe ».
Reflétant les campagnes menées en Biélorussie, en Ukraine, au
Kirghizstan et au Venezuela, les articles relatant des fraudes électorales
remplissent nos médias. « L’opposition est affamée, elle est agressée, et les
élections sont bidonnées », dit le refrain. En même temps, des groupes
progressistes déplorent leur triste sort, et se demande pourquoi ils sont
incapables de promouvoir des saints, en lieu et place de sauvages ? Ils feraient
mieux de se demander pourquoi tous ceux qui sont en délicatesse avec les
superpuissances Globales sont toujours des ‘sauvages’ : Mugabe, Saddam,
Milosevic, Aristide, Castro… (je vous laisse compléter la liste) ».
Les Blancs du Zimbabwé feraient bien de ne pas s’allier à
l’Occident impérialiste. S’ils s’en abstiennent, leurs problèmes, ainsi que bien
d’autres problèmes locaux, trouveront assurément une solution.
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July Thunder
By Israel Shamir
14.07.2008
July thunder of Russo-Chinese veto over Zimbabwe ended the long
suspense. Power transfer in Russia has been completed; the lull of the West’s
total freedom of hands is over.
Since the recent Russian election of President Medvedev and
Vladimir Putin’s shift to the less prominent post of Prime Minister, and even
for a while before that, the Russian foreign policy was a question of guessing.
There was a widely-held view that Mr Medvedev will take a more submissive course
towards the US and the West, and eventually will surrender the positions taken
by his mighty predecessor. Provided that Russia is the main hindrance of Bush’s
wet dream to take over Iran, this was not a theoretical question, and many
observers around the world (including this one) looked with great apprehension
at the Russian moves.
The recent developments disabused them. Russia of Medvedev-Putin is
even more independent and coherent than the Russia we knew of last year.
Transfer of power hanged over like a dark cloud in Russian skies for a very long
time, and only now, with July thunder of Russian-Chinese veto over Zimbabwe, it
is over. It was preceded by a small warning: Russia demanded to dismantle the
Yugoslavia Tribunal, this last vestige of NATO war against the once-independent
Balkan state.
This was a richly symbolic demand. Yugoslavia was indeed the arena
of a terrible crime, but the crime was not a NATO- invented and
Photoshop-produced “genocide”. So many years of the Tribunal operation produced
zero proofs, while “mass graves” and “million victims of Bosnian Holocaust”
turned out to be a figment of imagination. The crime was the NATO intervention,
blockade and bombardment which eventually led to Balkanization of Balkans, and
to endless suffering for all its residents. The crime was made possible by
Russia’s disappearance from the world arena. After 1991, broken, impoverished,
mentally exhausted and spiritually colonised successor states of the USSR became
an object rather than subject of international relations.
With this great black hole in stead of the USSR, the West could act
freely for the first time since 1920, and it did so by reverting to the
colonialist-imperialist policies of Nineteenth Century. Brutal rape of
Yugoslavia and the first Bush war on Iraq were the peaks of 1990s.
But the Russian people proved their resilience once again, as they
did after the German invasion of 1941. Sobered out of its silly pro-American
sentiments by Belgrade bombing, Russia regained its legitimate place in the
world. She did not acquiesce in the Anglo-American attack on Iraq, Afghanistan
and (now) Iran. She supplies Chavez with weapons. Russian leaders routinely meet
with Hamas, the much demonised though democratically elected Palestinian
movement. In friendship with China, Russia may yet reshape the world politics.
There is one area, where the 1990s still lingered, and this is
Africa. The Black continent is in a terrible shape, and the US-proposed
resolution on Zimbabwe would make it even worse, by repeating Somalia.
There is a disaster in Somalia: the US-sponsored Ethiopian invasion
has destroyed virtually all the life-sustaining economic systems, Somalis are
being starved and a flood of refugees runs freely from South Africa to Sweden.
The Ethiopians invaded when Somali just recovered from the previous American
intervention under the UN flag, and formed rather stable rule of local
autonomous bodies called Islamic Courts. This invasion – and consequent disaster
– would not happen without the Security Council resolution.
Salim Lone, a columnist for the Daily
Nation in Kenya and a former spokesperson for the UN mission in Iraq, wrote:
“The US pushed through an appalling resolution in December [2007]
saying the situation in Somalia was a threat to “international peace and
security” and basically gave the green light to Ethiopia to invade. Not much
different in text and intent to the current failed attempt by the Bush
administration to bulldoze a Security Council resolution on Zimbabwe.
Unfortunately for Somalia, neither Russia nor China intervened then, resulting
in a blatantly false resolution setting up the country for an American-backed
invasion leading to inevitable losses, including displacement of millions.”
This time, Russia and China united in vetoing this resolution,
supporting the view of virtually all African and Asian countries, including
Zimbabwe’s own neighbour, South Africa. One does not have to be an expert on
African affairs to bless this veto. We had enough of neo-colonial interventions
since the Gorbachev’s days: Iraq, Panama, Nicaragua, Yugoslavia, Somali,
Eritrea, Congo and what not.
This is good that in Zimbabwe, the wave was broken. The principle
of sovereignty was upheld. If today the colonial masters will be allowed to ride
into Zimbabwe, tomorrow, Iran will follow, and sooner or later, Moscow and
Beijing will be besieged. Now we can hope that Russia and China will use their
right more often and will block every colonialist attempt to strangulate Iran or
squeeze Burma.
For too long time, Russia and China hesitated to use their right of
veto; this right was used mainly by the US in the interests of its
Middle-Eastern proxy, Israel. Now, the Brits and the Americans are enraged that
this right is used by Russia and China. Let them rage, and discover that the
world has changed once again, and the lull of opportunity they had since 1990 is
over.
What was going in Zimbabwe? In short, a failed “colour revolution”,
like those the US and the UK instigated in Ukraine and Georgia and failed to
achieve in Burma and Mongolia. Pro-Western forces tried to remove the legitimate
President Robert Mugabe. Mugabe won elections like Milosevic in Yugoslavia, or
Yanukovich in Ukraine or Hanieh in Palestine, but the West never accepts the
elections if unsatisfied with the results.
Stephen Gowans
wrote: “At the core of the conflict is a
clash of right against right: the right of white settlers to enjoy the stolen
land against the right of the original owners to reclaim their land.” This is
not exactly correct. This is not White against Black struggle. The white
settlers could be a useful and an important element of national economics, but
they have made a wrong choice.
Our friend, South African Joh Domingo explained the situation:
“There was an opportunity for individual White farmers to utilize their
experience and embed themselves into the fabric of African society, but they
chose the path of aligning themselves with big agribusiness, and with
exploitation of the mineral wealth of Zimbabwe.”
Mirroring the campaigns in Belarus, Ukraine, Kyrgyzstan and
Venezuela, reports of electoral bias fills the media. - "The opposition is being
starved, they are assaulted, and the elections are rigged": So goes the refrain.
At the same time, progressive groups bemoan their fate, and ask why they cannot
champion saints instead of savages. Instead they should ask why all those at
odds with the Global superpowers are always savages: Mugabe, Saddam, Milosevic,
Aristide, Castro… the list goes on and on.”
The Zimbabwe whites should not ally themselves with the
imperialist West, and then certainly their problems, and other local problems
will be solved.
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