En défense du préjugé
par Israël Shamir
on
Shamireaders, 9 juin 2008
Si les trois
candidats des principaux partis à la Présidence américaine s’apprêtent à aller,
le chapeau à la main, proclamer leur fidélité à l’AIPAC, si un ancien Président
ne peut pas exprimer ses opinions sans être brutalement agressé par l’ADL,
l’Amérique a peut-être besoin d’une révolution afin de reconquérir sa liberté
d’exprimer ses sentiments, à moins que les activistes gémissants de l’ADL
n’aient été peu ou prou domptés, pour commencer.
Israel Shamir répond à la complainte de l’ADL
Au-delà du Golden
Gate, sur une plage sablonneuse du glacial Nord-Pacifique, parsemée de rochers
noirs et fréquentée par les sirènes, s’étend le Marin County. Dans cette région
sans doute la plus belle de toute la Californie, les sirènes ne charment pas les
marins ; ces mammifères bien nourris (appelés aussi lamantins ou vaches-de-mer)
se rassemblent en troupeaux sur la plage, non loin d’êtres humains presque aussi
pacifiques et paisibles. Ce sont des êtres (les humains, pas les vaches-de-mer)
agréables, blonds et hâlés, sous l’effet du yachting, du vin blanc et de la
poésie soufie, c’est du moins ce qu’il m’a semblé, après une rapide visite,
entre deux vols. La vie confortable ne fait pas des habitants des êtres mous et
placides, sans doute grâce au climat, relativement stimulant : le Marin County
est le gîte de cette espèce rare, le radical américain. Il y a là-bas plus de
nos lecteurs et de nos amis que dans toute la ville de New York…
Plus d’une fois, je
me suis moi-même surpris à marmonner : « La Californie du Nord et ses habitants
sont trop bien, pour les Etats-Unis ! ». La frontière devrait être ramenée à
Monterrey. Que les Yanks prennent tout Los Angeles, avec ses avocats aux dents
longues, les épouses au gros cul, les profs de gym gonflés aux stéroïdes et les
stars siliconées qui se chargent de les détendre. La Californie du Nord devrait
être attachée à quelques grosses baleines et déménagée vers la rive atlantique
de l’Europe, quelque part, près de la Normandie. Ce n’est pas un hasard si cette
bande de territoire a appartenu pour un temps à la Russie ; elle en a conservé
quelque chose de l’esprit russe, bien qu’elle longe l’Océan Pacifique, et non la
Mer Baltique.
Leur quotidien local,
le Coastal Post, est d’une indépendance stupéfiante vis-à-vis du Lobby.
Il est tellement libre qu’il a publié mon article « Carter et l’Essaim »
[ Carter and the Swarm ], en défense du Président Jimmy Carter, après qu’il eut
franchi la ligne jaune et que le Lobby l’ait marqué au fer rouge, le menaçant de
poursuites en vertu d’une obscure loi remontant à 1799. La féroce police
politique juive, l’ADL, a attaqué l’article, et moi, « dénonçant la perpétuation
sans aucune justification des stéréotypes d’une cabale malveillante de juifs
« poussant à la guerre », ainsi que le stéréotype caractéristique de Shamir
de « magnats juifs des médias » qui « définissent la ligne du parti ».
Voici ma réponse à
cette attaque de l’Anti-Defamation League :
En défense du préjugé
Les stéréotypes et
les préjugés sont une partie légitime de notre existence. Ils nous facilitent la
vie. Si, alors que vous marchez dans les rues sombres d’un ghetto urbain, vous
remarquez un gang d’adolescents sans une seule femme parmi eux, votre préjugé
vous dit de faire prudemment demi-tour. Si un clochard en haillons propose de
vous vendre une montre en or, votre préjugé vous avise d’éviter de conclure ce
marché. Si une charmante étrangère insiste pour que vous couchiez avec elle,
votre préjugé vous dit d’utiliser un condom – ou de prendre vos jambes à votre
cou. L’ADL, à raison, affirme qu’il existe un stéréotype visant une « cabale
malveillante de juifs » qui sont en train de « pousser à la guerre », ainsi
qu’une autre cabale de « magnats juifs des médias », qui « définissent la ligne
du parti. »
Quand un stéréotype,
ou un préjugé, est utilisé, c’est généralement à la suite de nombreuses
expériences déplaisantes vécues par des personnes qui au départ n’en souffraient
pas. Les jeunes du ghetto urbain peuvent effectivement vous casser la figure, le
clochard va vraisemblablement vous fourguer de la pacotille, la délurée peut
vous refiler la chaude-pisse. Et la Juiverie organisée a bel et bien poussé à la
Seconde guerre mondiale et à la guerre en Irak, et aujourd’hui, elle pousse à la
guerre contre l’Iran et la Syrie, tout en soutenant l’apartheid en Israël. Les
médias américains consensuels, du New York Times et du Washington Post
jusqu’au Chicago Tribune et au Los Angeles Times ont des juifs
pour propriétaires, et s’en tiennent strictement à la ligne du parti.
Le préjugé rend
difficile l’existence des personnes que l’on stéréotype, et c’est parfois
injuste : le clochard peut être un héritier légitime, et posséder effectivement
la montre en or qu’il veut vous vendre, une charmante étrangère peut être une
chaste créature subjuguée par votre esprit et votre sex-appeal, les jeunes
peuvent être en train de débattre de la Caverne de Platon, tandis qu’un Israel
Taub, fuyant la publicité, un scion octogénaire de la grande dynastie
hassidique, une sorte de prince israélien, consacre sa fortune personnelle à
reconstruire des maisons palestiniennes détruites par la soldatesque
israélienne. Avec un certain Nashashibi, un prince palestinien, et le professeur
WASP McGowan, il a érigé un mémorial aux victimes du massacre de Deir Yassine
perpétré par les sionistes. A ses yeux, Jimmy Carter a raison, et l’AIPAC est
encore pire que les destructeurs israéliens. Reste que de telles individualités
sont plutôt les exceptions confirmant la règle, et dans des rencontres de
hasard, un homme prudent espérera le meilleur, tout en se préparant au pire.
Quelqu’un qui n’est
pas d’accord avec un stéréotype ou un préjugé peut le combattre. Voici une bonne
façon, énergique, de détruire un stéréotype qui vous déplaît : agissez
contrairement à ce que laisserait attendre le stéréotype. A la fin du
dix-neuvième siècle, les Asiatiques étaient présentés comme des êtres chétifs et
des types faciles à battre, condamnés à se soumettre au Destin imposé par
l’Homme Blanc. Les Japonais n’aimaient pas ça du tout, ils ont retroussé leurs
manches, et ils ont envoyé la marine russe par le fond. Puis ils ont rejoué le
même tour aux Américains. Dans les années 1950, les produits japonais étaient
mis dans la catégorie « camelote ». Ils ne s’en plaignaient pas, mais ils n’en
travaillèrent que plus dur et, avec les années 1980, les voitures fabriquées au
Japon devinrent un parangon de qualité.
De fait, un préjugé
peut être dominé. Si vous vivez dans un ghetto, soyez accueillant à l’étranger,
et faites de votre ghetto un endroit plaisant à visiter, afin de démontrer que
le préjugé est sans fondement. C’est ce qu’ont fait les Chinois, qui souffraient
d’un terrible préjugé, au début du vingtième siècle. Ils s’y sont mis tous
ensemble, ils ont éliminé le crime organisé, et aujourd’hui, leur ghetto,
Chinatown, est un endroit délicieux à visiter, où flâner, sortir et dîner. Le
préjugé antichinois a quasi-totalement disparu ; il s’est limité à Mia Farrow.
Les juifs se sont
battus contre le préjugé, quelquefois, et ils ont gagné, à chaque fois. Au
dix-huitième siècle, on considérait qu’ils étaient des illettrés, vivant au
Moyen Age. Au dix-neuvième siècle, ils furent considérés de manière humaine. A
chaque fois, ils tenaient compte de la conviction véhiculée par le stéréotype,
et ils agissaient en sorte de corriger leur comportement. Ils peuvent
recommencer aujourd’hui. Ils peuvent s’engager dans une action en vue du
bénéfice de tous, s’écarter de la bourse et des banques, offrir des cadeaux à
Noël, exiger « les troupes hors d’Irak, pas d’aide à l’Israël de
l’apartheid ! », être amicaux avec leurs voisins non-juifs. Ne diabolisez pas,
ne menacez pas non plus de procès quiconque n’est pas d’accord avec vous. Ne
faites pas des médias votre réserve privée. Essayez : et le vieux stéréotype se
fanera et disparaîtra. En fait, le sionisme a d’abord vu le jour en tant qu’idée
pour combattre le juif stéréotypé, en transformant les financiers et les
éditorialistes juifs en paysans et en soldats. Ce qui a d’ailleurs en partie
réussi, mais les vieilles habitudes ne disparaissent pas, comme ça, sur un
claquement de doigts…
L’ADL et ses riches
sympathisants juifs ont choisi une méthode bien plus facile : rester fidèles aux
stéréotypes et intimider ceux qui en relèvent la pertinence. Ensemble, ils
correspondent au stéréotype point pour point : ce sont des fomentateurs de
guerres (contre l’Irak hier, aujourd’hui contre l’Iran), ils interfèrent dans la
liberté d’expression (voir leurs attaques contre Carter), ils protègent des
voleurs (vous vous souvenez de Marc Rich [amnistié par Clinton] ?), ils
espionnent leurs dissidents (comme dans le cas de Blankfort, en Californie), ils
violent le système légal (en poursuivant en justice leurs adversaires
idéologiques), ils agissent en cabale (défendant et dissimulant les crimes
d’Israël). Et ils osent encore parler de la « perpétuation non-fondée de
stéréotypes » ! Après cela, nous devrions nous attendre à voire la pizzeria du
coin proclamer qu’elle fera tout pour venir à bout du préjugé contre les
Italiens, qui voit en eux les plus grands dévoreurs de spaghettis devant
l’Eternel…
Généralement, les
juifs recourent largement aux stéréotypes et aux préjugés, à condition, bien
sûr, qu’ils portent sur quelqu’un d’autre qu’eux… Michael Kinsley, une lumière
parmi les mandarins juifs (Harvard, Oxford, Los Angeles Times, Slate, CNN,
New Republic, Time, Economist, Harper etc) a béni la diffusion de
stéréotypes sur les Arabes : « Quand des malfrats menacent quelqu’un parce qu’il
a l’air arabe, c’est du racisme [parce que ce sont d’autres qui le font – Israël
Shamir]. Quand des responsables de la sécurité des aéroports séparent des hommes
au type arabe afin de les fouiller au maximum, c’est autre chose [dès lors que
cela est fait sous le contrôle d’un juif bon teint, cher M. Chertoff –I. S], car
les personnels de la sécurité des aéroports ont un motif rationnel de faire
cela. Un homme de type arabe s’apprêtant à prendre l’avion a, statistiquement,
plus de chances d’être un terroriste. Cette probabilité est infinitésimale, mais
c’est l’ensemble du fonctionnement d’un aéroport, qui tient à des probabilités
infinitésimales… » Bigre !
En fait, c’est
l’ensemble de votre vie qui est fondé sur des probabilités infinitésimales, mais
les chances que notre ponte juif moyen soit violemment anti-arabe, pro-guerre,
hostile à l’Iran, et observe généralement la « ligne du parti », ne sont pas
négligeables du tout. Elles sont meilleures qu’à la roulette. Il y a des
exceptions, mais eux ont conscience d’être des exceptions ! Le stéréotypage des
juifs est tout-à-fait justifiable, et seul un changement de comportement de leur
part pourra changer les choses.
L’ADL donne un très
mauvais exemple aux autres groupes sociaux. Au lieu de travailler autrement, ou
de changer de comportement, ils copient servilement les juifs et maugréent à
propos des préjugés. Si les Japonais avaient fait cela, ils seraient en train de
produire des bagnoles de pacotille, encore aujourd’hui, mais les lois
« anti-haine » contre la discrimination nous interdiraient d’en faire mention.
Les lois anti-haine et le politiquement correct peuvent certes imposer le
silence sur un problème, mais en aucun cas le régler.
Je suis bien payé
pour le savoir : ma propre communauté russe avait une très mauvaise image, dans
un Israël qui reconnaît avoir beaucoup de préjugés. Au lieu de geindre, les
Russes ont créé leur propre théâtre, aujourd’hui sans doute le meilleur en
Israël, ils ont fait la promo de leurs propres quotidiens d’information et de
leurs propres partis politiques, et, finalement, ils ont réussi à s’affirmer et
à gagner en considération. Bien entendu, ils ont été énormément aidés par la
Russie de Poutine, qui a, de son côté, réaffirmé la fierté russe.
En Californie, j’ai
rencontré les Black Muslims, des hommes et des femmes au langage châtié et tirés
à quatre épingles, des gens que l’on respecte parfaitement, sans qu’ils aient
besoin d’en appeler aux lois anti-haine. Ils me rappellent le jeune sénateur
Barack Obama, un autre dirigeant qui n’a nul besoin de condescendance ou de
plaidoyers de qui que ce soit.
Les gens doivent être
égaux devant la loi ; cela va sans dire. Mais le stéréotypage et les préjugés
correspondent généralement à la réalité, et ils ne changeront pas tant que la
réalité ne changera pas ou ne sera pas changée.
L’Anti-Defamation
League n’est absolument pas un moyen permettant d’évacuer les stéréotypes, mais,
au contraire, un important facteur de pérennisation. Avec leur armée d’avocats,
avec leurs ressources financières apparemment illimitées et leur accès au
pouvoir, ils sont en mesure d’interdire toute expression des sentiments, et les
sentiments rentrés exploseront, tôt ou tard, avec une force accrue. Une force
dévastatrice.
Ils sont en train de
répéter l’erreur des Soviétiques : le Parti avait interdisait toute critique,
les gens s’auto-censuraient, dissimulaient leurs sentiments, et leur explosion
balaya le rôle du Parti. Au départ, les régimes démocratiques ont reconnu la
liberté de parole et de critique, parce que cela offrait un exutoire aux
sentiments du peuple, tout en modérant le besoin de révolutions violentes.
Aujourd’hui, avec son pouvoir suprême en matière de censure et d’intimidation,
la Juiverie organisée a pratiquement reconquis le terrain perdu par le Parti.
Si les trois
candidats des principaux partis à la Présidence américaine s’apprêtent à aller,
le chapeau à la main, proclamer leur fidélité à l’AIPAC, si un ancien Président
ne peut pas exprimer ses opinions sans être brutalement agressé par l’ADL,
l’Amérique a peut-être besoin d’une révolution afin de reconquérir sa liberté
d’exprimer ses sentiments, à moins que les activistes gémissants de l’ADL
n’aient été peu ou prou domptés, pour commencer.
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