Vade retro, [Sat]Abbas !
par Israel Shamir, 5 juin 2006. Original :
www.israelshamir.net
Traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier
Mahmoud Abbas, le président de l'Autorité Nationale
Palestinienne, est à deux doigts de faire une énorme connerie.
Si énorme qu'elle sera un motif de regrets pour de nombreuses
années à venir. Il a décidé d'imposer un
référendum sur la question de savoir si les Palestiniens sont
d'accord avec
« Le Document des Prisonniers ». Ce Document des Prisonniers a
été rédigé et
co-avalisé par les dirigeants du Fatah, du Hamas et d'autres
formations
actuellement détenus en Israël, afin que l'on puisse être amené
à penser qu'
il s'agirait d'un document bilatéral et non controversé. De
fait, il s'agit
d'un document très clair : il affirme que les Palestiniens sont
prêts à
conclure une paix avec l'Etat juif à trois conditions : a) tous
les
prisonniers de guerre doivent être libérés ; Israël doit b) se
retirer jusqu
'aux frontières d'avant 1967 et c) reconnaître le droit au
retour des
réfugiés palestiniens de 1948. Ces trois conditions sont
entièrement basées
sur les résolutions de l'Onu et sur les normes du droit
international, et il
ne fait pas le moindre doute que le gouvernement Olmert ne va
certainement
pas les remplir.
Le Rav Akiba, un sage juif du deuxième siècle après Jésus-Christ,
étant
entré en extase et ayant déclaré Messie d'Israël un commandant
militaire de
ce qui était alors une Intifada juive contre Rome, ses collègues
lui
renversèrent un seau d'eau sur la tête, disant : « Nous verrons
de l'herbe
te pousser sur les joues avant de voir le Messie ! » Ils avaient
raison :
Akiba fut exécuté, son commandant-prophète fut tué et si de
l'herbe poussa
quelque part, ce fut sur leurs tombes ! Les paroles de ses
condisciples
sont parfaitement adaptées au Document des Prisonniers : aucun
gouvernement
sioniste de l'Etat juif n'acceptera jamais de satisfaire aux
conditions qu'
il énumère, aussi gros soient les mensonges qu'ils sont prêts à
proférer
pour dissimuler cette réalité !
Bon. Alors : qui a besoin de ce référendum ? Bientôt, les chats
vont
proposer un référendum, eux aussi : la paix avec les clébards, à
condition
qu'ils cessent de leur courir après ! Si tous les Palestiniens
répondent «
oui », cela fera-t-il trembler l'Etat juif, cela l'obligera-t-il
à accepter
les conditions ? Non, non et encore non ! Le Fatah et le Hamas
le savent ;
Abbas, lui aussi, le sait pertinemment, et néanmoins il insiste
pour qu'on
procède à son référendum absurde. Il ne le fait qu'afin de
mettre dans l'
embarras le gouvernement palestinien légitime, car le Hamas et
le Fatah
diffèrent sur ce qui se passerait au cas où ces conditions
impossibles à
remplir seraient remplies : une trêve éternelle, ou une paix
totale. Cette
différence est aussi peu importante, en matière de Realpolitik,
que celle
qu'il y a entre entamer un oeuf cuit dur par le bout rond ou par
le bout
pointu, comme dans les Voyages de Gulliver. Elle a même encore
moins d'
importance : les Lilliputiens ont bel et bien mangé des oeufs ;
alors que le
Hamas et le Fatah n'auront jamais la moindre chance de mettre à
l'épreuve
leur différend théorique dans la vraie vie. Non que les trois
conditions ne
puissent être satisfaites ; mais dans ce cas, Israël ne serait
plus un Etat
juif, il ne serait plus dirigé par un gouvernement sioniste et
la différence
entre le Hamas et le Fatah aurait perdu pratiquement toute
importance.
Le Hamas a raison de rejeter l'appel d'Abbas. Ce n'est
absolument pas le
moment de se colleter à une question purement théorique sur un
hypothétique
avenir. « Suffise à ce jour le mal que l'on a par-devers soi »
[Mathieu 6
:34] ; autrement dit : à chaque jour suffit sa peine. Bien qu'il
se réfère au Document des Prisonniers, il vise en réalité autre
chose : il est prêt à
convenir d'une « paix » si certains prisonniers sont libérés, si
Israël se
retire de certains lieux jusqu'à la frontière de 1967, et si un
certain
nombre [symbolique] de réfugiés [alibis] sont autorisés à
revenir chez eux.
C'est là également une position légitime ; mais les Palestiniens
ne
sauraient l'avaliser ni la refuser tant que les détails complets
d'un tel
accord avec Israël ne seront pas connus. Aujourd'hui, en
l'absence d'un tel
accord, le référendum est non seulement prématuré : il est
trompeur. Qu'
Abbas dise franchement : « Je veux faire la paix avec l'Etat
juif et régner
sur une Palestine constituée de trois ou quatre cantons, sans
Jérusalem,
avec la libération alibi de prisonniers alibis. Quant à votre
histoire de
Retour : oubliez-la ! » - après ça, aucun référendum ne sera
plus
nécessaire, les dernières élections ayant donné la réponse du
peuple.
Ce référendum ruinerait une des grandes réalisations du
gouvernement Hamas :
le retrait de la reconnaissance inconditionnelle de l'Etat juif
par Arafat
et le Fatah avant Oslo. Tout accord doit être basé sur la
réciprocité : les
Palestiniens pourront reconnaître Israël, dans ses frontières de
1967, si et
seulement si Israël reconnaît la Palestine dans les frontières
de 1967.
Sinon, Israël verrait dans ses frontières de 1967 un point de
départ vers de
futures conquêtes. Le Hamas a ramené le dialogue
judéo-palestinien à des
bases saines en introduisant le concept de réciprocité : et
voilà qu'aujourd
'hui Abbas veut renoncer à cette exigence tout à fait
raisonnable, en
reconnaissant inconditionnellement l'Etat juif.
Les juifs ont eu recours à une « pression physique modérée » [c'est
ainsi qu
'on appelle la torture, en shabakais], afin d'obtenir cette
reconnaissance :
ils assiègent la Palestine, ils volent l'argent des Palestiniens,
ils
bloquent les entrées et les sortie des Palestiniens et des
marchandises ;
sur leurs ordres, aucune banque usaméricaine ou européenne n'ose
conclure des marchés ou transférer de l'argent en Palestine. Les
juifs veulent que les Palestiniens se rendent, et le référendum
risque d'être perçu par eux comme un signe de reddition. Aussi
aurait-il des conséquences terribles : la
légitimité du Hamas serait remise en question par son propre
électorat ; la
liberté de manoeuvre si nécessaire pour mener des négociations
avec un
gouvernement tel celui d'Ehud Olmert serait sévèrement limitée ;
la fracture
à l'intérieur de la société palestinienne deviendrait un fait
accompli.
Les sionistes tentent Abbas en lui faisant miroiter plus de
pouvoir que
celui qui lui revient légitimement ; la possibilité d'interférer
dans le
choix légitime du peuple ; celle de ne tenir aucun compte de
l'élection du
Hamas. Abbas a mordu à l'hameçon : il a succombé à la tentation
sioniste. Il
a oublié qu'il est le président de tous les Palestiniens et il a
préféré
devenir le roi du Fatah. Il a oublié que, voici seulement
quelques mois,
Sharon et Olmert le proclamaient « hors jeu » et « non
partenaire » - et le
voilà, aujourd'hui, qui revient au pas de course vers des
négociations vides
de sens ! Cet appel au référendum est accompagné par le
renforcement de l'
armée privée personnelle d'Abbas. Dans ses rêves les plus fous,
Israël
aspire à une guerre civile entre les formations palestiniennes,
et cette
mesure abrupte d'Abbas est un premier pas sur la voie conduisant
en enfer.
Il devrait se rappeler que le fait de saper le Hamas ne résoudra
pas le
problème ; cela ne fera que saper la légitimité de sa propre
Autorité
Nationale Palestinienne. Avant qu'il ne soit trop tard, Abbas
devrait se
ressaisir, se montrer à la hauteur de ses responsabilités, faire
rentrer au
bercail ses sbires et ravaler ses exigences.
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