Les Sages de Sion et les Maîtres du
Discours
par Israël
Shamir
22.11.2002
Le
concept douteux de la Main Cachée ou des Sages de Sion est superflu,
parfaitement inutile.
« La dernière controverse mettant en cause le monde arabe concerne la série
télévisée Un Chevalier sans Cheval, qui a commencé à être diffusée le mercredi 6
novembre dernier, premier jour du mois sacré de Ramadan, sur plusieurs chaînes
arabes transmises via satellite. La source de la controverse est le fait que
cette série soit basée, en partie, sur « Les Protocoles des Sages de Sion », un
vieux faux [antisémite] produit par le régime de la Russie tsariste », écrit
Qais S. Saleh, un consultant, depuis Ramallah, sur l’excellent site ouèbe
CounterPunch [1]. De façon bien compréhensible, Saleh condamne cette émission et
avertit les Palestiniens et les Arabes, en leur demandant de se tenir éloignés
du vieux démon de l’antisémitisme ou, plus exactement, pour reprendre ses mots,
« d’être sur leur garde, contre une tendance à importer l’idéologie
antisémite ».
L’opinion de Saleh coïncide avec celle de Michael Hoffman, sur le site duquel
les Protocoles sont consultables en ligne. Hoffman pense que les Arabes n’ont
nul besoin d’importer chez eux de vieux arguments antisémites tirés de sources
anciennes et lointaines, lors même qu’ils disposent d’une source fraîche
d’arguments, coulant abondamment vingt quatre heures sur vingt quatre : le
comportement actuel de l’Etat juif et de ses citoyens juifs. Ce comportement est
bien plus convaincant que toutes les vieilleries antisémites possibles et
imaginables.
Toutefois, les Protocoles sont toujours disponibles et ils continuent à nous
interpeller. Récemment, le romancier et penseur en vue Umberto Eco a exprimé son
opinion sur ce sujet, dans le journal The Guardian [2]. Eco « explique » les
sentiments populaires envers les Juifs : « Ils ont depuis très longtemps officié
dans le commerce et le prêt d’argent – d’où ce ressentiment à leur égard, qui
est un ressentiment à l’égard d’ « intellectuels » ». A ce que j’en sais (et je
sais peu de choses sur ce sujet), ce ne sont pas les intellectuels qui prêtent
de l’argent, mais les banquiers et les usuriers, dont les authentiques
intellectuels jugent le comportement repoussant. Probablement Eco a-t-il une
autre définition de l’ « intellectuel » (que moi), dans sa manche. « Les
Protocoles malfamés des Sages de Sion ne sont qu’une compilation d’inventions
jamais prouvées, dont la contrefaçon est évidente, étant donné qu’il est bien
difficile de croire que des ‘méchants’ révéleraient un jour aussi
ouvertement leurs projets faillis», conclut Umberto Eco.
On
pardonnera un consultant en affaires de Ramallah, mais Umberto Eco aurait dû
remarquer que sa définition allait comme un gant à d’autres ouvrages, comme
Gargantua et Pantagruel, par exemple – un faux encore plus ancien, qui
prétendait être la chronique réelle d’une famille de Géants, et construit sur la
base d’un ‘matériel fictionnel sériel’. Don Quichotte, Pickwick’s Club, 1984 de
Georges Orwell : tous ces livres « prétendent » décrire des événements réels,
comme les Protocoles. Ce sont des « faux », étant donné qu’ils sont attribués à
quelqu’un d’autre que leur auteur présumé : Don Quichotte, à Sid Ahmed Benengeli
[3] et Gargantua à Maître Alcofribas Nasier [4].
Les
Protocoles des Sages de Sion seraient plus proprement décrits si l’on parlait de
« pseudo épigraphie » plutôt que de simple « faux ». Ils s’apparentent à la
Lettre du Président Clinton à Mubarak (écrite en réalité par Tomas Friedman).
Après tout, le genre pseudo épigraphique est un noble art, un art vénérable. Il
est encore mieux de considérer les Protocoles comme un « pamphlet politique ».
Dans cette essai, nous nous efforcerons de trouver pourquoi les Protocoles
refusent obstinément de se coucher et de mourir. Nous nous garderons
soigneusement d’aborder la fameuse question : « qui les a écrits ? » Leur réel
auteur reste inconnu, et il est difficile d’imaginer cette personne, car les
Protocoles sont un palimpseste littéraire. Dans les temps anciens, un scribe
écrivait généralement son texte sur un morceau de vieux parchemin, et pour ce
faire, il effaçait, auparavant, un texte déjà écrit sur ce même parchemin.
L’effacement était rarement total, et un lecteur pouvait se voir gratifier d’une
version intégrale de l’Ane d’Or (texte ‘osé’ d’Apulée, ndt) lorsqu’il voulait
lire les Fioretti de Saint-François d’Assise. Dans les Protocoles, il y a des
couches de vieilles histoires, et même d’histoires très anciennes, et cela
interdit toute quête raisonnable d’en trouver l’auteur avec quelque certitude.
Cela, en dépit du fait que Jorge Luis Borges ait écrit que l’auteur est une
partie – importante – de tout texte. En réalité, si nous savions que les
Protocoles comportent effectivement un brouillon des écrits de certaines élites
juives, nous tiendrons notre réponse, en quelques minutes. Mais les Protocoles
ont été publiés à la fin du dix-neuvième et au début du vingtième siècles, sous
la forme de texte « découvert », comme un texte apocryphe. Ils sont devenus un
énorme best seller et le sont toujours aujourd’hui, bien que dans certains pays
(en particulier en Union soviétique) le simple fait d’en posséder une copie
était passible de la peine de mort.
L’auteur Anonyme des Protoles décrit un plan magistral pour une vaste
restructuration de la société, créant une nouvelle oligarchie et entraînant
l’assujettissement de millions d’êtres humains. Le résultat final n’est pas très
éloigné de celui décrit dans un texte contemporain, The Iron Heel (le Talon
d’Acier), de Jack London, le grand radical d’Oakland (Californie). Toutefois,
London envisageait un grand coup, très dur, tandis que la manière dont Anonyme
(l’auteur des Protocoles, dans la suite du texte, ndt) voit l’assujettissement
s’accomplir nous entraîne dans des manipulations à la Machiavel et à un contrôle
des âmes à la mode orwellienne de ‘1984’. (L’hommage rendu par Orwell aux
Protocoles est beaucoup plus frappant qu’on ne le relève généralement).
La
difficulté des Protocoles réside dans une dissonance étrange entre leur langage
imprudent et leur profonde pensée religieuse et sociale. « C’est un compte-rendu
parodique d’un plan satanique, subtil et très bien conçu, écrit le Prix Nobel de
littérature Alexandre Soljénitsine [5] dans son analyse des Protocoles, écrite
en 1966 et publiée seulement en 2001 :
« Les Protocoles exposent le plan d’un (nouveau) système social. Son dessein se
situe bien au-dessus des capacités d’une âme ordinaire, y compris celle de son
auteur. Il s’agit d’un processus dynamique en deux étapes, de déstabilisation,
d’augmentation des libertés et du libéralisme, qui trouve son apogée dans un
cataclysme social, au premier stade ; la seconde étape voyant se mettre en place
une nouvelle hiérarchisation de la société. Ce qui est décrit est plus complexe
qu’une bombe nucléaire. Il pourrait s’agir d’un plan volé et gauchi, formé par
un esprit de génie. Son style putride de brochure antisémite cauteleuse en
obscurci(rai)t (intentionnellement) la grande force de pensée et la vision
pénétrante ».
Soljénitsine est conscient des failles des Protocoles. « Leur style est celui
d’un pamphlet dégueulasse, la puissante ligne de pensée est brisée, fragmentée,
mêlée d’incantations nauséabondes et de grossières maladresses psychologiques.
Le système qui y est décrit n’est pas nécessairement relatif aux Juifs ; il
pourrait s’agir d’un système purement maçonnique, ou autre ; en même temps, son
orientation fortement antisémite n’est nullement une composante fondamentale du
projet [qui y est décrit] ».
Soljenitsine procède à une expérimentation textuelle : il supprime les mots
« Juifs », « Goyim » et « conspiration », et il aboutit à nombre d’idées
dérangeantes. Il conclut : « Le texte démontre une clarté de vision
impressionnante en ce qui concerne les deux systèmes sociétaux : le système
occidental et le système soviétique. Si un puissant penseur, en 1901, pouvait
prédire le développement de l’Occident avec quelque vraisemblance, comment
aurait-il pu entrevoir le futur soviétique ? »
Soljenitsine a bravé le régime soviétique, il a osé écrire et publier son
mammouth, l’Archipel du Goulag, implacable condamnation de la répression
soviétique, et pourtant, même lui, il a calé : il n’a pas publié sa recherche
sur les Protocoles. Il a demandé que cette étude ne soit publiée qu’après sa
mort. C’est contre sa volonté qu’elle fut imprimée en un nombre très réduit
d’exemplaires, en 2001. Suivons le développement de la pensée de Soljenitsine et
plongeons le regard dans la boule de cristal des Protocoles, tout en écartant
pour le moment leur « ligne juive » et en nous concentrant sur l’idée de la
création d’un nouveau système, pas nécessairement dominé par les Juifs, donc. Le
plan-maître commence par la reconstruction de l’esprit humain :
« Les esprits des gens doivent être détournés (de la contemplation) vers
l’industrie et le commerce : dès lors, (les gens) n’auront plus le temps de
penser. Les gens se consumeront à la poursuite de l’argent. Ce sera une
poursuite vaine, car nous bâtirons l’industrie sur une base spéculative : les
richesses tirées de la terre par l’industrie glisseront entre les mains des
travailleurs et des industriels et se retrouveront entre celles des financiers.
« La lutte – intensifiée – pour la survie et la supériorité, accompagnée de
crises et de chocs, créera des communautés froides et sans cœur, avec une forte
aversion envers la religion. Leur seul guide sera celui de Mammon, auquel ils
voueront un véritable culte ».
Le
caractère visionnaire d’Anonyme est époustouflant : aux jours de la publication
des Protocoles, l’Homme était encore la mesure des choses, et il faudra que bien
quatre-vingts ans se passent, avant que Milton Friedman et son Ecole de Chicago
n’intronisent les dieux Marché et Profit en seuls flambeaux guidant le Monde.
L’outil pour l’asservissement des esprits, ce sont les médias, écrit l’Anonyme.
« Il est une puissante force qui crée le mouvement de la pensée, dans le
peuple : cette force, ce sont les journaux. C’est dans les journaux que le
triomphe de la liberté de parole trouve son incarnation. Au moyen de la Presse
nous avons conquis le pouvoir d’influencer les esprits tout en demeurant
inaperçus. Nous éradiquerons de la mémoire des Hommes les faits historiques dont
nous ne désirons pas qu’ils les connaissent, et nous ne laisserons perdurer que
ceux qui nous conviennent. »
Des
années s’écouleront, depuis la publication (de ces Protocoles) avant qu’un petit
groupe de personnes qui contrôlent notre discours tout en demeurant dans
l’ombre, les seigneurs des médias, n’émergent de l’ombre. La libre contestation
des barons des médias, Berlusconi et Black, Maxwell et Suzberger, Gusinsky et
Zuckerman, est bannie des médias qu’ils possèdent, tandis que leur affinité
coopérative demeure impressionnante. La liberté de parole survit là où des
médias indépendants (des magnats des médias) existent encore. Il y a cent ans,
cette force était bien plus faible que de nos jours, et il est étonnant que
l’Anonyme en ait reconnu les virtualités.
Un
siècle avant l’avènement de la Banque Mondiale et du Fonds Monétaire
International, les Protocoles notaient que les prêts sont le meilleur moyen pour
déposséder des pays de leurs richesses ; que les marchés financiers, avec leurs
multiples produits dérivés, ponctionnent la richesse et l’accumulent entre les
mains des prêtres de Mammon ; que le gain (« les forces du marché ») est la
seule mesure du succès de toute stratégie. Oui, l’intérêt des Protocoles n’a pas
disparu : en effet, le plan qui y est décrit, consistant à instaurer un régime
oligarchique (non nécessairement juif) est en train d’être mis en vigueur, en
temps réel ; cela s’appelle le Nouvel Ordre Mondial.
On
qualifie parfois les Protocoles de pamphlet d’extrême-droite et anti-utopique.
Toutefois, il expose largement le discours de gauche autant que le discours de
droite. Un écrivain de droite bénirait le renforcement de la Loi et de l’Ordre,
mais la prédiction suivante de l’Anonyme pourrait être écrite, de nos jours, par
un libertaire de gauche, comme par exemple Noam Chomsky, témoin de l’actuelle
transition vers le Nouvel Ordre Mondial : « La course aux armements et le
renforcement des forces répressives amèneront à une société dans laquelle
coexisteront les masses – énormes – du prolétariat, quelques millionnaires et
beaucoup de policiers et de militaires. »
Toutefois, la pensée la plus pénétrante de l’Anonyme se situe dans la sphère
spirituelle :
« La Liberté pourrait être inoffensive et trouver sa place dans l’économie de l’Etat
sans porter atteinte au bien-être du peuple, pour peu qu’elle reste cantonnée à
la foi fondamentale en Dieu, bien supérieure et excluant la foi en la
Fraternité humaine. C’est la raison pour laquelle il est indispensable, pour
nous, de saper toute foi, d’extirper des esprits des gens le principe divin
lui-même et l’Esprit, et de le remplacer par les calculs arithmétiques et les
besoins matériels. »
L’Anonyme établit un rapport entre la Foi et l’idée de Fraternité humaine. Saper
la Foi ruine la Fraternité. La Liberté, d’état d’esprit désirable et beau, se
mue en tendance destructrice lorsqu’elle est déconnectée de la Foi. En lieu et
place de la Foi, l’Ennemi propose l’adoration de Mammon.
Lorsque nous lisons, aujourd’hui, les philippiques de l’International Herald
Tribune (16.11.2002) contre les prêtres et les sœurs homosexuels, on ne peut que
se souvenir de ce passage des Protocoles : « Nous avons pris soin de
discréditer les prélats catholiques et de ruiner leur mission, qui pourrait
faire obstacle à la réalisation de nos plans. De jour en jour, leur influence
sur les gens du peuple tombe plus bas. L’effondrement final de la chrétienté est
proche. »
Nous sommes témoins de la mise en application de ce plan : la religion est
déconsidérée, le néolibéralisme (culte de Mammon) la remplace, tandis qu’avec la
déstabilisation du socialisme, nous assistons à l’effondrement d’une tentative
courageuse de fraternité non fondée sur la religion, qui laisse un énorme vide
idéologique.
Cette observation a fait pousser les hauts cris à certains de mes lecteurs :
« Le véritable planificateur du plan-Maître est notre vieil ennemi, le Prince de
l’Univers (Satan, ndt), dont le but ultime est l’élimination de la Présence
Divine et la perdition de l’Homme ». C’est vrai, mais le Prince de l’Univers ne
peut agir directement. Il a besoin d’agents libres de leurs mouvements, qui
choisissent d’accepter son projet. Ces agents indispensables et leurs alliés
probables, d’après le pamphlet, sont les capitalistes financiers et les Maîtres
du Discours, qui en sont l’’Esprit’.
Ils
promeuvent aux plus hautes destinées des « politiciens qui, en cas de
désobéissance à nos instructions, devront faire face à des charges criminelles
ou devront disparaître. Nous arrangerons les élections en faveur de candidats
dont le passé est entaché de sombres méfaits, encore cachés. Ceux-là seront pour
nous des agents à la fidélité à toute épreuve, par crainte d’être démasqués. »
Voilà qui nous semble familier, à nous, les contemporains du Watergate et de
Monika Lewinsky…
Le
passage du Stade Un (libéralisme et liberté) au Stade Deux ( tyrannie) s’est
produit de notre vivant. Si en 1968 le New York Times fit la promotion des
Freedom Riders [Ce sont les beatnicks chevelus qui parcouraient les Etats-Unis
sur leurs Harley-Davidson, chevelure au vent, ndt], en 2002, il se fait le
propagandiste du Patriotic Act [Réglementation d’exception mise en vigueur aux
Etats-Unis à la suite des attentats du onze septembre 2001, ndt]. Un avocat
américain de grand renom, Alan Dershovitz, de Harvard, a fait un virage en
épingle à cheveux, passant de la défense des droits de l’Homme à celle du Droit
de torturer. Ce virage à cent quatre-vingt degrés avait été prédit par les
Protocoles, qui les présentent comme la phase ultime de la lutte contre les
anciennes élites.
« L’aristocratie tirait profit du travail des ouvriers, et elle était intéressée
à les voir bien nourris, en bonne santé, et forts. Le peuple a anéanti
l’aristocratie, et il est tombé entre les griffes d’impitoyables scélérats
brasseurs de fric. »
En
des termes moins émotionnels, la nouvelle bourgeoisie a écarté les vieilles
élites, avec le soutien du peuple, tout en promettant la liberté et en
critiquant leurs privilèges. Après sa victoire, elle s’arrogea les privilèges
(de l’aristocratie) pour elle-même, et s’avéra aussi mauvaise (sinon pire) pour
le peuple que les seigneurs féodaux. Marx fit allusion à cette plainte émanant
de l’aristocratie dans l’un des nombreux addenda au Manifeste Communiste, en la
considérant futile, bien que partiellement justifiée. Toutefois, il ne vécut pas
assez longtemps pour assister à un processus similaire, qui se produisit durant
les derniers jours de l’Union soviétique. La nouvelle bourgeoisie naissante prit
le contrôle du discours, convainquit le peuple de la nécessité de combattre les
privilèges de la Nomenklatura, en vue de la liberté et de l’égalité. Après sa
victoire, elle s’arrogea ces privilèges, qu’elle multiplia, rejetant aux
oubliettes égalité et liberté.
Les Protocoles prédisent l’apogée de la Nouvelle Bourgeoisie – l’apogée des
adorateurs de Mammon, partisans de la mondialisation, viscéralement hostiles aux
Anciennes Elites, à l’Esprit, à la religion, aux gens ordinaires. Durant très
longtemps, ils furent les moteurs de la gauche, des mouvements aspirant à la
démocratie : jusqu’à ce que leur objectif soit atteint - après quoi, ils
négocièrent leur grand virage en épingle à cheveux, direction : l’oligarchie.
Le
gradient de ce virage radical peut se mesurer à l’aune des taux d’imposition sur
les transmissions et les propriétés foncières en Angleterre : tandis que la
bourgeoisie financière et les Maîtres du Discours combattaient les anciennes
classes dirigeantes, les taux étaient élevés – ils finirent par en démanteler le
pouvoir ; après la victoire (de la bourgeoisie), les taux baissèrent, permettant
la consolidation des nouvelles classes dirigeantes. Il est fort possible que
l’Ordre Ancien ait eu lui aussi quelques avantages. C’est une quasi certitude :
la transition à partir de l’Ordre Ancien aurait pu être différente si les gens
du peuple avaient eu conscience des intentions de l’ennemi. Mais le cours de
l’histoire ne saurait être inversé, et il est complètement inutile de rêver au
retour des bons et généreux seigneurs et des chefs de Parti dévoués.
Ainsi, on le voit, les Protocoles (expurgés de toute référence aux Juifs et aux
conspirations) sont utiles, en ceci qu’ils décrivent le plan du Nouvel Ordre
Mondial, aidant ses adversaires à tracer une stratégie défensive contre les
desseins de l’Ennemi. Mais les références aux Juifs n’en constituent pas moins
une partie non négligeable - et donc importante – de ce texte.
Les Juifs et les Protocoles
Les Protocoles identifient la force agissante du Nouvel Ordre Mondial à un
groupe puissant de dirigeants Juifs extrêmement chauvins, manipulateurs et
dominateurs. Ces dirigeants – selon les Protocoles toujours – méprisent les
membres ordinaires de la communauté [juive] ; ils se servent de l’antisémitisme
comme d’un moyen qui leur permet de conserver en esclavage leurs « frères
mineurs », les gens du peuple, d’origine juive. Les dirigeants (juifs) sont
décrits comme des psychopathes détestant les goyim, voués à la destruction de la
culture et des traditions des autres nations, tout en préservant soigneusement
les leurs propres. Leur objectif est de créer un gouvernement mondial leur
permettant de un monde homogénéisé et globalisé.
Leurs objectifs et intentions sont exprimés en des termes extrêmement
antithétiques et péjoratifs. Soljénitisine en conclut qu’aucune personne sensée
ne présenterait ses idées favorites d’une manière aussi avilissante et aussi
vouée à l’échec. « Nous extrayons l’or de leur sang et de leurs larmes »,
« notre pouvoir est fondé sur la faim des travailleurs », « nos instruments
humains sont les révolutionnaires », « les esprits grossiers des Goyim » sont,
pour Soljénitsine, des propos assignés aux Juifs par leurs ennemis. Un Juif
préfèrerait exprimer de telles idées de manière biaisée, pensait-il.
Cet argument ne tient pas la route. Certaines personnes, certes, s’expriment
indirectement, mais d’autres sont très directes, dans leurs propos. Un Arménien
de Bakou, la capitale de l’Azerbaïdjan, m’avait dit il y a bien longtemps –
c’était en 1988 – « Les Azéris sont nos bestiaux ; sans notre intelligence, à
nous les Arméniens, leur pays s’effondrerait en l’espace de quelques jours – ce
ne sont que des ânes bâtés ». (Quelques mois plus tard, une explosion de
violence des indigènes azéris chassa d’Azerbaïdjan les Arméniens – tellement
intelligents –et, depuis lors, les Azéris s’en tirent remarquablement bien tout
seuls : merci pour eux !) David Ben Gourion, le premier dirigeant de l’Etat
juif, avait frappé du coin de son indicible arrogance une maxime du même
acabit : « Ce que disent les Goyim, qui s’en préoccupe ? Seul importe ce que les
Juifs font ! » Cette phrase, on la dirait directement extraite des Protocoles
des Sages de Sion…
Les Protocoles font dire aux Sages : « Chaque victime juive, aux yeux de Dieu,
vaut un millier de Goyim ». Cette phrase, quintessence de l’arrogance, n’est pas
la vaine invention d’un antisémite. Deux ministres du gouvernement Sharon, Uri
Landau et Ivet Lieberman, ont demandé qu’un millier de goyim palestiniens soient
tués pour chaque victime juive. Un extrémiste juif, lors d’une manifestation
pour la reconstruction du Temple Juif sur le Mont du Temple (le 18 novembre
dernier) a appelé chaque Juif à tuer un millier de Goyim palestiniens.
Apparemment, certaines idées des Protocoles ne semblent pas étrangères à
certains Juifs…
Le
regretté penseur israélien Israël Shahak et l’écrivain juif américain Norton
Mezvinsky citent, dans leur ouvrage commun Jewish Fundamentalism in Israël [6]
une pléthore de propos de rabbins qui ne dépareraient pas les Protocoles. « La
différence entre une âme juive et les âmes de non-Juifs est plus grande et plus
profonde que celle qui existe entre l’âme humaine et celle des bestiaux ».
Shahak et Mezvinsky ont montré que la haine des Juifs chauvins n’établit pas de
distinguo entre Palestiniens, Arabes et Goyim en général. En d’autres termes,
tout ce qui a pu arriver aux Palestiniens peut très bien arriver demain à toute
communauté de Gentils qui viendrait à se trouver en travers du chemin des Juifs.
En
fait, si les Protocoles n’avaient aucun lien avec la réalité, ils n’auraient pas
la popularité qui est la leur. Les Juifs sont suffisamment puissants pour rêver
de domination, et certains le font. Apparemment, certaines idées juives ont
trouvé place dans ce texte. D’autres pensées sont attribuées aux Juifs sur la
base du « qui bono » [= « à qui profite le crime ? », ndt].
L’idée sans doute la moins acceptable des Protocoles est la supposition qu’une
conspiration extrêmement ancienne de Juifs a pour but de s’emparer du pouvoir
sur le monde entier. Une opinion philo-sémite extrême dénie aux Juifs leur
capacité à agir ensemble et les présente comme des individus très sur leur
quant-à-soi, qui ne s’unissent que pour prier. Cette opinion n’est pas celle des
Juifs, et elle contredit le sens commun.
Soljénitsine
ne croit pas à l’existence des Sages de Sion, bien que « le rassemblement et la
coordination d’activités juives en vue de leur promotion ait pu amener de
nombreux auteurs (à commencer par Cicéron) à imaginer qu’il puisse exister un
centre unique de commandement qui coordonne leurs offensives. » « Sans un tel
centre mondial, sans conspiration, les Juifs se comprennent entre eux, et ils
sont capables de coordonner leurs actions. »
Les Juifs sont certes parfaitement capables de coordonner leurs actions, mais
je doute que des êtres humains, qu’ils soient juifs ou anglais, russes ou
chinois, soient capable de former des plans à l’échelle mondiale valables durant
plusieurs siècles et sur plusieurs continents. Personne n’a jamais pu prouver
qu’un tel complot existât. Généralement, les « antisémites » (les gens qui
mettent en doute, ou dénient, la bienveillance intrinsèque des Juifs vis-à-vis
de la société des Gentils) plaident en faveur de l’authenticité des Protocoles,
comme le fit Henry Ford. Ce roi de l’automobile a en effet déclaré [7] : « le
seul jugement que je porterai, sur les Protocoles, c’est qu’ils s’appliquent
parfaitement à ce qui est en train de se passer. » En effet, « ils collent point
pour point à la réalité », s’exclama quant à lui, Victor Marsden, traducteur des
Protocoles du russe vers l’anglais…
Toutefois, cela ne prouve en rien qu’un quelconque complot juif existe bien.
Nous pouvons parvenir aux mêmes résultats en écartant radicalement
l’interprétation par le complot, en appliquant le concept d’intérêt propre à la
communauté juive existante, telle qu’elle a été remarquablement décrite par
Shahak-Mezvinsky. Nous allons démontrer que le concept de la Main Cachée ou des
Sages de Sion est superflu et inutile.
La
communauté juive traditionnelle avait une structure de « pyramide renversée »,
d’après l’expression même des théoriciens sionistes : elle comportait beaucoup
de gens aisés, cultivés et dirigeants, et très peu d’ouvriers. Cela ne
surprendra pas, si l’on sait que les sionistes considèrent, artificiellement,
que les Juifs sont divorcés de la société dans laquelle ils vivent. La
« pyramide inversée » des Juifs ne pouvait pas exister sans une pyramide, bien à
l’endroit sur sa base, quant à elle, des Gentils des classes inférieures. Les
Juifs sont en compétition avec les élites indigènes des sociétés des Gentils,
pour l’acquisition du droit à exploiter les travailleurs et les paysans Gentils.
Le modus operandi des deux compétiteurs diffère. Tandis que les élites indigènes
partageaient certaines valeurs avec leurs classes inférieures et garantissaient
généralement une certaine mobilité permettant l’ascension sociale, la communauté
juive avait sa propre structure et ses propres valeurs.
Economiquement,
elle était en faveur de l’exploitation capitaliste ou pré-capitaliste des
indigènes, tandis qu’idéologiquement la communauté déclarait sa loyauté à ses
propres dirigeants, le rejet d’une commune humanité avec les indigènes, un
ethnocentrisme extrême, un sentiment de supériorité raciale et religieuse sur
les indigènes. Il s’agissait d’une communauté marginale, ne contractant aucun
lien, ni de mariage, ni d’amitié, avec les autochtones. En tant que communauté
marginale, les Juifs étaient émancipés des considérations (morales), se perdant
dans la nuit des temps, qui pouvaient être celles des autochtones.
Ainsi, par exemple, la communauté juive d’Ukraine, au dix-septième siècle,
représentait une cohorte de collecteurs d’impôts sur les fermes et de
financiers. Ils extorquaient à chaque autochtone SIX fois plus de taxes et
d’intérêts que ne le faisait leur propriétaire gentil, a écrit un historien juif
ukrainien éminent, Saul Borovoy, dans un ouvrage paru récemment à Jérusalem. Les
communautés juives, au Maghreb, soutenait le pouvoir colonial contre leurs
voisins gentils, etc. Leurs traditions interdisaient toutes relations normales
avec les autochtones.
Supposons maintenant qu’une communauté ainsi faite œuvre dans ses seuls
intérêts égoïstes. Oublions un instant le complot, oublions les Anciens de Sion,
sages ou non. Supposons (ce qui est tout à fait concevable) que le seul but de
la communauté est de promouvoir son propre bien-être. Pour un groupe marginal,
cela signifie élargir autant que faire se peut le fossé qui en sépare les
membres de la population autochtone, tout en minimisant les effets
potentiellement dévastateurs d’un retour de manivelle.
Le
groupe va, naturellement, dans son intérêt propre, soutenir tout mouvement
dirigé contre les élites indigènes, qu’il ait été à l’initiative du roi (comme
le firent les Juifs, avant la Révolution française), ou par les classes
défavorisées en révolte. Ce soutien ne découlera aucunement de l’amour des Juifs
pour la démocratie ou de leur nature révoltée, mais bien de leur désir
d’améliorer leur propre situation. Une situation idéale serait créée par le
massacre ou l’expulsion des élites autochtones, car les membres de la communauté
pourraient s’emparer de leurs situations et de leur pouvoir. C’est effectivement
ce qui s’est passé dans la Russie soviétique et dans la Hongrie soviétique à la
suite de la Première guerre mondiale. Le massacre et l’exil des élites
nationales libérèrent les positions de pouvoir et d’influence, les rendant
accessibles aux Juifs, en compétition pour ces positions sociales.
L’intérêt explique l’engagement des Juifs dans la redoutable Tchéka, service
soviétique de sécurité. Jusqu’en 1937, les Juifs occupèrent les fonctions
dirigeantes dans cet ancêtre du KGB, tandis que des millions de Russes perdaient
la vie ou leur liberté (du fait de leurs agissements). Objectivement, ces
tortionnaires « libéraient » des places – et des appartements - pour leurs
coreligionnaires Juifs. Après le massacre et l’exil des élites russes, les Juifs
étaient prêts pour l’égalité, car le fils d’un rabbin pouvait aisément entrer en
compétition avec un fils d’ouvrier ou de paysan russe, alors qu’il n’aurait sans
doute pas été capable de le faire avec un fils (éduqué) de l’aristocratie russe.
De
la même manière, les Juifs garantirent une égalité limitée aux Palestiniens
jusqu’en 1966, après avoir confisqué jusqu’à 90 % des terres des indigènes et
avoir expulsé plus de 90 % d’entre eux. Aujourd’hui, les colons promettent
d’accorder l’égalité au reste des Palestiniens, après qu’ils en auront expulsé
la majorité encore plus loin. Etant donné le soutien énorme dont jouit Israël,
il n’y a aucune raison de supposer que la manière d’opérer des Juifs en Israël
soit intrinsèquement différente des intentions des Juifs ailleurs dans le monde.
Soljénitsine
écrit : « Les officiers exécutés (durant la Révolution) étaient Russes, comme
étaient Russes les nobles, les prêtres, les moines, les députés - assassinés.
Dans les années 1920, les ingénieurs et les savants d’avant la Révolution furent
exilés ou tués. Ils étaient Russes : des Juifs prirent leur place. Dans le
meilleur Institut Psychiatrique de Moscou, les membres dirigeants furent exilés
ou arrêtés – leurs places furent prises par des Juifs. Des médecins juifs
influents bloquèrent l’avancement de la carrière de chercheurs russes en
sciences médicales. Les meilleure éléments des élites intellectuelles et
artistiques du peuple russe furent assassinés, tandis que les Juifs croissaient
et embellissaient, dans ces années terribles (pour les Russes…) ».
La
nouvelle élite juive ne s’identifia pas totalement à la Russie ; elle poursuivi
une politique propre. Cela eut un effet décisif en 1991, lorsque plus de 50 %
des Juifs (à opposer à à peine 13 % des Russes) soutinrent le coup d’Etat
pro-occidental du Président Boris Eltsine. En 1995, 81 %des Juifs votèrent pour
des partis pro-occidentaux, et seulement 3 % pour les Communistes (à opposer à
46 % des Russes), d’après l’ouvrage d’une sociologue juive, le Dr. Ryvkina, Jews
in Post-Soviet Russia (1996).
Dans une Amérique en expansion constante, les Juifs n’eurent pas besoin de tuer
ou de supplanter les élites autochtones ; ils en devinrent une composante
importante, contrôlant le discours et conquérant une puissance financière
considérable. Ils ne s’identifient toujours pas avec l’Amérique goy : chaque
année, ils forcent le Congrès et l’Administration à envoyer cinq milliards de
dollars à leur rejeton américain, et ils s’efforcent de pousser l’Amérique,
aujourd’hui, à faire leur guerre à l’Irak, à leur place. Ils se retiennent (pour
eux, c’est difficile, mais ils le faut) d’exercer une quelconque discrimination
à l’égard des autres Américains, car s’ils le faisaient, ils risqueraient de ne
pas pouvoir conquérir les 60 % des médias qui ne sont pas encore entre leurs
mains [8].
Les Juifs de France ne s’identifient pas non plus à la France. « Leur
identification à l’Etat d’Israël est extrême ; elle efface leurs liens avec le
pays dans lequel ils vivent », écrit Daniel Ben Simon dans le quotidien
israélien Ha’Aretz. « Cette double loyauté m’a été expliquée sans détour par un
médecin juif de Nice : « Si je dois choisir (un jour) entre Israël et la France,
cela ne fait pas question : je me sens plus proche d’Israël », m’a dit ce
médecin, sans la moindre hésitation. « Né en France, il a été formé en France,
il a étudié la médecine en France ; ses patients sont Français, il parle
français avec sa femme et ses enfants. Mais dans les profondeurs de son cœur, il
ressent une plus grande affinité avec l’Etat juif. » »
En
Palestine, les Juifs n’ont aucune compassion pour les indigènes. Ils roulent
exclusivement sur des routes réservées, ils font leurs études dans des écoles
ségréguées, tandis qu’un Juif consomme dix fois plus d’eau qu’un goy, et
bénéficie de revenus sept fois supérieurs. Ainsi, la séclusion juive demeure un
fait vécu pour la plus grande partie des communautés juives.
Pour leur propre bien-être, les Juifs doivent dissimuler leur position
privilégiée tant en matière de fortune que de pouvoir, par les moyens suivants :
ne
jamais cesser de parler de l’Holocauste afin de lutter contre l’envie des
autres ;
dans une société monoethnique, les Juifs sont le seul corps étranger à se
distinguer et à attirer l’attention, tandis que dans une société
multiculturelle, c’est à peine si on les remarque. C’est pourquoi les Juifs
encouragent l’immigration provenant de pays non-Européens - la présence des
immigrés estompant la marque de l’exclusivisme juif ;
le
Politiquement Correct est un moyen supplémentaire d’interdire tout débat au
sujet de l’influence des Juifs ;
la
lutte contre le christianisme et l’Eglise est dans l’intérêt bien compris d’une
communauté non-chrétienne : si l’Eglise était puissante, les Chrétiens
préfèreraient leur propre élite, l’élite chrétienne ;
la
mondialisation est un développement historique naturel pour un peuple réparti
dans le monde entier (ce qui est le cas des Juifs), pour peu qu’ils n’accordent
une importance qu’extrêmement limitée au mode de vie du pays où ils vivent (ce
qui est aussi le cas des Juifs) ;
l’appauvrissement des indigènes n’est que le revers de la médaille de
l’enrichissement des communautés juives.
En
résumé, une grande partie (pas la totalité, toutefois) des projets prêtés aux
Juifs par les Protocoles sont en effet les idées utiles ou nécessaires pour le
bien-être communautaire des Juifs, sans qu’il soit besoin d’une quelconque haine
extrême à l’encontre des Gentils ni/ou de la supervision d’on ne sait quels
Sages de Sion. Il ne faut pas aller chercher plus loin le succès jamais démenti
des Protocoles. Paradoxalement, c’est l’apartheid israélien qui met ces faits en
lumière. Sans lui, sans cet apartheid israélien voyant, ces faits resteraient
invisibles, pour les communautés humaines qui abritent des Juifs en leur sein.
Notes :
[1] : A Horseless Rider, The Protocols of The Elders of Sion & Imported Biotry,
par Qais S. Saleh, CounterPunch, 13.11.2002
http://www.counterpunch.com/saleh1112.html
plus de détail sur :
http://abcnews.go.com/sections/world/DailyNews/egypt021121_TV.html
[2] :
http://books.guardian.co.uk/review/story/0,12084,775668,00.html
[3] : CIDE HAMETE BENENGELI, pour reprendre l’orthographie de Cervantès.
[4] : Nom de plume de François Rabelais.
[5] : Alexander Solzhenitsyn, Evrei v SSSR i v budushei Rossii, 2001 (en russe).
[6] : Pluto Press, 1999.
[7] : dans une interview publiée dans New York World, 17.02.1921.
[8] : Données fournies par Kevin MacDonald, de l’Université de Californie.
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