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Anges et Démons

par Israël Shamir

4 février 2007

Traduit de l’anglais par Marcel Charbonnier

 

Nous savions déjà que nous ne devions pas « nous prendre pour des dieux ». Le temps est venu, désormais de ne « pas nous comporter (non plus) en démons ».

 

La démonisation de l’ennemi est une invention relativement récente. Au bon vieux temps, les hommes se combattaient, puis ils devenaient de bons amis – après quoi, ils se remettaient sur la tronche, comme les valeureux héros de l’Iliade et comme les preux chevaliers du Roi Arthur. Les guerriers qui combattaient et s’entretuaient boiront à jamais de l’hydromel et livreront bataille contre les mêmes rôts, à la même table, au Valhalla. Certes, ils y a bien, dans l’Ancien Testament, l’histoire de ce Josué, lequel innova le premier tribunal de Nuremberg en tuant cinq rois captifs au nom du Seigneur, car ces rois « haïssaient les juifs et les combattaient » [Josué, 10]. Mais, entre la lointaine époque de Josué et le vingtième siècle, les rois vaincus furent rarement exécutés et les batailles, fussent-elles les plus acharnées, n’avaient pas grand-chose à voir avec la haine. Les guerres idéologiques pour la foi – les Croisades – ne firent pas exception, de ce point de vue, car les guerriers – tant musulmans que chrétiens – n’oublièrent jamais qu’eux-mêmes – et leurs ennemis respectifs – étaient des êtres humains. Don Rodrigue – le Cid – servit tour à tour les rois de Castille et l’Emir de Saragosse ; la païenne Clorinde était une des héroïnes de la Jérusalem Libérée, du Tasse [Torquato Tasso]. Lors de ce célèbre mariage célébré dans le château fort assiégé de Kerak, les Croisés avaient envoyé à Saladin, qui les assiégeait, une part de pièce montée et Saladin, en retour, demanda dans quelle tourelle de la forteresse les jeunes mariés passeraient leur nuit de noce, afin que ses archers dirigeassent leurs catapultes dans une autre direction. Le Prince Igor, de la Russie Kiévienne, attaqua les Kipchaks, une peuplade de la steppe, il fut vaincu et fait prisonnier. Mais il épousa la fille du Khan des Kipchaks, durant sa captivité. Au 19ème siècle, l’Allemand Goethe et le Russe Lermontov admiraient Napoléon, pourtant ennemi de leurs pays respectifs, tandis que, dans une ode de Kipling, Kamal et le fils du colonel s’échangeaient des présents, après avoir échangé des tirs, à Fort Bukloh. 

 

Les choses ont commencé à changer, voici un siècle, avec l’avènement de la démocratie et des mass médias, car il fallait convaincre beaucoup de gens que la guerre du moment était nécessaire et justifiée. La simplification « les bons / les mauvais », chère à Hollywood, a supplanté l’ancienne opposition « ami / ennemi ». Quant à l’ennemi, il devint intrinsèquement et irrémédiablement « mauvais ». Ce fut une très mauvaise nouvelle, car un ennemi peut devenir un ami, mais « un mauvais » ne saurait, en aucun cas, devenir « un bon ». Il faut le tuer et, de fait, tué, il le fut, généralement en plein jour. L’admiration pour l’ennemi devint impossible ; toute guerre devint une guerre entre les Fils de la Lumière et les Fils de l’Obscurité. Dans une guerre de ce type, il n’y a nulle place pour la compassion ; la cruauté à l’encontre des civils devient de rigueur [en français dans le texte, ndt].

 

Une première offensive sérieuse de démonisation de l’ennemi fut lancée par les médias états-uniens afin de pousser une Amérique rétive dans la Première guerre mondiale contre l’Allemagne, car c’était là, en l’occurrence, la récompense promise par Weitzman à son pote britannique Balfour, qui venait de lui refiler la Palestine. Selon les propos mêmes de Benjamin Freedman

[ http://www.israeliwatch.com/2007/02/01/a-jewish-defector-warns-america/ ],

« les sionistes ayant entrevu la possibilité d’obtenir la Palestine, tout changea, à l’instar d’un feu de circulation passant au vert : dans un pays [les Etats-Unis, ndt] où tous les journaux étaient pro-allemands, les Allemands devinrent, soudainement, mauvais ; désormais, ils étaient les méchants. On se mit à les appeler « les Huns ». Ils tiraient sur les infirmières de la Croix-Rouge ; ils coupaient les mains des bébés… »

 

Les Allemands furent accusés de fabriquer du savon à partir de prisonniers de guerre anglais (mais oui : cette histoire de savonnettes made in Nuremberg n’est qu’une resucée de ce vieux bobard), de transpercer des bébés belges à la baïonnette (on nous la rejoua, celle-là, avec ces Irakiens accusés de jeter des bébés irakiens prématurés de leurs couveuses), d’envoyer par le fond un paquebot bondé de passagers (ce paquebot était bourré de munitions, mais cela fut considéré comme une atrocité sans nom – trente ans avant les bombardements de Dresde…). Une affiche datant de la guerre campe l’Allemand archétypal sous les traits d’un gorille affreux enlevant une jeune femme bonde : étonnant précurseur de King Kong !…

 

La démonisation des Allemands n’a fait que croître et embellir dans le courant des années 1930, permettant un boycott des productions allemandes, avec une Palestine sioniste en guise d’issue de secours

[ http://www.marxists.de/middleast/brenner/ch06.htm ]. Après la Seconde guerre mondiale, elle se cristallisa sous la forme d’une nouvelle hiérarchie du Mal, avec Hitler incarnant un nouveau Satan en chair et en os. Depuis lors, les méchants nazis sont apparus plus souvent que les cow-boys dans d’innombrables navets hollywoodiens, et nous vivons, aujourd’hui, dans un monde où une simple référence à Hitler est assimilée au mal absolu.

 

Désormais, pour démoniser quelqu’un, il suffit d’établir une similarité entre ce quelqu’un et Hitler, car : ça marche ! Les Arabes et les musulmans combattent des juifs, DONC : ce sont des nazis, on peut considérer qu’ils incarnent le mal. En 1956, le Premier ministre britannique Mcmillan qualifia Jamal Abd el Nasser de « nouvel Hitler, car il avait nationalisé le Canal de Suez. En 1982, Begin qualifia Yasser Arafat de « nouvel Hitler », il faut dire qu’il avait besoin de justifier son agression contre le Liban et le pilonnage de Beyrouth par ses bombardiers. Staline était « pire qu’Hitler », dans un discours du Président Bush. Aujourd’hui, c’est au tour de l’Iran, dont le président est couramment présenté comme un « nouvel Hitler », et dont le peuple serait composé d’ « islamofascistes ». Ironiquement, les partisans de l’Iran comparent Bush à Hitler, et les Bushistes aux nazis. Cela me rappelle Huey Long, de la Louisiane ; comme on lui demandait si le fascisme était susceptible d’arriver, un jour, en Amérique, il répondit : « Ouaip ; sûr… Seulement, on l’appellera ‘anti-fascisme’ ! »

 

Hollywood a produit quelques films mettant en scène des prêtres exorcisant des démons ; ils pourraient en faire un qui démoniserait un rabbin, en s’inspirant de Shmuley Boteach, l’auteur d’un livre sur la nécessité de haïr le mal, lequel Boteach a écrit : « Ahmadinejad est une abomination internationale ; il peut sans crainte de se tromper se targuer d’être l’homme le plus empli de haine encore vivant ». Les hommes politiques ne furent pas en reste. Ainsi, de Netanyahu : « Hitler se lança tout d’abord dans une guerre mondiale, après quoi, il tenta d’acquérir l’arme nucléaire. L’Iran, quant à lui, est en train d’essayer d’obtenir l’arme nucléaire – pour commencer. » Et Gingrich d’ajouter : « Nous sommes en 1935, et Mahmoud Ahmadinejad est plus que jamais comparable à l’Hitler de cette époque-là. »

 

Les Israéliens deviennent livides de fureur quand on les compare aux nazis. Aussitôt, ils déclarent ouvert un concours illimité de « trouvez la différence » : les nazis portaient des bottes – nous, nous portons des godillots ; les nazis hurlaient en allemand – nous, nous chantons mélodieusement en hébreu ; les nazis étaient contre de merveilleux juifs – nous, nous sommes contre des Arabes bestiaux. Les Israéliens, à n’en pas douter, sont différents des nazis ; et mieux valait être un Français en France sous occupation allemande, qu’un Palestinien en Palestine sous occupation juive. Si on ne trouve nul Céline palestinien, nul Sartre palestinien, nul Gide palestinien pour prendre le parti de l’occupant, c’est bien parce que l’occupation juive est incommensurablement plus terrible.

 

Les Américains ont pour habitude de se considérer comme « les braves gars » par opposition aux « sales types » d’Hitler. Mais, objectivement, on pouvait hésiter, entre les deux camps. Les Américains étaient pas mal, dans le genre bestialité : ils ont brûlé Dresde, ils ont nucléarisé Hiroshima, ils ont fait crever de faim des millions de prisonniers de guerre allemands. Même leur racisme était tout à fait comparable : aux Etats-Unis, une union sexuelle entre un aryen et un Noir était considérée comme un crime, bien des années avant les Lois de Nuremberg, et elle demeura telle de nombreuses années après que les Lois de Nuremberg eussent été abrogées (l’Etat de l’Alabama ne les a supprimées de son code juridique qu’en l’an 2000).

 

Je ne me donnerai même pas la peine d’évoquer le côté soviétique dans cette guerre, car il est désormais parfaitement admis de considérer que Staline équivaut moralement à Hitler, et que les communistes équivalaient, sur le plan moral, aux nazis, bien que cette vue de l’esprit soit fondé sur des statistiques bidonnées datant de la Guerre froide, et que le goulag de Staine n’a, en réalité, jamais eu autant de pensionnaires que les prisons de George Bush. Mais il faut savoir que la démonisation est chose barbare. Seul un homme arrogant et athée peut, dans son ubris, revendiquer une supériorité morale sur un quelconque mortel. C’est la raison pour laquelle la démonisation était restée inconnue, jusqu’au moment où l’Eglise fut marginalisée. Démoniser la chair et le sang, ça n’est pas mieux que l’idolâtrer. Nous avons appris : « Ne te prends pas pour un dieu » ; désormais, le temps est venu d’apprendre : « Ne te prends pas pour un démon » ! Nous sommes bénis avec nos amis, et c’est avec nos ennemis que nous sommes bénis, aussi. Nous ne sommes pas des anges, et nos ennemis ne sont pas des démons !

 

Pour mieux le comprendre, nous pouvons prendre de la graine sur les juifs, qui refusent avec entêtement, mais avec raison, de se démoniser eux-mêmes. Ariel Sharon était un tueur brutal de femmes et d’enfants, qui voulait, disait-on, devenir « l’Hitler des Palestiniens » ; mais le New York Times de Sulzberger a fustigé nos tentatives futiles en vue de le démoniser, il fut très bien reçu par les puissants de ce monde, et il s’est inscrit dans l’Histoire comme une sorte de vieux soldat bien brave, dans le fond. Les juifs n’ont pas permis non plus la démonisation des exécutants juifs de la police secrète de Staline, ni même de gangs de tueurs juifs impitoyables. Non, ils en ont même entretenu le souvenir de tout ce petit monde en les qualifiants d’ « hommes aimant leur maman juive ».

 

Les juifs se gardent bien de tomber dans le piège de la démonisation, car, eux, ils savent : n’importe qui peut être démonisé. Cette leçon est donnée, dans le Talmud, à propos de Job, qui « était parfait et droit, craignait Dieu et avait renoncé au mal ». Et pourtant, les Sages démontrèrent qu’il était un mauvais sujet, juste pour le plaisir de la chose. L’Ecriture dit que Job ne péchait pas par ses lèvres. Les Sages dirent : mais il a péché dans son cœur. Et, comme si cela ne suffisait pas, Job avait dit que « celui qui descend en Enfer n’en reviendra plus jamais » – donc, Job reniait la résurrection des morts, etc., etc.. Ainsi, n’importe qui peut être démonisé, et par conséquent, personne ne doit l’être. De plus, les juifs, avisés, ne démonisaient même pas Satan lui-même. Pourquoi Satan a-t-il incité Dieu contre Job ?, demanda un sage talmudiste, après quoi il répondit : Dieu devint exagérément enthousiaste à l’endroit de Job, et Il en oublia presque d’aimer Abraham. Satan interféra pour les meilleures des raisons, afin de préserver la juste place d’Abraham. « Quand Satan eut entendu cette homélie, il se précipita aux pieds du Sage et les embrassa », dit le Talmud [Baba Bathra 15]. C’était ce qu’il avait de mieux à faire, car Satan n’est pas l’égal de Dieu, et il a un rôle à jouer dans Ses plans.

 

Cette hérésie fallacieuse qu’est la démonisation fut très bien comprise par le politiste catholique allemand Carl Schmitt. On le présente souvent sous les traits d’un homme absolument dépourvu de scrupules ; mais c’est là le résultat d’un malentendu. Pour lui, « la distinction entre ami et ennemi ne saurait se fonder sur la moralité. C’est une question de nous contre eux, et non une question de bien contre le mal. Les deux côtés sont humains, aussi un politicien qui caractériserait « eux » en moralement inférieurs ou en « mauvais » risque fort de tomber victime non seulement de son hubris d’arrogance, mais aussi du blasphème consistant à dénier que Dieu est le créateur de toute chose et de tout un chacun. Le pouvoir du Seigneur s’étend sur toute chose, fût-ce sur nos propres ennemis. Ce serait blasphématoire, de traiter ses ennemis comme des gens infra-humains. Aux yeux de Schmitt, nous sommes tous égaux, du point de vue moral, même si la politique, parfois, rend « nécessaire » de tuer ses propres ennemis, comme le fait dans sa présentation, courte mais précise, du philosophe américain contemporain Newton Garver.

[ http://www.buffaloreport.com/2004/040630,garver.humiliation.html ]

 

Scott Horton [ http://balkin.blogspot.com/2005/11/return-of-carl-schmitt.html ] a tellement mal interprété l’idée développée par Schmitt, qu’on est fondé à se demanda comment on peut se fourvoyer à ce point. Il écrit : « Pour Schmitt, la clé du succès de la guerre menée contre un ennemi de ce type, c’est la démonisation… D’après lui, les normes du droit international concernant les conflits armés ne sont que le reflet des illusions romantiques de l’époque de la chevalerie. « C’est exactement le contraire : Schmidt en tenait pour la Guerre en Uniformes, livrée par deux armées, où les civils sont tenus à l’écart et mis à l’abri. Il était contre toute démonisation, car celle-ci est inacceptable pour tout homme croyant. Horton a conscience que la lecture qu’il fait de Schmitt est défectueuse, car il écrit, à juste titre : « Schmitt exprime dès le départ les réserves morales les plus strictes au sujet de son concept de démonisation. Celle-ci, redoute-t-il, est sujette à « de hautes manipulations politiques », qui « doivent, à tout prix, être évitées. » Il utilise Schmitt pour attaquer John Yoo, un conseiller nommé par Bush, qui suivit Alan Dershowitz dans son autorisation de la torture : au lieu de dénoncer Dershowitz, ce sioniste, il fait appel à Schmitt, qui présente l’avantage de pouvoir être présenté comme un « penseur légalement nazi ». L’objectif (attaquer Yoo) est valable, mais les moyens (consistant à établir un lien avec Schmitt) sont pitoyables.

 

On peut voir dans l’article d’Horton une continuation de la démonisation extrême qui eut cours, en Allemagne, dans les années 1930. Il cite Leo Strauss, « un admirateur de longue date de Carl Schmitt, un spécialiste et un enseignant de ses œuvres », mais il est incapable de voir la grande différence existant entre eux deux. Schmitt avait conscience de l’existence de Dieu, alors que Strauss était tellement athée que son athéisme absolu choqua les sionistes, à Jérusalem, dans les années 1930. De ces deux hommes – Strauss le précurseur des néocons et Schmitt le penseur légal nazi – c’est Schmitt qui en appelait à une attitude humaine envers un ennemi, tandis que Strauss, lui, déshumanisait – absolument tous – les ennemis.

 

Horton écrit : « Carl Schmitt était un homme rationnel, mais il était marqué par une haine de l’Amérique qui frisait l’irrationalité. Il considérait que les déclinaisons américaines du droit international étaient chargées d’hypocrisie, et il voyait dans la pratique américaine, à la fin du dix-neuvième et au début du vingtième siècle, une nouvelle forme – menaçante – d’impérialisme ». Je me demande ce qu’il y a d’irrationnel là-dedans ? Même un homme se situant de notre côté de la barricade (et c’est le cas de Horlton, à l’évidence) ne saurait admettre que le pays qui oppose son veto à toute résolution condamnant Israël, et qui en appelle à la guerre contre l’Iran est tellement hypocrite que Molière devrait réécrire son Tartuffe s’il l’apprenait ? L’attitude de cet Horton est typiquement juive – « Si nous sommes critiqués, c’est (nécessairement) de la haine irrationnelle » - est devenue la marque de fabrique de la pensée américaine, issue de la démonisation de l’ennemi.

 

Il est impossible de ne démoniser qu’une seule personne, et de s’en ternir là : la démonisation d’un individu causera nécessairement d’autres démonisations, dans l’avenir. Les attaques contre les musulmans, les Arabes, les Iraniens, ne sont qu’une conséquence des attaques contre les Allemands, qui les ont précédées. Ainsi, l’éditorialiste juif canadien Mordecai Richler a écrit : « A mes yeux, les Allemands sont une abomination. Je suis heureux que Dresde ait été bombardé, en l’absence de toute justification militaire. Les Russes n’auraient jamais pu maintenir en captivité leurs prisonniers de guerre allemands, ni les maltraiter, assez longtemps, pour mon goût. »

 

Et le lauréat du prix Nobel de la Paix, Elie Wiesel, de surenchérir : « Tout juif, quelque part dans son être, doit séparer une zone de haine – une  haine virile et saine – pour ce que personnifie l’Allemand, et pour ce qui persiste en l’Allemand ». De là, il n’y eut qu’un petit pas à franchir [ http://www.counterpunch.org/dasgupta07292006.html ]

pour en arriver aux positions de Dan Gillerman, ambassadeur d’Israël à l’Onu, qui qualifia le Hezbollah d’ « animaux impitoyables et indiscriminés », ou encore au chef d’état major israélien Rafael Eitan, rudoyant les Palestiniens, en 1982, comme « des cafards drogués dans un bouteille ». Mais désormais, les Allemands suivent eux-mêmes cette ligne d’accusations portées contre leur Führer, et ils se joignent à la condamnation universelle de l’Iran et des Arabes. « Le président Mahmoud Abbas est un nouvel Adolf Hitler en pleine ascension, avec, de plus, la position qui est la sienne sur le programme nucléaire de l’Iran », a déclaré la chancelière allemande Angela Merkel. » [ http://www.archive.gulfnew.com/indepth/irancrisis/more_stories/10016391.html ].

 

De fait, des gens qui ont souffert d’attaques hostiles sont enclins à rejoindre la meute et à être hostiles envers quelqu’un d’autre : ça n’est là qu’une caractéristique humaine, voire même simiesque. Le merveilleux peintre mexicain Miguel Covarrubias mentionne un cas semblable dans son ouvrage immensément divertissant sur Bali. Dans une famille balinaise, un singe dressé, en colère, était grimpé dans un cocotier et balançait des noix de cocos sur tous les passants. Ses propriétaires tentèrent – en vain – de faire redescendre le singe en lui offrant des confiseries. Puis ils finirent par prendre à partie un nain pitoyable – un serviteur – et procédèrent à une mise en scène convaincante, où ils le houspillaient et le battaient. Et là : miracle ! Le singe descendit du cocotier et vint rejoindre les persécuteurs dans cette curée. En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, la bête stupide se retrouvait dans sa cage. Afin de rester libre, d’échapper à la cage, le singe aurait dû se garder comme de la peste de la tentation de se joindre à une attaque autorisée contre quelqu’un d’autre. Apparemment, c’est là une tache bien difficile, même pour des êtres humains…

 

Par conséquent, si nous voulons restaurer la paix dans le monde, nous devons éviter absolument la démonisation, y compris celle du Pôle du Mal, j’ai nommé : Adolf Hitler. D’une manière ou d’une autre, Hitler, je m’en tape totalement. Ni je n’admire, ni je ne démonise, ni je n’aime, ni je ne hais pas plus Napoléon que Genghis Khan. Ces fléaux de l’humanité sont morts, et bien morts. J’ai un faible pour l’Hitler de notre temps : Ahmadinejad ; en revanche, je me tape totalement des Hitlers d’hier, qu’il s’agisse de Saddam Hussein, de Nasser ou de Yasser Arafat. Mon père s’est battu pour Staline, or le Président Bush vient de vous déclarer que Staline était pire qu’Hitler. A mes yeux, cet « Hitler »-là, c’est un nom générique pour désigner un ennemi des juifs, à l’instar d’ « Amalek ».

 

De fait, quiconque a des sentiments aussi tranchés à propos d’Hitler est un païen ; il dénie Dieu et opte pour la chair et le sang, comme Dieu personnel et par conséquent comme démon personnel. C’est là précisément la raison pour laquelle les juifs rigoristes de Neturei Karta ont pu se rendre à la Conférence de Téhéran, tandis que plus d’un athée fut effrayé de s’y rendre par le seul nom de l’Autrichien disparu. La démonisation d’Hitler a causé la déification des juifs, et c’est ainsi que la nouvelle théologie d’un néo-judaïsme à cent pour cent païen fut créée.

 

La création d’un Pôle du Mal anthropique est à l’origine d’un certain nombre d’anomalies, dans le discours public. La démonisation du racisme en est une des conséquences. On peut désapprouver un homme stupide qui se considèrerait appartenir à une lignée meilleure que les autres. Néanmoins, c’est là une sorte de vanité des plus communes, partagée qu’elle est par beaucoup de membres des « castes supérieures », c’est-à-dire d’origine noble, ecclésiastique et juive, en ce qui concerne notre société. La croyance en la supériorité de la race blanche, ou de la lignée anglo-saxonne, n’est qu’une version démocratisée de la vanité de cette caste supérieure (juive), à l’usage de gens qui ne sont ni d’origine noble, ni d’origine juive. Dès lors que ces gens appartenant (est-on priés de supposer) à la caste supérieure renonceront à leur vanité – s’ils y renoncent un jour –, quand ils renonceront à leurs titres et feront un feu de joie du Traité d’Assimilation de Deborah Lipstadt, ils pourront s’occuper de la paille dans l’œil de leur voisin du commun. Mais pas avant ! 

 

Le racisme à la petite semaine n’est pratiquement pas un problème, dans nos sociétés. Ainsi, moi qui suis un Méditerranéen à la peau mate portant moustache, je n’ai jamais eu à souffrir où que ce soit d’un quelconque racisme, en dépit de mes soixante années de vie passée à voyager. Je dois l’avouer : je n’ai jamais essayé d’excéder les indigènes du coin en mettant à plein tube de la musique étrangère, ou en pratiquant des mœurs étranges en public, ou encore en me comportant de manière voyante. En Israël, il y a des amitiés et des inimitiés tribales, en particulier entre différentes tribus juives, et c’est assurément parfaitement détestable. Mais je ne suis pas sûr que cela arrive à la cheville du bon vieux racisme d’antan.

 

Le racisme est tellement peu un problème, que la quête d’un raciste sacrificiel s’est totalement fourvoyée. Le député français Georges Frêche a été exclu de son parti pour avoir dit que l’équipe national française de football ne devrait pas être composée exclusivement de footballeurs noirs. Il a déclaré, publiquement : « neuf des onze joueurs de notre équipe de foot nationale sont noirs. Trois ou quatre joueurs noirs, cela aurait été une proportion normale ». Certes, les Noirs sont très doués pour les sports et la musique, comme les Grecs d’Homère, mais peut-être les indigènes français sont-ils intéressés, eux aussi, et peut-être ont-ils quelque droit à jouer au foot dans leur propre équipe nationale ? Certes, cette affirmation semble déroger à la stricte observance du politiquement correct ; mais elle est assurément frappée au coin du bon sens. 

 

Il faut laisser à ces idées d’égalité la possibilité de s’exprimer, mais non de devenir folles. Les Suédois peuvent certes avoir un pasteur femme de temps à autre, mais le problème, dans ce pays, c’est qu’il n’y a plus un seul pasteur mâle, et qu’il y a très très peu de fidèles dans les temples protestants. De même, si tous les footballeurs étaient noirs, peut-être les indigènes français ne s’intéresseraient tellement peu au foot qu’ils ne regarderaient plus jamais les matchs. Certes, l’équipe nationale française de foot devrait ne pas être totalement (ni même principalement) noire ; et les journalistes en vue, ainsi que les présentateurs de la télévision française ne devraient pas être tous (ni même majoritairement) juifs. Si les socialistes français persistent dans une telle sévérité vis-à-vis de leurs membres, ils ne vont pas tarder à aller rejoindre, en défilant, le derrière à l’air tels des grenouilles, les dinosaures, dans l’oubli ; et le nom de Ségolène Royal n’évoquera rien d’autre que cette femme politique qui aura empêché Le Pen de devancer Sarközy.

 

En Angleterre, la ballerine Simone Clarke a exprimé l’avis que son pays avait assez d’immigrés, et que le processus sans fin consistant à importer des travailleurs devrait se ralentir, voire même cesser tout à fait. Bien, c’est un avis parmi d’autres ; assurément, c’est un avis pertinent, raisonnable, qui ne viole ni le Bill of Rights, ni la Magna Carta, ni aucun des texte qui garantissent, aujourd’hui, la liberté d’expression. Mais des antiracistes cinglés sont allés manifester contre l’engagement de cette ballerine par la troupe du Ballet national. Cette danseuse est quelqu’un de bien, elle n’est absolument pas raciste, d’aucune façon ; non que cela ait tellement d’importance, notez bien. Elle a épousé un danseur étoile chinois ; mais pour des démoniseurs d’Hitler sans dieu et obsessionnels, y compris une opinion aussi modérée que celle-là ne doit en aucun cas être exprimée, et si elle l’est, celui qui l’a exprimé doit être jeté sur la paille : il faut en faire un paria, sans emploi et sans domicile fixe. En tant que communiste, je défends le droit de Simone Clark d’appartenir au British National Party [le parti équivalent du Front National français, en Grande-Bretagne, ndt] et de danser le rôle de Giselle sur la scène de l’Opéra National Britannique. Quant aux protestataires militants, ils devraient commencer par aller manifester contre le fait que Barbara Amiel puisse écrire dans le Daily Telegraph !

 

En Allemagne, ce genre d’antiracistes antinazis se baladent avec des drapeaux israéliens, et ils exigent que les autres manifestants enlèvent leur keffiyéhs, comme un certain Schneider, à Leipzig :

 

« Ce que nous avons, tous, en commun, c’est notre soutien à Israël et le fait que nous luttions contre toute forme d’antisémitisme, de fascisme et de sexisme », dit le directeur du centre, Christian Schneider, âgé de vingt-six ans.

 

Un bon exemple de l’activité pro-israélienne à Leipzig [ex-Allemagne de l’Est, ndt] est cette campagne contre le port du keffiyéh, naguère accessoire indispensable de la garde-robe de tout militant de gauche européen qui se respectait. « Avez-vous un problème avec les juifs, ou bien est-ce simplement que vous avez peur d’attraper un torticolis ? » : tel fut le slogan de la campagne organisée par le centre, voici quelques années. La campagne visait à dissuader des jeunes gens d’arborer ce que le centre percevait comme un symbole d’identification avec les Palestiniens et avec l’antisémitisme », écrivit le quotidien israélien Haaretz.

[ http://www.haaretz.com/hasen/spages/806069.html ]

 

Ces phénomènes loufoques sont le résultat de l’extrême démonisation d’Hitler. Là encore, nous pouvons prendre de la graine chez des juifs, qui expulsent des immigrés par avions entiers, qui luttent contre le mélange et l’assimilation, en prenant grand soin de préciser, à chaque fois : ça n’est pas du racisme ».

[ http://www.jewishtribalreview.org/ethno.htm ]

 

Et pourquoi n’est-ce pas du racisme ? Dans une blague juive, un Rabbin avait été retardé dans un de ses voyages, et il avait remarqué que le shabbat approchait. Aussi se mit-il à prier et un miracle se produisit : ce fut shabbat partout, mais, dans Cadillac du rabbin, cela resta vendredi ! De la même manière, s’opposer (voir même seulement prononcer ce mot) à la mixité ethnique, c’est raciste ; mais, par miracle, ça ne l’est pas, pour peu qu’on soit juif !

[ http://www.slate.com/id/1005219/ ]

 

Le « racisme » – comprendre la préférence donné par un indigène à un autre indigène, au détriment d’un étranger – est un comportement parfaitement normal et normatif. Cette attitude est ordonnée par la Bible, car elle sauvegarde la relation intime entre l’homme et son sol. Dans la prière juive, on demande à Dieu d’accorder la pluie et de repousser les prières d’un étranger qui demanderait la sécheresse. Un certain « racisme » modéré est le meilleur gardien du territoire ; et vous n’avez aucune raison de vous ronger les sangs : cosi fan tutti : tout le monde en use ainsi !

 

Vous allez me dire que le « racisme » n’est pas une vertu, dans le christianisme. Certes ; mais il en va de même de notre rapacité, de notre gloutonnerie, de notre lascivité, de notre envie et de notre vanité. Et pourtant, nous ne voyons jamais d’homme politique se faire exclure, disons, au hasard, d’un quelconque parti socialiste, pour avoir dirigé une rubrique gastronomique dans un journal, pour avoir donné un avis sur les cours de la Bourse, pour avoir marché avec une parade de gay pride, ni pour avoir acheté une bagnole aussi chouette que celle de son voisin. Il y a bien des lois « contre la haine », mais il n’y a pas de loi « anti-vanité » !

 

Quoi qu’on puisse penser des racistes de jadis, ce titre infamant est décerné, de nos jours, à quiconque ne renie pas les racines et l’attachement d’un homme à son territoire et à sa communauté. Une raciste archétypale, de nos jours, disons plutôt une sainte raciste, serait Simone Weil, qui considéraient que le fait d’avoir des racines était une vertu et que le déracinement était un péché [Elle s’opposa véhémentement à la démonisation de l’Allemagne, en France, en 1939 !(  http://www.hermenaut.com/a47.shtml )]. Ainsi, quiconque est favorable à l’immigration commet un péché, car il soutient le déracinement. Par conséquent, on peut débattre de la question de savoir s’il ne vaut pas mieux, pour être bon envers son voisin, cet immigrant potentiel, lui permettre de venir et de rester chez nous ; ou de lui interdire de quitter son pays natal. Il n’existe aucune réponse imparable à cette question, et je dis cela en ma qualité d’immigrant perpétuel. Et si on vous dit que « vous êtes raciste » parce que vous êtes opposé à toute immigration de masse, répondez : « vous êtes le poison du déracinement », comme le faisait Simone Weil.

 

Totalement incapable de « démoniser en retour » les juifs et les Américains, les nationalistes et l’extrême droite ont tendance à démoniser les Russes, les Soviétiques, les Communistes. Ceux-ci n’ont pas tellement de succès, aussi nous n’avons pas à nous fouler la rate. Qu’il nous suffise de rappeler les chiffrages démentiels de « millions de personnes assassinées par Staline, Mao, Pol Pot » ne sont que des vues de l’esprit. Aucun d’entre eux n’a jamais tué autant que l’a fait, et continue à le faire, l’Empire américain. Aucun d’entre eux n’a exilé autant de gens que l’ont fait les Israéliens.

 

Il n’existe pas d’Empire du Mal. Il n’y a que des empires qu’on ne veut pas défier. La Russie soviétique n’était pas un Empire du Mal, et le Communisme n’était pas incarné dans Staline et le Goulag. Sholokhov, Block, Pasternak, Esenin, Mayakovsky et Deineka faisaient leur la Révolution, et ils exprimaient ses idées dans leur art. C’était un terrain pour des expérimentations grandioses – en partie réussies – en matière d’égalité et de fraternité entre les hommes. C’était une tentative courageuse de vaincre l’esprit de Rapacité. Les communistes et leurs camarades de combat ont essayé de libérer le travail, d’amener le Royaume des Cieux sur Terre, d’éliminer la pauvreté et de libérer l’esprit humain. Enfin, n’oublions pas que c’est le communisme qui a fait avancer la social-démocratie en Europe.

 

L’Allemagne n’était pas l’Empire du Mal. De même, l’esprit du traditionalisme organique n’était pas incarné en Hitler, ni dans Auschwitz. Le Traditionalisme a tenté d’établir un paradigme alternatif fondé sur Wagner, Nietzsche et Hegel, d’aller jusqu’aux racines et aux traditions du peuple, du folk. Ce n’est pas un hasard, si les meilleurs écrivains et penseurs européens de l’époque, de Knut Hamsun à Louis Ferdinand Céline, d’Ezra Pound à William Butler, de Yeats à Heidegger, virent un élément positif dans l’approche organiciste du Traditionalisme. Si la Russie et l’Allemagne n’avaient pas été démonisées, il est fort probable que nous n’aurions pas vu ces pays en arriver à de telles extrémités.

 

Nous devons rétablir l’équilibre de l’esprit et du discours, perdu au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, en raison de la victoire par trop complète de la pensée bourgeoise « judéo-américaine ». Tout en condamnant les excès et les crimes de guerre, nous devons reconquérir le royaume de l’esprit, en puisant chez Mayakovsky et Pound. Il n’est pas d’hommes maléfiques ; nous sommes tous créés à l’image de Dieu, et toutes les idées sont nécessaires à la production d’une pensée nouvelle.

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