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Audience du procès fait aux éditions Al Qualam intenté par
la LICRA, 6 septembre 2005
« L’autre visage d’Israël » serait un livre fourmillant
d’incitations à la haine raciale, selon M° Marc Levy.
Le président de la 14° chambre du TGI de Nanterre, M.
Regrolèbe, s’est longuement attardé sur la 4ème de couverture,
« l’effet d’accroche de la maquette », et la préface, les estimant d’une
grande violence, « libérant une charge émotionnelle » pouvant conduire à la
haine les acheteurs éventuels d’un tel livre, disponible par exemple à la
FNAC, où « ce ne sont pas les chercheurs du CNRS » qui viennent remplir leur
caddie. Mentionner la puissance hégémonique des Etats Unis, au niveau
mondial, lui semblait « très fort », tout comme la comparaison de la société
israélienne avec l’apartheid. Et lire que « non , tous les juifs ne sont pas
wonderful », ou qu’ils véhiculent « des forces terrifiantes » ; il trouvait
que cela relevait d’un « discours un peu martial », quoique comprenant que
tout cela était présenté comme un contrepoids à « un propos quasiment
officiel ». Il a ensuite cuisiné l’éditeur, M. Cherifi Alaoui, pour savoir
jusqu’à quel point celui-ci assumait chaque phrase du livre, ce qui avait
bien pu le motiver pour choisir de publier quelque chose d’aussi incongru,
s’il considérait qu’il y avait là une « dramatisation destinée à attirer le
lecteur », un « langage relativement enlevé », un « pessimisme assez noir »,
comme « autrefois on disait les forces du mal » ( ?????!!!!).
L’éditeur a courageusement assumé, assumé, assumé, même
lorsque l’auteur invite à « combattre » les idées de M. Finkelraut, parce
que ce livre « rétablit l’équilibre » des analyses autour du conflit du
Moyen Orient dans un paysage commercial français où ce genre de livres est
rare. Il ne considère pas qu’il y ait incitation à la haine ni à la
violence, tout en sachant que le livre avait fait l’objet d’une édition
antérieure, en France, et avait été retiré de la vente par son éditeur. Le
juge a pris la peine de lire plusieurs paragraphes de la conclusion du livre
« Pour une paix séparée », pour montrer qu’il tenait compte du projet de
l’auteur, visant à la paix entre Israéliens et Palestiniens.
M° Delcroix a invoqué la nullité partielle de l’accusation,
parce qu’au nombre des expressions ou extraits incriminés, il y en avait
pour lesquelles les références de pagination étaient fausses. Puis il a fait
lecture des passages où Shamir fait clairement la différence entre une
« idéologie », un « paradigme », et les individus juifs, le judaïsme
représentant pour I shamir, explicitement, « un choix » personnel. Il a
rappelé qu’en cela, Shamir reconnaissait reprendre la thèse du trotzkyste
juif Isaac Detscher.
M° Levy fait savoir que des poursuites sont engagées contre
Shamir lui-même. Il qualifie le livre d’ « extravagant », d’ « énormité »
qui révèle l’ignorance des lois françaises. Puis il a fait lecture des
passages qu’il interprétait comme une reprise des « Protocoles des Sages de
Sion », un « faux fabriqué par le tsar Alexandre III ». Contrairement à qui
se passe souvent ces derniers temps, il ne s’agit pas d’antisémitisme se
cachant derrière l’antisionisme, mais justement la démarche inverse. C’est
parce que les juifs veulent dominer le monde, ordonnent « tu ne tueras
point » pour signifier que les juifs ont le droit de tuer tout le monde sauf
les juifs, et qu’ils sont rapaces et cupides, qu’il faudrait les combattre,
selon Shamir. L’anecdote de l’Inuit « qui case la bouilloire ‘avant qu’elle
grandisse’ et se transforme en locomotive capable d’écraser les gens » lui
semble un véritable appel à la haine, haine envers une religion, une race,
une ethnie. La jursiprudence de l’affaire Dieudonne concluait que celui-ci
pratique l’injure, non l’incitation à la haine ; avec Shamir, c’est
différent, on a incitation directe et indirecte, par certains récits [ou
balivernes ?], telle que l’histoire de Joseph vendu comme esclave par ses
frères, alors que tout le monde sait que ce sont les Egyptiens qui ont mis
en esclavage les Hébreux, l’histoire d’un évangile brûlé solennellement en
Israel, ou certaines histoires d’assassinats extrajudiciaires. L’histoire
des juifs comparés aux Brahmanes (M° Levy dit les Brahamanes), il n’y
comprend rien, parce qu’il ne connaît rien aux brahamanes [important,
puisque c’est une comparaison formulée par le juif trotzkyste Isaac
Deutscher, simplement reprise par Shamir]. Que Shamir et/ou Delcroix
invoquent Marx ou d’autres autorités, c’est tout simplement « odieux »,
parce que ce qu’ils défendent relève principalement de Hitler. Les dommages
et intérêts et le retrait du livre sont tout simplement un début de
Réparation.
M° Delcroix a repris tous ces points en rappelant que les
Protocoles ne sauraient être imputées à Nicolas III, mais pourraient bien
être l’œuvre d’un romancier français Maurice Joly, auteur de fictions, dont
le Dialogue aux enfers), et peuvent donc être interprétés comme une
sorte de roman d’anticipation, (comme 1984, d’Orwell), dont I Shamir
précise bien qu’il n’impute pas spécifiquement aux juifs le complot. Il a
signalé que Shamir n’a fait que reprendre Soljenitsine, dans son
interprétation des Protocoles. Il a ensuite invoqué trois auteurs juifs,
outre Marx (La question juive), qui développent les trois idées
centrales reprochées à I Shamir : aspiration à la domination mondiale, lien
des juifs à l’argent, recommandation religieuse de la vengeance, et qui ne
font pas l’objet de poursuites. Une citation du Deutéronome 28, 1, 10, 12 et
13), une autre de Edouard Valdman, président de l’Association des écrivains
juifs de langue française, auteur de Le juif et l’argent, pour une
métaphysique de l’argent, ed. Galilée, Paris, 1994, enfin Sergio Quinzio,
sous contrôle rabbinique officiel, qui explique pourquoi il ne faut pas
pardonner, selon le judaïsme, dans Racines hébraïques du monde moderne,
éd. Balland, coll. Metaphora, dirigée par le rabbin Marc-Alain Ouaknin,
Paris 1992, p. 150-151. Ces idées sont répandues au point qu’il s’agit de
« lieux communs. » Et « le seul pays qui avoue qu’il abat les gens sans
jugement » est Israel. Conclusion : lorsqu’on mentionne ces trois
caractéristiques de façon positive, on est encouragé par la Licra, dans le
cas contraire il faudrait condamner ?
La jurisprudence sur l’affaire Houellebecq confirme que dans
la France laïque on a le droit de critiquer les religions. Que l’on
considère les analyses de Shamir comme critiques envers une idéologie ou une
religion n’y change rien, dans la mesure où on a le droit de critiquer le
nazisme, le marxisme etc. L’ « exception de divinité » n’a pas à jouer. La
convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme confirme qu’elle
se veut « profane », et que la liberté de critique est sans rapport avec
l’incitation à la haine de gens pour les « états » dont les gens relèvent,
la nationalité ou d’autres caractéristiques qu’ils ne choisissent pas, qui
leur viennent des hasards de la naissance. M° Delcroix n’a pas hésité à
qualifier I shamir de « saint », qui a des pages « poignantes » sur les
oliviers millénaires arrachés, les paysans dont on rase les maisons, enfin,
il considère qu’on a affaire à un livre « très bon », et qu’il serait
lamentable que la France traite l’éditeur comme l’URSS traitait Soljenitsine.
Il indique que la LICRA veut que s’introduise en France le système des
amendes privées, en demandant 50 000 euros de dommages et intérêts, et le
retrait du livre (peine supplémentaire).
Le procureur ne s’est pas exprimé, et le jugement sera rendu
le 2 novembre prochain.